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28 novembre 2025

 Les orpailleurs

de Thierry Jonquet

*****

9782070493197


Je découvre Thierry Jonquet avec ce roman, un excellent polar. J'avais été attirée par le titre qui m'intriguait, parce que pour moi, les orpailleurs, c'était surtout le 19ème siècle aux USA. Mais là, ça se passait dans les années 90 (le roman est de 1998) en Europe. J'ai voulu aller voir. Et j'ai eu bien raison.

« Un corps massacré est découvert dans un immeuble délabré. Non identifiable. On peut juste constater que c'est une jeune fille. Détail macabre, la main droite a été coupée. Le travail est propre, le tueur s'y connaissait. L'équipe de l'inspecteur divisionnaire Rovère est chargée de l'enquête. Une semaine plus tard, un deuxième cadavre est retrouvé. C'est aussi une femme et le rituel de l'assassinat est le même. Dès lors, l'idée d'un meurtrier poursuivant une vengeance prend forme et commence la course contre la montre pour éviter d'autres morts. »

Les personnages principaux, côté de la loi, sont donc l'inspecteur divisionnaire Rovère et la juge d'instruction Nadia Lintz. Elle a un rôle important et pas mièvre dans l'histoire, mais n'empêche que le machisme d'époque suinte un peu. Tous les personnages masculins sont nommés par leurs noms, les personnages féminins par leur prénom. L'inspecteur et elle ont des histoires personnelles très lourdes que l'on découvrira au fil du récit. Tous les personnages ont une vraie vie, une vraie épaisseur, et pourtant ils sont nombreux, ces personnages. Heureusement que j'avais pris des notes mais j'en prends toujours. C'est un roman comme on ne les fait plus, bien raconté, posément, mais sans relâcher la tension, en l'augmentant en permanence, au contraire ; avec tous les détails, mais pas un d'inutile. Les cadavres vont se multiplier quelque peu, et on va voyager jusqu'en Pologne (avec entrée en scène d'un flic local). Car on dirait que l'affaire y a eu ses racines durant la seconde guerre mondiale... Heureusement, l'un des gars de Rovère parle polonais couramment. Ça va aider. Alors, peut-être bien une ou deux coïncidences un peu grosses au démarrage, mais après, tout en finesse. On sent venir le truc mais pourtant, on ne comprend toujours pas... jusqu'à la fin.

Bref, c'est tellement bien raconté et ça m'a tellement scotchée que je lui colle 5 étoiles et que Thierry Jonquet va me revoir, si je peux m'exprimer ainsi, car il est malheureusement mort prématurément.


PS : Serie noire 1, numéro 2313


20 novembre 2025

Le cas Nelson Kerr

de John Grisham

****

978-2253940258

Le personnage principal de ce roman, Bruce Cable, est libraire sur l’île (fictive) de Camino, petit paradis paisible très apprécié des touristes dont pas mal d’écrivains. Il a dans la petite ville, un vrai rôle d’animateur culturel et reçoit régulièrement des écrivains pour des rencontres avec dédicaces. Il les reçoit bien et ils ne se font pas prier pour revenir. Et justement, l’une de ses préférées, Mercer Mann revient présenter son nouveau best-seller. La séance est suivie d’un excellent repas chez Cable, en compagnie d’autres écrivains installés eux, sur l’île, sauf Nelson Kerr qui s’est désisté, et tout le monde passe une excellente soirée. La suivante le sera moins car c’est celle que choisit le cyclone Leo pour changer de trajectoire et venir sur Camino. Il ne reste que quelques heures pour fuir se mettre à l’abri. Ce que fait la majeure partie des îliens, mais d’autres, estimant leur maison assez solide, choisissent de se calfeutrer, et de faire le dos rond. Au matin suivant, le libraire et son étudiant-vendeur qui a tenu à rester également, sont sains et saufs mais les dégâts sont énormes et il y a quelques victimes. Parmi elles, Nelson Kerr qu’ils découvrent eux-mêmes près de chez un ami, en faisant le tour de leurs connaissances restées sur l’île. Une grosse branche semble être tombée sur lui, mais pourquoi est-il sorti ? C’était de la folie. De plus, en grands habitués des romans policiers, Bruce et ses amis trouvent ses blessures et sa mort suspectes. Ils le disent, si bien qu’au lieu de simplement enlever le corps comme elle s’apprêtait à le faire, la police plus que débordée accepte de procéder à une autopsie, mais pour ce qui est de l’enquête… les circonstances ne s’y prêtent guère, ou du moins, il faudra attendre un peu. On devine bien que nos trois découvreurs du corps vont se charger de la faire progresser.

