Shit !
de
Jacky Schwartzmann
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Jeune
auteur et scénariste de bandes dessinées et de longs-métrages,
Jacky Schwartzmann publie des romans noirs dotés d'un certain
humour, assez dans l'air du temps (La Daronne, Mamie luger etc.).
Ici
nous avons un jeune conseiller pédagogique qui, suite à une rupture
amoureuse, débarque dans un quartier défavorisé de Besançon. Il
est contraint de se loger dans la cité sensible plus orientée
trafics qu'études et se heurte dès son arrivée au fait que le hall
de son immeuble est gardé par le cerbère des trafiquants qui exige
qu'il lui montre son justificatif de logement à chaque fois (toute
tentative de discussion se soldant par une grosse baffe), et au
second fait que le point de deal de tout le quartier est la porte en
face de son appartement. Il ne connaît rien des us et coutumes de ce
petit monde mais se voit dans l’obligation de vite en découvrir et
accepter les règles. A part cela, au travail, ça se passe assez
bien, il est bien sûr purement décoratif pour une bonne partie des
élèves.
Vous
savez comment c'est, le monde du trafic de drogue est plutôt
dangereux, et voilà qu’un beau soir, les frères Mehmeti,
propriétaires du point de deal, se font descendre et que le hasard
veut que Thibault se retrouve en possession de tout leur stock,
drogue et argent! Que faire ? Le remettre à la police? bien sûr...
en théorie. Mais il y en a pour des millions et Thibault qui se
présente comme une sorte de Robin des Bois des HLM, est entouré de
gens méritants qui auraient bien besoin d'un petit coup de pouce...
Vous
devinez la suite, notre CPE s'approprie le stock puis, une chose en
entraînant une autre, il doit mettre sur pied son propre réseau de
trafic, se sécuriser rapidement puis, comme il y a forcément un
courant aspirant et des envieux dangereux, grossir et s’organiser
toujours mieux. Et ce n'est pas facile quand on débarque et qu’on
n’y connaît rien ni personne. Mais son seul avantage justement est
sans doute que, ne connaissant pas les habitudes en ce domaine, il
doit tout inventer tout seul et surprend ainsi concurrents et
policiers. Mais pour faire du trafic de drogue, ne doit on pas
finalement se retrouver avec une mentalité et un comportement de
trafiquant de déchéance et de mort? Cette lecture nous le dira.
L'ensemble
capte l’intérêt et on ne s'ennuie pas à suivre les aventures de
Thibault, même si, pour ma part, je me suis de plus en plus éloignée
de lui. Mais on a envie de voir ce qui va se passer et comment tout
ça va évoluer. Le ton est plus amusant que dramatique sans que l'on
ait vraiment des scènes comiques, mais si j'avais un conseil à
donner à l'auteur, se serait d'abandonner les portraits à charge
(le concierge alcoolique puis sa voisine, les végétariens qui
peuvent bien manger ce qu'ils veulent, non? les
chauves, etc.). Exemple ;
"Cela
doit faire une bonne dizaine d'années maintenant que les chauves ont
trouvé cette parade: la barbe. Ils en tirent une arrogance, une
assurance de chauves décomplexés. C'est une véritable coming-out
capillaire. Et souvent, ils ont ce sourire qui veut dire : J'ai gagné
la guerre des cheveux, dépassé ce handicap, transcendé la
sacro-sainte coupe de veuches! "
Il
est plus hargneux que drôle et moi, l'agressivité inutile, ce n'est
pas mon truc. Je préfère de loin vivre et laisser vivre. Parfois
aussi, à lire Schwartzmann , on se croirait au zinc du café PMU de
la Poste si ça existait encore. "Nous passons tellement de
temps devant des écrans que la réalité est devenue secondaire,
anecdotique. Nous passons tellement de temps devant des écrans que
nous nous évaporons physiquement. Certains décident qu'ils ne sont
ni un homme, ni une femme, la réalité biologique étant balayée
d'un revers de main." Non mais sérieux? Tu t''entends, là?
Le sujet est peut-être un petit peu complexe pour être évacué
ainsi, non? Et puis derrière tout ça, il y a des gens. Alors, c'est
mon bémol. Bonne histoire, bien menée, avec des choses originales
mais qui serait mieux sans les... disons, "considérations
philosophiques".
978-2253196143