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16 novembre 2025

Canardo premières enquêtes

de Sokal

*****


978-2203335547

Vous allez me dire qu’en ce moment je fréquente beaucoup le peu recommandable Canardo, et vous aurez raison. C’est pourquoi j’ai pensé qu’il serait temps de mieux me renseigner sur le personnage et quoi de mieux pour ce faire que de découvrir ses débuts ? Rien. (c’était une question rhétorique) et voici donc ses premières enquêtes. Canardo officie dans les basse-cours et autres corps de ferme et c'est un personnage particulièrement peu recommandable, alcoolique, dangereux, vénal… mais cela ne l’empêche pas de gagner sa vie en résolvant (ou pas) quelques mystères dans un monde d’animaux anthropomorphes particulièrement glauque et violent.


Pour ses loisirs, il fréquente les bouges et c’est là qu’il rencontrera une certaine grue cendrée aux charmes de laquelle il ne restera pas indifférent… (c'est peu dire) et que nous retrouverons quelques albums plus tard dans "La marque de Raspoutine".



Il sera aussi confronté à un dangereux gang de rats. Donc, accrochez-vous, Canardo a commencé très fort. Dans cet album il a connu une passion amoureuse, il est passé devant les juges, il a tué plusieurs "personnes", il a lui-même "encaissé" plusieurs balles. Il s’est même marié et rangé des voitures, et puis aussi suicidé, non ?



Sacré Canardo ! Il nous avait déjà tout fait dès ces premières enquêtes, qu’a-t-il bien pu mettre dans tous les albums suivants ???

(Nouvelle question rhétorique)

Bref, c’est noir de chez noir, ambiance "Le chien debout", mais très nerveux, sans filtre, et ça part dans tous les sens. Le graphisme est déjà sublimissime. Quel maître, ce Sokal !

08 novembre 2025

Aristote

de Tassos Apostolidis

Dessins : Alecos Papadatos

*****


978-2505082965

Voilà une excellente manière de vous cultiver sans vous ennuyer et, si vous avez des ados, de les cultiver sans les ennuyer. Autant il m’est arrivé de me plaindre du manque de précision de certaines biographies en bande dessinée, autant ce ne sera pas le cas ici. Au contraire ! C'est parfait. Il faut dire que nous en avons tout de même pour 216 pages et que le texte a été rédigé par quelqu'un qui maîtrise tout à fait le sujet.

Les auteurs se sont intéressés et nous ont intéressés à tout ce qui a fait la vie d'Aristote, histoire, œuvres et vie de famille inclus. Nous suivons donc ici le philosophe, depuis son arrivée comme élève dans l'école de Platon auprès de qui il va rester vingt ans, jusqu'à sa mort, en passant par sa rencontre avec Alexandre le Grand dont il sera le précepteur, la création de sa propre école. Dès son jeune âge, il se fait remarquer par son insatiable appétit de savoir à une époque où les mêmes savants étudiaient aussi bien et en même temps, la physique, la géographie, la biologie, l'anatomie ou la botanique que la philosophie.



Aristote était un pragmatique. Pour lui, la connaissance naît de l'observation qui permettra des remarques sur lesquelles s'appuieront les théories. Ainsi Aristote ne se cantonne-t-il pas aux grandes idées, il sait que la pratique compte et quand il va créer son lycée, il s'intéressera non seulement au contenu de son enseignement mais aussi à la façon dont il le transmettra et la façon dont son lycée fonctionnera.

Fidèle à sa méthode, c'est sur cette base vécue qu'il élaborera ses théories pédagogiques et même ses conseils politiques pour un système d'enseignements ouvert à tous ceux qui désirent apprendre.

L'ouvrage est par ailleurs éclairé de cartes géographiques simplifiées mais claires, permettant de comprendre un peu les tenants et aboutissants des luttes entre Athéniens, Macédoniens, Perses etc. qui ont constamment modelé la vie du savant.

Le dessin, en pages bicolores, est vivant et expressif et non dénué de pointes d'humour qui allègent le cours que nous prenons dans ce livre. Ils montrent aussi, à l'arrière plan, la façon de vivre et les objets du quotidien de cette époque.

Ouvrage hautement recommandable !

