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20 août 2023

La lenteur

de Milan Kundera

****


Je me suis dit "Bien la peine d'avoir l'opportunité de rencontrer un fantôme vieux de deux siècles si c'est pour n'être capable d'avoir avec lui qu'un dialogue de sourds! »

Dans ce roman, Milan Kundera, se met en scène, mué en entomologiste, se rendant avec son épouse à un colloque de confrères où il est accueilli comme le valeureux résistant échappé aux dictatures de l'Est. Le colloque a lieu dans un château dont il connaît l'histoire et où Vivant Denon* a situé l'action d'un de ses romans contant une aventure gentiment libertine. Kundera y fera vivre autour de lui ses personnages à lui, libertins aussi. Le libertinage a bien changé en deux cents ans mais il ne s'est pas autant simplifié qu'on le dit. L’âpreté des mesquines luttes d'influences gonflées par les médias ne s'est pas adoucie non plus, bien au contraire.  Et quand l'amant moderne s'esquive au matin à travers bois, c'est pour tomber sur celui de Denon et pour qu'ils ne se comprennent pas.

 L'entomologiste quant à lui se trouve inconfortablement mêlé à toutes ces histoires et d'autre part, ne se tire pas au mieux de sa prise de parole au colloque, ainsi s'esquivera-t-il pareillement au matin, laissant là tout ces petits mondes si vivants encore l'instant d'avant. Cent cinquante petites pages et puis s'en va, laissant le lecteur avec de quoi s'occuper l'esprit pour un moment...

Encore une fois, une histoire compliquée mais pas trop, et plaisante à lire, offrant de multiples pistes de réflexion. La plus importante étant bien évidemment l'éloge de la lenteur éponyme que l'auteur lie à la mémoire. "Il y a un lien secret entre la lenteur et la mémoire, entre la vitesse et l'oubli." et plus loin, il insistera : "Dans la mathématique existentielle cette expérience prend la forme de deux équations élémentaires : le degré de la lenteur est directement proportionnel à l’intensité de la mémoire ; le degré de la vitesse est directement proportionnel à l’intensité de l’oubli".

Alors n'oubliez pas : "Quand les choses se passent trop vite personne ne peut être sûr de rien, de rien du tout, même pas de soi-même".

D’autant que finalement, "Dans une illumination subite, tout son passé lui apparaît non pas comme une aventure sublime, riche en événements dramatiques et uniques, mais comme la minuscule partie d'un fatras d'événements confus qui ont traversé la planète à une vitesse empêchant de distinguer leurs traits (...)."


PS : La lenteur est le premier roman que Kundera a écrit en français, langue qu'il maîtrise parfaitement.

* 1747-1825 ,  graveur, écrivain, diplomate et administrateur français.


978-2072892905

25 juillet 2023

La fête de l'insignifiance

de Milan Kundera

****+


« l'insignifiance, mon ami, c'est l'essence de l'existence »

Cinq hommes, plus ou moins amis, se croisent, se rencontrent et se parlent principalement dans les jardins du Luxembourg. Nous rencontrons d'abord Alain, qui fait une fixette sur les nombrils, sans doute depuis que sa mère qui ne voulait pas de lui, l'a définitivement quitté après avoir simplement touché son nombril. Sans doute songeait-elle que cette cicatrice témoignait d'un temps où cet être neuf dont elle ne veut pas était une partie d'elle, mais à cela, Alain ne songe pas. Si il pense sans arrêt à sa mère, c'est dans ses propres versions fantasmées, variables et ne visant aucune réalité. Puis nous rencontrons Ramon, qui voudrait bien aller voir l'exposition Chagall, mais ne peut se résoudre à faire la queue. Il renonce donc et erre dans le jardin où il rencontre le troisième larron: D'Ardelo (oui, les noms...). D'Ardelo sort de chez son médecin qui lui a donné les résultats (heureux) de sa biopsie. Mais d'Ardelo, à sa propre surprise, annonce à Ramon qu'il a un cancer. Sans doute trouve-t-il cela plus intéressant et a-t-il envie de jouer sans risque le rôle tragique qui vient de lui échapper. Le quatrième larron est Charles chez qui Ramon se rend ensuite. Charles est organisateur de cocktails mondains et amateur d'anecdotes originales sur Staline. Il en raconte justement une (longuement) au sujet de perdrix et du sens de l'humour de Staline. De bavardages en bavardages, nous arrivons à Calliban acteur sans contrat qui se loue comme serveur stylé dans les cocktails de Charles en faisant croire qu'il ne parle qu'un idiome étrange proche du pakistanais, langue qu'il se donne tout à fait inutilement, beaucoup de mal à inventer avec vraisemblance.

Ces rencontres et bavardages, de jardin en cocktail, de la réalité aux fantasmes d'Alain sur sa mère ou à ceux de Charles sur Staline m'ont bien divertie en ce sens qu'ils allient toujours fantaisie et profondeur. Une chimère vient toujours caresser un concept profond et le lecteur s'amuse et dans le même temps, réfléchit à des choses importantes. Je remarque cependant que c'est un univers totalement masculin. La Franck (quel nom encore!) évoquée au cours du récit n'est qu'un personnage d'arrière plan. La bonne portugaise a plus de réalité, mais dans un rôle si inférieur... Qu'ils se prétendent séducteurs ou non, la vision de ces hommes m'a parue étonnamment limitée à un monde masculin. Je pense que beaucoup d'hommes de la génération de Kundera ont vécu mentalement dans ce monde tronqué. Ils n'en sont généralement pas conscients mais c'est un fait.

Quand Kundera est mort, j'ai réalisé que je ne l'avais jamais lu, je pense que c'était plus ou moins parce que je craignais de m'ennuyer. Je me suis alors dit qu'il fallait tout de même que j'en lise au moins un et le hasard des bibliothèques a mis sous ma main cette « Fête de l'insignifiance" au joli titre (mais ils le sont tous chez Kundera) et qui avait l'avantage d'être court, ainsi si je m'ennuyais, je ne m’ennuierais pas longtemps. Mais ce fut le contraire qui se passa, une fois tournée la dernière pages, j'ai dû constater que je n'en avais pas eu assez, je désirais lire encore Kundera et j'ai donc enchaîné avec "La lenteur" dont je vous parlerai bientôt.

Moralité : Lisez au moins un roman de Kundera.


"Respirez, D'Ardelo, mon ami, respirez cette insignifiance qui nous entoure, elle est la clé de la sagesse, elle est la clé de la bonne humeur."



978-2070466146

12 juillet 2023

 L'écrivain Milan Kundera est mort ce 11 juillet à 94 ans.

En hommage, je propose de lire et de commenter 

un de ses titres 

dans le courant du mois.

Qui participerait?

(il y a des livres très courts, voir sous l'image)


Certains me disent qu'ils n'ont pas le temps avant la fin du mois, alors je rappelle: L'Art du roman 198 pages
la lenteur 153 pages
L'ignorance 180 pages
L'identité 164 pages
La fete d' l'insignifiance 141 pages  

Bilan:
Agnès a participé avec "La plaisanterie
Mapero avec 
 "L'insoutenable légèreté de l'être"

Sibylline avec "La fête de l'insignifiance"