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28 septembre 2025


La marque de Raspoutine

Sokal

*****


978-2203335066

Deuxième vraie aventure de Canardo qui se cale enfin bien fermement dans son personnage de détective dur à cuire, violent, cynique, mais ayant une éthique. Il est beaucoup moins déjeté que dans sa première aventure avec le chien debout où il errait un peu, mais ça y est, voilà, nous avons notre Canardo. Qui est, comme Jack Palmer, une variation sur le thème du "Privé". Il a d’ailleurs un peu le même imperméable, mais le sien n’est jamais fermé. Il a dû remarquer que ça n’avantageait pas les petits ventres ronds, ce que Palmer n’a toujours pas vu, ou alors, il s’en fiche.

Un énorme chat sauvage de Sibérie, Raspoutine, est devenu une espèce de boyard, seigneur incontesté d’une bande de mercenaires sans scrupules. Il règne en despote absolu et manifeste un goût marqué pour la cruauté.

Il est vaguement secondé par une cigogne qui se la joue diva russe et un autre volatile (perroquet ?) qui lui sert de médecin. Ce sont les seuls qu’il tolère, mais en fait, il n’écoute personne et n’en fait qu’à sa tête pour le plus grand malheur des populations sur lesquelles s’étend son pouvoir.

Ce tyran cache pourtant une profonde blessure secrète : il n’a pas de descendant. Il en a eu autrefois après s’être introduit dans un prestigieux élevage de chats Bleus russes, mais l’éleveur les a tous tués, les considérant comme des bâtards sans valeur. Il ne s’est jamais remis de cette perte, d’autant qu’il n’a plus eu ensuite de chatons. Il se sent vieillir et vit de plus en plus mal la situation. Aussi, quand il apprend inopinément qu’il y a eu une survivante parmi ses descendants bleus, il n’a plus qu’une idée en tête, la retrouver, la faire venir près de lui et lui transmettre un jour son royaume. Tout ce qu’il sait d’elle, c’est qu’elle se trouve en Europe.

Or, c’est à Paris qu’elle se trouve. Elle est magnifique, bleue, avec sur le front les rayures de son père, la marque de Raspoutine. Elle chante dans un cabaret et il se trouve que dans ce cabaret, Canardo a ses habitudes. C’est ainsi qu’il se trouve sur place quand elle est victime d’une tentative d’assassinat et qu’il intervient, fort heureusement aidé par un intervenant inattendu…

Excellent volume que ce numéro 2 ! Vraiment, un de mes préférés. Flamboyant, mortel, plein de dangers et de rebondissements, il s’appuie sur des personnages hors du commun, excessifs à la russe, tout particulièrement réussis. Le dessin, mais là, c’est comme toujours, est remarquable. Oui vraiment ! 5 étoiles sans hésiter une seconde pour cette Marque de Raspoutine. Adeptes du Canardo, si vous ne l’avez pas, il vous le faut.

Je découvre par la même occasion que la série Canardo comprend 25 tomes et que je ne les ai pas tous. Le dernier tome de la série (Un con en hiver) est paru en 2018.

25 septembre 2025

Le chien debout 

de Sokal

*****

9782203335035

Canardo n’a pas eu des débuts faciles. Faut pas croire. Ce « chien debout » est le tome 1 de la longue série des aventures dangereuses de L’inspecteur Canardo. Inspecteur, il ne l’a d’ailleurs été que dans le tome 0, édité chez Pepperland et que je n’ai malheureusement pas encore lu. Dans ce tome 1, Canardo n’est même pas le personnage principal, bien que son intervention ponctuelle soit déterminante.

Le personnage principal, c’est Fernand, ce chien qui marche sur deux pattes et porte un vieux manteau à capuche. Tel que nous le découvrons, Fernand, clochard alcoolique, revient au pays voir s’il n’y retrouverait pas celle dont il est toujours amoureux, la belle Gilberte. Mais les choses vont mal au pays. Le chien du douanier fait sa loi avec sa bande de sous-fifres et prospère, tandis que de nombreux cabots disparaissent. La violence et la crainte règnent pour un danger qu’on n’ose même pas évoquer. Que se passe-t-il ? Fernand, qui ne cherche pourtant rien d’autre que Gilberte, ne va pas tarder à le découvrir.