Pour résumer :

25 octobre 2025

Dali

Texte de Julie Birmant

Dessins de Clément Oubrerie

***

978-2205202762 & 978-2205206210


Tome 1 - Avant Gala

J'avais emprunté cette bande dessinée parce que sachant peu de choses de la biographie de Salvador Dali, j'espérais en sortir moins ignorante. De ce point de vue, j'ai été déçue par ce premier volume qui ne dépasse pas ce que tout le monde sait sur Dali . On n'aura pas de détails supplémentaires. Par exemple : le déjà excentrique Salvador débarque de Figueras à l'école des Beaux Arts de Madrid où il ne connaît personne et d'entrée de jeu, rencontre une bande de trois amis qui se trouvent être Bunuel, Pepín Bello et Federico García Lorca qui l’intègrent immédiatement à leur petit groupe. Bon. C'est bien réducteur mais admettons. Ensuite, peu de choses précises. A chaque fois qu'une précision serait utile, on glisse dans le fantasme, ce qui peut se comprendre avec Dali mais moins avec une biographie. On sent néanmoins que, s'il leur cède volontiers, l'original artiste ne maîtrise pas non plus forcément ses extravagances. Bref, la période madrilène et estudiantine s’achève et nous voilà partis pour Paris, mais ce sera pour le tome 2.


Tome 2 - Gala

Dans le tome 2, Salvador est un jeune adulte, son originalité revendiquée ne parvient plus à cacher totalement les déséquilibres mentaux. Un psychiatre saurait sûrement mettre une étiquette sur leurs différentes manifestations mais ce n'est pas mon cas. En tout cas, Un chien Andalou est écrit, tourné et présenté. Dali rencontre les Surréalistes et a sa première exposition à Paris. Il est toujours puceau et s'il voit du sexe partout et aime choquer avec ses mots et ses représentations, il cache en réalité une vraie panique face aux femmes et une impuissance presque complète. Ce tome deux est un peu moins avare en renseignements biographiques mais sans atteindre à une grande précision. Par exemple, dans le cas de sa première expo, aucune précision sur les œuvres exposées. Pas davantage sur ce qu'il peint à ce moment-là. Idem pour le reste de sa vie. On dirait que Salvador a bien réussi à brouiller les pistes et à se cacher derrière ses mises en scène. Il gambade, saute sur le devant de la scène puis, toujours prêt à s'enfuir, il disparaît. Pusillanime et velléitaire, il n'assume rien. On le croit ici, il est ailleurs. Ajoutez à cela hallucinations et "faux souvenirs"... Mais moi, ce qui m'aurait intéressée, c'est Dali-Peintre et là... pas grand chose.

Je n'ai pas grand reproche à faire au dessin, il y a même des moments où il m'a plu. L'interprétation de Clément Oubrerie a des qualités indéniables. Je salue le travail.

Comme ce tome deux ne va pas plus loin que le laborieux dépucelage du héros (merci Gala), il est très possible que vienne un tome 3, mais très possible aussi que je ne le lise pas. On verra. Mais j'aimerais quand même en apprendre un peu plus sur la genèse de ses œuvres les plus marquantes...


16 octobre 2025

Les Fauves

Scénario d’ Aurelle Gaillard

Dessin de Francesca Marinelli

****


9782344062135


Quatrième de couverture :

"Aïdée, Pénélope et Zora habitent en colocation. Un jour, Aïdée se heurte aux propos machistes de son prof des Beaux-Arts. Elle se confie à Pénélope et Zora. Les jeunes femmes refusent de laisser passer cet incident… Elles taguent leur première vulve chez le professeur. Galvanisées par cette expérience, Aïdée, Pénélope et Zora savent désormais comment réagir face aux comportements machistes. Peu à peu, les vulves fleurissent là où la violence de genre frappe une femme, une sœur, une voisine… "

Comme souvent, une quatrième de couverture qui en dit bien trop sur une histoire que vous préféreriez découvrir comme l’auteur a choisi de vous la raconter, aussi ai-je préféré n’en citer que les premières lignes. J’avais repéré cette BD sortie début 2025 sur un blog ami, mais lequel ?? Je n’arrive pas à le retrouver malgré mes recherches. Si c’est le vôtre, dites-le, nous échangerons nos liens.

C’est l’histoire de trois jeunes femmes, colocataires, qui se heurtent au machisme. Zora est serveuse dans un bar, Pénélope, activiste de toutes les bonnes causes, travaille dans un centre social et Aïdée, élève aux Beaux Arts, subit la ségrégation d’un vieux barbon qui est sûr que les femmes ne peuvent être des artistes. Bref, un soir de trop plein de brimades, elles décident de se défouler sur le mur dudit barbon et cela leur fait beaucoup de bien. Un peu trop même peut-être, car elles y prennent goût et se mettent à taguer de plus en plus, avec moins de discernement et en augmentant inconsidérément la prise de risque. Ce qui devait arriver arrive et tout cela finit par mal tourner. Très mal, même. Comment nos trois aventurières vont-elles se sortir de ce mauvais pas ?


