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30 septembre 2021

 Duluth  

de Gore Vidal

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Duuuuuluth, son univers impitoyaaableu ♫♪

Evidemment, plus personne ne connaît, mais tant pis.

Duluth est une ville du nord des Etats-Unis, dans le Minnesota plus précisément, mais ce n'est pas (du moins pas exactement) d'elle dont nous parlons aujourd'hui, car la  Duluth de ce roman est une version vidalienne de cette ville, qui conservera des caractéristiques de la vraie, mais s'en verra aussi octroyer de nouvelles. Ainsi par exemple, elle borde le Lac Supérieur mais... a également une frontière commune avec le Mexique dont elle recueille une foule d'émigrés clandestins. Ce n'est pas compliqué, il vous suffira de prendre pour argent comptant tout ce que vous dira Gore Vidal, et vous aurez la  Duluth du roman.

Ou du moins l'une d'elle, parce que dans ce roman, « Duluth », c'est aussi le titre d'un feuilleton télévisé à grand succès (Frère inspiré du « Dallas » que nous connaissons) dont on va beaucoup parler, ainsi que la ville fictive où se situe l'action de cette série télé. Ça a l'air compliqué comme ça, mais une fois lancé, vous verrez, on s'en sort très bien. Ce n'est pas si difficile. Il y a une sorte d'évidence là-dedans. Pour reprendre l'exemple de Dallas, je parie que cela n'a jamais gêné personne que la ville de Dallas du feuilleton n'ait pas été exactement semblable à la vraie et que personne n'a confondu cette ville fictive avec la vraie, ni avec le titre du feuilleton.

Eh bien, c'est pareil.

Donc, nous sommes à  Duluth et nous suivons, en 89 brefs chapitres, d'assez nombreux personnages qui y ont une place importante ou modeste. Mais, parce qu'il n'existe somme toute qu'un nombre limité de types de personnages et de situations, on retrouve les mêmes dans les différents plans de récits (feuilletons, réalité, livres...) et il peut arriver qu'ils se souviennent de ce qu'ils ont vécu dans une autre histoire et veuillent intervenir dans un autre niveau, ce qu'ils parviennent parfois à faire. Mais faites confiance à l’auteur, vous ne serez jamais perdu. Pour ce qui est de la « réalité » du roman, il va y avoir l'élection d'un nouveau maire. L'ancien se représente et le chef de la police brigue aussi la place. Tous les coups sont permis et on ne s'en prive pas, on fait même preuve d'une remarquable imagination en la matière. Le plus dépourvu de scrupules a le plus de chances de l'emporter, mais la concurrence est rude. La pègre locale sera mise à contribution (comme si les « bons citoyens » n'étaient pas au même niveau) et pour tout arranger, un OVNI est arrivé (mode de propulsion étrangissime! Vous verrez) et ses occupants pourraient bien devenir les maîtres de la ville... ou être annexés par elle. Vous l'avez compris, tout est en permanence possible, par-delà même toute notion de vraisemblance.

 Il n'en reste pas moins qu'un de ces personnages règne en secret sur tout, seulement connu sous le pseudonyme étonnant du "Mecton". Saurez-vous le démasquer ? (moi, je m'étais trompée)

L'auteur se régale ici dans cette satire de la société américaine moderne et du style lamentable de ces créations (dont certains écrivains ne savent pas lire les mots de plus de 3 lettres). Leur auteur principal, la redoutable Rosemary Klein Kantor est championne du monde toutes catégories en mensonge éhonté, plagiat et écriture débile (que Vidal s'amuse à pasticher par moments) pleine de répétitions, de clichés, de non-sens et déclarations délirantes ("Tout le monde tient pour acquis que le Maire ressortira de l'engin, ou pas." ou "Ils peuvent causer, causer jusqu'à plus soif. Et pendant plusieurs secondes de suite" etc. c'est sans fin, comme dans ces fictions). Les autres personnages du roman sont également originaux, remarquables et saisissants. Avec une mention spéciale pour la policière (Darlène) plus que bien placée aussi dans sa catégorie. Il y a quelques scènes de sexe très crues et très drôles. Tout est débridé à Duluth.

Gore Vidal a voulu montrer combien réalité et fiction étaient inextricablement mêlées dans le monde américain, au point qu'il soit devenu réellement impossible de les séparer. Ils se recoupent toujours. Et il avait parfaitement raison. Un exemple : en 2012,  l'acteur Larry Hagman-J.R. dans la série Dallas, est mort. Peu après, on pouvait lire dans les News :  « La mort de JR sera intégrée au scénario :  Près de trois semaines après le décès de Larry Hagman, le génial interprète de JR dans Dallas, les producteurs de la nouvelle  version de la série feront également mourir le personnage lors du 8ème épisode de la saison 2. » Vidal avait raison, nous arrivons dans un monde où réalité et fiction sont sur le même pied, mêlés, et indiscernables.


Citation : 

"Bellamy parle toujours aux inférieurs comme à des inférieurs. Cela signifie qu'il est très poli dans la façon dont il parle, mais impoli par sa manière de ne pas écouter ce qu'ils disent."

978-2351763247