Affichage des articles dont le libellé est Policier - Thriller - Noir. Afficher tous les articles
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19 avril 2024

Midnight Examiner

de William Kotzwinkle

****+


C'est pour rire !

Ne prenez surtout rien au sérieux dans ce polar surréaliste mettant aux prises la bande de journalistes déjantés d'un groupe de tabloïds sans vergogne et la pègre locale. Non pour des questions de morale, de justice ou de vérité, qu'allez-vous imaginer là ! Mais disons, suite à un conflit d’intérêt qui pouvait d'ailleurs être réglé à l'amiable.

Nous suivons le sympathique mais peu brillant rédacteur en chef du groupe qui édite des revues sur les thèmes les plus divers : sexe, mode, armes à feu, religion, paranormal et tout autre sujet aussi prometteur... en des articles tous plus improbables les uns que les autres, ne se souciant ni de vraisemblance ni de déontologie, le but étant surtout de véhiculer des publicités qui ne font pas que frôler l’escroquerie. Nous verrons d'ailleurs que même quand la réalité pourrait dépasser la fiction, ils la méprisent pour lui préférer une version correspondant à leur créneau éditorial. Par exemple:

« Deux clochards firent leur apparition dans le parc. Ils se battaient à coup de fourchette, comme des escrimeurs, avec feintes et moulinets. L'un d'eux finit par s'écrouler sur la gazon et l'autre reprit son chemin en trottinant, brandissant sa fourchette en signe de victoire, les dents pointées vers le ciel, les pointes étincelantes. Hip sortit son calepin : "Il Descend De Son Ovni Et Blesse Un Passant Avec Une Épée De Lumière". Il prit note, referma soigneusement son calepin et le rempocha. "On rentre?" »

Vous vous doutez bien que les gens susceptibles de travailler là-dedans (en évitant au mieux les fléchettes que le propriétaire, fan inconditionnel de la sarbacane, tire à longueur de journée sur tout ce qui passe à sa portée) ne peuvent qu'être un peu hors normes, ce livre vous le confirmera. 

La narration ira parfois si loin dans l'approximation et la prise de risque que le seul recours de l'auteur sera de faire appel à la magie noire pour tirer ses personnages de la situation inextricable où il les aura mis. Mais ça tombe bien, ils ont aussi cela en réserve dans leurs publications.

On s'amuse bien en lisant ce titre d'un William Kotzwinkle toujours aussi habile, efficace, et atteignant une sorte de perfection dans ce qu'il produit que cela soit sérieux ou comique. Amateurs de plaisanterie, dénichez-vous vite ce titre !

978-2869304963

23 mars 2024

Le cas Malaussène -2- Terminus Malaussène

de Daniel Pennac

****+

J'en avais entendu des échos assez variés mais plutôt réservés dans l'ensemble, c'est pourquoi je ne m'étais pas précipitée pour le lire. Et puis, j'avais lu le premier tome de ce Cas Malaussène qui s’interrompt de manière tellement abrupte! Il fallait bien que je finisse par savoir comment tout cela se terminait. Fan des premières heures, j'avais passé trop d'excellentissimes heures de lecture avec cette tribu chaleureuse pour ne pas continuer à lire tant que Pennac continuerait à raconter.

J'ai pourtant eu du mal pendant toute la première moitié. Pas que ce soit inintéressant, il y a beaucoup de choses bien intrigantes qui se mettent en place, beaucoup de personnages surprenants et intéressants qui se précisent et captent l’intérêt mais je ne sais pas... une question de rythme plutôt. J'avais sans arrêt l'impression qu'on nous racontait une deuxième fois quelque chose qu'on venait de nous dire. Des sortes de récapitulations à répétition d'autant plus longuettes qu'elles étaient inutiles. C'était contrariant. On se sentait ralenti. D'autant plus contrariant que ce tome ultime n'avait pas besoin d’être aussi gros. Normalement, c’est plutôt une petite cuisine d’auteur qui tire à la ligne, ça. Peut-être en fait, Pennac renaclait-il à approcher de la fin... Bref, tout de même, il y avait tellement de choses qui titillaient ma curiosité, et des choses originales aussi, pas du « déjà vu », que je n'ai jamais envisagé d'abandonner et à peu près au milieu, ça y est, le récit s'est envolé et on a enfin filé jusqu'au bout sans rabâchage. Il y avait un point très important concernant Pépère que j'avais deviné très tôt et je voulais absolument voir si je me fourrais le doigt dans l’œil ou si j'avais raison. Ca motive. Ce n'était d'ailleurs pas la seule hypothèse que j'avais à vérifier car, comme dans tout bon roman à suspens, j'avais envisagé des réponses aux divers problèmes (assez nombreux ici) et je voulais voir comment les choses allaient tourner. Tout cela fait qu'une fois lancée et le rythme retrouvé, les 450 pages se dévorent très bien. Je ne regrette pas d'avoir tenu à finir cette saga familiale unique. Il aurait été dommage de ne pas aller jusqu'au bout. Bravo Daniel Pennac !

Et bonne nouvelle pour ceux qui ont patienté : Terminus Malaussène sortira en poche début juin

978-2072743863

18 mars 2024


La Nuit du renard 

de Mary Higgins Clark

*****


Grand prix de littérature policière

Présentation de l'éditeur:

"Ronald Thompson doit mourir sur la chaise électrique. Témoin terrorisé, le petit Neil a affirmé, au cours du procès, le reconnaître comme le meurtrier de sa mère. Mais Ronald a toujours clamé son innocence. À quelques heures de la sentence, l'enfant est enlevé avec une jeune journaliste amie de son père, par un déséquilibré qui se fait appeler Renard. Il les séquestre dans la gare centrale de New York. Le kidnappeur menace de faire sauter une bombe au moment précis où le condamné sera exécuté. Existe-t-il un lien entre ces deux terribles faits divers ? Un innocent va-t-il payer pour le crime d'un autre ? Une course contre la montre s'est engagée..."


De temps en temps, en lecture aussi, on a besoin d'un petit break, d'une récréation. Dans ces cas-là, il faut un livre drôle (mais ils sont si rares!), ou un livre d'aventure ou un polar. Je choisis le plus souvent cette troisième solution. J'aime bien quand ils sont un peu déjantés, originaux dans l'intrigue, avec du recul, ou surprenants. Ici, je vous le dis tout de suite, rien de tout cela. Le contraire, même. On a un bon polar pas du tout moderne, de forme et de fond très classiques au contraire, où rien ne vous surprendra beaucoup, mais attention! Qu'est ce que c'est bien fait! Mary Higgins Clark n'a pas volé son titre de Reine du suspens.