BD très colorée, au dessin plaisant et enlevé qui aborde frontalement plein de problèmes et les met en action. Les filles ne sont pas au-dessus de toute critique (et tant mieux) mais elles luttent et elles se battent bien. Une aventure qui captive et qui montre bien des facettes d’un problème toujours d’actualité et qu’il n’est pas toujours bien vu de dénoncer (paraît qu'on abuse): le machisme, qui est toujours là pourtant, malgré les progrès qui ont été faits.

A lire.

07 octobre 2025


Palmer dans le rouge

Une enquête en bord de Médoc

Scénario : René Pétillon

Dessin : Manu Larcenet

*****

9782205214871

On pensait (et moi la première) que la brillante carrière du fameux détective Jack Palmer avait pris fin en 2013 avec «Palmer en Bretagne», son créateur René Pétillon étant décédé, mais son éditeur lui offre aujourd’hui l’occasion de venir pour un rappel. Grâce à un scenario que Pétillon avait pratiquement terminé, une dernière BD pouvait naître. Mais qui oserait se lancer dans cette aventure? «Grand admirateur du travail de Pétillon, Manu Larcenet a accepté avec enthousiasme de la dessiner avec son propre style.»

Même en retrouvant Palmer, s’il y a quelqu’un que je pensais par contre ne jamais revoir, c’est bien Ange Leoni, que notre détective avait si longuement cherché dans «l’Enquête corse», et pourtant, le revoilà ici dans le Médoc (Mais «limite de Bordelais»!) chez sa cousine et son mari, viticulteurs, producteurs d’un vin qui ne fait pas l’admiration de tous. Mais là n’est pas le problème. Le problème est qu’à la veille d’épouser l’héritier d’un grand vignoble californien, Bénédicte, la fille, a disparu en laissant une lettre indiquant qu’elle ne désirait plus se marier. Cependant, ses parents refusent d’y croire et engagent notre héros pour la retrouver. Or, lors de son enquête, notre brillant détective, n’hésitant pas à payer de sa personne dans les différents chais et foires vinicoles, découvre que la demoiselle venait aussi de démasquer un vin trafiqué.


Alors ? S’était-elle mise en danger ? Fugue volontaire ou disparition inquiétante ? Les parents, le fiancé américain, Palmer et tonton Leoni se mettent en chasse. Ce qui n’ira pas sans quelques accidents (Palmer n’est pas le roi du volant)


ni sans quelques actions violentes, sans parler des passages plus ou moins prolongés au commissariat.

J’appréhendais un peu, comme c’est sans doute toujours le cas quand on se risque à la reprise d’un héros légendaire. Surtout que pour tout dire, je n’adore pas la couverture qui baigne dans le gros rouge, mais bon, elle se justifie. Par contre, je faisais d’emblée assez confiance à Larcenet pour nous faire du bon travail et je n’avais pas tort. Sans chercher à imiter le style Pétillon, il ne l’a pourtant jamais trahi et a remarquablement su redonner vie au digne héritier de Philip Marlowe pour cette «Étude en (gros) rouge».

Et bravo pour le beau jeu de mot final !

*👀Violette l'a lu


28 septembre 2025


La marque de Raspoutine

Sokal

*****


978-2203335066

Deuxième vraie aventure de Canardo qui se cale enfin bien fermement dans son personnage de détective dur à cuire, violent, cynique, mais ayant une éthique. Il est beaucoup moins déjeté que dans sa première aventure avec le chien debout où il errait un peu, mais ça y est, voilà, nous avons notre Canardo. Qui est, comme Jack Palmer, une variation sur le thème du "Privé". Il a d’ailleurs un peu le même imperméable, mais le sien n’est jamais fermé. Il a dû remarquer que ça n’avantageait pas les petits ventres ronds, ce que Palmer n’a toujours pas vu, ou alors, il s’en fiche.

Un énorme chat sauvage de Sibérie, Raspoutine, est devenu une espèce de boyard, seigneur incontesté d’une bande de mercenaires sans scrupules. Il règne en despote absolu et manifeste un goût marqué pour la cruauté.

Il est vaguement secondé par une cigogne qui se la joue diva russe et un autre volatile (perroquet ?) qui lui sert de médecin. Ce sont les seuls qu’il tolère, mais en fait, il n’écoute personne et n’en fait qu’à sa tête pour le plus grand malheur des populations sur lesquelles s’étend son pouvoir.

