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24 juin 2025

Puzzle

de Franck Thilliez et MIG

***

9782359105407

J’ai emprunté ce roman graphique à la bibliothèque parce que je n’ai jamais lu de roman de Franck Thilliez et que cette forme BD me permettait de le faire sans devoir lire 400 ou 500 pages de texte car je craignais que cela ne m’interesse pas beaucoup. Il s’est avéré que j’avais raison, je n’ai pas du tout été convaincue par ce scenario indigent. Pour résumer : le héros, un homme jeune, a été quitté par sa petite amie, mais ils participaient ensemble à un jeu de chasse au trésor en ligne et c’est en tant que partenaire qu’elle le recontacte car elle a trouvé un nouvel indice qui leur permet de progresser vers le faramineux butin de 300 000€.

Bon, alors, ce n’est pas compliqué. Vous voulez faire une histoire horrifique, vous vous demandez quels sont les décor effrayants où vous pourriez la situer pour mettre le lecteur en condition et vous vous répondez : cimetières, prison, hôpitaux borderline, salles chirurgicales ou de torture, asile psychiatriques avec enfermement, lobotomie forcée etc. Ah oui ! Très bon, ça ! On y va.



Le jeu conduit donc nos deux héros dans un ancien asile psychiatrique de sinistre réputation, maintenant abandonné. La sinistre réputation tient au fait que dans le passé, de nombreuses lobotomies et autres chirurgies sur des patient pas forcément consentants, y ont été pratiquées. Il est maintenant désert, ce qui ne le rend pas plus accueillant, d’autant que "pour ne pas être dérangé", des chiens féroces sont lâchés dans le parc qui l’entoure. Les derniers finalistes se retrouvent là pour la fin du jeu et l’attribution du trésor tant convoité. Dès l’arrivée, un message les avertit que rien ne sera réel à partir de cet instant car le jeu a commencé. Un message, car ils ne rencontreront jamais personne d’autre que les autres participants. Ils ne verront pas le/la/les (?) Maître du jeu. Ils trouvent bientôt un second message qui lui, dit que l’un d’entre eux va être tué. Est-ce un avertissement à prendre au sérieux ou cela fait-il partie du jeu ? Faut-il chercher à s’enfuir ou à découvrir les indices qui mèneront au trésor ? Etc.

Rien de bien nouveau, vous le voyez et rien d’original. On va enchaîner les clichés, la salle d’opération à l’abandon mais qui a l’air de servir quand même, la morgue déserte avec des corps présents ou pas… des cellules fermées, l’obscurité totale après une certaine heure, le doute entretenu en permanence et à bon compte sur la réalité ou la fiction d’un jeu de rôle (malgré quelques cadavres…) Une ou deux scènes un peu osées, mais si convenues… ! Et vous aurez même votre cimetière abandonné !


(pour info, il n’y a pas la moindre touche d’orange dans tout l’album à part un peu de rouge sur la couverture)

Donc, je le disais, on n’est jamais vraiment surpris. "Horreur" à bon marché et c'est parti pour une succession de clichés. Pour conclure, la clé de l’énigme est à la hauteur de ce qui a précédé.

Le travail du dessinateur en noir, bleu, blanc, est très professionnel et colle bien au texte. Rien à redire de ce côté. Rien de particulièrement inspiré ou artistique non plus, mais bon, il remplit le contrat.


19 juin 2025

L'intranquille monsieur Pessoa

de Nicolas Barral

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978-2205206142


De Fernando Pessoa, je savais peu de choses : qu’il était portugais, que c’était un poète et un romancier. C’est léger. Aussi, quand j’ai vu cette biographie sous forme de roman graphique, je l’ai prise sans trop hésiter. Une bonne façon de combler mes lacunes. Je ne connaissais pas du tout l’auteur : Nicolas Barral, qui a tout fait ici, texte et dessins et ce, me semble-t-il pour la première fois. Si je ne me trompe pas, dans ses parutions précédentes, il n’était qu’illustrateur. Il a travaillé très sérieusement, comme l’atteste la bibliographie conséquente fournie en fin d’ouvrage, mais arrivé là, vous n’aurez de toute façon aucun doute à ce sujet. Les cinq étoiles que je lui colle aujourd’hui, attestent d’une biographie dessinée particulièrement fine, intelligente et réussie.