On se doute bien que le méchant (mentalement dérangé qui plus est, mais extrêmement malin et prudent) ne va pas gagner, que la belle jeune femme ne va pas être horriblement assassinée (même si plusieurs autres l'ont été peu auparavant des mains du même méchant). On se doute que le bel homme qui est épris d'elle va la sauver, tout comme seront sauvés son fils de 8 ans et l'innocent tout prêt à s'asseoir sur la chaise électrique, mais comment tout cela se fera-t-il?

Une fois la situation bien mise en place (j'avais tout de même noté les noms parce qu'il y a une bonne quinzaine de personnages et au début, on peut avoir des moments de confusion), l’intérêt ne se relâche jamais et ce vraiment jusqu'à la dernière page. Des failles apparaissent bientôt dans le système de l’assassin que le lecteur voit agir dans un premier temps, puis identifie alors que les enquêteurs eux, ignorent tout à fait qui il est. Cette façon de raconter permet au lecteur captivé de voir les enquêteurs converger vers lui, parfois à le frôler alors qu'ils continuent à ne pas comprendre. On se demande comment finalement, ils vont le démasquer, puisque plusieurs possibilités sont apparues, puis, dans un sprint final vraiment palpitant, on se demande comment ils vont encore pouvoir empêcher le pire!!!

Bref, on avait beau savoir depuis le début, pour rien au monde on n'aurait lâché ce livre sans l'avoir lu jusqu'à la dernière ligne. Chapeau. Beau boulot.

978-2253025481


08 mars 2024

Lune captive dans un œil mort

Pascal Garnier

*****


Présentation de l'éditeur:

"Martial et Odette viennent d’emménager dans une résidence paradisiaque du sud de la France, loin de leur grise vie de banlieue. Les Conviviales offrent un atout majeur : protection absolue et sécurité garantie – pour seniors uniquement.

Assez vite, les défaillances du gardiennage s’ajoutent à l’ennui de l’isolement. Les premiers voisins s’installent enfin. Le huis clos devient alors un shaker explosif : troubles obsessionnels, blessures secrètes, menaces fantasmées du monde extérieur. Jusqu’à ce que la lune, une nuit plus terrible que les autres, se reflète dans l’œil du gardien…

Avec beaucoup d’humour et de finesse, malgré la noirceur du sujet, Pascal Garnier brosse le portrait d’une génération à qui l’on vend le bonheur comme une marchandise supplémentaire. Une fin de vie à l’épreuve d’un redoutable piège à rêves."


Je suis une fan de Pascal Garnier, sa finesse, son humour noir et même féroce, son talent de narrateur. J'avais presque tout lu de lui, il y a des années et depuis, régulièrement, j'en relis un, pour le plaisir et pour la nostalgie. Ce thème a été beaucoup repris, mais P. Garnier a été un des premiers à le traiter , et de façon tout à fait réussie.

Moi j'ai vu cette histoire comme le récit de la montée de la folie en milieu clos. Ils ont tous une petite fêlure et, l'âge et les circonstances (vase clos)  aidant, cette fêlure devient une crevasse puis un abime dans lequel ils se perdront. L'une croit de plus en plus que son fils n'est pas mort, l'autre est totalement subjugué par l'idée de tuer, un troisième développe une paranoïa aiguë fixée sur les Gitans etc. Sans parler de celle qui est arrivée déjà fêlée... Aucun n'est indemne. Tout dérape bientôt, doucement d'abord puis de plus en plus vite. D'autant que l'élément extérieur qui pourrait les raccrocher à la réalité s'adonne à la fumette de façon compulsive ce qui, tout le monde vous le dira, n'améliore ni la lucidité, ni l'efficacité. Pour tout arranger, l'alcool, d'abord discret, se répand de plus en plus librement sous couvert d'apéritifs et repas entre voisins, et ça non plus, question lucidité et efficacité... ça n'aide pas.

J'ai aussi lu cette histoire comme une histoire drôle, un humour noir et féroce, soit, mais terriblement présent. Certaines scènes (comme le tour de rein de Maxime par exemple) ne vous laisseront certainement pas insensibles. Et même l'explosion finale a un côté grand-guignolesque qui stupéfie les sauveteurs eux-mêmes (à qui il sera quand même bien difficile de tout expliquer).

Non, quoi qu'on fasse, la fin de vie vue par Pascal Garnier -un de ses thèmes favoris- c'est salissant et ça éclabousse un peu.


9782843044656

#Lunecaptivedansunœilmort  #PascalGarni


er   #LapetiteLISTE   #sibyllinelecture   #bookstagramfrance  #lecture  #littérature #romanpolicier  #polar   #romanspoliciers #romannoir #romansnoirs 

27 février 2024

Prenez-moi pour une conne

Guillaume Clicquot

**+


Juste la moyenne pour ce roman plus ou moins policier dont on connaît dès le départ l'assassin et la victime. L'assassin, ce sera Orane de Lavallière (un peu too much, les noms, ce qui donne le ton général), bientôt 60 ans, bourgeoise très aisée, femme au foyer, qui vient de marier sa dernière fille à caser (deux fils avant cela). La victime, ce sera Xavier, son mari coureur depuis toujours, ce dont elle s'est toujours bien accommodée en échange de paix, confort, sécurité et belles apparences. Seulement Xavier aussi vieillit et le démon de midi aidant, il estime de son côté que le départ du dernier oisillon est pour lui le signal de son propre envol vers une nouvelle vie avec un nouvel amour etc. Parce qu'il le vaut bien.

Bien sûr, il évite la scène pénible des adieux en remplaçant l'explication les yeux dans les yeux par une lettre qui sera remise à Orane à un moment où, sa maison étant pleine d'invités, elle n'aura pas d'autre possibilité que de continuer à sauver les apparences et éviter l'esclandre. Orane n'arrive pas à se remettre de ce largage brutal à un âge où elle estime ne pas pouvoir se refaire elle aussi une meilleure vie. Elle ne parvient finalement à surmonter le traumatisme que lorsqu'elle décide de tuer celui qui a gâché sa vie.