Ce tyran cache pourtant une profonde blessure secrète : il n’a pas de descendant. Il en a eu autrefois après s’être introduit dans un prestigieux élevage de chats Bleus russes, mais l’éleveur les a tous tués, les considérant comme des bâtards sans valeur. Il ne s’est jamais remis de cette perte, d’autant qu’il n’a plus eu ensuite de chatons. Il se sent vieillir et vit de plus en plus mal la situation. Aussi, quand il apprend inopinément qu’il y a eu une survivante parmi ses descendants bleus, il n’a plus qu’une idée en tête, la retrouver, la faire venir près de lui et lui transmettre un jour son royaume. Tout ce qu’il sait d’elle, c’est qu’elle se trouve en Europe.

Or, c’est à Paris qu’elle se trouve. Elle est magnifique, bleue, avec sur le front les rayures de son père, la marque de Raspoutine. Elle chante dans un cabaret et il se trouve que dans ce cabaret, Canardo a ses habitudes. C’est ainsi qu’il se trouve sur place quand elle est victime d’une tentative d’assassinat et qu’il intervient, fort heureusement aidé par un intervenant inattendu…

Excellent volume que ce numéro 2 ! Vraiment, un de mes préférés. Flamboyant, mortel, plein de dangers et de rebondissements, il s’appuie sur des personnages hors du commun, excessifs à la russe, tout particulièrement réussis. Le dessin, mais là, c’est comme toujours, est remarquable. Oui vraiment ! 5 étoiles sans hésiter une seconde pour cette Marque de Raspoutine. Adeptes du Canardo, si vous ne l’avez pas, il vous le faut.

Je découvre par la même occasion que la série Canardo comprend 25 tomes et que je ne les ai pas tous. Le dernier tome de la série (Un con en hiver) est paru en 2018.

25 septembre 2025

Le chien debout 

de Sokal

*****

9782203335035

Canardo n’a pas eu des débuts faciles. Faut pas croire. Ce « chien debout » est le tome 1 de la longue série des aventures dangereuses de L’inspecteur Canardo. Inspecteur, il ne l’a d’ailleurs été que dans le tome 0, édité chez Pepperland et que je n’ai malheureusement pas encore lu. Dans ce tome 1, Canardo n’est même pas le personnage principal, bien que son intervention ponctuelle soit déterminante.

Le personnage principal, c’est Fernand, ce chien qui marche sur deux pattes et porte un vieux manteau à capuche. Tel que nous le découvrons, Fernand, clochard alcoolique, revient au pays voir s’il n’y retrouverait pas celle dont il est toujours amoureux, la belle Gilberte. Mais les choses vont mal au pays. Le chien du douanier fait sa loi avec sa bande de sous-fifres et prospère, tandis que de nombreux cabots disparaissent. La violence et la crainte règnent pour un danger qu’on n’ose même pas évoquer. Que se passe-t-il ? Fernand, qui ne cherche pourtant rien d’autre que Gilberte, ne va pas tarder à le découvrir.

Faut savoir qu’on évolue dans un monde où on s’entre-tue facilement. D’entrée de jeu, cette série commence avec un Canardo coriace qui se soucie fort peu de la loi, un univers très très noir, un monde féroce, sans illusion et un poil d'ironie douloureuse dans le récit. Tout ce qui nous a fait aimer ce volatile, quoi, et pour cet épisode, un savant fou, des expériences atroces, des junkies, beaucoup de victimes etc. Canardo commençait noir de chez noir. Un poil trop même, mais bon… c’est de la fiction. Les canards ne se promènent pas vraiment armés jusqu’au bec.

11 septembre 2025

Journal inquiet d’Istanbul T2

de Ersin Karabulut

*****

  
9782205210996

Quatrième de couverture :

"L'histoire vraie d'un dessinateur de presse et du journal satirique le plus célèbre de son pays, en lutte contre le régime autoritaire turc."

J’avais beaucoup aimé et j’avais été très intéressée par le tome 1 du «Journal inquiet d’Istanbul» de Ersin Karabulut, donc, quand j’ai vu que le tome 2 était sorti et qu’il se trouvait déjà à la bibliothèque, je me suis empressée de l’emprunter. Ensuite, je me suis aperçue que j’avais trop oublié le tome 1 (deux ans, déjà) pour reprendre dans de bonnes conditions, alors vite, retour à la bibli et réemprunt du tome 1 qui par chance, était disponible. Je vous raconte ça pour que vous pensiez à emprunter les deux si vous vous trouvez dans la même situation.