Nous commençons avec le personnage de Simão Cerdeira, jeune journaliste lisboète débutant en plaçant des piges dans différents journaux. Il rêve bien sûr de littérature, mais déjà, il doit assurer sa subsistance et un emploi de journaliste le comblerait. Parallèlement, Fernando Pessoa, pas si vieux mais rongé par son alcoolisme, va mal. Très. La rumeur se répand dans les milieux littéraires qu’il ne survivra plus longtemps avec son foie détruit par la cirrhose. Homme étrange et solitaire, aux positions politiques parfois douteuses, Pessoa est néanmoins un homme de lettres dont le talent est unanimement reconnu, aussi, dans les rédactions, commence-t-on à préparer des nécrologies à la hauteur du personnage. C’est la tâche qui est confiée à Cerdeira. Conscient que son avenir se joue là-dessus, et par ailleurs, réellement admiratif du talent de Pessoa, le jeune journaliste va mener une enquête très complète, lire ses œuvres, rencontrer le plus possible de personnes l’ayant connu de près aux différents moments de sa vie. 



C’est tout ce travail d’enquête que nous allons suivre. Parallèlement, nous allons suivre le Poète lui-même, depuis le dernier avertissement de son médecin jusqu’à son dernier souffle, et découvrir un homme qui a choisi de vivre seul, dans son monde intérieur. Contentant à bon compte son peu de besoin de compagnie par son passage quotidien chez son barbier voisin et sans doute quelques cafés pour les bavardages… C’est que Pessoa, on ne sera pas surpris de l’apprendre, a une vie intérieure très intense, et même, pourrait-on dire, très peuplée. Depuis toujours, il écrit sous plusieurs pseudonymes, refusant farouchement d’admettre que ces alias n’existent pas, il affirme toujours qu’il les connaît, les fréquente et n’est que leur porte parole. Ils lui ont remis leurs notes ou leurs manuscrits, il en a une malle pleine, à charge pour lui de les mettre en forme et les diffuser. Il ne variera jamais de cette version si bien qu’il est difficile de savoir exactement quelle conscience il avait lui-même de la chose. On pense à Antoine Volodine, et à ses multiples alias, la confusion des identités en moins. C’est ça être un poète et pas seulement un romancier.

Donc, richement documenté, présenté de façon extrêmement vivante, finement vu et intelligemment montré, j’ai adoré cette biographie qui montre tout, ne juge rien, et accompagne le poète de façon si humaine. Le dessin quant à lui, m’a enchantée. Quel talent ! Quelle union heureuse des couleurs (collaboration de Marie Barral), des angles de vue, des éclairages ! Cette BD est une totale réussite. Bravo.


05 juin 2025

L'affaire du voile

de Pétillon

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9782226132451

Comme ma précédente chronique le laissait deviner, j'ai bien vite retrouvé les fabuleux dessins de Pétillon et mon Palmer adoré qui cette fois officie à domicile : Paris et région parisienne. De plus, alertée par le titre de ce treizième opus, je brûlais de curiosité : Comment allait-il se dépatouiller d'un problème aussi délicat qu'une affaire de voile?

Comme l'époque le veut, les contacts avec les clients se font maintenant par internet. Réseaux sociaux, e-mails et documents virtuels... Vous l'aurez peut-être deviné, Jack Palmer ne maîtrise pas vraiment. On pourrait même dire que chez lui, tout ce qui passe par l'informatique peut être considéré comme perdu. Cela ne simplifie pas les choses quand il s'agit de faire tourner sa petite entreprise... Mais enfin, présentement, il a une enquête.

Jack a été chargé par une mère éplorée de retrouver sa fille qui a fugué. Il est sur une piste et il semblerait que cette fille de la grosse bourgeoisie (père chirurgien de renom, mère dentiste) se soit soudain convertie à l'islam le plus radical et qu'elle ne vive plus maintenant que strictement voilée. Les parents qui n'avaient rien vu venir ne l'entendent pas de cette oreille.


Comme à son habitude, Palmer fait simple. C'est un type sans complication. Il cherche une femme voilée, il fait donc le tour des magasins adéquats

Puis va tout bonnement poser la question dans les quartiers tout aussi adéquats. Il ne voit aucun problème à aller tout aussi simplement la poser aux lascars du coin.


Il rencontre un imam non intégriste qui le reçoit bien mais sait peu de choses, et qui a des soucis avec les intégristes qui lui font concurrence et ont envahi sa mosquée. Alors, Palmer les rencontre aussi. De voile en burqa, son enquête va le mener à la porte d'un pensionnat coranique pour femmes, aussi fermé qu'on pouvait le supposer. Aux grands maux, les grands remèdes, Palmer va passer à l'action. Autant dire que tout peut arriver... et on ne sera pas déçus.

Encore une brillante enquête de notre génial détective et je louche déjà sur la prochaine parce que Jack Palmer, c’est comme les cacahuètes, plus on en prend, plus on en a envie. Il n'aurait pas fallu recommencer, mais c'est trop tard...