Ah bon, parce que l’infidélité et la goujaterie méritent la peine de mort? Si toutes les femmes larguées n'avaient rien de mieux à faire que de trucider l'ex indélicat, le pays aurait rapidement un problème démographique. Ah non, j'ai compris ! Il ne faut pas prendre tout cela au sérieux, ne pas tenir compte des longues plaintes d'Orane, des revendications de femme bafouée, c'est un roman humoristique. Soit, mais rien ne l'indique, pas de situation comique, pas de phrase drôle, de réparties à double sens, de clin d’œil amusant. On ne rit pas. En fait, on n'est même pas amusé, alors "l'humour corrosif et la plume acérée" "le récit jouissif" promis par la quatrième de couv'... je cherche. Je les ai complètement ratés. Ça doit être moi. J'ai bien compris (le titre y aide suffisamment) que le moteur comique de l'affaire est le contraste entre le fait que tout le monde la tient pour quantité négligeable un peu sotte, alors qu'en fait elle est un cerveau capable de commettre un crime parfait, mais de là à y croire ou à trouver ça drôle...

Pour ce qui est du côté policier, vous avez: un modus operandi criminel insensé et sans aucune apparence de vraisemblance, un acharnement policier incompréhensible étant donné l'absence totale d'élément à charge si ce n'est la certitude que "c'est toujours le conjoint" et cependant mené à son extrême limite, et un dénouement encore plus invraisemblable que tout ce qui a précédé alors que cela paraissait impossible. Les psychologies sont superficielles, les situations aussi conventionnelles que la couverture, les personnages sans épaisseur...

C’est déjà trèèèès long à se mettre en place. G. Clicquot a son savoir-faire et parvient à maintenir le désir de savoir sur la durée de son récit, mais il n’y a quand même pas beaucoup à raconter. J'ai pensé que c'était le genre de roman qu'on pourrait écrire avec une IA. J'ai constamment eu envie d’arrêter mais je déteste abandonner mes lectures. Je ne suis finalement arrivée au bout que par pur entêtement. Je voulais savoir si elle allait se faire avoir ou non et je ne fais pas de chroniques sur des bouquins que je n'aurais lus qu'en diagonale. Et j'avais quand même aussi dans l'idée que ça ne pouvait pas être que ça, qu'il y aurait de l'inattendu, un retournement de situation, une surprise ou je ne sais pas moi... Bref, il n'y a que 300 pages mais j'ai eu l'impression que ce bouquin ne se terminerait jamais.

Bon, bref, comme je disais, juste la moyenne, un roman très quelconque qui peut plaire car facile et simple, et puis, il n'y a qu'à regarder le palmarès des meilleures ventes pour s'assurer que tout est possible. Ca peut faire aussi un feuilleton télé ou un petit film, mais pas pour moi.

9782213725994

 #Prenez-moipouruneconne  #Guill


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12 février 2024

Le cas Malaussène  -1- Ils m’ont menti

Daniel Pennac

****

Sans doute la famille Malaussène manquait-elle à Daniel Pennac qui a voulu la retrouver et retourner se chauffer à sa fantaisie optimiste... et ma foi, moi aussi. J'avais passé de si bons moments avec ces gens-là ! Alors, allons-y, revenons étudier ce "Cas Malaussène".

17 ans ont passé depuis le dernier et Pennac a vieilli, nous avons vieilli nous aussi, et nous ne sommes donc pas plus surpris que cela de retrouver les membres de la famille vieillis également. Moi, en tout cas, cela m'a paru bien naturel. Les enfants ont tous quitté le nid, on en est aux petits-enfants. On en est tous là, nous, ses lecteurs des débuts. Malaussène pourrait songer à la retraite s'il le voulait, mais il travaille encore pour la Reine Zabo. Il se demande parfois pourquoi, et ne se répond pas trop. Son emploi consiste à protéger les Vévés de la vaillante maison d'édition. Les Vévés, ce sont les tenants de la Vérité Vraie, ces gens qui assènent leur vision du monde à tous avec la certitude qu'elle est la seule ayant un peu de validité. Cette affirmation les amène bien sûr à se heurter, parfois de façon dangereuse, avec ceux qui ne sont pas de cet avis, et Benjamin est chargé de veiller à ce que personne ne dégomme les poulains de la Reine Zabo. Il dispose pour ce faire de larges crédits et de l'autorisation d'utiliser tous le panel de ses relations et connaissances (réputées originales). Nous retrouverons ainsi beaucoup des rôles secondaires des tomes précédents, et c'est bien agréable. Et ne vous inquiétez pas si vous les avez oubliés (c'était mon cas), un répertoire final, très efficace et très complet, vous permet de sauter sans peine cet obstacle.

Cette fois, Malaussène doit veiller sur la survie d'un auteur vedette dont le premier livre a valu la fortune à la maison d'édition, mais, dans la mesure où ce fameux livre était une charge assassine contre toute sa famille, il lavait valu à l’auteur une tentative de meurtre de la part de ladite famille. Eh oui, utiliser la vie des autres comme matériau à ses ouvrages n'est pas sans risque. Maintenant, le Vévé (surnommé Alceste, trouvez pourquoi) est maintenu en plein maquis par Malaussène et ses amis, coupé de tout et surveillé par les gros bras locaux, pendant qu'il rédige le second volume, qui sera encore pire, il l'a promis.

Pendant ce temps, les jeunes Malaussène s'occupent, avec plus ou moins de réussite, mais avec originalité toujours. On peut leur faire confiance. Du bon Pennac, donc

Mais, mais, mais, car il y a un mais. Qu'est-ce que c'est que cette parution tronquée !?!?!?

Nous avons là un tome 1 de moins de 400 pages écrites gros, qui a juste le temps de nous mettre tout le monde en place et dans une situation... disons instable. Et quand nous sommes bien lancés, fin du tome 1 ! Il faudra vous procurer le tome 2, parce qu’on ne peut pas rester comme ça, voyons ! Et oui, là, avec la suite, bien intitulée "Terminus Malaussène", ce sera vraiment fini.


978-2072935442

#lecasmalausseneilsmontmenti #lecasmalaussene1  #lecasmalaussene  #DanielPennac  #LapetiteLISTE   #sibyllinelecture   #bookstagramfrance #littérature #romanpolicier  #polar   #romanspoliciers

23 janvier 2024

Panorama 

de Lilia Hassaine

*****


Dystopie d'un futur à la date non précisée.