Nous retrouvons donc Ersin Karabulut qui démarre à Istanbul sa carrière de dessinateur politique. Il faut savoir que les fanzines satiriques sont nombreux là-bas et très lus. Ses parents désapprouvent depuis toujours son choix de carrière car ils voient monter l’intégrisme et savent eux, de quoi ces gens sont capables. Mais, depuis qu’il est enfant, rien ne peut faire dévier Ersin de sa trajectoire. Peu à peu sa carrière se développe et il monte même son propre journal avec des amis même si ce n’est pas simple. Parallèlement, celle de Erdogan se développe aussi. Les promesses démocratiques ne lui ont pas coûté cher et ne pèseront pas plus dans l’évolution du pays. Partout, insidieusement, les choses changent. Les barbus se multiplient et jouent tout à l’intimidation, dans le non-dit bien réel et pesant tout de même. La société change en Turquie, même à Istanbul. On voit le pourrissement sournois de la situation malgré les tentatives de résistance de la part la plus évoluée de la société. Les manifestations de plus en plus brutalement réprimées ne pourront rien. 


On voit Ersin Karabulut qui s’exprime dans son journal, de plus en plus obligé de choisir son camp et donc, de plus en plus en danger. Sa vie, comme celle des autres Turcs et particulièrement les intellectuels ou les femmes, est impactée par l’emprise croissante d’Erdogan sur le pays. Les procès sous divers prétextes commencent leur travail de sape...

Ce tome 2 nous montre un pays qui bascule lentement dans le totalitarisme religieux tout en proclamant le contraire. L’auteur m’est très sympathique. C’est un humaniste et un rêveur mais qui va jusqu’à inventer et proposer des solutions (naïves et douces).

Il faut que tout le monde comprenne comment ces choses-là arrivent et se font. Personne n’est à l’abri. Ce sont des albums que j’offrirai. Je me précipiterai sur le tome trois dès qu’il paraîtra, et je souhaite à Karabulut de retomber toujours sur ses pieds, comme les chats qu’il semble aimer.

02 septembre 2025

Ce qu'il faut de terre à l'homme

de Léon Tolstoï - Dessins de Martin Veyron

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9782205072471

Rien de tel que la BD et un bon roman graphique bien fidèle pour faire aimer les classiques et les (parfois arides) auteurs russes à tout le monde ! Martin Veyron l’a prouvé avec cette fidèle adaptation de la nouvelle éponyme de Léon Tolstoï. Cette bande dessinée n’est pas récente mais elle n’en reste pas moins hautement recommandable. Il n’y a pas que les nouveautés dans la vie.

Un pauvre paysan vit une vie très modeste mais néanmoins plutôt heureuse avec femme et enfant en exploitant ses quelques terres, d’autant qu’ainsi que tous les autres villageois, il arrondit ses revenus en volant allègrement sur les terres de la barine. Celle-ci, vieillissante, ne s’en occupe plus guère et c’est son fils qui surveille un peu, mais il ne réside pas sur place. Il finit cependant par s’apercevoir des vols et décide d’installer un régisseur sévère pour y mettre fin. La vie devient plus difficile pour les paysans qui envisagent même une réponse radicale au régisseur. Mais pire encore, la barine vieillissant toujours, décide de vendre pour aller vivre à la ville pour plus de confort, de compagnie et de distractions. Le régisseur se porte immédiatement acquéreur. Ça va être un vrai enfer pour les villageois. Ils décident donc de se réunir pour acheter eux-mêmes les terres de la barine…

De fil en aiguille, notre paysan qui a un beau-frère négociant citadin qui lui conseille d’être plus ambitieux et de tenter de s’agrandir plutôt que de se contenter de ce qu’il a, se lance dans ce qu’on pourrait appeler maintenant une politique expansionniste, bien que sa femme ne semble pas enthousiasmée par ces changements. Nous allons le voir se donner à fond et déployer vraiment un courage et une ardeur au travail illimités pour devenir toujours plus riche.

Rendons hommage à Martin Veyron qui a parfaitement su illustrer ce récit et en a fait un album vraiment captivant. On passe un excellent moment avec ce conte moral dont la conclusion peut convaincre ou non. Pour ma part, je rejoins plutôt l’idée bouddhique selon laquelle l’homme est un arc, trop tendu, il casse, mais pas assez, la flèche tombe à tes pieds… Tashi Delek !


24 août 2025

Le sourire de Rose

de Sacha Goerg

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978-2203088030


Enfin une BD claire, j'ai apprécié. Dessin nerveux et expressif qui ne boude pas ses couleurs. Belle aquarelle. Sacha Goerg a sa patte, on reconnaît ses dessins dès qu'on les voit. Des dessins incisifs, une mise en scène très vivante. Donc, de ce côté-là, aucun problème. C'est avec l'histoire que j'ai eu du mal.

