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15 septembre 2022

Tombouctou

de Paul Auster

****


Tombouctou, c'est pas si loin

Quatrième de couverture :

"Dès le premier chapitre de ce roman, on sait qu’est imminente la mort de Willy, le maître de Mr Bones, un chien des rues. Willy erre dans Baltimore à la recherche d’une de ses anciennes institutrices à laquelle, avant de mourir, il voudrait confier son chien et l’œuvre de sa vie. Mais il mourra sans avoir pu assurer l’avenir de ses écrits ni celui de Mr Bones qui se retrouve donc livré à lui-même, privé de celui qui représentait à ses yeux la raison d’être de l’univers et qu’il imagine parti pour Tombouctou, l’au-delà des bienheureux. Les harangues que Willy mourant adresse à son camarade chien, ses monologues, de même que les souvenirs que Mr Bones garde des méditations et fantaisies poétiques de son maître donnent à cette fable romanesque une teinte d’humour et de mélancolie."


Quand j'ai commencé à lire, je croyais avoir compris que ce roman était écrit comme si c'était un chien qui parlait. Ce n'est pas tout à fait exact .« Tombouctou » est un roman écrit à la troisième personne par un narrateur extérieur à l'histoire. Simplement, il voit et comprend tout ce qui se passe par ce qui est supposé être le regard du chien. C'est beaucoup plus subtil, et plus subtil également de parvenir à nous transmettre cette impression de "parler chien" puisque jamais le chien ne parle (malgré un ou deux essais de voix), et que sa pensée n'est pas si souvent exprimée en style direct.

Quoi qu'il en soit, dès qu'on fait parler un animal, certains auront tendance à penser qu'on a affaire à un genre mineur, qu'on bêtifie (d'où le nom sans doute) mais je pense qu'ils ont tort. Faire parler un animal n'est qu'un artifice utilisé pour faire parler les sentiments les plus primaires et donc les plus authentiques. On aborde de cette façon les problèmes de la vie, de la mort, de l'enfance, de l'amour, du travail, de l'argent (?), de tout ce qui ponctue notre existence. Ensuite, on y parvient ou non, l'entreprise est réussie ou non, c'est une autre affaire. Mais au départ, à mon avis, faire parler un animal, tenter de voir par les yeux d'un animal ne doit pas être considéré comme une faiblesse du récit.

En ce qui concerne « Tombouctou », j'estime l'entreprise réussie. J'ai bien aimé ce livre pour l'histoire de ce poète perdu qui meurt sur un trottoir et pour celle de son chien qui après cela, aura l'occasion de nous emmener rencontrer divers spécimens d'humains. Les sentiments règnent en maîtres dans ce récit, même si ce ne sont pas ceux que l'on rencontre le plus souvent dans les romans. Mais, dans les romans, on trouve tout.

9782330126421



04 septembre 2022

 Le carnet rouge

de Paul Auster

**+


Spicilège

Comme on le sait, Paul Auster aime les carnets. Il y note ses idées, ses réflexions, des anecdotes qu’il ne veut pas oublier. 

Il y en a un bleu, un noir et donc, un rouge. Dans ce carnet rouge, Auster note les histoires vraies qui étonnent par les coïncidences et hasards étranges et improbables qui s’y sont manifestés. De ces notes naîtront peut-être un roman ou peut-être se trouveront elles utilisées dans un passage. En tout cas, pour l’instant, sa préoccupation est de ne pas les perdre et de conserver intact leur souvenir d’où les récits abrégés qu’il garde ici.

Une cinquantaine de petites pages, pour treize récits très courts et vrais (c’est ce qu’annonce l’auteur et c’est en effet ce que cela semble être) retenus là en mémoire. On ne peut pas dire que ce sont des nouvelles, d’une part parce que ce sont des récits qui loin d’inclure imagination ou créativité visent au contraire à l’exactitude et la précision. Ils sont brefs, négligeant les détails ils tracent à grands traits la situation. Ce sont des croquis. Ce carnet rouge est un carnet de croquis, de notes. Il n’y a pas eu rédaction. Ces notes ne sont pas rédigées comme le seraient des nouvelles et l’on n’a donc pas le plaisir du style de Paul Auster. L’écriture est minimum. Elles sont un aide mémoire à l’usage d’Auster lui-même.

Ce carnet, dans son caractère privé, pourrait nous donner une image de l’auteur et ce serait sans doute ce qui se passerait si au lieu de plusieurs petits carnets thématiques de couleurs différentes, Auster prenait toutes ses notes dans le même gros carnet. Mais ce n’est pas le cas. Nous avons donc un carnet spécialisé dans les histoires étranges ou extra-ordinaires ce qui, si nous nous y limitons donne l’image d’un auteur ne s’intéressant qu’à ces choses et focalisant son attention sur les bizarreries en négligeant la règle générale. Reconnaissons que ce ne serait pas rendre justice à Paul Auster.