Lilia Hassaine imagine d'appliquer purement et simplement dans les faits le fameux dilemme de la sécurité et de la liberté individuelle (qui est d'ailleurs un pléonasme, alors disons, de la liberté). La société, police, voisins, proches, collègues etc. peuvent vous protéger et assurer votre sécurité, mais encore faut-il pour cela qu'ils sachent que vous êtes agressé. L'agresseur de son côté, le plus souvent, n'agira pas à la vue de tous mais choisira au contraire un lieu clos ou retiré. Jusqu'à votre propre maison comme en témoignent les féminicides et la pédocriminalité. Aussi la société a-t-elle décidé de rendre absolument tous les lieux, jusqu'à même votre chambre à coucher visibles de tous en permanence. Elle a choisi de faire vivre ses citoyens dans des aquariums où rien ne peut se passer à l'abri des regards. Ceux qui refusent cette ingérence, vont vivre à l'extérieur de la cité, dans des zones non surveillées où les murs sont autorisés et où la vie privée est respectée, mais attention, la police ne surveille carrément plus ces zones, estimant que les citoyens qui veulent être protégés n'ont qu’à aller vivre dans la zone ouverte. Non seulement les citoyens des zones non protégées ont une vie plus dangereuse, mais ils sont également socialement déconsidérés car la plupart ne s'y trouvent pas par choix, mais parce qu'il n'ont pas les moyens de se payer les maisons de verre..

Les années passent ainsi, pour eux la criminalité à disparu, mais un beau jour, c'est toute une famille qui a purement et simplement disparu, et ce, dans le quartier le plus huppé et donc le plus surveillé ! Il est impossible qu'ils soient bonnement partis, on les aurait vu s'en aller, impossible qu'ils aient été enlevés, on aurait également forcement vu leurs agresseurs et pourtant, un beau matin, ils ne sont plus là et personne n'a la moindre explication à fournir.

Hélène, commissaire, vivant elle-même dans la zone surveillée et rencontrant de gros problèmes de couple avec un conjoint peinant à s’adapter à une vie si exposée, est chargée de l'enquête. Assistée de son adjoint Nico, elle va chercher partout, interroger tout le monde, envisager toutes les hypothèses (mais lesquelles face à un évènement tout simplement impossible?) pour tenter de comprendre ce qui sest passé et retrouver les trois disparus. Nous la suivrons dans cette étrange enquête, en apprenant à chaque page un peu plus cette société qui a choisi la sécurité, mais à quel prix? Une société du "tout visible" est-elle même possible ? L’homme peut-il se départir de sa part d’ombre ?

Et nous, quel choix sommes-nous en train de faire?

Un livre assez captivant parce que bien sûr, on essaie de deviner avant Hélène ce qui s'est passé. Je n'ai pas réussi mais je m'en veux. Si j'avais pris le temps d'un examen plus logique de la situation, j'aurais deviné. Bref, j'ai passé un très bon moment et j'ai trouvé l'hypothèse de départ (intimité – sécurité) très intéressante à voir développer. Je conseille vivement.

Ingannmic et Keisha l'ont lu aussi.

978-2073035059



18 janvier 2024

Le livre du grand secret 

de Serge Brussolo

****


Ce court roman de 150 pages environ, nous raconte la vie de Purcell Forbes, dit Puck au moment où nous le rencontrons car il n'a alors que onze ans. Puck grandit entre une mère abusive et frustrée et un père raté. Son grand-père paternel par contre, est tout ce qu'il y a de plus flamboyant, mais, comme ses parents et lui ne se supportent pas, Puck ne le voit que deux semaines par an et encore, le grand-père doit il imposer cette obligation de la façon la pus vigoureuse qui soit. Le fameux grand-père, Darian Forbes est une ancienne star de l'édition car ses romans d'aventures, anticipation, et surtout espionnage ont tous  été de super best sellers. Et puis, les temps ont changé, sa prose ne se vend plus. Il s'est également mis à soutenir des thèses surnaturelles que l'état voyait d'un mauvais œil, et il s’est retiré dans un région reculée (personne ne sait laquelle), désigné sous le nom d'Alaska parce qu'il y fait très froid et qu'elle est sous la neige, mais qui n'est très probablement pas en Alaska. Il est sous la protection, ou sous la menace? de services spéciaux... Ou c'est ce qu'il imagine. Toujours est-il que tous les ans, un hélicoptère et deux gros bras viennent chercher Puck pour deux semaines...

Le grand-père et l'enfant s'entendent bien, mais parfois, Puck se demande si sa mère a raison de dire que le vieux, paranoïaque et complotiste, a perdu la boule. Mais c'est vrai qu'il raconte de drôles d'histoires et qu'il ne s’explique pas clairement quand l’enfant essaie d’en savoir plus. En tout cas, depuis sa petite enfance, Darian Forbes consacre ces deux semaines à éduquer Puck à toutes les techniques du camouflage et de la survie non pas contre une fin du monde, mais contre les services secrets...

Mais le secret s’avérera encore plus énorme que le lecteur le plus avisé n'aura su le soupçonner.

Et il est à votre disposition, si vous le voulez.

Tout le savoir-faire de Brussolo et encore une histoire hyper originale qui comblera le lecteur curieux. Emparez-vous du Livre!!


978-2080677204

20 octobre 2023

Perspective (s) 

de Laurent Binet

***+


Je rangerais bien ce roman dans la catégorie « polars historiques ».

Nous sommes dans la Florence de la Renaissance, fin 1556 plus précisément. Le vieux peintre Pontormo vient d’être assassiné à coups de marteau et de burin, alors qu’il travaillait seul, la nuit, à sa fresque de San Lorenzo (Pontormo a bien existé et a bien peint les fresques de San Lorenzo, le reste est du roman). Le vieux peintre atrabilaire divaguait un peu ces derniers temps tant sa fresque et sa santé l’obsédaient et avait réussi à se faire détester de tous grâce à son charmant caractère. Il va être bien difficile de deviner qui a fait le coup et le pauvre Vasari que Cosimo de Médicis, Duc de Florence, a chargé de résoudre l’affaire au plus vite, va avoir du fil à retordre. L’affaire va même sérieusement se compliquer quand l’enquête va faire apparaître (puis voir disparaître) un portrait fort compromettant pour la fille du Duc. Pour le coup, Cosimo ne rigole plus. Il faut retrouver ce tableau. L’assassin aussi, bien sûr, si possible, mais le tableau, c’est indispensable. Il semblerait pourtant que le voleur et l’assassin ne soient pas la même personne.