Faut savoir qu’on évolue dans un monde où on s’entre-tue facilement. D’entrée de jeu, cette série commence avec un Canardo coriace qui se soucie fort peu de la loi, un univers très très noir, un monde féroce, sans illusion et un poil d'ironie douloureuse dans le récit. Tout ce qui nous a fait aimer ce volatile, quoi, et pour cet épisode, un savant fou, des expériences atroces, des junkies, beaucoup de victimes etc. Canardo commençait noir de chez noir. Un poil trop même, mais bon… c’est de la fiction. Les canards ne se promènent pas vraiment armés jusqu’au bec.

11 septembre 2025

Journal inquiet d’Istanbul T2

de Ersin Karabulut

*****

  
9782205210996

Quatrième de couverture :

"L'histoire vraie d'un dessinateur de presse et du journal satirique le plus célèbre de son pays, en lutte contre le régime autoritaire turc."

J’avais beaucoup aimé et j’avais été très intéressée par le tome 1 du «Journal inquiet d’Istanbul» de Ersin Karabulut, donc, quand j’ai vu que le tome 2 était sorti et qu’il se trouvait déjà à la bibliothèque, je me suis empressée de l’emprunter. Ensuite, je me suis aperçue que j’avais trop oublié le tome 1 (deux ans, déjà) pour reprendre dans de bonnes conditions, alors vite, retour à la bibli et réemprunt du tome 1 qui par chance, était disponible. Je vous raconte ça pour que vous pensiez à emprunter les deux si vous vous trouvez dans la même situation.

Nous retrouvons donc Ersin Karabulut qui démarre à Istanbul sa carrière de dessinateur politique. Il faut savoir que les fanzines satiriques sont nombreux là-bas et très lus. Ses parents désapprouvent depuis toujours son choix de carrière car ils voient monter l’intégrisme et savent eux, de quoi ces gens sont capables. Mais, depuis qu’il est enfant, rien ne peut faire dévier Ersin de sa trajectoire. Peu à peu sa carrière se développe et il monte même son propre journal avec des amis même si ce n’est pas simple. Parallèlement, celle de Erdogan se développe aussi. Les promesses démocratiques ne lui ont pas coûté cher et ne pèseront pas plus dans l’évolution du pays. Partout, insidieusement, les choses changent. Les barbus se multiplient et jouent tout à l’intimidation, dans le non-dit bien réel et pesant tout de même. La société change en Turquie, même à Istanbul. On voit le pourrissement sournois de la situation malgré les tentatives de résistance de la part la plus évoluée de la société. Les manifestations de plus en plus brutalement réprimées ne pourront rien. 


On voit Ersin Karabulut qui s’exprime dans son journal, de plus en plus obligé de choisir son camp et donc, de plus en plus en danger. Sa vie, comme celle des autres Turcs et particulièrement les intellectuels ou les femmes, est impactée par l’emprise croissante d’Erdogan sur le pays. Les procès sous divers prétextes commencent leur travail de sape...

Ce tome 2 nous montre un pays qui bascule lentement dans le totalitarisme religieux tout en proclamant le contraire. L’auteur m’est très sympathique. C’est un humaniste et un rêveur mais qui va jusqu’à inventer et proposer des solutions (naïves et douces).

Il faut que tout le monde comprenne comment ces choses-là arrivent et se font. Personne n’est à l’abri. Ce sont des albums que j’offrirai. Je me précipiterai sur le tome trois dès qu’il paraîtra, et je souhaite à Karabulut de retomber toujours sur ses pieds, comme les chats qu’il semble aimer.

02 septembre 2025

Ce qu'il faut de terre à l'homme

de Léon Tolstoï - Dessins de Martin Veyron

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9782205072471

Rien de tel que la BD et un bon roman graphique bien fidèle pour faire aimer les classiques et les (parfois arides) auteurs russes à tout le monde ! Martin Veyron l’a prouvé avec cette fidèle adaptation de la nouvelle éponyme de Léon Tolstoï. Cette bande dessinée n’est pas récente mais elle n’en reste pas moins hautement recommandable. Il n’y a pas que les nouveautés dans la vie.