Non, on n'a pas raison de voler quelque chose à quelqu'un juste parce qu'on en a envie et que ce quelqu'un est antipathique. Si on l'a fait dans un moment d'égarement, il faut le rendre, pas acharner au point qu'il finisse par y avoir mort d'homme. Ça dégénère vraiment ! Évidemment, l'antipathique victime du vol a tort de passer lui aussi aux grands moyens, mais cela n'efface pas votre responsabilité initiale. Ça en valait vraiment la peine ? Ce type n’aurait jamais dû mourir.

Et, deuxième point, non, on ne peut pas laisser des heures un jeune enfant seul dans une maison, même si on a "absolument besoin de partir". Pensez-vous qu'il n'arrive rien aux enfants quand les adultes qui en sont responsables ont "absolument besoin de partir"? Non. La vie, ce n'est pas comme ça. Faut grandir un peu.

Donc, pas pu m'attacher beaucoup à la "charmante" Rose, héroïne irresponsable de cette aventure et pas emballée en conséquence par la happy end, puisque j'avais passé tout l'album à vivement conseiller au héros de laisser tomber vite fait. Quand la première chose que fait quelqu'un que tu viens de rencontrer, c'est de te voler, à toi aussi ce que tu as de plus précieux. Arrête tout de suite! C'est pourtant simple comme règle, sinon ensuite viennent mensonges, autres vols et bien pire encore. Bref, plein d'aventures mais au point de vue de la gestion de sa vie sentimentales, Desmond n'est vraiment pas bon.

Bref, pas aimé cette histoire. Je sais qu’il ne faut pas tout prendre trop au sérieux, mais il ne faut pas que tout soit inacceptable non plus. Mais en tout cas, comme vous le voyez, j'ai marché à fond et j’ai pris fait et cause, signe qu'elle était bien menée et, je le répète, beaucoup apprécié les aquarelles et le graphisme.

10 août 2025

1984

Roman graphique

de George Orwell (Auteur), Fido Nesti (Illustrations)

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9782246825760


« atmosphère envoûtante et le dessin aux teintes fantastiques de l’illustrateur brésilien Fido Nesti »  nous annonce l’éditeur qui n’hésite pas à ajouter « Il s'agit d’un des événements éditoriaux les plus importants de l’année à travers le monde. » On est modeste ou on ne l’est pas, mais ça a failli me faire passer à coté de cet album.

Je lis « 1984 » depuis mon adolescence, autant dire que ça date un peu. J’ai dû le lire intégralement trois ou quatre fois et y repenser des millions de fois. A chaque fois que je le lis, j’admire à nouveau la clairvoyance d’Orwell. Il avait déjà tout vu. On s’aperçoit aujourd’hui que notre monde a légèrement dévié de la trajectoire qu’il prédisait, ayant jugé plus facile et efficace de réduire les gens au confort du cocooning qu’à la misère maximale. Mais le résultat est le même et surtout, les moyens d’y arriver et de s’y maintenir. Bref, j’ai eu envie de relire encore une fois ce chef d’œuvre, et en même temps, de voir comment un dessinateur avait pu se tirer de cette gageure.

Au début, j’ai eu de mal à accepter le dessin. Les teintes de rouge et grisaille brune, sont tristes mais correspondent au récit. Par contre, je trouve que c’est souvent beaucoup trop sombre, au point d’être parfois peu lisible. C’est un défaut que je constate de plus en plus souvent. Je sais que ma vue baisse, mais je crois aussi que le dessin numérique a facilement ce défaut.


Le deuxième défaut constaté, c’est qu’à chaque fois que du texte anglais se trouvait dans le dessin, il n’avait pas été traduit, et cela concernait parfois des choses importantes qu’il fallait que le lecteur saisisse.


Et puis, voilà, rassurez-vous, mes reproches s’arrêtent là car, une fois le livre terminé, je me suis aperçue que je m’étais habituée au graphisme et aux couleurs qui ne me séduisaient guère au départ et que j’admettais qu’ils avaient complètement fait le job. C’était quand même un sacré défi que de se lancer dans cette retranscription graphique du roman d’Orwell. Il fallait oser et ne pas se ridiculiser totalement dans l’aventure. Je dois reconnaître que Fido Nesti a parfaitement réussi. Il a reproduit fidèlement la progression et la thèse de l’œuvre. Il n’a pas simplifié. Il a marqué toutes les étapes, et les points de l’analyse orwellienne. Il a rapporté ses arguments et démonstrations sans les appauvrir, et ça, dans une BD, ce n’était pas facile. Donc, bravo à lui aussi.

Et surtout, n’oubliez pas :

«Depuis le début du XXème siècle, l’égalité était techniquement possible. Avec le développement de la production, s’il était encore nécessaire d’employer les hommes à des tâches différenciées, il ne l’était plus de les faire vivre à des niveaux sociaux ou économiques distincts. »

Et pourtant...