27 mai 2025

Palmer en Bretagne

de René Petillon

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Pas revu Jack Palmer depuis des décennies! C'est dire. Et voilà que le hasard me met celui-ci entre les mains, c'est le 15ème de la série, il date de 2013. On dirait que ca a été le dernier.

Nous retrouvons notre vaillant détective, toujours aussi vif et bien habillé. Cette fois, il a été engagé comme garde du corps par un milliardaire trois fois plus grand, gros et fort que lui, et bien plus méchant. D'ailleurs, Palmer semble le plus inoffensif de toute la bande qui se trouve réunie là pour un week-end de repos entre gens riches. Erreur de casting sans doute car on ne voit pas ce qu'il pourrait faire pour protéger son milliardaire.

Nous sommes sur une île bretonne, ce qui simplifie la surveillance contre les intrusions. Seuls y ont accès, les invités de Solange Pommeraie et les quelques locaux qui font vivre les lieux. Tout ce beau monde bien bling-bling se surveille et se jalouse comme des hyènes. Aux divers désagréments du séjour s'ajoute une très envahissante et très puante algue verte dont le locaux s'épuisent à nier les méfaits quand ce n'est pas la présence même. Décors et personnages étant en place, Palmer se met au travail

Malheureusement, ayant choisi de se "poster" sur un rocher où personne n'avait jamais songé à se mettre et qui est bientôt entouré par les flots, c'est là que notre détective commencera et finira toute cette aventure tandis que sur l'ile, il y aura destruction d’œuvre d'art, meurtre, visite préfectorale en hélicoptère, poursuites de gendarmerie sur terre, sur mer et dans les airs, des scènes torrides et même un naufrage! C'est pourtant lui qui donnera finalement la clé du mystère. Sacré Palmer !

Les dessins sont vraiment remarquables. Quel talent, ce Petillon! Les expressions sont irrésistibles. L'histoire est bonne, les relations sociales sont un régal de férocité et l'humour est partout, parfois un peu caché. L'auriez-vous vu, celui-là? :

... ce qui, si je compte bien, nous fait une marche tous les... 😂 Mais tous les patelins qui ont un phare ou une tour aiment bien majorer un peu le nombre de marches. C'est humain. Ça fait ça aussi pour la hauteur des falaises, mais là, il n'y en a pas.

Je pense que je vais me faire une petite cure de Jack Palmer, tiens, c'est bon pour ce que j'ai.


Série Jack Palmer:

1- Gourous, derviches et co. en 1979 sous le titre Une sacrée salade en 1981

2- Mister Palmer et Docteur Supermarketstein

3- La Dent creuse

4- Les Disparus d'Apostrophes !

5- Le chanteur de Mexico

6- Le Prince de la BD

7- Le Pékinois

8- Un détective dans le Yucca

9- Narco-dollars

10- Un privé dans la nuit

11- Le Top-model 1995. Renommé L'Affaire du top-model en 2001 ;

12- L'Enquête corse

13- L'Affaire du voile

14- Enquête au paradis

15- Palmer en Bretagne


Hors-série : Le Meilleur et le pire de Jack Palmer

978-2205070576


18 mai 2025

VilleVermine, Le tombeau du géant

Julien Lambert

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978-2377317783

Ceux qui suivent le savent déjà, j’ai découvert Julien Lambert et sa VilleVermine il n’y a pas si longtemps de cela avec les deux premiers volumes des aventures de Jacques Peuplier et j’avais été largement convaincue. Je me suis donc empressée de lire le troisième volume et deuxième aventure (les deux premiers tomes n’étant qu’une seule enquête). Cette fois, nous avons la totalité de l’histoire dans le même volume, ce que je préfère.

Tous les ans à VilleVermine, est célébrée la Fête de la mort du Géant. Cette fête est organisée par la petite-fille de Boris Tassard, le héros qui, d’un coup de sa hache, baptisée Fendeur, étendit raide le monstre qui faisait subir de cruels sévices à la population. Ce monstre était un horrible géant dont personne n'avait pu venir à bout. Boris fut donc traité en héros et bénéficia de la reconnaissance de la population. Cette fête annuelle, qui tient beaucoup du carnaval, maintient vif ce souvenir mais cette année, l'héritière des Tassard voudrait donner plus d'éclat à la fête en présentant à la foule le Fendeur qui a disparu après les faits. C'est bien naturellement à notre Retrouveur d'objet préféré qu'elle s'adresse pour ce faire. L’enquêteur mènera ses recherches malgré la fâcheuse manie qu'ont les témoins d'être déjà morts à son arrivée. Cette aventure va faire découvrir à Jacques (et à ses lecteurs) ce qu'il y a sous VilleVermine, une ville souterraine... pas plus propre que celle du dessus, et habitée par une population constituée de sorte de moines guerriers pas très sympathiques, Mais c'est là que se trouve le Fendeur... et un autre géant. Le Fendeur se révèle être encore plus redoutable que dans la légende, quant au géant... je vous laisse découvrir, mais sachez que Jacques ne déteste toujours pas la baston.