Nous avons donc ici un Whodunit classique si ce n’est que l’action se passe au cœur du monde des Arts de la Renaissance et que tous les personnages, politiques, hommes de guerre ou artistes, sont connus. Autre particularité, nous suivons l’action par l’intermédiaire des lettres (vous savez, ces ancêtres de emails) que se sont envoyées les protagonistes. La solution est difficile à trouver (mais possible, comme il convient à un bon Whodunit) Pour ma part, je l’avais trouvée au début, mais avais ensuite changé d’avis, ce qui n’était pas malin de ma part.

Ce roman plaira aux amateurs de romans historiques mais en ce qui me concerne, je l’ai beaucoup moins aimé que « La septième fonction du langage » et « Civilization », les deux autres romans de cet auteur que j’ai déjà lus. Je l’ai trouvé moins original et intéressant. La septième fonction était très amusant, Civilization très original, ce n’est pas le cas de celui-ci. Voilà ma petite réserve dans le flot des louanges qui accompagnent ce roman sur le net.


Jelisjeblogue l'a aimé davantage, mais pas Luocine.


978-2246829355

15 août 2023

 Aux fruits de la passion  

de Daniel Pennac

****

Le monde, tel qu'il n'est pas

Sixième aventure de Benjamin et de son originale famille  

Cette fois, c'est Thérèse, la « Sainte », illuminée, cartomancienne, voyante etc. de la famille, qui tient la vedette. Car cette vierge éternelle se découvre amoureuse -et grandement- d'un homme auquel tout devrait l'opposer (Ah ! L 'amouououourrr !) Alors, évidemment, Benjamin n'est pas chaud – glacial, même- il ne l'aime pas beaucoup, lui, ce prétendant. Mais que lui reprocher ? Il semble planer loin au-dessus de toute critique. Comment, tout cela finira-t-il ? Par un bébé bien sûr. Ce n'est pas pour rien que la famille Malaussène est en train de virer à la tribu.

Alors on retrouve la verve et les formules plaisantes de Daniel Pennac. On retrouve tous ces personnages aussi sympathiques qu'ils sont peu vraisemblables. On retrouve toute la famille, égale à elle-même, rassemblée pour faire face aux coups durs comme aux liesses. Le charme du quartier (il n'y a pas que Le Petit qui a des lunettes roses) l'auteur et le lecteur aussi, quand il le regarde. On retrouve le cocon douillet d'un monde où l'on sait que l'on serait accepté... on rit des situations cocasses, des phrases bien trouvées, des images incisives. On ne tremble pas. Benjamin est en prison ? Bah, il sortira. Benjamin râle, bah ! Il râle tout le temps, ne nous inquiétons pas, il rira bientôt. Bref, c'est toujours plaisant et parfois, cette récréation est juste ce dont nous avons besoin. Mais n’empêche que la saga s'essouffle, que la montagne accouche d'une souris (ou d'un petit fruit)  Tout le charme est là, mais plus l'effet de surprise. Une impression de routine, au contraire. et l'on sent bien qu'approche le moment où il va falloir arrêter.

Et c'est ce que Pennac a fait. Du moins, pendant 17 ans. Mais tout dans ce livre donne l'impression qu'en l'écrivant, il ne le savait pas encore. C'est drôle. En tout cas maintenant, deux volumes plus loin, la série est bien terminée. 


1. Au bonheur des ogres, Gallimard, coll. « Série noire » no 2004, 1985

2. La Fée Carabine, Gallimard, coll. « Série noire » no 2085, 1987

3. La Petite Marchande de prose, Gallimard, 1990

4. Monsieur Malaussène, Gallimard, 1995

5. Des chrétiens et des maures, Gallimard, 1996

6. Aux fruits de la passion, Gallimard, 1999

7. Le Cas Malaussène 1 : Ils m'ont menti, Gallimard, 2017

8. Le Cas Malaussène 2 : Terminus Malaussène, Gallimard, 2023

978-2070415335 

15 juillet 2023


Une place à prendre 

de J. K. Rowling

****


Alors tout d'abord, oubliez Harry Potter, rien à voir. Nous n'allons pas condamner cette pauvre J. K. Rowling à rester toute sa vie fixée à ce premier chef d’œuvre. Si l'histoire qui nous est racontée ici nous captive effectivement sur presque 700 pages, c'est sans magie, sans sorciers et sans monstre maléfique mais bien au contraire en plongeant ses racines dans le quotidien le plus terre à terre d'un petit bourg tout à fait quelconque.

Donc, nous sommes à Pagford. Ce n'est qu'une petite ville mais bien sûr, comme partout, elle trouve le moyen d'abriter deux clans adverses qui s'opposent aussi férocement qu'ils le peuvent dans les limites de la loi. Ici, la scission s'opère entre la ville ancienne et ceux qui veulent qu'elle reste distincte (et favorisée) et les nouvelles cités et ceux qui veulent les intégrer. Pagford est gérée par un "Conseil Paroissial" et son président (c’est bizarre pour nous, Français, mais bon, je pense qu'on peut traduire par conseil municipal et maire) et diffuse ses nouvelles par un blog assez quelconque. A la scission que je viens d'évoquer, s'ajoute le problème d'un centre de réinsertion des toxicomanes que la branche "anciens" ne veut plus financer alors que des habitants de la branche "nouveaux" en ont grand besoin. Pour l'instant, ces derniers maintiennent leurs acquis dans une sorte d’équilibre du Conseil, mais la mort soudaine d'un de ses membres peut tout remettre en cause selon qu'il sera remplacé par un pro-anciens ou un pro-nouveaux. Voilà pour la situation.

Nous allons faire connaissance avec les membres de ce fameux Conseil Paroissial et avec leurs familles, ainsi qu’avec les candidats qui ne vont pas tarder à se manifester. Dans les familles se trouvent des adolescents, qui vont jouer un rôle important dans l'histoire même si les adultes les tiennent pour quantité négligeable. Ils finiront pas réaliser leur erreur.

