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11 février 2023

Pollution 

de Tom Connan

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Quatrième de couverture :

"David, jeune diplômé au chômage partiel, décide de quitter un Paris sous covid, pour faire une expérience de woofing dans le Cotentin. Sur place l'attendent Alex, le fils du fermier et Iris, une autre woofeuse, addict des réseaux sociaux. Tous les trois ont pour mission de s'occuper de la ferme jusqu'au retour des parents d'Alex. Alors qu'en quittant son studio parisien, David pensait fuir la pollution et l'épidémie, son séjour bucolique vire au drame, après la mort suspecte de plusieurs vaches..."

Ce roman porte hyper bien son titre parce que la pollution, on va la rencontrer, sans arrêt, et sous diverses formes. Comme si elle était la marque de notre époque, et peut-être l'est-elle, et comme si elle arrivait au stade où elle prenait le dessus sur nous, favorisée par le déni de tous.

Première fois que je lis Tom Connan, et pas la dernière, soyez-en sûrs. J'ai pris ce roman à la bibliothèque parce que je connais bien la région dont il est question et que j'avais envie de voir ce qu'il en disait. Je n'attendais pas grand chose et je n'étais même pas très sûre de mon choix, mais j'avais à peine fini de le lire que je l'ai acheté pour en garder un exemplaire dans ma bibliothèque. C'est dire s'il m'a convaincue. J'ai particulièrement aimé ce que j'aime également chez Virginie Despentes, à savoir une excellente saisie du monde actuel et de son fonctionnement réel. Ils ne sont pas si nombreux ceux qui connaissent et savent parler du monde de l'hyper connexion, même si nous le vivons tous à un degré plus ou moins fort. Peu d'écrivains l'évoquent et ce n'est peut-être pas plus mal, on lirait sans doute sous leurs plumes une peinture complètement à côté de la plaque. Ici, tout au contraire, on est pile dedans. "On vivait dans un monde bizarre où des boîtes privées, dont les finalités purement commerciales ne faisaient aucun mystère, en savaient plus sur l'humanité que la totalité des états réunis. Les gouvernements n'arrivaient même pas à anticiper les lits nécessaires pour pouvoir absorber l'épidémie en cours, en revanche, les GAFA connaissaient mes goûts politiques, mes affinités sexuelles, mes peurs, mes désirs professionnels et, bien sûr, toutes mes allées et venues. Mais cet invraisemblable transfert de pouvoir ne choquait pas grand monde à la surface de la terre."

C'est presque un polar, un thriller du moins, passionnant de bout en bout et le lecteur se demande constamment comment tout cela va tourner. L'écriture est vive, nette et efficace mais surtout, les personnages, jamais caricaturés mais dont au contraire les beautés, failles et contradictions sont révélées ont tous une réelle profondeur humaine. Aucun manichéisme (ce que je craignais un peu) dans ce récit, mais au contraire une vraie empathie pour les gens. Beaucoup de choses bien vues. On est juste après les premiers confinements. L'étau s'est un peu desserré, laissant apparaître des gens encore traumatisés et incrédules (et à ce propos. T. Connan en a très bien observé les manifestations) : "Depuis le Covid, on était facilement dégoûté du corps des autres et on ressentait tout contact physique non sollicité comme une véritable agression."

C'est presque de la SF et de l'uchronie car l'histoire commence après le premier confinement (c'est vrai qu'on avait l'impression d'être dans un film de SF) et va jusqu'en mars 2024. Le livre quant à lui, est paru en décembre 2021.

Le narrateur est bien monsieur tout le monde (jeune) Il tente de mener sa barque au mieux. Il a des scrupules mais écoute surtout son intérêt, comme la plupart des gens, quoi. "Je n'étais pas très à l'aise avec l'idée de gagner ma vie de cette façon, mais le contexte..." Mais on le voit exercer plusieurs métiers tout au long du roman et cette concession-là, il la fait à chaque fois. Ils ont d'ailleurs tous des métiers plus ou moins bien payés selon les moments, sans stabilité et surtout, qui ne produisent pas du réel. Ils sont "dans l'évènementiel", conseiller, influenceuse, coach, etc. Ils vendent de l'influence ou des objets inutiles et de faible qualité à des gens qui n'en ont aucun besoin... Notre narrateur est plutôt sympathique et crédible, mais pas admirable. Un homme jeune qui se cherche "J'essayais toujours de voir la réalité qui se cachait derrière les phénomènes matériels, comme pour en retirer le voile trompeur. Il n'y avait souvent rien à découvrir, mais c'était bien plus plaisant de voir le monde à travers des représentations qu'en accès direct." dans une époque très difficile.

"On avait tué Dieu au XIXème, puis l'amour au XXème, le XXIème siècle était en train d'abolir le travail, avec d'ailleurs un certain succès, car bientôt les softwares les plus divers seraient en mesure de satisfaire l'ensemble de nos besoins. Mais qu'allions nous faire, nous, les humains, pendant que la galaxie Amazon et l'armée Apple viendrait tout nous offrir sur un plateau en échange de quelques abonnements à 9,99€ par mois? Une fois la série livrée, le cours en ligne distribué, le grille-pain réceptionné et la housse de couette déposée sur le paillasson, de quoi seraient composées nos modestes journées? D'autant qu'avec le revenu universel, le complexe technico-social voulait vraiment s'occuper de tout. Qu'étions-nous en train de fabriquer à l'échelle planétaire, sinon une grande nurserie, au passage réservée à la crème de la crème des pays occidentaux ou a minima occidentalisés? "

A lire.

9782226464835