Je ne vais pas vous en dire plus sur l’histoire, ce sera mieux pour vous, et je vais plutôt vous donner mon avis sur ma lecture. C’est un polar bien classique pour ce qui est de la forme (ce qui n’est pas un défaut), avec des personnages (américains) crédibles et humains. Pas de grands excès simplificateurs, de tueur fou, de super-héros, de conduite irrationnelle etc. Il y a une excellente idée au niveau des mobiles et la progression de l’enquête est bien racontée. Pas de temps mort, pas d’ennui, pas d’invraisemblances. Le regard sur le monde de exploitation économique de la fin de vie par les laboratoires, les maisons de retraite etc fait frémir le lecteur, d’autant qu’il est tout à fait crédible. (Saisie d'un doute, je suis allée jusqu'à faire des recherches... c'est dire).

Ce roman est peut-être mon premier Grisham (comment se souvenir de tout ce que j’ai lu?) et je dois reconnaître que c’est du travail bien fait. Bien organisé, bien raconté et avec une idée originale (il y a tant de polars qui ne font que répéter une histoire déjà lue ou vue cent fois!). Il n’est donc pas impossible que j’audiolise d’autres romans de cet auteur et je lui colle quatre étoiles..

12 novembre 2025

Zem

de Laurent Gaudé

****

978-2330140946


Moitié polar moitié science fiction dystopique, ce roman est la suite de «Chien 51». Nous retrouvons Zem Sparak ainsi que l’inspectrice Salia Malberg, tous deux à moitié détruits mais toujours debout. Salia poursuit sa carrière dans la police tandis que Zem est devenu le garde du corps personnel de Barsok, un des hommes à la tête du pouvoir chez Goldtex. Les conditions de vie sont de plus en plus difficiles pour tous les cilariés maintenant que la pénurie d’eau s’est installée, mais la classe dominante de la zone 1 n’envisage pas de se priver le moins du monde. L’important, c’est le mélange de force coercitive et de distraction qui maintient le peuple dans la soumission. Aussi Barsok a-t-il lancé des «Grands Travaux» qui occupent les gens et promettent des améliorations.

En attendant, l’actualité du jour est l’arrivée au port d’un cargo chasseur d’icebergs traînant une prise rare qui permettra la mise en bouteille de milliers de bouteilles d’une eau (enfin) pure datant de l’ère glaciaire et ne contenant donc aucune pollution. Evidemment ces bouteilles se vendront hors de prix et peu nombreux seront les futurs propriétaires. Mais tout est déjà vendu alors que dans les rues, la foule se précipite pour gober les gouttes d’une des trop rares averses…

Alors que Zem accompagne Barsok sur le port pour la cérémonie d’arrivée de l’iceberg, Salia débarque car elle a reçu une information disant que quelque chose d’anormal allait se passer pendant cet événement, et c’est bien ce qui se produit en effet. Un porte-conteneurs fonce dans la foule. A l'intérieur du conteneur, cinq cadavres dans un état anormal. Salia en tant qu’inspectrice chargée de l’enquête et Zem en tant que représentant de Barsok se trouvent alors à nouveau réunis pour une enquête plus définitive que la première.

Il y a de l’action, une tension qui ne se relâche jamais, des surprises, un univers poignant, une peinture sociétale et une projection dystopique très pessimiste (mais ceux qui en proposent une optimiste deviennent rarissimes). Peut-on résister dans un monde hyper surveillé et contrôlé? L'état est si puissant, l'individu si faible... Zem et Salia incarnent-ils l’espoir ? Vous le saurez en découvrant leurs aventures.


PS : ici encore, un des «personnages» est un robot doté d'une IA. C'est le cas dans beaucoup des romans que je lis maintenant. Les écrivains au moins ne sont pas comme les hommes politiques, à se demander encore si on va autoriser ceci ou interdire cela. Ils savent que cela fait un moment que le problème ne se pose plus en ces termes. 

