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25 août 2023

La peau de l'ours

Joy Sorman

****+


Les catégories du vivant

Joy Sorman est une écrivaine française à l’œuvre bien intéressante. Dans ses romans, elle soulève généralement des problématiques originales et les explore pour notre plus grand intérêt. Et puis, deuxième point, mais pas point secondaire, elle use pour ce faire, d'une écriture tout à fait remarquable par son harmonie et son efficacité. En raison de tout ceci, ses romans se sont souvent trouvés parmi les favoris pour des prix (ainsi celui-ci était-il dans la sélection du Goncourt 2014) et en ont obtenu un certain nombre. 

« La peau de l'ours » affecte au départ, la forme d'un conte. On aurait envie de le lire à haute voix. Il dit la relation de tolérance méfiante qui, depuis les temps les plus anciens, règle le voisinage de l'homme et de l'ours. Il dit l'attirance secrète qui existe entre l'ours et la femme. (Ou du moins la suppose, parce que moi... je ne vois pas trop). Il dit ce qui arriva à la plus belle fille de ce village-là et dont naquit un monstre mi ours-mi homme. Les hommes ayant récupéré ce petit, ne purent accepter cette ambivalence et le cataloguèrent de façon définitive comme ours. Ainsi en fut-il et le lecteur lira à présent l'histoire d'un ours, guère différent des autres, tant par son aspect que par son parcours... si ce n'est que cette histoire nous est racontée par l'ours lui-même, ce qui suppose une intelligence et une lucidité qui ne saurait être purement ursine.

Notre ami l'ours présentant, comme cela n'étonne guère, des prédispositions au dressage et même des dons originaux (sans que sa part de sauvagerie ait totalement disparu) fera une carrière d’ours de cirque, foire, zoos et tous spectacles envisageables, digne d'intéresser le lecteur. Joy Sorman s'appuie sur ce récit pour s'interroger sur la frontière (ici transgressée) entre l'homme et l'animal et également sur notre relation à l'animal. Elle nous apporte beaucoup de questions cruciales et des situations permettant une expérimentation de différentes réponses possibles. C'est très intéressant. Par exemple, notre héros est-il un ours, un humain, un monstre ? Lui-même se voit semblable aux « monstres » de la parade de type « Freaks », mais il se trompe, et ce, quelle que soit l'entente entre eux, car, aussi difformes soient-ils, ils n'ont en eux aucune part d'animalité, tandis que lui, aussi animal soit-il, il n'a en lui aucune difformité. Cet exemple pour vous montrer comment une hypothèse est confrontée à une péripétie du récit, de même pour les différents types de relations.

Dans un précédent ouvrage, « Comme une bête », Joy Sorman s'intéressait déjà à l’animal devenu viande et nourriture de l’homme.

Ce questionnement très intéressant à mon sens, est de plus porté par une écriture véritablement poignante. Certaines scènes vous marqueront, c'est certain. Le récit est court, il n'y a place pour aucun pathos, chaque mot est choisi avec soin et son pouvoir est entier. 

A lire. Vraiment. Que ce soit un thème qui vous intéresse déjà ou que cela ne soit pas encore le cas.

978-2070468195