Une Bande dessinée dont j'adore le graphisme et qui, derrière une histoire très originale et captivante, traite comme en passant de domination patriarcale, de gestion sociale des différences, de ce que cachent et à quoi servent les légendes, de pulsions de violence et de boucs émissaires. Et au passage, Jacques en vient à se dire qu'il devrait peut-être enrichir un peu sa vie sentimentale. Captivant, je vous dis.


Direct 5 étoiles. Vivement une troisième aventure !


09 mai 2025


L'anniversaire de Kim Jong-il

Scenario d'Aurélien Ducoudray

Dessins de Mélanie Allag

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9782756051543

Epoque actuelle, Corée du Nord de Kim Jong-il. Le récit est fait du point de vue de Jun Sang, petit garçon de 8 ans qui a la particularité d'être né le même jour que le bien-aimé dictateur, et c'est une chance car dans son pays, il est interdit de fêter les anniversaire, sauf celui du chef suprême. Mais lui, petit Chef des Jeunesses Patriotiques de son quartier, a ainsi un peu l'impression d'être honoré. "Il vit comme on lui apprend à l'école : le grand leader veille sur lui, lui désigne ce qu'il doit faire et ceux qu'il doit haïr de toutes ses forces" et ça, de la haine, il y en a. de la haine, de la surveillance, de la délation, de la maltraitance et de l'abus de pouvoir qui n'en est même plus tant tout pouvoir est pratiquement illimité dans sa sphère.


Jun San et tous les gamins sont complètement embrigadés et vouent un amour sans bornes à leur "cher dirigeant" qu'ils imaginent comme une bienveillante figure paternelle infaillible. Le conditionnement est total. Entre l'école et les rudes travaux obligatoires dans les champs, il y a les "jeux" mettant tous en scène des luttes glorieuses de soldats coréens contre le reste du monde, tous de cruels tyrans réduisant leurs peuples à la misère. Les gamins se rêvent en héros donnant leur vie pour sauver la Corée du Nord et son "leader bien aimé" et, tout comme les adultes sont perpétuellement en chasse du moindre signe de "déviation" pour le dénoncer. La réalité, qu'ils ne voient pas bien qu'ils soient en plein dedans, c'est que la corruption règne en maîtresse et que c'est eux qui vivent dans la misère et mènent une existence extrêmement difficile. Mais peu à peu, de restriction en collecte pour le pays, on passe de la misère à fla amine et cela devient vraiment intenable. A la mort de son père, Kim Jong-il succède à Kim-il Sung et les choses ne font qu'empirer.


La famille de Jun Sang, qui a des origines sud coréenne finit par envisager de passer la frontière, mais le voyage est très dangereux. Trahi et dépouillés par les passeurs, l'aventure se terminera dans un camp. La suite, je vous laisse la découvrir.


Cette bande dessinée dresse un portait très évocateur de la vie dans une dictature et la façon dont la réalité y est niée et où chacun est à la fois bourreau et victime dans un grand élan d'aveuglement général. Je pense que c'est une constante de toutes les dictatures, et c'est très bien montré ici, de l'intérieur. Le récit court sur 8 ans et c'est un jeune homme de 16 ans que nous quitterons en tournant la dernière page. Les dessins, en couleur, puis en noir et blanc pour les périodes les plus sombres, sont à la hauteur de l'entreprise exigeante qu'était ce récit. Adolescents et adultes seront intéressés. Il y a à voir et à apprendre.  



30 avril 2025

Moi, Fadi, le frère volé - T1 (1986-1994)

de Riad Sattouf

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978-2959133725


Les 6 tomes de L'Arabe du futur se terminaient par les retrouvailles entre Riad et son frère Fadi et le dernier laissait voir une légère incompréhension entre eux. Chose bien naturelle puisque élevés séparés dans des cultures différentes et, pour Fadi, dans des mensonges quant aux autres membres de sa famille. C'est sans doute pour dissiper cette incompréhension et réduire la distance entre eux que Riad a amené Fadi à se raconter et a traduit ce récit en bande dessinée. Du moins, c’est ce que j’imagine. Quoi qu’il en soit, on comprend dans ces conditions qu'il serait peu judicieux de lire cette BD sans avoir auparavant lu les 6 tomes de "L'Arabe du futur".