Extrait:

(Elle demande au robot quelque chose qui va à l'encontre de sa programmation)

" - Je le ferai

- Merci

D'où viennent ces mots? Elle ne saurait le dire. Existe-t-elle vraiment, cette conscience de machine? De quelle nature est leur amitié? Est-ce un dysfonctionnement, une sorte d'accident de programmation ou, au contraire, le stade ultime du progrès? Elle l'ignore - comme elle ignore pourquoi Motus a décidé d'être avec elle, pleinement, totalement."


29 octobre 2025


Un avenir radieux

de Pierre Lemaitre

****


978-2702183625


Quel talent ! Mais quel savoir-faire ! Pierre Lemaitre a réussi à me faire lire ce troisième volume alors même que depuis le précédent, je me sens moyennement captivée par les mésaventures de ses héros. Il faut dire que j'ai utilisé la version audio lue par l'auteur. Ça aide. La famille Pelletier, je l'aime bien, avec ses stéréotypes intéressants et ses vies qui se déroulent avec beaucoup de surprises et d'aventures tout en nous faisant visiter du pays, d'autant que l'auteur n'hésite pas à corser les situations, mais quatre gros volumes, un serial killer qui continue à sévir, une sériale harpie toujours impunie, une pauvre Colette à qui on aura vraiment tout fait, Jean, Hélène, François, leur courageux père, leur sainte mère... C'est beaucoup. Aurais-je la force de continuer ?

Ici, l'histoire familiale déjà riche se double d'une palpitante histoire d'espionnage qui nous fera visiter les geôles derrière le rideau de fer. J'ai cru qu'on allait perdre l'un de nos héros, (Lemaitre est capable de cela. Il l'a déjà fait.) Mais très malheureusement, je n'aime pas les histoires d'espionnage. Je ne sais pas pourquoi. Je n'ai jamais réussi à m'y intéresser. Une récente nouvelle tentative avec un Le Carré l'a confirmé en se soldant par une lecture non conclue par un billet, ce qui n'arrive jamais. Bref, celle de Lemaitre valait bien celle de Le Carré, c'est tout ce que je retiendrai.

Comme dans toute bonne tétralogie, il faudra attendre encore un volume avant que tout ne se termine. Ce sera pour l'année prochaine. Si Pierre Lemaitre veut bien encore nous le lire, bien sûr que je serai incapable de résister. S'il faut que je le lise moi-même, c'est moins sûr. J'ai une telle PAL...


Tétralogie : Les Années glorieuses

1. Le Grand Monde

2. Le Silence et la Colère

3. Un avenir radieux

4. Les Belles Promesses, paraîtra en 2026


20 septembre 2025


Strange Pictures

de Uketsu

***

978-2021578102

On parle souvent de "casse-tête chinois", mais en fait, je me demande s'ils n'étaient pas plutôt japonais. Bref, la tendance nippone actuelle met sur le devant de la scène un "mystérieux auteur", Uketsu dont l’éditeur nous annonce qu’il « est l'écrivain le plus vendu au Japon, et le leader de la nouvelle vague des auteurs de thrillers et d'horreur. Artiste complet, il écrit, dessine, publie des vidéos d'horreur et de suspense et compose de la musique. On ne connaît pas sa véritable identité, il apparaît toujours vêtu de noir avec un masque blanc. »

Bon. Si vous avez vu plus haut les étoiles que je lui ai attribuées, vous aurez deviné que ce n’est pas avec moi qu’il va beaucoup gonfler ses ventes. Le coup de « l’auteur dont nul ne connaît l’identité » commence tout de même à avoir beaucoup servi et deux minutes de réflexion suffisent à savoir que cela est matériellement impossible. Alors, il faudrait songer à nous l’épargner.

Dans ce roman policier écrit en gros caractères aérés et plein de petits schémas inutiles, nous est narrée une histoire incroyablement tarabiscotée et invraisemblable. Ca démarre très fort avec deux étudiants appartenant au « cercle occulte » de leur université. (Cercle occulte!!!) Bref. L’un a montré à l’autre un blog qu’il a trouvé contenant le bref journal intime d’un certain Ren et des dessins simplistes qui lui semblent étranges. Le blogueur est un homme jeune, très amoureux de sa femme Yuku, dessinatrice, qui va bientôt donner le jour à leur premier bébé. Il publie les dessins qu’elle fait à ce moment-là, ce sont eux les « strange pictures » du titre. Il y en a trois. Tout se passe mal, Yuku meurt en couches et Ren met brutalement fin à son blog. Sauf qu’un mois après, il ajoute un petit post annonçant qu’il a percé le secret des trois dessins et compris le crime. Quel crime ??? Après s‘être beaucoup creusé la cervelle (et le lecteur aussi), les deux étudiants le découvrent eux aussi (mais pas le lecteur). Il faut dire que la façon de découvrir la signification des dessins est tellement abracadabrante qu’à part l’auteur, personne n’aurait pu y arriver. Et ça continue comme ça : complications sans fin, invraisemblances etc.