Les personnages sont tous remarquables (il n’est pas inutile de faire une petite liste Qui-est-qui car il y en a quand même presque trente). J.K Rowling  ne prend pas parti et les peint avec beaucoup de talent, trouvant toujours la note juste et le détail qui tue. Ils sont complexes et ont une vraie épaisseur.  Ils ont tous des intérêts et des mobiles puissants en jeu, de quoi les rendre très efficaces, et actifs. La campagne électorale démarre.

Parallèlement, nous découvrons peu à peu mais en profondeur la vie de Pagford, ses commerces, ses établissements scolaires, ses familles, ses notables, médecins, services sociaux etc. ses exclus... ses secrets, chez les uns comme chez les autres. La lutte s'engage entre les candidats dévoilant les soutiens et les adversaires et ne tarde pas à se faire plus âpre, surtout que soudain, le blog municipal se met à diffuser des messages anonymes qui font des révélations qui sont de vraies bombes. La situation ne va pas tarder à dégénérer. Tout cela va bien sûr mal finir.

Et c'est parti.

J'ai passé un excellent moment. Je conseille.

9782246802631

C'était une lecture commune avec une personne qui a disparu des radars... Donc, j'attends des nouvelles, mais sans grand espoir.


                     


27 juin 2023

Harry Dickson La terrible nuit du zoo

suivi de Messire l'Anguille

de Jean Ray

***


Il me semble que je n'ai jamais trop lu Jean Ray. Peut-être un ou deux livres quand j'étais ado mais sans bien accrocher. Eh bien, ceux qui disent qu'on ne change pas vraiment avec l’âge semblent avoir raison, cette nouvelle tentative n'a pas été une réussite non plus.

Cet opuscule de la collection Librio réunit deux nouvelles d'une soixantaine de pages chacune. La première, "La terrible nuit du zoo" fait appel au fantastique alors que la seconde "Messire l'Anguille" se contente de fantasmes exotiques de pacotille. C'est du grand guignol.

Pour "La terrible nuit du zoo", Harry Dickson ("le Sherlock Holmes américain", bien qu'il opère à Londres ) doit enquêter sur un meurtre en chambre close au zoo de Londres. La chambre close se trouve être la galerie des fauves où un énorme loup blanc venait d'être installé. Au matin, le gardien de nuit qui s'était enfermé à l'intérieur, est découvert massacré et le loup blanc est sorti de sa cage. Vous pensez que c'est lui le coupable, mais il se trouve qu'il est mort aussi. Donc, un local fermé de l'intérieur et deux cadavres!! Mais hélas, la solution relevant du fantastique, le problème de chambre close est à peu près sans intérêt (à mon avis).

Seconde nouvelle, une série de maisons de vieillards visitées par un cambrioleur qui ne vole rien et repart après les avoir un peu rudoyés. Evidemment, on ne comprend pas ses mobiles. Ça devient vite plus saignant au fil de l’histoire mais les deux rebondissements sont dus à deux comportements franchement sots du héros. Finalement, après que Harry a échappé aux flammes de justesse, on le retrouve sur une île déserte des Antilles, habitée par une tribu sauvage dirigée par une vieille chamane, sacrifices humains etc. Tous les poncifs habituels. Ca ne fait pas vraiment appel au fantastique comme le loup garou et les zombies mais l'auteur a néanmoins renoncé à tout réalisme. On voit notre détective fuir à toutes jambes en massacrant le plus possible d'araignées-crabes réputées devoir le dévorer vivant alors que ces pauvres bêtes sont moches peut-être, mais végétariennes ou nécrophages. On peine à admirer son exploit aussi hautement mis en valeur soit-il.

On note que l'auteur ne recule pas devant les formules audacieuses ("Messire l'Anguille est un rude lapin" !). On note également que l'inexactitude scientifique ne le trouble pas (crabes, on l'a vu et momie humide etc.). Pire, l'ensemble baigne dans un sexisme sous-entendu mais permanent (quand une femme lui fait des remarques sur son enquête, Dickson ne fait que sourire benoîtement sur l'air de "vous êtes charmante mais n'essayez pas de réfléchir", ce qui ne l’empêche pas de déclarer dès qu'elle a tourné les talons: "N'empêche qu'elle a raison", mais toutefois sans lui reconnaître le bénéfice des remarques intelligentes, bien sûr. Le sexisme sournois ordinaire, quoi. Et racisme latent permanent aussi. Je pense que tout cela resitue Jean Ray dans son milieu, c'est un Belge de l'époque du Congo belge et à mon sens, Harry Dikson au 21ème siècle fait surtout figure de relou. Il est loin d'avoir aussi bien vieilli que son modèle Sherlock. Je suis peut-être sévère avec lui, d’ailleurs mais pas d’atomes crochus entre lui et moi. Reste qu'on peut le lire par curiosité. A vous de voir. 

Harry Dickson a été adapté en BD, ça passe peut-être mieux… Je n’ai pas testé.

978-2277300892



17 juin 2023


Le Dément à lunettes 

de Ed McBain

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14ème roman de la série policière du 87ᵉ District.

Titre original : Lady, lady, I did it !


Je ne lis pas énormément de romans policiers et cela faisait très longtemps que je n'avais pas lu de Ed McBain, mais je dirais trop longtemps compte tenu du plaisir que j'y ai pris. C'est un peu daté, sans doute, mais rien de trop. Ca ne gène pas. Ed Mcbain, c'est du beau texte, une écriture soignée au service d'une intrigue originale et hyper bien montée (ici, on a tout sous le nez depuis le début et on ne le voit pas!).

J'ai retrouvé l'équipe des policiers du 87ème district, tous gens "normaux", pas de surhomme, pas de Zorro, pas de grand solitaire envié mais secrètement admiré, non, mais une équipe où chacun fait de son mieux. Et cette fois, ils vont faire plus encore car 'lun d'entre eux est directement touché par le crime qui les occupe, sa fiancée y a été tuée. (On tique d'ailleurs un peu parce qu'il y a en fait quatre victimes mais on sent bien que les trois autres n'auraient pas déclenché une telle ardeur vengeresse, les malheureux). Enfin bon... Donc, voilà les faits: un tueur armé est entré dans une librairie (déjà, ça étonne) et a immédiatement ouvert le feu sur les clients, tuant les quatre qui se trouvaient là. Il est ensuite parti aussi vite qu'il était venu et personne n'a eu le temps de bien voir et encore moins de réagir. Le magasin ne couvrait apparemment aucun trafic louche, le propriétaire n'était pas la cible d'un gang, et on n'a donc aucune indication de l’identité du coupable ou de ses mobiles, ni aucune piste pouvant permettre de le retrouver.