Ce pauvre Fadi brusquement arraché à sa mère et à tout ce qui faisait son monde, pas du tout comme le montre une couverture que je ne comprends pas, mais au prix d'un vrai enlèvement par tromperie alors qu'il n'avait que 4 ans, a vraiment vécu dans son enfance un traumatisme affreux qui émeut le lecteur.


On le suit dans le village paternel et on retrouve ce qui fut le monde de la petite enfance de Riad, comme nous l’avait montré « L’arabe du futur ». Le père, sans devenir ce qu'il espérait, a cependant amélioré sa situation sociale là-bas. Il a pris la prévalence sur son frère parce qu'il a gagné de l'argent. On ne sait pas comment. Sa fameuse villa, en construction depuis toujours, n'est toujours pas sortie de terre, mais il persiste à y croire. Il est mieux considéré, mais tout de même pas incontesté et, dans sa famille, tout le monde semble penser qu'il a eu tort de ramener Fadi. Le pauvre gamin, qui au début, pense que cette séparation ne sera que temporaire, ne cesse de réclamer sa mère alors que son père au contraire lui répète qu'elle ne veut pas le rejoindre. 

Fadi va à son tour connaître l'école syrienne, mais là aussi au moins, à défaut d'enseignement de qualité, le père se montre plus capable de protéger son fils. Les années passent, Fadi oublie un peu et le père se remarie avec une femme qu'il rend aussi malheureuse que la première.

Comme indiqué, nous n'avons là que le tome 1, il nous faudra un second volume pour suivre Fadi jusqu'à son retour en France. Comme L’arabe du futur, c'est une histoire très intéressante. Peut-être un peu moins chargée d'émotion directe - ce qui est peut-être dû au fait que Riad Sattouf n'a pas vécu lui-même cette histoire - mais tellement émouvante! Et puis, on voulait tous savoir ce qui était arrivé à ce petit frère dont la disparition avait détruit la vie de sa mère.

L’auteur explique dans les interviews : "J’ai d’abord voulu avoir des réponses aux questions que je me posais : qu’a fait mon frère pendant toutes ces années ?" et comme on partage sa curiosité, on le suit volontiers dans cette voie.




21 avril 2025

Le bleu est une couleur chaude

de Jul Maroh

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978-2723498760


"Le Bleu est une couleur chaude" a obtenu divers prix et inspiré le film "La Vie d'Adèle", Palme d'Or à Cannes en 2013. Je n'ai pas vu le film et ne pourrai donc pas faire de comparaison et ce n'est que maintenant que je lis la bande dessinée.

Clémentine, lycéenne, sage fille unique de 15 ans vit une existence sans histoire quand un jour, tout simplement dans la rue, elle a un coup de foudre. Ce genre d'évènement ne lui parait pas vraiment possible, aussi décide-t-elle de ne pas en tenir compte... d'autant que l'objet de son coup de foudre a plusieurs années de plus, les cheveux bleus... et que c'est une femme. Or, Clémentine ne s'est jamais interrogée sur ses préférences sexuelles. Ça lui paraissait évident: les filles avec les garçons, et inversement. D'ailleurs elle a des flirts garçons. C'est vrai qu'elle n'a jamais vraiment envie d'aller jusqu'au bout avec eux, mais ça ne veut rien dire, c'est juste une question de personne, non ? Elle n'est pas attirée par les filles non plus. Du moins, elle ne s'est jamais posé la question avant, mais elle n'en a toujours pas l'impression. Elle a d'autres choses en tête, le bac blanc en l’occurrence, et le temps passe. Son expérience augmente un peu dans son milieu lycéen et son penchant lesbien se confirme. Un soir, le hasard la remet en présence de la femme bleue et elle ne peut que constater que son attirance est toujours aussi puissante et là, elle a l'occasion de lui parler, elle s'appelle Emma et semble aussi la trouver sympathique.

Le dessin est harmonieux, peu coloré, majoritairement sépia et bleu, est très explicite dans certaines scènes.

C’est un roman de formation pourrait-on dire. Dans cette BD, nous allons suivre l’éveil à la sexualité d’une adolescente, avec la particularité que c’est une homosexualité et que Clémentine va découvrir dans le même temps ce qu’est l’homophobie, au lycée, pour commencer, et jusque chez elle puisque ses parents ne veulent même pas en entendre parler. C’est bien fait, bien vu, sans exagération, et c’est avant tout une histoire d’amour, une passion sans concessions… La psychologie paraît assez juste et précise. C’est intéressant, que l’on soit concerné ou non, surtout si on aime les histoires d’amour, qui comme on le sait, en général...