L’écriture est plate. C’est un euphémisme. Je crois que plus plate, on ne peut pas. L’organisation du récit est pire encore. On part de présupposés qui semblent évidents à tous alors qu’ils sont insensés, comme le fait qu’il soit impossible de dessiner quelque chose que l’on n’a pas sous les yeux, même pour un prof de dessin et même un simple croquis. Ah bon ? Moi, là, tout de suite, je peux vous gribouiller un éléphant et je vous assure que je n’en ai pas en face de moi. De plus, on a un prof d'art et autres dessinateurs qui, même dans les pire situations d’urgence ne peuvent pas gribouiller le moindre dessin sans tracer d’abord un quadrillage ! Les mains dans le dos ! Je rêve.

Et tout est comme ça. Parti comme on était partis, je n’ai pas été étonnée. Finalement, le coupable sera plutôt trouvé par élimination. C’est pratiquement le seul survivant.

En conclusion, il paraît que cet ouvrage atteint des ventes phénoménales. Je n’en reviens pas.

14 août 2025

 Holly

de Stephen King

****

‎ 978-2226481474

Ce n'est pas parce qu'on est vieux, perclus de rhumatisme et gâteux, qu'on n'est pas dangereux. L'histoire qui va suivre va nous le prouver amplement.

Quoi de plus banal que ce nom : Harris et que ces deux retraités de l’enseignement? Quelque peu décatis, chacun à sa manière mais très attachés l'un à l'autre, indifférents par contre au reste de l'humanité et même impitoyables avec tous ceux qui les dérangent. Ils sont grognons, fermés, autoritaires, monomaniaques ... et fragiles. Pourtant ce sont eux les assassins et ils ont déjà un beau tableau de chasse, rien que des jeunes et des sportifs. Nous le savons dès le début de l'histoire. Il nous restera à découvrir comment, pourquoi, comment cela a commencé et comment tout cela va évoluer et finir...

Dans le camp adverse: Holly Gibney jeune femme, assez maniaque elle aussi, mais sur d'autres thèmes. Elle est détective privée et elle est déjà apparue dans cinq romans de Stephen King, La trilogie Bill Hodges (" Mr. Mercedes ", " Carnets Noirs " et " Fin de ronde ") ainsi que " L’outsider " et " Si ça saigne " , mais moi, n'ayant lu aucun de ces livres, je ne la connaissais absolument pas et je l'ai découverte ici où elle est le personnage principal. Je peux témoigner que le roman est parfaitement compréhensible même si on ne la connaît pas, mais je conseillerais tout de même de lire au moins la trilogie avant si on peut. Je pense que c'est mieux, car les évocations d'évènements anciens sont nombreux dans celui-ci et les connaître doit aider pour l'ambiance, même si ce n'est pas indispensable.

Et pour tout arranger, cela se passe pendant le Covid et la première présidence Trump. L'Amérique se partage en deux camps, ceux qui craignent le Covid, évitent les contacts, portent des masques et utilisent les gels désinfectants et ceux qui à l'image de leur président, se moquent d'eux, soutiennent que c'est juste un gros rhume et ne prennent aucune précaution particulière. Les Harris en font partie tandis qu'Holly appartient catégoriquement au premier groupe. Quand le livre commence, Holly vient de perdre sa mère qui ne croyait pas au covid et vient pourtant d'en mourir. Les deux femmes ne s'entendaient pas. Ce qu'Holly découvrira à la lecture du testament confirmera que ce n'était pas sans raison. Juste après l'enterrement en vidéo-conférence par crainte de la contagion, Holly se voit confier une enquête. Une mère éplorée, l’embauche pour rechercher sa fille qui a mystérieusement disparu, car la police croit à un départ volontaire alors qu’elle-même est persuadée du contraire.

