08 novembre 2025

Aristote

de Tassos Apostolidis

Dessins : Alecos Papadatos

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978-2505082965

Voilà une excellente manière de vous cultiver sans vous ennuyer et, si vous avez des ados, de les cultiver sans les ennuyer. Autant il m’est arrivé de me plaindre du manque de précision de certaines biographies en bande dessinée, autant ce ne sera pas le cas ici. Au contraire ! C'est parfait. Il faut dire que nous en avons tout de même pour 216 pages et que le texte a été rédigé par quelqu'un qui maîtrise tout à fait le sujet.

Les auteurs se sont intéressés et nous ont intéressés à tout ce qui a fait la vie d'Aristote, histoire, œuvres et vie de famille inclus. Nous suivons donc ici le philosophe, depuis son arrivée comme élève dans l'école de Platon auprès de qui il va rester vingt ans, jusqu'à sa mort, en passant par sa rencontre avec Alexandre le Grand dont il sera le précepteur, la création de sa propre école. Dès son jeune âge, il se fait remarquer par son insatiable appétit de savoir à une époque où les mêmes savants étudiaient aussi bien et en même temps, la physique, la géographie, la biologie, l'anatomie ou la botanique que la philosophie.



Aristote était un pragmatique. Pour lui, la connaissance naît de l'observation qui permettra des remarques sur lesquelles s'appuieront les théories. Ainsi Aristote ne se cantonne-t-il pas aux grandes idées, il sait que la pratique compte et quand il va créer son lycée, il s'intéressera non seulement au contenu de son enseignement mais aussi à la façon dont il le transmettra et la façon dont son lycée fonctionnera.

Fidèle à sa méthode, c'est sur cette base vécue qu'il élaborera ses théories pédagogiques et même ses conseils politiques pour un système d'enseignements ouvert à tous ceux qui désirent apprendre.

L'ouvrage est par ailleurs éclairé de cartes géographiques simplifiées mais claires, permettant de comprendre un peu les tenants et aboutissants des luttes entre Athéniens, Macédoniens, Perses etc. qui ont constamment modelé la vie du savant.

Le dessin, en pages bicolores, est vivant et expressif et non dénué de pointes d'humour qui allègent le cours que nous prenons dans ce livre. Ils montrent aussi, à l'arrière plan, la façon de vivre et les objets du quotidien de cette époque.

Ouvrage hautement recommandable !

Pour résumer :

03 novembre 2025

La Montagne magique 

de Thomas Mann

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978-2253237594


La montagne était magique, magique aussi le séjour au sanatorium entre vie et mort, hors du monde qui basculait dans la Grande Boucherie, et magicien, l’auteur.

Hans Castorp se tient en équilibre à son sommet. C’est un tout jeune adulte qui vient d’obtenir son diplôme d’ingénieur et qui est sur le point de commencer sa carrière dans l’entreprise d’un ami de la famille. Commencer sa carrière, commencer sa vie … mais sa carrière, il ne l’a pas choisie par intérêt réel, plutôt un concours de circonstances, et puis, il en faut bien une. De même sa vie, bientôt, on lui trouvera une fiancée. Il se contente de suivre son cours et pourtant, quelque chose le trouble. Il sent, sans parvenir à identifier le problème, que quelque chose ne tourne pas exactement rond. Mais quoi ?

Il y a des œuvres littéraires, comme celle-ci que leur réputation précède de très loin et dont on a entendu parler de tout temps semble-t-il, au moins depuis qu’on s’intéresse aux livres, et bien avant qu’éventuellement, on s’aventure à les lire ; il en est ainsi de La Montagne magique. Tout impressionne dans ce bouquin, sa réputation, mondiale, colossale, son auteur, Prix Nobel, carrière internationale bien avant la mondialisation, et même son ampleur : 1133 pages dans la version poche que j’ai lue. Tout cela a de quoi vous fasciner, vous attirer, mais aussi, vous tenir à l’écart. Et à l’écart, je m’en suis bien tenue pendant quelques décennies… 

Seulement voilà, tout à fait indépendamment, il se trouve que j’adore toutes les histoires qui se déroulent dans un microcosme, hôtel, pension de famille, sanatorium, etc. Il se trouve aussi que j'ai lu l’excellent Banquet des Empouses d’Olga Tokarczuk  qui est un immense clin d’œil à la Montagne magique, et que cela m’amène à me dire encore une fois, qu’il est bien dommage que je n’aie toujours pas lu l’original… mais je n’ose toujours pas. Mais peu auparavant, Le Magicien de Colm Tóibín était sorti en format poche. 672 pages, un gros livre là encore, mais d’un accès facile et qui se dévore, alors je l’ai lu  et une fois terminé, il m’a semblé que Thomas Mann n’était plus le monstre sacré inaccessible qu’il était avant. Il m’a semblé que je pouvais, au moins partiellement, le comprendre. L’homme, du moins, alors son œuvre… qui sait ? Et c’est là que je me suis souvenu comment je lisais les gros ouvrages rébarbatifs au temps lointain de mes études : dose quotidienne obligatoire sans aucune exception entourée de lectures plus récréatives. La Montagne étant toujours aussi impressionnante, alors j’ai fixé la dose quotidienne très bas : 15 à 20 pages. Et pour la récréation, ça a été Le journal d’un assaSynth

Avouez que je ne risquais pas de confondre.

Et j’ai lu.

Longtemps.

Sans jamais déroger. Et j’y ai pris du plaisir, et de l’ennui aussi. Parfois, c'est très long (les disputes de Settembrini et Naphta!). D’innombrables scènes se sont gravées dans ma mémoire, les tables du réfectoire, les radiographies, les excursions en carriole, le pantalon jaune de Settembrini, l’impuissance niée des médecins, la sottise des uns, la méchanceté des autres (mais souvent les mêmes), la misère des rôles sociaux (le soldat, l’ingénieur), les rapport de richesse (en avoir ou pas), les séances de spiritisme, les vieilles luttes inépuisables entre la droite et la gauche, le duel etc. etc. La Montagne magique, c’est tellement de choses! Thomas Mann a réussi à tant y mettre ! A parler de tout, mais sans en parler. Tout est allusion, tours de passe-passe est transpositions dans ce roman. Le Magicien montre en cachant. Comme l’épouse qui avait amené T. Mann a séjourner dans un sanatorium, a été transposée en cousin (changement de sexe),sans doute la captivante Madame Chauchat n’a-t-elle pas été inspirée par une belle dame… et quand Settembrini intime à son élève de ne jamais céder à son goût pour le «charme oriental passif» et de lutter au contraire contre ce penchant découvert au lycée, sans doute n'évoque-t-il pas seulement l’indolence, les yeux en amande et les pommettes hautes des deux séducteurs.

L'éditeur a beaucoup fait mousser sa nouvelle traduction de Claire de Oliveira qui serait bien meilleure que celle de Maurice Betz qui datait de 1931. Il se trouve que je disposais des deux versions et que je me suis souvent amusée à comparer des passages de l'un et de l'autre et il se trouve aussi que j'ai bien aimé les deux. Je ne suis pas tombée sur de grosses différences et c'est tant mieux, on part tout de même du même texte. Je trouvais parfois l'une plus habile que l'autre, mais ce n'était pas toujours la même. Toutefois, cette modernisation a eu le mérite de remettre ce chef-d’œuvre sur le devant de la scène. Tant mieux.