17 juillet 2025

Le teckel T1

d’Hervé Bourhis

***

978-2203089686

"La clarté est la politesse de l'homme de lettres" disait Jules Renard. Il n'aurait pas été content. Rien n’est clair ici, ni l’histoire (l’intermède de la salle d’opération est complètement déconcertante et on peine à la rattacher à quoi que ce soit), ni les personnages (leurs personnalités, rôles respectifs et relations étant très mouvants, quant à leurs intentions… tout est possible), ni le graphisme et j’ai dû m’user les yeux pour déchiffrer les textes de plusieurs vignettes.

L’histoire d’abord. C’est une sorte de road movie à la française à l’époque actuelle. Guy Farkas, alias Le Teckel : un vieux représentant de commerce hyper ringard (look seventies)

mais néanmoins redouté, que sa direction veut virer (ou pas) est contraint de faire sa tournée avec un nouveau venu, un blanc bec aux dents longues (ou pas) que la direction a peut-être chargé de contrôler le Teckel, mais va savoir ce que veut vraiment la direction... Chacun n’étant peut-être pas non plus ce qu’on avait cru d’abord… mais ça encore, ce n’est pas clair. Bref comme on s’en doute, les deux se détestent d’entrée de jeu et leur relation va évoluer quand ils se connaîtront un peu mieux (of course). Mais peut-on se connaître dans un monde de concurrence et de mensonge ?

J’ai dit au départ que ce sont des représentants de commerce et je maintiens mais eux disent «visiteurs médicaux». On les croisait autrefois dans les salles d’attente des médecins. (C’était l’époque bénie où vous pouviez débarquer chez le toubib sans rendez-vous pris 6 mois à l’avance. Soupir…) Mais ne nous laissons pas aller aux regrets. Le travail n’est pas facile pour ces deux-là car ils essaient de fourguer le Marshall2, un antidouleur qui a déjà tué plusieurs centaines de personnes dans sa version 1. Charge à eux de convaincre tout le monde que cette version 2 est sans danger. Certains médecins sont un peu réticents tout de même, et les malades un peu au courant car l’affaire a fait scandale, le sont plus encore. La Direction reste de marbre, seules les ventes comptent, notre duo de choc est apparemment dans le même état d’esprit. En tout cas, Le Teckel qui a dû diffuser des centaines de boites du Marshall1 et donc tuer plusieurs personnes, n’est en tout cas pas troublé par la chose. Cynisme à tous les étages. Je ne déteste pas en général, quand il y a un petit arrière fond sarcastique qui laisse entrapercevoir une arrière-pensée plus élevée, mais là, non.

Nous allons suivre le road movie de ces deux aventuriers des Formule 1 et des bars glauques pour constater que, comme on pouvait s’y attendre, il est pathétique et généreusement émaillé d’incidents sordides et de mésaventures honteuses.

Petit bilan une fois l’album refermé : 3*/5. J’aime et je déteste le dessin. J’aime le graphisme expressif mais je déteste les couleurs souvent trop sombres qui nuisent à la lisibilité (des textes, bien sûr, mais même les dessins se perdent dans ces bains verts et magenta). Je reconnais le travail qui a été fait, mais je n’ai pas aimé. Je l’ai trouvé peu lisible à tous points de vue comme dit plus haut, et j’ai trouvé au final que ça n’’allait nulle part. Je sais qu’il y aura encore deux tomes des aventures du Teckel qui se lancera dans la politique (une option évidente avec l’éthique qui est la sienne), mais ce sera sans moi. J’aime bien voir ce que je lis. Mais y a quand même aussi des qualités...


08 juillet 2025

L’enquête corse Jack Palmer -

René Pétillon

****


978-2723469425

(Si vous ne voyez pas bien, cliquez sur l'image)


Il faut avoir en mémoire que cet album a été publié en 2000. Les années 90 qui venaient de s’écouler avaient été marquées par une situation agitée, confuse, mouvementée et même violente en Corse. Les groupes indépendantistes se multiplient, se scindent, s’unissent, se combattent… Des bombes sont posées, des balles tirées… La gendarmerie est débordée. Ça explose un peu partout et on ne sait pas toujours qui a posé la bombe ni même pourquoi, quant à le prouver… autant y renoncer tout de suite car s’il n’y a qu’une seule constante, dans tout cela, c’est que personne n’a rien vu ni rien entendu. Omerta.