Normalement, Holly a un coéquipier plus expérimenté et musclé mais il est cloué au lit par une "sorte de grippe" qui pourrait être le Covid ou pas, mais qui en tout cas va bel et bien finir par l’envoyer à l’hôpital. Bref, cette enquête que Holly accepte sans enthousiasme mais avec un intérêt croissant au fil des découvertes, se fera sans lui.

C'est un gros bouquin, mais c'est complètement addictif. C'est très violent, King n'est pas du genre "arsenic et vieille dentelles", on le sait. Violent donc, cruel, implacable et si on se doute bien que l’héroïne va remporter la partie, on va découvrir au prix de quels efforts et de quels sacrifices car ces vieux débris sont quand même terriblement coriaces et vindicatifs. S. King sait faire. Ses méchants sont rarement des adversaires faciles. Et pourtant, dans toute cette boucherie, le Maître a tenu à introduire plus qu'une touche de littérature et de poésie, vous verrez par vous mêmes.


528p

12 juillet 2025

Sarek
de Ulf Kvensler
*****


979-1041415922

Prix du meilleur Polar des lecteurs Points 2025

Je ne suis ordinairement pas lectrice des "polars du froid" tout simplement parce que leurs univers rudes ne m’attirent pas, mais, la canicule aidant, et ce titre passant beaucoup sur les blogs de lectrices/teurs, j’ai eu envie de tenter le coup, d’autant que les lecteurs Points et l’Académie suédoise lui avaient attribué le Prix du meilleur Polar ou premier polar 2025. La quatrième de couverture promet « un drame psychologique d’une puissance inouïe ». Comment résister ? Et, comme vous le voyez avec mes cinq étoiles, je n’ai pas regretté mon choix. La couverture représente une bouse (d’élan?), mais je peux me tromper.

On nous dit qu’il s’agit du premier roman d’ Ulf Kvensler, mais il ne faut pas s’imaginer un jeune homme qui se lance dans la vie. Il a 57 ans et déjà une belle carrière d’ acteur, scénariste et réalisateur, ce qui signifie du savoir-faire et nous allons nous en rendre compte ici.

Les personnages ont la petite trentaine. Anna et Henrik forment un couple installé mais qui bat un peu de l’aile en ce moment du fait qu’Henrik, brillant prof de fac, est en perte de vitesse et déprime. Tous les ans pour les vacances, ils font une randonnée avec une amie, Milena qui elle, est célibataire. Mais cette année au dernier moment, Milena demande que son nouveau compagnon, Jacob, puisse les accompagner. Les deux premiers ne sont guère emballés de s’adjoindre un inconnu pour une vie commune H24 d’une semaine, mais refuser n’est pas facile non plus… Pourtant, quand elle le voit, Anna qui travaille dans les tribunaux, a l’impression de l’avoir déjà vu et qui plus est, dans le rôle du condamné, mais elle ne retrouve pas le dossier. Henrik, de son côté qui a voulu faire une petite vérification, s’est aperçu que Jacob ne travaille pas là où il l’a dit. En route vers le point de départ de leur randonnée, ils mettent Jacob face à ces contradictions mais il trouve une réponse à cela. Convaincante ou non. Et propose dans la foulée une plus belle rando en modifiant leur destination pour une virée dans le très grandiose, prestigieux et sauvage Sarek qui, comme vous ne l’ignorez pas, est un parc national situé en Laponie suédoise, dans la région de Norrbotten, n’offrant ni sentier balisé ni infrastructure touristique. « A mille miles de toute terre habitée » pourrait-on presque dire. Encore une fois, Anna et Henrick n’apprécient pas mais, comme ils viennent de l’accuser gravement et semble-t-il injustement, ils se sentent obligés d’accepter pour ne pas en rajouter. Et nous voilà partis ! C‘est Anna qui fait le récit.

