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16 avril 2025

Un mois à Sienne

de Hisham Matar

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978-2072850028

Ce court ouvrage (140 pages) relate un séjour que l’auteur a fait à Sienne en 2015. Il explique que, passionné d’art et plus particulièrement de peinture, il a nourri depuis ses 19 ans une véritable fascination pour l’École siennoise et que ce séjour était donc la réalisation d’un rêve ancien. Ce livre va être une sorte de compte-rendu de son séjour là-bas. Nous allons avec lui visiter les musées, stationner des heures devant les mêmes tableaux comme il a coutume de le faire, et le voir les ressentir et les comprendre. Nous allons avec lui visiter la ville à sa façon déterminée de poursuivre ses marches tout droit jusqu’à la limite de la cité, puis de faire demi-tour. Nous allons y faire des rencontres, peu nombreuses, mais chaleureuses et éclairantes.

L’intérêt du livre tient à la culture et à l’intelligence de l’auteur puisqu’il consigne par écrit ses connaissances sur l’histoire, l’architecture et l’art de la ville, comme sur les tableaux qu’il observe longuement l’un après l’autre. Il évoque également savamment la période historique, les effets civilisationnels de la Grande Peste, par exemple.

« Après 1348, l’art changea parce que l’humanité avait changé. Une des premières vies que la peste emporta en arrivant à Sienne fut celle de Lorenzetti. Nombre de ses contemporains succombèrent aussi. Avec eux disparurent leur expertise et leur capacité à former la génération suivante. Les jeunes artistes étaient désormais pour la plupart privés de maîtres et de soutiens financiers : l’économie ayant été dévastée, il n’y avait plus de mécènes. La ferveur religieuse inspirée par tant de souffrances avait renforcé l’emprise de l’Église. »

S’y mêle des réflexions plus personnelles, par exemple sur son père disparu sans que l’on sache exactement dans quelles circonstances, à la suite de son enlèvement au Caire par la police secrète égyptienne et de sa remise au régime de Kadhafi. Hisham Matar sait qu’il a été enfermé dans la terrifiante prison d’Abou Salim, mais ses informations s’arrêtent là et, à l’époque où il fait ce voyage à Sienne, il est temps pour lui d’admettre qu’il n’en saura très probablement jamais plus sur ce qui est arrivé à son père. Pour cela, c’est aussi un voyage de réflexion et de deuil. J’ai aimé également le lire évoquer sa façon de penser le monde, par exemple, l’importance qu’il accorde à l’influence des bâtiments et même des objets sur les humains. C’est un de mes credo et je suis contente de ne pas être seule.

« Or, je fais confiance à la présence physique des choses – bien plus qu’aux abstractions intellectuelles.Je crois qu’un objet peut exercer une influence, indépendamment du fait que les gens qui occupent la pièce où il se trouve interagissent ou non avec lui, et lui accordent ou non la moindre attention. »

Fasciné qu’il est depuis tant d’années par cette École siennoise, il ne faut pas s’étonner de l’étendue de ses connaissances à son sujet. Il nous décrit en détail les tableaux qu’il est allé voir et nous en donne son interprétation, décrypte par exemple, les significations possibles des allégories qu’il observe. Le gros problème en l’occurrence, c’est que l’ouvrage ne nous offre que des reproductions vraiment médiocres, aussi à mon avis, on ne peut en tirer aucun bénéfice si on ne fait pas cette lecture avec un ordinateur ou une tablette qui nous permette d’observer en même temps de bonnes photos des œuvres. C’est ce que j’ai fait et autrement, vraiment, je ne vois pas ce que j’aurais pu tirer de celles du livre.

Plutôt destinée à ceux qui s’intéressent soit à Sienne, soit à l’art, soit à Hisham Matar, cette lecture est intéressante, instructive, sans jamais être ennuyeuse.