C’est dans cette île paradisiaque que débarque notre jack Palmer, chargé par un notaire parisien de retrouver un certain Ange Léoni, adresse inconnue, pour lui remettre une lettre suite à un héritage. Palmer ignore tout de la Corse, mais comme toujours, il est confiant. On lui confie une mission, il la remplit sans chercher plus loin. Il a toujours la même technique d’investigation : il va au cœur des lieux concernés et pose directement la question aux gens qui s’y trouvent.

 Or il se trouve qu’Ange Leoni n’est pas n’importe qui. Pour commencer, il a vraiment disparu et si les gens qui le cherchent sont nombreux, ce n’est pas juste pour lui remettre une lettre. Leoni, qui a transité par un peu tous les groupes clandestins, est à chaque fois reparti avec la caisse et c’est à ce sujet que ces messieurs ont des questions à lui poser. 


Ils ne sont pas peu surpris de voir débarquer l’improbable Jack Palmer qui, isolé qu’il est sur son petit nuage, ne se laisse pas démonter par l’ambiance.

Encore un grand moment de l’investigation policière et de l’enquête socio-politique avec notre détective préféré au mieux de sa forme puisqu’il remporte le Fauve d'or - 2001 à Angoulême avec ce titre. Un film en a été tiré mais je ne l’ai pas vu et ne peux donc pas en parler. (PS : Je n’ai jamais vu un bon film tiré d’une BD, mais je dis ça, je dis rien.)


24 juin 2025

Puzzle

de Franck Thilliez et MIG

***

9782359105407

J’ai emprunté ce roman graphique à la bibliothèque parce que je n’ai jamais lu de roman de Franck Thilliez et que cette forme BD me permettait de le faire sans devoir lire 400 ou 500 pages de texte car je craignais que cela ne m’interesse pas beaucoup. Il s’est avéré que j’avais raison, je n’ai pas du tout été convaincue par ce scenario indigent. Pour résumer : le héros, un homme jeune, a été quitté par sa petite amie, mais ils participaient ensemble à un jeu de chasse au trésor en ligne et c’est en tant que partenaire qu’elle le recontacte car elle a trouvé un nouvel indice qui leur permet de progresser vers le faramineux butin de 300 000€.

Bon, alors, ce n’est pas compliqué. Vous voulez faire une histoire horrifique, vous vous demandez quels sont les décor effrayants où vous pourriez la situer pour mettre le lecteur en condition et vous vous répondez : cimetières, prison, hôpitaux borderline, salles chirurgicales ou de torture, asile psychiatriques avec enfermement, lobotomie forcée etc. Ah oui ! Très bon, ça ! On y va.



Le jeu conduit donc nos deux héros dans un ancien asile psychiatrique de sinistre réputation, maintenant abandonné. La sinistre réputation tient au fait que dans le passé, de nombreuses lobotomies et autres chirurgies sur des patient pas forcément consentants, y ont été pratiquées. Il est maintenant désert, ce qui ne le rend pas plus accueillant, d’autant que "pour ne pas être dérangé", des chiens féroces sont lâchés dans le parc qui l’entoure. Les derniers finalistes se retrouvent là pour la fin du jeu et l’attribution du trésor tant convoité. Dès l’arrivée, un message les avertit que rien ne sera réel à partir de cet instant car le jeu a commencé. Un message, car ils ne rencontreront jamais personne d’autre que les autres participants. Ils ne verront pas le/la/les (?) Maître du jeu. Ils trouvent bientôt un second message qui lui, dit que l’un d’entre eux va être tué. Est-ce un avertissement à prendre au sérieux ou cela fait-il partie du jeu ? Faut-il chercher à s’enfuir ou à découvrir les indices qui mèneront au trésor ? Etc.

Rien de bien nouveau, vous le voyez et rien d’original. On va enchaîner les clichés, la salle d’opération à l’abandon mais qui a l’air de servir quand même, la morgue déserte avec des corps présents ou pas… des cellules fermées, l’obscurité totale après une certaine heure, le doute entretenu en permanence et à bon compte sur la réalité ou la fiction d’un jeu de rôle (malgré quelques cadavres…) Une ou deux scènes un peu osées, mais si convenues… ! Et vous aurez même votre cimetière abandonné !


(pour info, il n’y a pas la moindre touche d’orange dans tout l’album à part un peu de rouge sur la couverture)

Donc, je le disais, on n’est jamais vraiment surpris. "Horreur" à bon marché et c'est parti pour une succession de clichés. Pour conclure, la clé de l’énigme est à la hauteur de ce qui a précédé.

Le travail du dessinateur en noir, bleu, blanc, est très professionnel et colle bien au texte. Rien à redire de ce côté. Rien de particulièrement inspiré ou artistique non plus, mais bon, il remplit le contrat.