Un pauvre paysan vit une vie très modeste mais néanmoins plutôt heureuse avec femme et enfant en exploitant ses quelques terres, d’autant qu’ainsi que tous les autres villageois, il arrondit ses revenus en volant allègrement sur les terres de la barine. Celle-ci, vieillissante, ne s’en occupe plus guère et c’est son fils qui surveille un peu, mais il ne réside pas sur place. Il finit cependant par s’apercevoir des vols et décide d’installer un régisseur sévère pour y mettre fin. La vie devient plus difficile pour les paysans qui envisagent même une réponse radicale au régisseur. Mais pire encore, la barine vieillissant toujours, décide de vendre pour aller vivre à la ville pour plus de confort, de compagnie et de distractions. Le régisseur se porte immédiatement acquéreur. Ça va être un vrai enfer pour les villageois. Ils décident donc de se réunir pour acheter eux-mêmes les terres de la barine…

De fil en aiguille, notre paysan qui a un beau-frère négociant citadin qui lui conseille d’être plus ambitieux et de tenter de s’agrandir plutôt que de se contenter de ce qu’il a, se lance dans ce qu’on pourrait appeler maintenant une politique expansionniste, bien que sa femme ne semble pas enthousiasmée par ces changements. Nous allons le voir se donner à fond et déployer vraiment un courage et une ardeur au travail illimités pour devenir toujours plus riche.

Rendons hommage à Martin Veyron qui a parfaitement su illustrer ce récit et en a fait un album vraiment captivant. On passe un excellent moment avec ce conte moral dont la conclusion peut convaincre ou non. Pour ma part, je rejoins plutôt l’idée bouddhique selon laquelle l’homme est un arc, trop tendu, il casse, mais pas assez, la flèche tombe à tes pieds… Tashi Delek !


24 août 2025

Le sourire de Rose

de Sacha Goerg

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978-2203088030


Enfin une BD claire, j'ai apprécié. Dessin nerveux et expressif qui ne boude pas ses couleurs. Belle aquarelle. Sacha Goerg a sa patte, on reconnaît ses dessins dès qu'on les voit. Des dessins incisifs, une mise en scène très vivante. Donc, de ce côté-là, aucun problème. C'est avec l'histoire que j'ai eu du mal.

Non, on n'a pas raison de voler quelque chose à quelqu'un juste parce qu'on en a envie et que ce quelqu'un est antipathique. Si on l'a fait dans un moment d'égarement, il faut le rendre, pas acharner au point qu'il finisse par y avoir mort d'homme. Ça dégénère vraiment ! Évidemment, l'antipathique victime du vol a tort de passer lui aussi aux grands moyens, mais cela n'efface pas votre responsabilité initiale. Ça en valait vraiment la peine ? Ce type n’aurait jamais dû mourir.

Et, deuxième point, non, on ne peut pas laisser des heures un jeune enfant seul dans une maison, même si on a "absolument besoin de partir". Pensez-vous qu'il n'arrive rien aux enfants quand les adultes qui en sont responsables ont "absolument besoin de partir"? Non. La vie, ce n'est pas comme ça. Faut grandir un peu.

Donc, pas pu m'attacher beaucoup à la "charmante" Rose, héroïne irresponsable de cette aventure et pas emballée en conséquence par la happy end, puisque j'avais passé tout l'album à vivement conseiller au héros de laisser tomber vite fait. Quand la première chose que fait quelqu'un que tu viens de rencontrer, c'est de te voler, à toi aussi ce que tu as de plus précieux. Arrête tout de suite! C'est pourtant simple comme règle, sinon ensuite viennent mensonges, autres vols et bien pire encore. Bref, plein d'aventures mais au point de vue de la gestion de sa vie sentimentales, Desmond n'est vraiment pas bon.

Bref, pas aimé cette histoire. Je sais qu’il ne faut pas tout prendre trop au sérieux, mais il ne faut pas que tout soit inacceptable non plus. Mais en tout cas, comme vous le voyez, j'ai marché à fond et j’ai pris fait et cause, signe qu'elle était bien menée et, je le répète, beaucoup apprécié les aquarelles et le graphisme.

10 août 2025

1984

Roman graphique

de George Orwell (Auteur), Fido Nesti (Illustrations)

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9782246825760


« atmosphère envoûtante et le dessin aux teintes fantastiques de l’illustrateur brésilien Fido Nesti »  nous annonce l’éditeur qui n’hésite pas à ajouter « Il s'agit d’un des événements éditoriaux les plus importants de l’année à travers le monde. » On est modeste ou on ne l’est pas, mais ça a failli me faire passer à coté de cet album.

Je lis « 1984 » depuis mon adolescence, autant dire que ça date un peu. J’ai dû le lire intégralement trois ou quatre fois et y repenser des millions de fois. A chaque fois que je le lis, j’admire à nouveau la clairvoyance d’Orwell. Il avait déjà tout vu. On s’aperçoit aujourd’hui que notre monde a légèrement dévié de la trajectoire qu’il prédisait, ayant jugé plus facile et efficace de réduire les gens au confort du cocooning qu’à la misère maximale. Mais le résultat est le même et surtout, les moyens d’y arriver et de s’y maintenir. Bref, j’ai eu envie de relire encore une fois ce chef d’œuvre, et en même temps, de voir comment un dessinateur avait pu se tirer de cette gageure.

