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17 mars 2022

La tresse 

de Laetitia Colombani

****+


Pas encore lu parce que trop vanté en son temps (chacun sait que ces louanges dithyrambiques ont un effet rebond), ce roman m'a été mis en main quatre ans après sa parution avec obligation de le lire. Bon. Pour être honnête, je n'en attendais pas grand chose. Toujours l'effet rebond. Et effectivement, ça commence un peu moyen. Le nœud de ce roman, est son objet et sa structure et ces deux choses n'en font qu'une, c'est pourquoi je parle de nœud et non de nœuds. Il s'agit bien sûr de la tresse qui sera le point commun à trois histoires de femmes fortes. Ces trois récits s'entrelaceront un brin après l'autre comme s’entrelacent les trois brins de la tresse.

Smita est une Intouchable. On n'imagine pas que de telles conditions de vie puisse encore exister à notre époque. On le découvre, ainsi que la cruauté et l'injustice insensées de la société indienne. Mais Smita ne veut pas que sa fille connaisse le même sort qu'elle. Il est impossible d'y échapper mais elle mettra tout de même leurs deux vies en jeu pour tenter d'y parvenir. C'est elles qui fourniront les cheveux de la tresse postiche.

Giulia est Sicilienne. Active, elle n'envisage pas de mener une vie de femme au foyer mais n'est pourtant pas émancipée de sa famille**6. Elle seconde son père dans son entreprise ancestrale de confection de perruques, mais tout va mal. Le pater familias colérique mais adoré, chef d’entreprise paternaliste, tombe dans le coma et l'entreprise se retrouve sur les épaules de Giulia. C'est elle qui confectionnera la tresse postiche.

Sarah avocate, executive woman de pointe, a réussi à percer le plafond de verre et se retrouve associée dans un cabinet prestigieux. Elle est bien sûr entourée de loups mais elle a toujours vécu ainsi. Il a fallu faire des choix. Cette place, tant convoitée, elle l'a obtenue au prix de tout le reste de sa vie. Quand le cancer frappera, c'est elle qui utilisera la tresse postiche

Cette structure très technique pourrait nuire au naturel du récit et c'est bien ce qui se passe au début. La mise en place des trois récits ne laisse apparaître que des êtres manquant de chair, presque des ébauches. Je soupçonne ceux qui font ce reproche au roman de ne pas avoir lu plus loin, car peu à peu, la chair, le sang, le cœur y viennent et y prennent bel et bien leur place. Au final, on ne peut qu'admirer la maîtrise de l'auteure.

Ce livre est une réussite sur le plan technique, humain et littéraire. Il a su montrer avec une totale vraisemblance, trois mondes totalement différents, trois forces et courages, trois combats et les tresser pour en faire un roman remarquable qui fut couronné de nombreux prix tant en France qu'à l'étranger.


« Smita a déjà entendu ce chiffre, qui la fait frissonner : deux millions de femmes, assassinées dans le pays, chaque année. Deux millions, victimes de la barbarie des hommes, tuées dans l'indifférence générale. Lee monde entier s'en fiche. Le monde les a abandonnées.*

Qui croit-elle donc être, face à cette violence, cette avalanche de haine ? Pense-t-elle pouvoir y échapper ? Se croit-elle plus forte que les autres. »



978-2253906568