Et pourtant bien sûr, l'équipe du 87ème district viendra à bout de cette énigme comme des autres et nous, pauvres lecteurs qui sommes allés de soupçons en suppositions, nous nous en voudrons beaucoup de ne pas avoir trouvé (car vous ne trouverez pas) alors qu'on aurait pu, que dis-je? On aurait dû.






15 mai 2023


M. Gallet décédé

Georges Simenon

****


Dans ma jeunesse, j’avais entrepris de lire tous les Maigret par l’intermédiaire de volumes des œuvres complètes. Cela en faisait beaucoup puisque, pour rappel, il y eut 75 romans de Maigret, sans compter les nouvelles. Celui-ci est le troisième. Je ne me souviens plus si j'ai tenu jusqu'au bout, mais je sais que j'en ai lu énormément. C'étaient des lectures plaisantes qui tenaient de la peinture de mœurs (j'avais été frappée par la pratique alors courante d'accueillir chez soi des pensionnaires payants), du roman d'aventure et du casse-tête. On tournait la dernière page comblés. Des décennies ont passé et je m'étais éloignée de Simenon et de le retrouver ici à l'occasion d'une rencontre de boîte à livres, m'a envoyé une grosse bouffée de nostalgie. J'ai tout retrouvé, le rythme, l'ambiance, l’énigme suffisamment compliquée pour capter notre attention et faire travailler un peu mes petites cellules grises (ah, non! ce n'est pas lui 😛) . Ces retrouvailles m'ont fait bien plaisir. Je me dis qu'un petit Siménon ou un petit Christie de temps en temps ne me ferait peut-être pas de mal. Ca détend. Les arrières-plans sont pleins de petites scènes de genre qui posent le décor, l’époque et l'ambiance. Pas d’internet, peu d'anglicismes. Maigret porte un chapeau melon. On utilise le train avec facilité, on cherche des cabines téléphoniques, on envoie des télégrammes à tour de bras, on met des petites annonces dans les journaux et tout le monde les lit, bobonne est aux fourneaux les hommes au bistrot, on fume partout même dans le train, le panier-repas de la SNCF comprend un litre de rouge! et vogue la galère. Autres temps, autres mœurs. Je ne dis pas que je regrette mais ça nous rappelle d'où on vient. C'était chez nous, en 1930.

Et donc notre Jules Maigret, commissaire, se retrouve dans un village à enquêter sur l'étrange assassinat d'un représentant de commerce dans sa chambre d’hôtel.

"- Vous ne croyez pas plutôt qu'il s'est suicidé, vous. Il devait être au bout de son rouleau...

- Le coup de feu a été tiré à sept mètres et le revolver n'a pas été retrouvé...

- Dans ce cas... Evidemment!"

… Evidemment…

D'ailleurs, il apparaît bientôt que cet homme chétif, si banal et quelconque n'aurait jamais dû se trouver là et n'était tout compte fait, pas du tout celui qu'il semblait être... Le mystère s'épaissit de plus en plus au fil des découvertes, jusqu'à ce que Jules vous remette tout ça en ordre, instillant au lecteur un profond sentiment de satisfaction.

Monsieur Gallet, toujours décédé, va pouvoir aller reposer dans une autre boîte à livres...


PS: L'astuce finale servira dans au moins un autre Maigret (souvenir que je garde de mon ancienne addiction) mais je ne me souviens plus lequel.

PPS : L’abréviation de monsieur est M. quant à Mr, c’est l’abréviation de mister.





05 mai 2023

Le Soldat désaccordé

de Gilles Marchand

****+


Quatrième de couverture :

"Paris, années 20, un ancien combattant est chargé de retrouver un soldat disparu en 1917. Arpentant les champs de bataille, interrogeant témoins et soldats, il va découvrir, au milieu de mille histoires plus incroyables les unes que les autres, la folle histoire d'amour que le jeune homme a vécue au milieu de l'Enfer. Alors que l'enquête progresse, la France se rapproche d'une nouvelle guerre et notre héros se jette à corps perdu dans cette mission désespérée, devenue sa seule source d'espoir dans un monde qui s'effondre."


Le narrateur, revenu de la grande boucherie sans sa main gauche peine à retrouver une existence tout à fait banale et a décidé de gagner sa vie en tant que détective privé spécialisé dans les disparus de la guerre. Il faut dire qu'ils sont nombreux dont on ne sait ce qu'ils sont devenus, corps sans sépulture ou non identifiés, épaves anonymes échouées dans quelque mouroirs, amnésiques égarés, ou quelques uns n'ayant pas souhaité revenir au point de départ... Et d'ailleurs les morts le sont-ils bien tous? Les identifications se faisaient souvent "à l'arrache" et les familles désespérées préfèrent encore douter. Quant aux disparus dont on a simplement totalement perdu la trace...

C'est une mère éplorée (mais riche) que reçoit notre détective. Son fils unique et adoré n'est jamais revenu, sans qu'on ait identifié son corps. Il fait partie des "disparus" et elle sent qu'il n'est pas mort. Reste à le retrouver, et ce sera la charge et le gagne pain de notre héro pendant les années qui vont venir. Il découvre vite une histoire belle et poignante que la mère nie tandis que, le temps passant, la désastreuse Der des ders a de moins en moins l'air de l'être...

Le ton est actuel, pas celui de l'époque, et plaira beaucoup aux lecteurs d’aujourd’hui. A moi aussi il a plu. Le roman se dévore, Gilles Marchand nous balade où il veut, d'une tranchée à l'autre, d’hôpital en cimetière, avec son récit bien écrit qui est à la fois une leçon d'Histoire et une magnifique histoire d'amour, louchant parfois vers la poésie ou le fantastique (qui est cette fille de la lune qu'on ne voit que la nuit sous la mitraille?). D’autre part, le mystère, et tous ses rebondissements, tiennent bien la route. Ne boudons pas notre plaisir et laissons ce Soldat désaccordé rejoindre les magnifiques "Le Der Des Ders" de Didier Daeninckx et "Au revoir là-haut" de Pierre Lemaitre.