 Comme vous l’aurez deviné, tout cela va se passer de plus en plus mal (c’est un thriller tout de même) et c’est tout à fait captivant. On a l’impression que c’est une histoire bien simple et qu’on voit venir de loin, et dans un sens, ça l’est. Mais en même temps les surprises se succèdent, toutes désagréables bien sûr et on a beau se demander ce qu’on aurait fait à la place de tel ou tel et à quel moment ça n’a vraiment plus tourné rond… On ne sait pas trop. Tout cela est tellement insidieux…
Ce qu fait la force de ce thriller, hormis cette espèce de huis clos en vaste milieu sauvage, c’est la finesse et la justesse de l’observation des ressorts psychologiques qui affectent chacun. (Il faudra se souvenir de cette finesse si on veut comprendre la fin.)  L’auteur sait comment ces choses-là se font et fonctionnent.
« C’est ainsi que la violence fonctionne comme moyen de pouvoir. Elle n’a même pas besoin d’être exercée, sa menace suffit pour modifier les comportements. »
Et plus loin,
« L’agressivité, physique ou verbale, pousse les personnes à marcher sur la pointe des pieds et à faire des détours, les fait s’aplatir pour ne pas s’exposer. »
Et peu à peu (celle-là est plus que jamais d’actualité)
« Le doute s’immisce. C’est un des attributs du pouvoir, comme le ver dans le fruit. La capacité à rendre fluctuante la frontière entre mensonge et vérité. »
Bref, c’est brillant. Jusqu’au bout, et pout tout arranger, porté par une belle écriture qui fait la part belle aux paysages grandioses dans lesquels les gesticulations humaines se ridiculisent et se perdent.
Ou pas.
« Le froid nocturne s’approche à pas de loups, rôde, affamé, autour de notre campement. »
...

504p

Pavé de l’été 2025


08 juillet 2025

L’enquête corse Jack Palmer -

René Pétillon

****


978-2723469425

(Si vous ne voyez pas bien, cliquez sur l'image)


Il faut avoir en mémoire que cet album a été publié en 2000. Les années 90 qui venaient de s’écouler avaient été marquées par une situation agitée, confuse, mouvementée et même violente en Corse. Les groupes indépendantistes se multiplient, se scindent, s’unissent, se combattent… Des bombes sont posées, des balles tirées… La gendarmerie est débordée. Ça explose un peu partout et on ne sait pas toujours qui a posé la bombe ni même pourquoi, quant à le prouver… autant y renoncer tout de suite car s’il n’y a qu’une seule constante, dans tout cela, c’est que personne n’a rien vu ni rien entendu. Omerta.

C’est dans cette île paradisiaque que débarque notre jack Palmer, chargé par un notaire parisien de retrouver un certain Ange Léoni, adresse inconnue, pour lui remettre une lettre suite à un héritage. Palmer ignore tout de la Corse, mais comme toujours, il est confiant. On lui confie une mission, il la remplit sans chercher plus loin. Il a toujours la même technique d’investigation : il va au cœur des lieux concernés et pose directement la question aux gens qui s’y trouvent.

 Or il se trouve qu’Ange Leoni n’est pas n’importe qui. Pour commencer, il a vraiment disparu et si les gens qui le cherchent sont nombreux, ce n’est pas juste pour lui remettre une lettre. Leoni, qui a transité par un peu tous les groupes clandestins, est à chaque fois reparti avec la caisse et c’est à ce sujet que ces messieurs ont des questions à lui poser. 


Ils ne sont pas peu surpris de voir débarquer l’improbable Jack Palmer qui, isolé qu’il est sur son petit nuage, ne se laisse pas démonter par l’ambiance.

Encore un grand moment de l’investigation policière et de l’enquête socio-politique avec notre détective préféré au mieux de sa forme puisqu’il remporte le Fauve d'or - 2001 à Angoulême avec ce titre. Un film en a été tiré mais je ne l’ai pas vu et ne peux donc pas en parler. (PS : Je n’ai jamais vu un bon film tiré d’une BD, mais je dis ça, je dis rien.)