Au début, j’ai eu de mal à accepter le dessin. Les teintes de rouge et grisaille brune, sont tristes mais correspondent au récit. Par contre, je trouve que c’est souvent beaucoup trop sombre, au point d’être parfois peu lisible. C’est un défaut que je constate de plus en plus souvent. Je sais que ma vue baisse, mais je crois aussi que le dessin numérique a facilement ce défaut.


Le deuxième défaut constaté, c’est qu’à chaque fois que du texte anglais se trouvait dans le dessin, il n’avait pas été traduit, et cela concernait parfois des choses importantes qu’il fallait que le lecteur saisisse.


Et puis, voilà, rassurez-vous, mes reproches s’arrêtent là car, une fois le livre terminé, je me suis aperçue que je m’étais habituée au graphisme et aux couleurs qui ne me séduisaient guère au départ et que j’admettais qu’ils avaient complètement fait le job. C’était quand même un sacré défi que de se lancer dans cette retranscription graphique du roman d’Orwell. Il fallait oser et ne pas se ridiculiser totalement dans l’aventure. Je dois reconnaître que Fido Nesti a parfaitement réussi. Il a reproduit fidèlement la progression et la thèse de l’œuvre. Il n’a pas simplifié. Il a marqué toutes les étapes, et les points de l’analyse orwellienne. Il a rapporté ses arguments et démonstrations sans les appauvrir, et ça, dans une BD, ce n’était pas facile. Donc, bravo à lui aussi.

Et surtout, n’oubliez pas :

«Depuis le début du XXème siècle, l’égalité était techniquement possible. Avec le développement de la production, s’il était encore nécessaire d’employer les hommes à des tâches différenciées, il ne l’était plus de les faire vivre à des niveaux sociaux ou économiques distincts. »

Et pourtant...


17 juillet 2025

Le teckel T1

d’Hervé Bourhis

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978-2203089686

"La clarté est la politesse de l'homme de lettres" disait Jules Renard. Il n'aurait pas été content. Rien n’est clair ici, ni l’histoire (l’intermède de la salle d’opération est complètement déconcertante et on peine à la rattacher à quoi que ce soit), ni les personnages (leurs personnalités, rôles respectifs et relations étant très mouvants, quant à leurs intentions… tout est possible), ni le graphisme et j’ai dû m’user les yeux pour déchiffrer les textes de plusieurs vignettes.

L’histoire d’abord. C’est une sorte de road movie à la française à l’époque actuelle. Guy Farkas, alias Le Teckel : un vieux représentant de commerce hyper ringard (look seventies)

mais néanmoins redouté, que sa direction veut virer (ou pas) est contraint de faire sa tournée avec un nouveau venu, un blanc bec aux dents longues (ou pas) que la direction a peut-être chargé de contrôler le Teckel, mais va savoir ce que veut vraiment la direction... Chacun n’étant peut-être pas non plus ce qu’on avait cru d’abord… mais ça encore, ce n’est pas clair. Bref comme on s’en doute, les deux se détestent d’entrée de jeu et leur relation va évoluer quand ils se connaîtront un peu mieux (of course). Mais peut-on se connaître dans un monde de concurrence et de mensonge ?

J’ai dit au départ que ce sont des représentants de commerce et je maintiens mais eux disent «visiteurs médicaux». On les croisait autrefois dans les salles d’attente des médecins. (C’était l’époque bénie où vous pouviez débarquer chez le toubib sans rendez-vous pris 6 mois à l’avance. Soupir…) Mais ne nous laissons pas aller aux regrets. Le travail n’est pas facile pour ces deux-là car ils essaient de fourguer le Marshall2, un antidouleur qui a déjà tué plusieurs centaines de personnes dans sa version 1. Charge à eux de convaincre tout le monde que cette version 2 est sans danger. Certains médecins sont un peu réticents tout de même, et les malades un peu au courant car l’affaire a fait scandale, le sont plus encore. La Direction reste de marbre, seules les ventes comptent, notre duo de choc est apparemment dans le même état d’esprit. En tout cas, Le Teckel qui a dû diffuser des centaines de boites du Marshall1 et donc tuer plusieurs personnes, n’est en tout cas pas troublé par la chose. Cynisme à tous les étages. Je ne déteste pas en général, quand il y a un petit arrière fond sarcastique qui laisse entrapercevoir une arrière-pensée plus élevée, mais là, non.