12 avril 2025

VilleVermine Le garçon aux bestioles

de Julien Lambert

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Ceux qui suivent savent comment j’avais été brutalement stoppée à mi-parcours lors de ma lecture précédente de "L’homme aux babioles", heureusement, l’alerte aura été de courte durée et une rapide visite à la bibliothèque m’a mise en possession de la fin de cette première aventure. Je dis première car cela a été pour moi l’occasion de découvrir que Jacques Peuplier avait encore mené une autre enquête difficile, mais je vous en parlerai une autre fois, aujourd’hui je termine la première enquête avec ce "garçon aux bestioles".

Le garçon aux bestioles est bien le gamin sauvage rencontré dans le premier tome, celui qui est accompagné d’un gros matou pas commode et d’une sorte de grosse libellule, une "bestiole", quoi. Jacques se lance à sa recherche parce que s’il s’est tiré de justesse des griffes du savant fou, il pense que ce dernier lui a pris son don de parler avec les objets car la terrible vérité est là, il ne le peut plus. Or, sans ce don, Jacques n’est plus rien, il perd sa seule compagnie (car il fréquente peu les humains) et son métier de "retrouveur" d’objets. Il veut donc mettre rapidement la main sur le savant et lui faire rendre ce qu’il lui a pris. Jacques ne sait pas où se cache le savant, mais il se souvient que le gamin, lui, le sait. Il part à sa recherche. Ça n’est pas gagné non plus. Et je ne vous ai pas encore parlé de la super bestiole de 15 mètres…



Voici le thème de ce deuxième volume, plein de suspens, de dangers et même assez dramatique, pour le coup. Je dirais même que le tome un avait beau être excellent, celui-ci est encore meilleur. En effet, les personnages sont de plus en plus intéressants et attachants avec toute leur humaine faiblesse, loin de faiblir, l’action se durcit, les personnages s’épaississent, la réflexion est plus profonde également. Vraiment, une réussite, cette première enquête ! Je vous la conseille vivement. Et j’ai hâte de vous parler de la prochaine aventure de Jacques Peuplier.

Quant à l’intégrale (Tomes 1 et 2 ensemble) comme elle est parue en 2024, si c’est pour l’avoir en 16 X 20cm, pour moi, c’est non. J’aime le dessin et je déteste les mini-BD, on n’en profite pas.

978-2377312030




03 avril 2025

Le dessin

de Marc-Antoine Mathieu

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978-2840557852

Marc-Antoine Mathieu a choisi pour cet album de nous livrer de grandes images (2 par page) en noir et blanc, même pas de gris. Nous n'aurons qu'une touche de couleur à la fin. (N'allez pas voir! Vous vous gâcheriez la surprise). Ce n'est pas ce que je préfère, mais je me suis livrée au jeu et bien m'en a pris car j'ai adoré cette bande dessinée si poétique. Je l'ai lue deux fois de suite, et j'ai bien fait, des finesses m'avaient échappé et je suis prête à parier que si je la relisais une troisième fois, j'en trouverais encore d'autres, cette BD est aussi profonde que la gravure le tableau dont elle parle.

Emile est un homme assez solitaire, si bien que quand son ami Edouard meurt, il se retrouve vraiment seul, et aussi, désorienté. Tous deux artistes, ils avaient l'habitude de se lancer dans des discussions sur le sens de l'art ou des "controverses insensées sur les qualités comparées du mystère et de l'énigme". Edouard qui avait prévu ce désarroi de son ami lui a fait un étrange legs: dans un entrepôt qui contient une quantité extravagante d’œuvres d'art, Emile devra en choisir une mais "oublie l'esthétique" lui précise-t-il et "ne prends que celle qui te plaira". A sa place, j'aurais été perdue, tout m'aurais plu, mais, vous l'aurez deviné, Emile prend celle que son ami lui avait destinée. Il s'agit d'une simple gravure faite par Edouard, et qui représente son appartement. De ce choix découlera tout le reste de la vie l'Emile.

Une histoire complexe, poétique, recherchée et intelligente, presque imperceptiblement fantastique, et où tout fait sens. Chaque détail dans les mots comme dans les images. C'est ainsi que ce récit en trois chapitres passe de "dessin" à "destin", puis "dessein" et que nous nous enfonçons dans cette mystérieuse gravure qui ne semble pas avoir de fond. Nous devrons également réfléchir à ce qu’est la réflexion.

Mais au fond, tout cela, est-ce un mystère ou une énigme? ...