03 juillet 2025

Le numéro un

de Mikhail Chevelev

****

978-2072968600


Comme dans son premier roman "Une suite d’événements", Mikhail Chevelev a choisi ici de nous montrer la Russie post 1991 à l'aide d'un thriller. En fait, l'histoire commence un peu avant, en 1984. C’était le règne des pénuries de denrées et d'argent et des innombrables petites magouilles pour tenter de se procurer quand même ce qui faisait défaut. Tout le monde traficote. Il n'y a pas moyen de s'en sortir autrement, n’empêche que notre personnage principal, Vladimir Lovitch, 25 ans, se fait prendre. S'ensuit un petit passage au commissariat et une malencontreuse rencontre avec le KGB dont il est impossible de savoir ce qu'ils veulent vraiment mais qui le laisse repartir libre sans trop de difficultés, après la simple signature d'un papier affirmant sa bonne volonté pour tout ce qui serait d'informer le KGB de choses suspectes qu'il pourrait découvrir par hasard. Quand vous êtes retenu dans un commissariat et que le KGB vous demande si en cas de découverte suspecte vous seriez du genre à la lui dissimuler ou à la lui signaler, vous n'hésitez pas longtemps sur la réponse à fournir, d'autant qu'on parle dans l’absolu, sans sujet précis de réalisation de cette hypothèse. Et ça ne va d’ailleurs pas plus loin. Vladimir signe ses déclarations et repart libre comme l'air. Il n'y aura pas de poursuites et les années passant, il n'y pensera plus, d'autant que le tournant des années 90 est pris et que la libéralisation et le grand désordre économique s'installent. Vladimir gagne sa vie comme traducteur, mais maigrement et s'il y a enfin des marchandises dans les magasins, elles sont chères et il ne gagne pas assez pour se les fournir. Il est maintenant marié et heureux en ménage, mais fauché.

Un jour, il rencontre Ilya, un de ses anciens copains d'études et découvre que contrairement à lui, ce dernier qui s'est lancé dans les affaires, roule sur l'or. Les affaires, en Russie, ça veut dire mafia qui n'est pas sans lien avec l'ex-KGB... mais il n'y a pas d'autre façon de faire du commerce, et Ilya l'embauche aussitôt avec un très gros salaire et la vie de Vladimir devient soudain parfaite.

Sauf que, comme dit le proverbe, pour dîner avec le diable, il faut une longue cuillère et Vladimir va finir par s'apercevoir que la sienne ne l'est pas assez.

Un thriller intéressant et un terrain et des ressorts nouveaux (pour moi du moins). Ca donne vraiment à la fois une impression de réalisme très banal et de dépassements perpétuels des limites communément admises. En Russie, les choses suivent une loi qui leur est bien particulière. C'est sûr que quand l'état est le gangster numéro un... ça change la donne.

Donc une bonne histoire, un bon décor et de bons personnages. Des revirements surprenants et une parfaite logique interne. Sur la fin, la vraisemblance bat un peu de l'aile, mais retombe finalement plus ou moins sur ses pattes. Par contre je n'ai pas été éblouie par le maîtrise du récit et la construction du roman (on est dans la Blanche de Gallimard, quand même, si ça veut encore dire quelque chose). Le récit non chronologique avec les dates en tête des courts chapitres, ça évite un récit trop linéaire mais on a vite fait de ne pas lire la tête de chapitre et de se perdre un peu. Et puis, quand par exemple l'un des personnages raconte à l'autre des choses que le lecteur sait déjà, ça donne une impression gênante de répétition. Et pour en revenir aux personnages, ils sont parfois étranges. je pense à David qui manifeste si peu d’émotions et qui fait soudain preuve de capacités très surprenantes pour quelqu’un comme lui… ça étonne.

Mais à défaut de monument littéraire, comme thriller ou roman noir, ça va. On accroche et on n'en fait qu'une bouchée (moins de 200 pages).

24 juin 2025

Puzzle

de Franck Thilliez et MIG

***

9782359105407

J’ai emprunté ce roman graphique à la bibliothèque parce que je n’ai jamais lu de roman de Franck Thilliez et que cette forme BD me permettait de le faire sans devoir lire 400 ou 500 pages de texte car je craignais que cela ne m’interesse pas beaucoup. Il s’est avéré que j’avais raison, je n’ai pas du tout été convaincue par ce scenario indigent. Pour résumer : le héros, un homme jeune, a été quitté par sa petite amie, mais ils participaient ensemble à un jeu de chasse au trésor en ligne et c’est en tant que partenaire qu’elle le recontacte car elle a trouvé un nouvel indice qui leur permet de progresser vers le faramineux butin de 300 000€.

Bon, alors, ce n’est pas compliqué. Vous voulez faire une histoire horrifique, vous vous demandez quels sont les décor effrayants où vous pourriez la situer pour mettre le lecteur en condition et vous vous répondez : cimetières, prison, hôpitaux borderline, salles chirurgicales ou de torture, asile psychiatriques avec enfermement, lobotomie forcée etc. Ah oui ! Très bon, ça ! On y va.