Nous allons suivre le road movie de ces deux aventuriers des Formule 1 et des bars glauques pour constater que, comme on pouvait s’y attendre, il est pathétique et généreusement émaillé d’incidents sordides et de mésaventures honteuses.

Petit bilan une fois l’album refermé : 3*/5. J’aime et je déteste le dessin. J’aime le graphisme expressif mais je déteste les couleurs souvent trop sombres qui nuisent à la lisibilité (des textes, bien sûr, mais même les dessins se perdent dans ces bains verts et magenta). Je reconnais le travail qui a été fait, mais je n’ai pas aimé. Je l’ai trouvé peu lisible à tous points de vue comme dit plus haut, et j’ai trouvé au final que ça n’’allait nulle part. Je sais qu’il y aura encore deux tomes des aventures du Teckel qui se lancera dans la politique (une option évidente avec l’éthique qui est la sienne), mais ce sera sans moi. J’aime bien voir ce que je lis. Mais y a quand même aussi des qualités...


08 juillet 2025

L’enquête corse Jack Palmer -

René Pétillon

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978-2723469425

(Si vous ne voyez pas bien, cliquez sur l'image)


Il faut avoir en mémoire que cet album a été publié en 2000. Les années 90 qui venaient de s’écouler avaient été marquées par une situation agitée, confuse, mouvementée et même violente en Corse. Les groupes indépendantistes se multiplient, se scindent, s’unissent, se combattent… Des bombes sont posées, des balles tirées… La gendarmerie est débordée. Ça explose un peu partout et on ne sait pas toujours qui a posé la bombe ni même pourquoi, quant à le prouver… autant y renoncer tout de suite car s’il n’y a qu’une seule constante, dans tout cela, c’est que personne n’a rien vu ni rien entendu. Omerta.

C’est dans cette île paradisiaque que débarque notre jack Palmer, chargé par un notaire parisien de retrouver un certain Ange Léoni, adresse inconnue, pour lui remettre une lettre suite à un héritage. Palmer ignore tout de la Corse, mais comme toujours, il est confiant. On lui confie une mission, il la remplit sans chercher plus loin. Il a toujours la même technique d’investigation : il va au cœur des lieux concernés et pose directement la question aux gens qui s’y trouvent.

 Or il se trouve qu’Ange Leoni n’est pas n’importe qui. Pour commencer, il a vraiment disparu et si les gens qui le cherchent sont nombreux, ce n’est pas juste pour lui remettre une lettre. Leoni, qui a transité par un peu tous les groupes clandestins, est à chaque fois reparti avec la caisse et c’est à ce sujet que ces messieurs ont des questions à lui poser. 


Ils ne sont pas peu surpris de voir débarquer l’improbable Jack Palmer qui, isolé qu’il est sur son petit nuage, ne se laisse pas démonter par l’ambiance.

Encore un grand moment de l’investigation policière et de l’enquête socio-politique avec notre détective préféré au mieux de sa forme puisqu’il remporte le Fauve d'or - 2001 à Angoulême avec ce titre. Un film en a été tiré mais je ne l’ai pas vu et ne peux donc pas en parler. (PS : Je n’ai jamais vu un bon film tiré d’une BD, mais je dis ça, je dis rien.)


24 juin 2025

Puzzle

de Franck Thilliez et MIG

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9782359105407

J’ai emprunté ce roman graphique à la bibliothèque parce que je n’ai jamais lu de roman de Franck Thilliez et que cette forme BD me permettait de le faire sans devoir lire 400 ou 500 pages de texte car je craignais que cela ne m’interesse pas beaucoup. Il s’est avéré que j’avais raison, je n’ai pas du tout été convaincue par ce scenario indigent. Pour résumer : le héros, un homme jeune, a été quitté par sa petite amie, mais ils participaient ensemble à un jeu de chasse au trésor en ligne et c’est en tant que partenaire qu’elle le recontacte car elle a trouvé un nouvel indice qui leur permet de progresser vers le faramineux butin de 300 000€.

Bon, alors, ce n’est pas compliqué. Vous voulez faire une histoire horrifique, vous vous demandez quels sont les décor effrayants où vous pourriez la situer pour mettre le lecteur en condition et vous vous répondez : cimetières, prison, hôpitaux borderline, salles chirurgicales ou de torture, asile psychiatriques avec enfermement, lobotomie forcée etc. Ah oui ! Très bon, ça ! On y va.



