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10 septembre 2023

Blanc

de Sylvain Tesson

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Après le noir, vient le blanc. Les chemins noirs cèdent la place sous mes yeux aux chemins blancs et j'ai suivi Sylvain Tesson dans ce second périple, mais je pense qu'il n'y aura pas de troisième lecture pour moi car je me suis plutôt ennuyée. "Les chemins noirs", 176 pages, "Blanc" , 240. Que j'ai regretté ces soixante pages de rabiot! C'est long, la marche dans la neige, et pas mal répétitif, mais qu'allais-je faire en ces pa(ra)ges, moi qui ne skie pas, n'escalade pas et n'aime même pas la neige? J'ai eu ici l'occasion de me le demander, croyez-moi, mais vous me connaissez, quand je suis partie, c'est parti, j'ai tendance à m'accrocher et à aller au bout, un de mes rares points communs avec l'auteur.

Donc, tout d'abord, j'ai trouvé le récit bien répétitif et monotone. Faut dire, la neige, quand tu as dit que c'est blanc, très blanc, blanc partout... et froid, très froid, tu as un peu fait le tour de la question. Je parle pour moi, bien sûr, Sylvain Tesson lui, trouve motif à descriptions, jolies phrases, évocations et digressions Le matin, départ à l'aube dans des températures polaires, on s'arrache au refuge rustique mais dont on ne va pas tarder à regretter le confort sommaire. Marche, ski, prise de risques inutiles et arrivée soulagée au refuge suivant, chaque jour se déroule ainsi. Je peux comprendre le désir de se mettre à l'épreuve, de chercher ses limites, de les visiter et de se surpasser, j'ai déjà plus de mal à admettre de parier sa vie pour rien, mais bon, si c'est son truc, je m'incline mais j'aurais par contre aimé être éblouie par ce qu'il en tire. Je crois que j'attendais des pensées plus profondes sur la neige, le risque, l'hibernation, la vie, la mort, le blanc... Bref, Michel Pastoureau aurait sans doute mieux comblé mes attentes. Là, j'aurais lu autre chose que des banalités.

On crapahute donc. Les étapes sont l'occasion de lectures. Un ouvrage historique emporté permet à l'auteur de développer son admiration pour la Maison de Habsbourg ou de Hohenzollern, le Saint Empire romain germanique et l'ordre teuton (c'est propre). Chacun ses goûts, je respecte. Moi, je songe aux portraits de Charles Quint (être Habsbourg a un prix) et modère mon admiration.

 Les lectures sont l'occasion de citations, nombreuses*. Stendhal est largement mis à contribution, avec Rimbaud, et quelques autres. Tesson ne peut pas s’arrêter dans une zone déserte sans y rencontrer un lettré avec lequel échanger des vers et des citations. Quand je pense que je n'arrête pas de discuter avec des tas de gens et qu'ils peinent à citer deux vers de La Fontaine... je me demande comment il fait. La soirée est aussi l'occasion de réviser ses subjonctifs, présent comme imparfait, merci, ça ne me gène pas, au contraire, j'aime bien.

Il m'a semblé enfin, que dans cet ouvrage, les pensées de l'auteur se dévoilaient plus réactionnaires que je ne l'avais vu dans les Chemins noirs, ou alors, je n'avais pas été attentive? C'est assez triste. Je ne parlerai pas de l’absurde et grotesque micro-nouvelle qu'il nous balance vers la fin d'ouvrage faute d'avoir même compris s'il avait voulu faire de l'humour. Mais j'en suis gênée pour lui. Je ne parlerai pas de sa critique de la gestion de la pandémie sur le thème classique de tous-des-moutons en se gardant bien de dire comment il pense que cela aurait dû être géré (parce que tout de même, tout le monde ne peut pas aller se réfugier au sommet d'une montagne). Je ne parlerai pas non plus de sa critique de l'individualisme (des trottinettes!) alors que lui même ne fait jamais rien d'autre que de l'individualisme. Bref non, je souhaite à Sylvain Tesson de belles randonnées et la meilleure santé possible mais je doute de retourner un jour entre ses pages.