D’autre part, cette collection présente le défaut commun des spicilèges: poussé par le désir de les accroître, le collectionneur accepte des pièces incertaines ou médiocres qui, s’il n’y avait eu ce désir de souligner leur bizarrerie pour les ajouter à l’ensemble, n’auraient pas frappé par leur étrangeté. De même, s’il n’y avait été poussé par son désir de collectionneur, sans doute Auster aurait-il réfléchi davantage à la probable explication de sa dernière histoire. Tout collectionneur est leurré par le désir de se tromper lui-même sur la qualité de ses pièces.

C’est donc une image faussée car orientée sur un seul thème que ce carnet nous donne de son auteur. Non, Auster n’est pas un homme naïf et enclin à la pensée magique. 

Pour cette raison, pour sa brièveté, pour son style minimum, je me demande s’il était bien justifié de publier ces notes. A mon avis non, maintenant, c’est à vous de voir.

978-2742700301

19 mars 2021

 Moon Palace 

de Paul Auster

****+


   Un roman dont le squelette s'articule autour du thème de la lune, qui fascine un peu le héros narrateur. Cela est affiché dès la toute première phrase, puisque c'est là qu'il situe le début de son récit à «l'été où l'homme a pour la première fois posé le pied sur la Lune.» Ce thème de la lune et de son éclat, réapparaîtra tout au long du roman, dans les noms des groupes musicaux, les noms de lieux, les paysages, les morceaux de musique, les lueurs des néons, le titre de ce roman etc. Elle est partout, sans insister, mais avec entêtement. Omniprésente. Témoin de tout. Et l'homme a mis le pied dessus. 

       Loin dessous pourtant, Marco Stanley Fogg essaie de se débrouiller avec le peu de points d'appui dont il dispose. Il n'a jamais connu son père et sa mère est morte quand il avait 11 ans. Il a ensuite organisé sa vie chez son oncle (Victor), célibataire endurci ou marié malchanceux, avec qui il s'entendra fort bien mais qui ne lui laissera à sa mort que quelques caisses de livres. 

       Je me demande si le personnage de ce si cher oncle Victor n'a pas été inspiré à Auster par son vrai oncle, traducteur, qui vivait dans les livres et qui a fait partager très tôt ce plaisir à son neveu. 

       Quoi qu'il en soit, une fois cet oncle mort, le jeune Marco, étudiant, ne possède rien et parviendra à survivre jusqu'à la fin de ses études en vendant peu à peu les livres dont il a hérité. Toutefois, toujours par amour de cet oncle, et par respect pour cet héritage, il ne vendra aucun livre, quel qu'il soit, avant de l'avoir lu. Et il survit ainsi. Il tient à mener ses études à leur terme, non par désir personnel, mais parce qu'il pense que son oncle aurait voulu qu'il le fasse. Des désirs personnels, il n'en a pas. Si bien que, dans le même temps, il n'entreprend rien qui puisse lui permettre de survivre de quelque façon que ce soit à la fin du stock de livres. 

       Ceci est la trame du premier tiers du roman et je n'irai pas beaucoup plus loin dans ma description du récit que je vous laisse découvrir. On a déjà ainsi, les thèmes majeurs du livre qui sont, d'abord, la solitude du héros : il réagit tout le temps en solitaire. Il ne songe pas à s'appuyer sur quelqu'un quand il est en difficulté. Il ne songe pas à demander aide ou même conseil, ni encore simplement à se raconter. La situation devient de plus en plus intenable pour lui, sans qu'il ait même l'idée qu'il pourrait se tourner vers les autres. 

       Et arrivé au terme de ses ressources, littéralement, il fond. Physiquement, la faim lui fait perdre toute graisse, puis ne laisse de lui qu'un squelette ambulant et il fond également en tant qu'individu. Il n'occupe plus de place, n'a plus de rôle social, plus de revenus, plus de logement. Caché dans les buissons de Central Park, il est devenu invisible, il a disparu. 

       Quand, grâce à ses amis, il reprend pied peu à peu, il apparaît comme un homme totalement malléable. Il est prêt à se prêter à ce qu'on voudra faire de lui. C'est cette attitude ouverte, patiente et réceptive qui lui permettra de s'enrichir de la seconde partie de l'ouvrage : sa cohabitation avec un vieil excentrique richissime à l'exécrable caractère, mais qui lui apprendra beaucoup. Ce qui n'aurait pas été possible sans cette étonnante malléabilité qu'il manifeste à ce moment. 

       Le dernier tiers de l’œuvre, s'ouvre à la mort du vieillard sur un troisième volet de l'évolution de Marco Stanley Fogg, dont il n'est pas utile que j'évente le contenu.. 

       Alors que la lune est partout dans ce roman, le hasard lui, n'est nulle part et la conclusion retrouve et regroupe les fils d'Ariane semés un peu partout au fil du vent et du récit, depuis les toutes premières pages. Là encore une idée chère à Paul Auster : le rôle du hasard et des coïncidences. 

       Pour finir, j'ai été assez surprise par l'état d'esprit du héros dans les, disons, vingt dernières pages, que je m'explique mal, mais comme je ne peux pas en discuter ici sous peine de déflorer l’œuvre, vous irez vous faire votre idée vous-même. 


978-2330116903