Le jeu conduit donc nos deux héros dans un ancien asile psychiatrique de sinistre réputation, maintenant abandonné. La sinistre réputation tient au fait que dans le passé, de nombreuses lobotomies et autres chirurgies sur des patient pas forcément consentants, y ont été pratiquées. Il est maintenant désert, ce qui ne le rend pas plus accueillant, d’autant que "pour ne pas être dérangé", des chiens féroces sont lâchés dans le parc qui l’entoure. Les derniers finalistes se retrouvent là pour la fin du jeu et l’attribution du trésor tant convoité. Dès l’arrivée, un message les avertit que rien ne sera réel à partir de cet instant car le jeu a commencé. Un message, car ils ne rencontreront jamais personne d’autre que les autres participants. Ils ne verront pas le/la/les (?) Maître du jeu. Ils trouvent bientôt un second message qui lui, dit que l’un d’entre eux va être tué. Est-ce un avertissement à prendre au sérieux ou cela fait-il partie du jeu ? Faut-il chercher à s’enfuir ou à découvrir les indices qui mèneront au trésor ? Etc.

Rien de bien nouveau, vous le voyez et rien d’original. On va enchaîner les clichés, la salle d’opération à l’abandon mais qui a l’air de servir quand même, la morgue déserte avec des corps présents ou pas… des cellules fermées, l’obscurité totale après une certaine heure, le doute entretenu en permanence et à bon compte sur la réalité ou la fiction d’un jeu de rôle (malgré quelques cadavres…) Une ou deux scènes un peu osées, mais si convenues… ! Et vous aurez même votre cimetière abandonné !


(pour info, il n’y a pas la moindre touche d’orange dans tout l’album à part un peu de rouge sur la couverture)

Donc, je le disais, on n’est jamais vraiment surpris. "Horreur" à bon marché et c'est parti pour une succession de clichés. Pour conclure, la clé de l’énigme est à la hauteur de ce qui a précédé.

Le travail du dessinateur en noir, bleu, blanc, est très professionnel et colle bien au texte. Rien à redire de ce côté. Rien de particulièrement inspiré ou artistique non plus, mais bon, il remplit le contrat.


19 juin 2025

L'intranquille monsieur Pessoa

de Nicolas Barral

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978-2205206142


De Fernando Pessoa, je savais peu de choses : qu’il était portugais, que c’était un poète et un romancier. C’est léger. Aussi, quand j’ai vu cette biographie sous forme de roman graphique, je l’ai prise sans trop hésiter. Une bonne façon de combler mes lacunes. Je ne connaissais pas du tout l’auteur : Nicolas Barral, qui a tout fait ici, texte et dessins et ce, me semble-t-il pour la première fois. Si je ne me trompe pas, dans ses parutions précédentes, il n’était qu’illustrateur. Il a travaillé très sérieusement, comme l’atteste la bibliographie conséquente fournie en fin d’ouvrage, mais arrivé là, vous n’aurez de toute façon aucun doute à ce sujet. Les cinq étoiles que je lui colle aujourd’hui, attestent d’une biographie dessinée particulièrement fine, intelligente et réussie.

Nous commençons avec le personnage de Simão Cerdeira, jeune journaliste lisboète débutant en plaçant des piges dans différents journaux. Il rêve bien sûr de littérature, mais déjà, il doit assurer sa subsistance et un emploi de journaliste le comblerait. Parallèlement, Fernando Pessoa, pas si vieux mais rongé par son alcoolisme, va mal. Très. La rumeur se répand dans les milieux littéraires qu’il ne survivra plus longtemps avec son foie détruit par la cirrhose. Homme étrange et solitaire, aux positions politiques parfois douteuses, Pessoa est néanmoins un homme de lettres dont le talent est unanimement reconnu, aussi, dans les rédactions, commence-t-on à préparer des nécrologies à la hauteur du personnage. C’est la tâche qui est confiée à Cerdeira. Conscient que son avenir se joue là-dessus, et par ailleurs, réellement admiratif du talent de Pessoa, le jeune journaliste va mener une enquête très complète, lire ses œuvres, rencontrer le plus possible de personnes l’ayant connu de près aux différents moments de sa vie. 