Bye


* Hélas pas toutes exactes, voir la critique d'Arnaud Viviant dans Le masque et la Plume.

978-2072960635

23 février 2023

Sur les chemins noirs

de Sylvain Tesson

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Est-il besoin de rappeler les faits? Sylvain Tesson étant tombé d'un toit, a cassé en lui un certain nombre de choses auxquelles il n'avait pas été suffisamment conscient de tenir autant. Ayant failli ne plus jamais marcher, il décide au contraire de marcher beaucoup et par des chemins que seules les cartes IGN les plus précises indiquent. L'idée lui en était venue alors qu'il était encore hospitalisé : "Un des lointains premiers ministres de la Vè République (Jean-Marc Ayrault - période Anatole-France) avait commandé en son temps un rapport sur l'aménagement des campagnes françaises. Le texte avait été publié sous le mandat d'un autre ministre (Manuel Valls - période Offenbach) et sous le titre "Hyper-ruralité". Une batterie d'experts, c'est à dire de spécialistes de l'invérifiable, y jugeait qu'une trentaine de départements français appartenait à "l'hyper-ruralité". pour eux, la ruralité n'était pas une grâce mais une malédiction: le rapport déplorait l'arriération de ces territoires qui échappaient au numérique, qui n'étaient pas assez desservis par le réseau routier, pas assez urbanisés, ou qui se trouvaient privés de grands commerces et d'accès aux administrations. Ce que nous autres, pauvres cloches romantiques, tenions pour une clé du paradis sur terre - l'ensauvagement, la préservation, l'isolement - était considéré dans ces pages comme des catégories du sous-développement. (...) Le texte était illustré de cartes. Les départements hyper-ruraux (...) occupaient une large zone noire. (...) A l’hôpital, rivé au banc de peine, contemplant ces cartes, il m'avait été facile d'imaginer l'itinéraire."

Cet extrait aura l'avantage de présenter la genèse de l'aventure et, pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, le style d'écriture de l'auteur. Le style est important. On va au train de marcheur, c'est lent, joliment dit, les considérations diverses sur le monde tel qu'il va s'invitent volontiers, les citations et doctes références abondent. Si vous n'aimez pas, passez tout de suite votre chemin (c'est le cas de le dire). Moi, j'aime bien, de temps en temps. Et j'ai donc suivi notre valeureux marcheur. Je marchais à son pas, lisant une étape ou deux chaque jour, pas plus, ce qui renforçait l'illusion de cheminer avec lui et je dois dire que je n'ai jamais rechigné à reprendre les godillots, ce qui est signe d'intérêt, mais pas davantage à me déchausser, ce qui n'est pas signe de passion.

Mais moi,  je suis hyper pragmatique, et au fond, ce qui m'a manqué, c'est la vraisemblance. Quand on relève de multiples fractures et qu'on entreprend une marche de plusieurs centaines de kilomètres au sortir de rééducation, je ne peux pas croire que les détails techniques soient secondaires. Dormir à la belle étoile, c'est bien. Oui, mais couché sur quoi? Parce que sur un simple tapis de sol c'est ne pas être sûr de pouvoir se relever le lendemain, et sur une couche plus confortable, c'est avoir à régler le problème des charges à porter. Idem pour le ravitaillement sur plusieurs jours, se régaler des mûres des ronciers, c'est joli à raconter, mais ça ne tient guère au corps, pique-niquer, c'est mieux, mais nous ramène au problème du transport. L’intendance est le nerf de la guerre. Bien sûr que Tesson a souffert et qu'il a parfois dû lui être bien difficile de se déplier au matin; bien sûr qu'il  a eu tous ces problèmes, et bien sûr qu'il les a réglés d'une façon ou d'une autre, mais en ne les évoquant même pas, il nous maintient à distance et à mon sens, limite notre empathie, c'est la faiblesse de cet ouvrage. Il nous offre les paysages et la belle histoire courageuse qu'on pouvait espérer, mais ça manque de tripes. Il fait des phrases, se cache derrière, et ne se laisse ni approcher, ni voir. On n'a droit qu'à son personnage.

Mais c'était un beau voyage.

978-2072823428