24 mars 2025

La distinction

Librement inspiré du livre de Pierre Bourdieu

de Tiphaine Rivière

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Vous le savez tous, "La distinction" de Pierre Bourdieu est un ouvrage majeur et passionnant… mais c’est aussi un gros livre à la lecture difficile. Pour cette raison, beaucoup ne l’ont pas lu à part quelques devoirs scolaires rapides dans les meilleurs des cas. Cet album arrive à point et va beaucoup nous aider.

Alors, une étude de presque 700 pages transposée en 280 pages de gros dessins, vous vous doutez que vous allez lire une vulgarisation simplifiée, n’empêche que vous aurez les grandes lignes et que j’ai trouvé que l’esprit n’avait pas été trahi. Je conseille non seulement de lire cet ouvrage qui devrait se trouver dans toutes les bibliothèques publiques, mais aussi de l’offrir à vos jeunes, qu’ils fassent des études ou non. Ils comprendront mieux le monde dans lequel ils vivent, car ce qui fait l’objet de cette étude de 1979 perdure encore cinquante ans plus tard et si le monde a bien changé, ce dont on parle ici, est toujours là. Preuve que Bourdieu avait bien mis à jour un élément fondamental de notre mode de vie.

Tiphaine Rivière prend le parti de transposer l’action à notre époque. Notre héros est un jeune professeur de lycée qui, face à la difficulté qu’il y a aujourd’hui à faire classe en Terminale, entreprend de faire lire à ses élèves "La distinction" de Pierre Bourdieu. Ce texte est une révélation pour ces jeunes gens qui, peu enclins au départ à accorder leur attention, ne vont pas tarder à se sentir directement concernés par ce dont Bourdieu (et leur professeur) leur parle. Ils vont immédiatement faire rapprochements et comparaisons entre leurs vies, leurs familles, leurs mondes et les théories qu’ils découvrent. Ils prennent conscience de choses qu’ils ont toujours vécues et acceptées sans jamais les comprendre ni les remettre en cause alors qu’ils sont si fiers de leur libre arbitre. A partir de là, ils s’observent eux-mêmes et questionnent leurs motivations réelles. Ils observent et interrogent leurs familles. Leurs visions du monde changent.

Le graphisme noir et blanc, simplifié, vivant, m’a bien convenu. Le montage est passionnant. La mise en scène claire. C’est complètement accessible. C’est convaincant. Beaucoup vont découvrir des choses. Tout le monde va tout comprendre… et certains, une fois cet album terminé, poursuivront les recherches. Je conseille à 100 %.

978-2413081333




04 mars 2025

VilleVermine  L'homme aux babioles

de Julien Lambert

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Encore une trouvaille due aux hasards de mes fouilles aléatoires en bibliothèque. Je me souviens que je l’ai embarquée en me demandant encore si c’était une BD pour enfants ou adultes. La différence, hormis les images crues ou gores, tient à la simplification des histoires et des sentiments exprimés. Mais là non, s’il n’y a pas d’images choquantes il n’y a pas non plus simplification abusive des choses et j’ai passé un vraiment bon moment avec cet album.

Nous sommes donc à VilleVermine, le nom dit tout. C’est une mégapole en mauvais état et peuplée de gens étranges. "VilleVermine, ville poisseuse, grouillante, crasseuse... Ville de petites magouilles, de petits truands, de sales bizness". Notre héros s’appelle Jacques Peuplier et il vit seul dans une mansarde. Il est détective privé, spécialisé dans la recherche d’objets. Il faut dire qu’il a un atout secret, il parle la langue des objets. Il les aime, il les répare et, quand il est sur une enquête, il peut interroger les objets témoins des faits. Il a donc d’excellents résultats et une bonne réputation dans son métier. Il est par ailleurs aidé par une constitution de colosse et une bonne efficacité dans les bagarres. Ses recherches lui font traverser la ville en tous sens et on croise ainsi les autres habitants, les truands, les bandes de gamins à moitié sauvages, de gros insectes volants et on parle même d’un homme volant, mais Jacques a du mal à y croire jusqu’à ce qu’il le voie de ses yeux. Il y a tellement de choses étranges dans cette VilleVermine… Mais un jour, la Reine des Bas Fonds, lui demande de retrouver sa fille qui a été enlevée. C’est en dehors des compétences de notre détective, mais quand celle-là demande quelque chose, il ne reste plus qu’à obéir, et le voilà parti, interrogeant les objets qui ont assisté aux évènements. Il rencontrera ainsi d’autres personnages dotés de dons tout aussi étranges que les siens et découvrira un complot glaçant dont personne ne se doutait...

