L'homme invisible
H.G. Wells
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Lutte à mort
« L'homme invisible » a été le troisième roman de science-fiction qu'H.G. Wells a écrit, après « La machine à explorer le temps » et « L'ile du Dr Moreau ». Et là encore, comme dans La Machine, il a mis le doigt sur un vieux rêve de l’humanité : l'invisibilité – et mieux, il l'a comblé. Un rêve que tous les hommes partagent. Combien de fois avons-nous dit ou songé « J'aimerais être une petite souris (ou invisible) pour savoir ce q... », Etre là où on peut voir, entendre, faire tout ce que l'on veut, sans que personne ne le sache. Dès l'antiquité, l'homme en a rêvé, et en cette fin de 19ème siècle, Wells allait arriver à faire presque croire à ses contemporains que les foudroyants progrès de la science que leur époque connaissait, allaient permettre de le réaliser, voire, l'avaient déjà permis à certains génies... C'est que notre auteur, journaliste de vulgarisation scientifique à cette époque, maîtrise assez bien son sujet pour lui faire prendre au maximum les apparences d'une possibilité scientifique réaliste. Il s'appuie sur de vraies recherches, et glisse juste, le petit bémol fictionnel qui leur permettrait d'avoir pour conséquence l'invisibilité. C'est la base de la science-fiction (comme son nom l'indique) et le lecteur n'en demande pas plus. Cela lui suffit pour embarquer dans la grande aventure et suivre Griffin, l'homme invisible.
Ce qui, à mes yeux, fait l’intérêt du livre, en dehors de cette mine de possibilités qu'est l'invisibilité, c'est la psychologie des personnages. Griffin, notre homme invisible, est un cas ! Si Wells s'était contenté de nous montrer, par l’entremise d'un gentil héros, toutes les aventures qu'un homme invisible pouvait connaître, cela aurait encore été amusant, mais son roman aurait été bien inférieur. Loin de là, il s'est choisi un personnage principal dont le moins qu'on puisse dire est qu'il a une forte personnalité, atypique et malcommode, et il l'a laissé l'exprimer. Du coup, la tension est tout de suite très forte, et loin du ronron d'un conte, on se trouve dans une histoire où tout est possible et où l'on se demande toujours jusqu'où cela ira.
C'est vrai que Griffin est peu sympathique, malhonnête, voire criminel... Il a dès le départ, le chic pour se faire détester de tous, même des chiens. C'est qu'il déteste tout le monde, lui aussi. Le monde l'agace, il ne supporte personne et il est blessant avec tous. Mais la société en a tout autant à son égard. Pour ma part, je vois aussi Griffin comme un surdoué caractériel qui a toujours pâti de sa non conformité à la norme et qui maintenant, entend tirer tout le parti possible (jusqu'à la pire mégalomanie) de sa trouvaille. Du moins, au départ. La situation difficile dans laquelle il se trouve lui met les nerfs à vif, ce qui n'arrange pas sa patience. Son état physique n'est pas fameux et se détériore. Evidemment, à un moment, d'excès en excès, il dérape dans la folie... (D'ailleurs, n'en fallait-il pas dès le début pour expérimenter sur lui-même son produit ?) Mais, comme on le verra, là encore, le monde ne lui fera pas de cadeau. Il s'estime au dessus des lois, mais de toute façon, il n’avait plus sa place dans le monde (à part comme bête de foire). Il vole, on le trahit, il tue, on le poursuit comme du gibier... Il y a beaucoup de violence dans ce roman, de pression, d'injustice, d'abus. De part et d'autre. Tout le monde abuse de son pouvoir dès qu'il en a un et la vox populi n'est pas plus tendre que lui. Griffin, s'y prend mal, il ne maîtrise rien. Il a un gros QI, mais un petit QE*, on sait maintenant que c'est un mauvais mélange...
Ceux qui croient que Wells est un auteur pour enfant se trompent lourdement et font preuve d'ignorance.
* Quotient émotionnel