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02 février 2024


A Dieu vat 

de Jean-Michel Guenassia

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"A Dieu vat" est une expression courante de ces années-là qui voulait dire "Alea jacta est", "Le sort en est jeté", "Allons-y, le reste ne dépend plus de nous" (le "t" étant un maintien de l'expression en son état original ), et les occasions de l'employer ne vont pas manquer dans ce roman captivant.

Le récit que Jean-Michel Guenassia nous fait débute en 1924 quand Irène, jeune serveuse de guinguette tombe amoureuse d'un "Valentino" de pacotille, et nous emmène jusqu'à la fin des années soixante, avec un focus sur l’Algérie qui cesse d'être française et les essais nucléaires ultimes qui ont été commis sur son sol. Personnellement, je ne suis pas fan des regrets, des excuses, des longues "dettes de l'Histoire" qui à mon sens n’arrangent rien, mais je ne le suis pas davantage des omertas, et cette mise à plat de notre accession au rang de puissance nucléaire, m'a beaucoup intéressée.

Les circonstances font que quatre enfants sont élevés ensemble. Ce sont les enfants de deux amies de la haute société: Daniel, fils de Madeleine Jansen et Thomas et Marie, jumeaux, enfants de Jeanne. A eux s'ajoute Arlène, fille d'Irène, modeste couturière mais aussi amie des deux précédentes. Arlène et Daniel ont la particularité d'être nés le même jour. Les quatre enfants grandissent en restant proches et bientôt, à la surprise générale, Arlène révèle avoir des dispositions exceptionnelles en mathématiques. C'est ce qui incitera les familles aisées à la soutenir dans des études que sa mère ne voit pas d'un bon œil. Elle s'acharnera jusqu'à surmonter toutes les injustices sexistes possibles, jusqu'à devenir l'une des première femmes ingénieur atomique de France.

Les quatre enfants, sont des personnages auxquels l'auteur a vraiment bien su donner vie et épaisseur. Les quatre nous captivent. Je pense que pour quasiment tout le monde, Arlène restera la personnage le plus attachant et le plus marquant du fait de sa vie beaucoup plus difficile et de ses mérites réellement exceptionnels. On rage du sexisme qui la bride, et on doit s'avouer qu'il a encore de beaux restes, hélas.

"Après huit ans de présence, je suis la seule de l'équipe du Fort de Châtillon à n'avoir obtenu aucun avancement quand tous mes camarades sont devenus directeurs de départements ou chefs de service. Moi, je suis restée ingénieur, voyant une foule de nouveaux venus me passer devant à chaque promotion, et quand j'ai exprimé ma déception, on m'a fait comprendre que j'étais une râleuse, jamais contente."

Une peinture très vivante de toute une époque, un roman qui nous emporte et qui comble son lecteur, sont les raisons pour lesquelles je le recommande vivement malgré des explications techniques peut-être trop détaillées et trop longues dans le dernier tiers (sans doute, Jean-Michel Guenassia ne voulait-il pas se laisser accuser d'approximation ou de méconnaissance du sujet). Mais globalement, le rythme est préservé et le récit se maintient.

978-2226483935


23 août 2021

Le club des incorrigibles optimistes  

de Jean-Michel Guenassia

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Prix Goncourt des lycéens 2009

Le titre est plus gai que l'histoire

Quatrième de couverture

"Michel Marini avait douze ans en 1959, à l'époque du rock'n'roll et de la guerre d'Algérie. Il était photographe amateur, lecteur compulsif et joueur de baby-foot au Balto de Denfert-Rochereau. Dans l'arrière-salle du bistrot, il a rencontré Igor, Léonid, Sacha, Imré et les autres, qui avaient traversé le Rideau de Fer pour sauver leur peau, abandonnant leurs amours, leur famille, trahissant leurs idéaux et tout ce qu'ils étaient. Ils s'étaient retrouvés à Paris dans ce club d'échecs d'arrière-salle que fréquentaient aussi Kessel et Sartre. Et ils étaient liés par un terrible secret que Michel finirait par découvrir. Cette rencontre bouleversa définitivement la vie du jeune garçon. Parce qu'ils étaient tous d'incorrigibles optimistes. Il manifeste un naturel épatant pour développer une dispute à table, nous faire partager les discussions entre un Russe communiste et un Hongrois antistalinien."

La première réflexion, une fois tournée la dernière page, est que j'ai vraiment passé d'excellentes heures avec ce roman dont les plus de 700 pages ne m'ont jamais paru trop longues. C'est que l'imagination de J-M Guenassia est suffisamment vigoureuse pour les approvisionner toutes de peintures, d'aventures, de réflexions et de découvertes les plus diverses. A travers le récit de toutes ces vies peu paisibles et pleines de drames et de passions, ainsi que de la sienne propre, le jeune héros nous fait découvrir toute l'histoire du 20ème siècle de cette Mitteleuropa qui y fut si agitée. C'est d'une part le monde des Français de métropole et celle des Pieds-Noirs qu'il nous montre, du côté de sa famille. Et du côté du café de lycéens qu'il fréquente (ça se faisait alors, cela ne se fait plus je crois) le monde des émigrés russes (les blancs, les rouges), tchèques, polonais, roumains, hongrois... j'en oublie peut-être, exilés plus ou moins volontaires, pauvres, nostalgiques, et tous jouent aux échecs (ce qui est communément considéré comme un signe d'intelligence). 

Michel pourtant, lui, joue aussi -et mieux- au baby-foot, c'est qu'il va nous présenter de son côté cette génération qui connaîtra tant de bouleversements sociétaux et arrivera bientôt à 1968... Ah ! On revoit le vieux Teppaz, les jukebox, les pions (espèce disparue il me semble et on se demande pourquoi il y a du chahut dans les collèges...) 

Ce roman étonne par la richesses et le nombre des univers mis en place. Il comble le lecteur le plus gourmand.

On aurait pu envisager que J-M Guenassia, pour son second roman, reprenne le personnage de Michel en le faisant vieillir un peu pour nous le présenter justement en 1968, mais cela aurait été très casse-gueule car il aurait dû le situer parmi les clivages politiques de l'époque et s'enliser dans ces sectarismes exacerbés qui n'ont plus de sens aujourd'hui tout en gardant leur pouvoir toxique. Le lecteur de notre 21ème siècle n'aurait pu l'y suivre de bon cœur. Heureusement, le second roman est tout autre, mais on y retrouve notre Europe de l'Est dont l'auteur semble tout connaître .

Citation : Famille

« On ne raconte pas aux enfants ce qui s'est passé avant eux. D'abord ils sont trop petits pour comprendre, ensuite ils sont trop grands pour écouter, puis ils n'ont plus le temps, après c'est trop tard. »

978-2253159643