Et moi, je lis ça, captivée, car l’histoire est très originale et intéressante, car c’est poétique et ça titille constamment la curiosité, parce que tout peut arriver et que ça n’est pas simpliste. Je me sens comme lorsque, gamine, je dévorais les BD. Le dessin aussi me convient. Lui aussi est original, brut mais parfait et hyper évocateur. Il est exactement adapté au récit. Julien Lambert a assuré le scenario et le dessin et je ne peux qu’admirer son talent. Mais voilà qu’au moment où je suis le plus accrochée, j’arrive à cette vignette :

J’ai fait exactement la tête qu’on voit en haut du dessin et je me suis précipitée dès le lendemain à la bibliothèque pour m’emparer de ce fichu tome 2. Comment avais-je pu ne pas voir que ce n’était pas un one shot ?!

Par contre, mon engouement ne devait pas être totalement infondé car je m’aperçois que cet album a reçu le Fauve polar 2019 à Angoulême.

978-2377311552

12 février 2025

Maus L'intégrale

de Art Spiegelman

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Une lecture INDISPENSABLE. La décision des écoles du comté de McMinn, à l'est du Tennessee, en 2022 de retirer Maus du programme m’a envoyée d’urgence chez mon libraire, et je ne suis pas seule, les ventes ont explosé à ce moment-là. Messieurs les censeurs, merci. Bien sûr, je connaissais ce titre depuis des années, je l'avais déjà vu, j'en avais déjà abondamment entendu parler, je l'avais même eu plusieurs fois en main, feuilleté, lu quelques pages, mais jamais, je l'avoue, je ne m'étais assise dans un fauteuil pour le lire du premier au dernier mot, du premier au dernier dessin. Quelle erreur! Je m'en veux. Ça ne suffit pas de connaître l'existence de ce livre, ni de savoir déjà bien des choses sur la Shoah, il faut lire ce livre. On ne peut pas s'en dispenser car il nous apporte quelque chose d'unique. Faites l'expérience, vous saurez ensuite pourquoi je vous dis ça avec une telle insistance.

Tout d'abord, il ne faut jamais perdre de vue que c'est une histoire vraie. Art Spiegelman a recueilli le récit de la Shoah auprès de son père qui l'a vécue en Pologne puis dans différents camps d'extermination. A ce moment-là, ils vivent tous deux aux USA, la mère d'Art est morte et ses relations avec son père au caractère difficile sont tout sauf aisées. Le lecteur ne peut s’empêcher de penser que ce sont peut-être justement ces défauts, opportunisme, obstination forcenée, égoïsme, qui ont permis au père de survivre là où des millions d'autres sont morts.

 Le récit, documenté par l'auteur comme un reportage, a été publié par épisodes dans un magazine pendant dix ans avant qu'ils soient réunis en un livre. Sous ses apparence de bande dessinée facile avec ses petites souris, c’est un vrai document qui m’a plus d’une fois fait penser à Hilsenrath .

Il a obtenu en 1992 un prix Pulitzer "spécial"", car ce prix n’est normalement pas attribué à une BD. C’est dire s’il a impressionné .

Pourquoi des souris ? Peut-être parce que les nazis soutenaient que les Juifs n’étaient pas humains, mais pas uniquement. Les Allemands sont des chats (je ne pense pas qu’Art Spiegelman déteste les chats, mais ils sont l’ennemi évident des souris) et les Polonais des cochons. Le père parle en faisant des fautes, ce qui rappelle en permanence qu’il est un exilé. Il part d’une situation aisée, jeune, quand son mariage le fait entrer dans la très riche famille de son épouse, lui qui est moins riche. La situation devient ensuite de plus en plus difficile jusqu’à l’abomination des camps d’extermination.

Le récit sans déclaration théorique se situe à hauteur de souris et de quotidien, de survie, où on a tellement de mal à s’en tirer qu’on n’est plus à considérer les choses dans leur ensemble. Mais le lecteur lui, a le recul et la vue d’ensemble. De même, il sait comment le Reich va finir.

Les Spiegelman racontent ce dont tant d’autres ne pourront jamais témoigner. Le récit est épouvantable et on sait en refermant ce livre qu’il n’y a pas d’innocents.

 Après la Libération, les Juifs n’ont généralement pas pu récupérer leurs biens en Pologne. Ceux qui réclamaient trop, on les a fait taire.

Beaucoup ont confirmé leur déni en tentant de nuire à sa publication dans leurs pays respectifs. Wikipédia précise "La traduction vers l'arabe, envisagée depuis longtemps, ne s'est pas encore concrétisée" . Les Russes quant à eux, égaux à eux-mêmes, l’ont édité mais la vente est interdite.

C’est un livre d’une tristesse infinie, mais on ne peut pas faire l’économie de sa lecture.

978-2081278028