« En sortant de son bureau, je me suis senti bête, j’ai pris conscience que je ne m’étais jamais réellement posé la question de l’Alsace. Jamais posé la question des Alsaciens. J’avais tué pour récupérer ces régions, j’avais estimé que cela était juste. Et j’avais obéi aux ordres. »



978-2373056488

08 avril 2023

Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles 

de Gyles Brandreth

****


L’auteur britanique Gyles Brandreth a eu l’audace d’imaginer une série de romans policiers de type whodunit dans lesquels Oscar Wilde tenait le rôle de personnage principal et détective. Les personnages réels se mêlent aux fictifs. La série, que j’ai trouvée plaisante, connaîtra 6 volumes, tous parus en français chez 10/18. La série n’est plus éditée mais demeure facile à trouver chez les soldeurs. « Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles » est le premier livre.

Dans cette aventure d'Oscar Wilde imaginé comme détective, l'auteur joue jusqu'au delà du possible avec les ambiguïtés sexuelles du personnage et de l’époque. C'en est vraiment remarquable de voir à quel point il dit les choses sans les dire et les fait sans jamais que ce soit même envisagé comme une possibilité. Cela doit ressembler assez justement et nous mettre dans l'ambiance exacte de ce qu'était l'homosexualité masculine dans cette société où elle était encore un "crime" capable de vous envoyer en prison pour plusieurs années et où donc, vous l'aurez compris, elle n’existait pas.

Dans cette enquête, très bien tournée et imaginée, Wilde découvre le cadavre d'un adonis qui est un de ses protégé très aimé, son préféré du moment, qu'il rencontre régulièrement dans une auberge écartée... pour lui donner des cours aptes à lui permettre de ne pas faire tache dans une société plus raffinée que celle d'où il vient (qui est terriblement sordide). Il s'agit, ainsi qu'il l'explique sans rire à son ami l’écrivain et narrateur habituel Robert Sherard et par son intermédiaire au lecteur, d'un jeune homme à la beauté et aux qualités si remarquables qu'il méritait de s'élever dans la société et que Wilde s'était chargé de corriger les injustices de sa naissance.

Bref, le jeune homme nu git dans ladite chambre d'auberge mort et installé dans une mise en scène genre sataniste (les chandelles du titre). Oscar qui le découvre ainsi comprend tout de suite que le temps de la séduction a fait place à celui de la peine et des ennuis, d'autant qu'il se met en tête de découvrir le fin mot de l'histoire. Et tant mieux parce que s'il avait fallu s'en remettre à la police... 

La police donc où le double langage va continuer à régner en maître étant donné que tous ces messieurs d'un certain âge et parfois du meilleur monde qui, comme Wilde, fréquentaient le personnage assez répugnant qui découvrait des beaux jeunes gens méritants au fond des masures et leur organisait une vie meilleure à Londres, ne le faisaient que par souci d'équité sociale. Leurs réunions régulières en des lieux discrets n'avaient d'ailleurs qu'une vocation totalement artistique et culturelle. Comme on l'aura bien compris. Enquêter dans un milieu qui n'existe pas avec des personnages faussés ayant des motivations jamais évoquées, seul un personnage aussi à l'aise que Wilde dans cette eau-là pouvait y parvenir.

Et c'est ce qu'il fit.

Un bon moment de lecture dans un univers où tout est faux, autant dans le monde des personnages qui nient leur réalité, que dans celui du lecteur qui va s’imaginer un moment qu'Oscar Wilde a pu ressembler à cela. Mais Brandreth maîtrise tout cela si bien, qu'avec notre consentement, il nous y fait croire l'espace de quelques heures un peu compliquées certes, mais comment tout ne le serait-il pas dans ces conditions?

Le plus ambigu de la série. On commence fort.

 

    1. Oscar Wilde and the Candlelight Murders (2007) Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles

    2. Oscar Wilde and the Ring of Death (2008) Oscar Wilde et le jeu de la mort

    3. Oscar Wilde and the Dead Man's Smile (2009)  Oscar Wilde et le cadavre souriant

    4. Oscar Wilde and the Nest of Vipers (2010) Oscar Wilde et le nid de vipères

    5. Oscar Wilde and the Vatican Murders (2011) Oscar Wilde et les Crimes du Vatican 

    6. Oscar Wilde and the Murders at Reading Gaol (2012)  Oscar Wilde et le Mystère de Reading



978-2264046499



27 février 2023

La fourmi assassine

de Patrice Pluyette

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Présentation de l'éditeur :

"Odile Chassevent vient de disparaître. Son compagnon Francis Lecamier ferait un bon coupable mais c'est oublier un peu vite Legousse, éleveur de porcs sans activité qui vit avec sa vieille mère dans une ferme isolée.

Lorsque l'inspecteur Rivière débarque, les indices font défaut. Des premiers aveux obtenus conduisent à une fausse piste : le mystère reste entier. Une hypothèse pourrait bien le résoudre, ce n'est pourtant qu'une hypothèse."


Court roman (140 pages en gros caractères bien aérés), Le Clézio, empruntant à l'anglais, appelle cela « novella » et en met deux pour faire un livre et de fait, il m'a semblé qu'on était plutôt là dans une nouvelle que dans un roman. Tant par la forme, je viens de l'évoquer, et s'y' ajoute un style vif et rapide, que par le fond, un récit concentré sur un seul sujet et qui court vers une chute à surprise... Bref, une grosse nouvelle.

Pas mauvaise d'ailleurs, bien écrite, bien menée. Le lecteur s'y laisse prendre et emporter, mais aussi avec ce sentiment de superficialité qui caractérise le genre : on n'approfondit pas dans la nouvelle. Le sujet, sans être d'une originalité décoiffante n'en est pourtant pas trop rebattu et le suspens (whodunit) tient jusqu'au bout : Odile Chassevent, jeune femme, vient de disparaître que lui est-il arrivé ? Malheur ou pas ? Et si malheur, qui a fait le coup ? Il y a enquête, des suspects, un enquêteur original, des pistes etc. Tout cela, très correctement agencé.

Par contre, pour ce qui est de la persistance de l'empreinte que ce livre laissera dans votre mémoire, si c'est comme pour moi, j'ai le grand regret de devoir vous dire que l'érosion est déjà très nette au bout d'une semaine.

Bref, un bon moment de lecture récréative, bien fait, mais ne pas demander plus. Des personnages haut en couleur, quelques morts accidentelles ou presque, un ton léger, une réflexion du même gabarit et basta, emballez, c'est pesé. Mais pourquoi pas. J'aime.

978-2021081015