C’est tout ce travail d’enquête que nous allons suivre. Parallèlement, nous allons suivre le Poète lui-même, depuis le dernier avertissement de son médecin jusqu’à son dernier souffle, et découvrir un homme qui a choisi de vivre seul, dans son monde intérieur. Contentant à bon compte son peu de besoin de compagnie par son passage quotidien chez son barbier voisin et sans doute quelques cafés pour les bavardages… C’est que Pessoa, on ne sera pas surpris de l’apprendre, a une vie intérieure très intense, et même, pourrait-on dire, très peuplée. Depuis toujours, il écrit sous plusieurs pseudonymes, refusant farouchement d’admettre que ces alias n’existent pas, il affirme toujours qu’il les connaît, les fréquente et n’est que leur porte parole. Ils lui ont remis leurs notes ou leurs manuscrits, il en a une malle pleine, à charge pour lui de les mettre en forme et les diffuser. Il ne variera jamais de cette version si bien qu’il est difficile de savoir exactement quelle conscience il avait lui-même de la chose. On pense à Antoine Volodine, et à ses multiples alias, la confusion des identités en moins. C’est ça être un poète et pas seulement un romancier.

Donc, richement documenté, présenté de façon extrêmement vivante, finement vu et intelligemment montré, j’ai adoré cette biographie qui montre tout, ne juge rien, et accompagne le poète de façon si humaine. Le dessin quant à lui, m’a enchantée. Quel talent ! Quelle union heureuse des couleurs (collaboration de Marie Barral), des angles de vue, des éclairages ! Cette BD est une totale réussite. Bravo.



05 juin 2025

L'affaire du voile

de Pétillon

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9782226132451

Comme ma précédente chronique le laissait deviner, j'ai bien vite retrouvé les fabuleux dessins de Pétillon et mon Palmer adoré qui cette fois officie à domicile : Paris et région parisienne. De plus, alertée par le titre de ce treizième opus, je brûlais de curiosité : Comment allait-il se dépatouiller d'un problème aussi délicat qu'une affaire de voile?

Comme l'époque le veut, les contacts avec les clients se font maintenant par internet. Réseaux sociaux, e-mails et documents virtuels... Vous l'aurez peut-être deviné, Jack Palmer ne maîtrise pas vraiment. On pourrait même dire que chez lui, tout ce qui passe par l'informatique peut être considéré comme perdu. Cela ne simplifie pas les choses quand il s'agit de faire tourner sa petite entreprise... Mais enfin, présentement, il a une enquête.

Jack a été chargé par une mère éplorée de retrouver sa fille qui a fugué. Il est sur une piste et il semblerait que cette fille de la grosse bourgeoisie (père chirurgien de renom, mère dentiste) se soit soudain convertie à l'islam le plus radical et qu'elle ne vive plus maintenant que strictement voilée. Les parents qui n'avaient rien vu venir ne l'entendent pas de cette oreille.


Comme à son habitude, Palmer fait simple. C'est un type sans complication. Il cherche une femme voilée, il fait donc le tour des magasins adéquats

Puis va tout bonnement poser la question dans les quartiers tout aussi adéquats. Il ne voit aucun problème à aller tout aussi simplement la poser aux lascars du coin.


Il rencontre un imam non intégriste qui le reçoit bien mais sait peu de choses, et qui a des soucis avec les intégristes qui lui font concurrence et ont envahi sa mosquée. Alors, Palmer les rencontre aussi. De voile en burqa, son enquête va le mener à la porte d'un pensionnat coranique pour femmes, aussi fermé qu'on pouvait le supposer. Aux grands maux, les grands remèdes, Palmer va passer à l'action. Autant dire que tout peut arriver... et on ne sera pas déçus.

Encore une brillante enquête de notre génial détective et je louche déjà sur la prochaine parce que Jack Palmer, c’est comme les cacahuètes, plus on en prend, plus on en a envie. Il n'aurait pas fallu recommencer, mais c'est trop tard...


27 mai 2025

Palmer en Bretagne

de René Petillon

*****


Pas revu Jack Palmer depuis des décennies! C'est dire. Et voilà que le hasard me met celui-ci entre les mains, c'est le 15ème de la série, il date de 2013. On dirait que ca a été le dernier.

Nous retrouvons notre vaillant détective, toujours aussi vif et bien habillé. Cette fois, il a été engagé comme garde du corps par un milliardaire trois fois plus grand, gros et fort que lui, et bien plus méchant. D'ailleurs, Palmer semble le plus inoffensif de toute la bande qui se trouve réunie là pour un week-end de repos entre gens riches. Erreur de casting sans doute car on ne voit pas ce qu'il pourrait faire pour protéger son milliardaire.

Nous sommes sur une île bretonne, ce qui simplifie la surveillance contre les intrusions. Seuls y ont accès, les invités de Solange Pommeraie et les quelques locaux qui font vivre les lieux. Tout ce beau monde bien bling-bling se surveille et se jalouse comme des hyènes. Aux divers désagréments du séjour s'ajoute une très envahissante et très puante algue verte dont le locaux s'épuisent à nier les méfaits quand ce n'est pas la présence même. Décors et personnages étant en place, Palmer se met au travail

Malheureusement, ayant choisi de se "poster" sur un rocher où personne n'avait jamais songé à se mettre et qui est bientôt entouré par les flots, c'est là que notre détective commencera et finira toute cette aventure tandis que sur l'ile, il y aura destruction d’œuvre d'art, meurtre, visite préfectorale en hélicoptère, poursuites de gendarmerie sur terre, sur mer et dans les airs, des scènes torrides et même un naufrage! C'est pourtant lui qui donnera finalement la clé du mystère. Sacré Palmer !

Les dessins sont vraiment remarquables. Quel talent, ce Petillon! Les expressions sont irrésistibles. L'histoire est bonne, les relations sociales sont un régal de férocité et l'humour est partout, parfois un peu caché. L'auriez-vous vu, celui-là? :

... ce qui, si je compte bien, nous fait une marche tous les... 😂 Mais tous les patelins qui ont un phare ou une tour aiment bien majorer un peu le nombre de marches. C'est humain. Ça fait ça aussi pour la hauteur des falaises, mais là, il n'y en a pas.

Je pense que je vais me faire une petite cure de Jack Palmer, tiens, c'est bon pour ce que j'ai.


Série Jack Palmer:

1- Gourous, derviches et co. en 1979 sous le titre Une sacrée salade en 1981

2- Mister Palmer et Docteur Supermarketstein

3- La Dent creuse

4- Les Disparus d'Apostrophes !

5- Le chanteur de Mexico

6- Le Prince de la BD

7- Le Pékinois

8- Un détective dans le Yucca

9- Narco-dollars

10- Un privé dans la nuit

11- Le Top-model 1995. Renommé L'Affaire du top-model en 2001 ;

12- L'Enquête corse

13- L'Affaire du voile

14- Enquête au paradis

15- Palmer en Bretagne


Hors-série : Le Meilleur et le pire de Jack Palmer

978-2205070576


18 mai 2025

VilleVermine, Le tombeau du géant

Julien Lambert

*****

978-2377317783

Ceux qui suivent le savent déjà, j’ai découvert Julien Lambert et sa VilleVermine il n’y a pas si longtemps de cela avec les deux premiers volumes des aventures de Jacques Peuplier et j’avais été largement convaincue. Je me suis donc empressée de lire le troisième volume et deuxième aventure (les deux premiers tomes n’étant qu’une seule enquête). Cette fois, nous avons la totalité de l’histoire dans le même volume, ce que je préfère.

Tous les ans à VilleVermine, est célébrée la Fête de la mort du Géant. Cette fête est organisée par la petite-fille de Boris Tassard, le héros qui, d’un coup de sa hache, baptisée Fendeur, étendit raide le monstre qui faisait subir de cruels sévices à la population. Ce monstre était un horrible géant dont personne n'avait pu venir à bout. Boris fut donc traité en héros et bénéficia de la reconnaissance de la population. Cette fête annuelle, qui tient beaucoup du carnaval, maintient vif ce souvenir mais cette année, l'héritière des Tassard voudrait donner plus d'éclat à la fête en présentant à la foule le Fendeur qui a disparu après les faits. C'est bien naturellement à notre Retrouveur d'objet préféré qu'elle s'adresse pour ce faire. L’enquêteur mènera ses recherches malgré la fâcheuse manie qu'ont les témoins d'être déjà morts à son arrivée. Cette aventure va faire découvrir à Jacques (et à ses lecteurs) ce qu'il y a sous VilleVermine, une ville souterraine... pas plus propre que celle du dessus, et habitée par une population constituée de sorte de moines guerriers pas très sympathiques, Mais c'est là que se trouve le Fendeur... et un autre géant. Le Fendeur se révèle être encore plus redoutable que dans la légende, quant au géant... je vous laisse découvrir, mais sachez que Jacques ne déteste toujours pas la baston.

Une Bande dessinée dont j'adore le graphisme et qui, derrière une histoire très originale et captivante, traite comme en passant de domination patriarcale, de gestion sociale des différences, de ce que cachent et à quoi servent les légendes, de pulsions de violence et de boucs émissaires. Et au passage, Jacques en vient à se dire qu'il devrait peut-être enrichir un peu sa vie sentimentale. Captivant, je vous dis.


Direct 5 étoiles. Vivement une troisième aventure !