Le jeu conduit donc nos deux héros dans un ancien asile psychiatrique de sinistre réputation, maintenant abandonné. La sinistre réputation tient au fait que dans le passé, de nombreuses lobotomies et autres chirurgies sur des patient pas forcément consentants, y ont été pratiquées. Il est maintenant désert, ce qui ne le rend pas plus accueillant, d’autant que "pour ne pas être dérangé", des chiens féroces sont lâchés dans le parc qui l’entoure. Les derniers finalistes se retrouvent là pour la fin du jeu et l’attribution du trésor tant convoité. Dès l’arrivée, un message les avertit que rien ne sera réel à partir de cet instant car le jeu a commencé. Un message, car ils ne rencontreront jamais personne d’autre que les autres participants. Ils ne verront pas le/la/les (?) Maître du jeu. Ils trouvent bientôt un second message qui lui, dit que l’un d’entre eux va être tué. Est-ce un avertissement à prendre au sérieux ou cela fait-il partie du jeu ? Faut-il chercher à s’enfuir ou à découvrir les indices qui mèneront au trésor ? Etc.

Rien de bien nouveau, vous le voyez et rien d’original. On va enchaîner les clichés, la salle d’opération à l’abandon mais qui a l’air de servir quand même, la morgue déserte avec des corps présents ou pas… des cellules fermées, l’obscurité totale après une certaine heure, le doute entretenu en permanence et à bon compte sur la réalité ou la fiction d’un jeu de rôle (malgré quelques cadavres…) Une ou deux scènes un peu osées, mais si convenues… ! Et vous aurez même votre cimetière abandonné !


(pour info, il n’y a pas la moindre touche d’orange dans tout l’album à part un peu de rouge sur la couverture)

Donc, je le disais, on n’est jamais vraiment surpris. "Horreur" à bon marché et c'est parti pour une succession de clichés. Pour conclure, la clé de l’énigme est à la hauteur de ce qui a précédé.

Le travail du dessinateur en noir, bleu, blanc, est très professionnel et colle bien au texte. Rien à redire de ce côté. Rien de particulièrement inspiré ou artistique non plus, mais bon, il remplit le contrat.


31 mai 2025

Une canaille et demie

de Iain Levison

***+

979-1034906642

J'ai emprunté ce livre à la bibliothèque car je n'avais encore lu aucun roman de Iain Levison alors que je le vois régulièrement commenté sur les blogs. C'est un roman policier.

Dixon, qui se préoccupe pourtant de son karma, se joint à une bande de malfrats pour tenter le braquage d'une banque. Il le fait car il sort juste de prison et n'a pas un radis et pas davantage de situation. Or, il rêve d'acheter une petite ferme dans l'Alberta et d'y couler des jours paisibles. Comme il n'a pas une trop haute opinion des capacités de ses complices (mais pas de leur dangerosité), il s'est discrètement préparé sa propre voie de sortie. Il a bien fait. Le braquage a lieu, il tourne mal comme on pouvait s'y attendre, mais Dixon parvient à s'enfuir avec un sac plein de dollars.

A des kilomètres de là, dans le New-Hampshire, l'ambitieux Elias White mène son existence de frustré. Prof d'Histoire aux dents qui rayent le parquet il trouve bien long le temps que les autres mettent à reconnaître sa valeur exceptionnelle et à lui offrir les postes correspondants. En attendant, il travaille sur une grande recherche visant à faire comprendre à tous comment/pourquoi, le nazisme a séduit les foules. En attendant encore, c'est lui qui ne comprend pas le coté scabreux de son travail et pourquoi les gens ont plus tendance à s'en détourner qu'à s'y intéresser. Bref, gloire et reconnaissance ne semblent guère approcher et en attendant, il se console avec ses élèves les plus délurées.

Vous aurez deviné que Dixon va atterrir chez Elias, poursuivi par toutes les polices, incarnée ici par Denise Lupo, excellente inspectrice mais qui se heurte de façon irrémédiable au plafond de verre et qui commence à s'en lasser.

Si cette petite présentation vous met en appétit, n'hésitez pas car c'est un polar bien écrit et très bien mené. Vous en aurez pour votre argent. Par contre, si vous cherchez quelque chose d'un peu plus original , plus captivant ou qui pique un peu plus la curiosité... allez plutôt lire Billy Summers. Pourtant, j’ai bien aimé l'énorme cynisme désabusé de ce polar qui nous montre une élite intellectuelle des universités ne valant pas mieux que les malfrats officiels, sous les yeux d’une police et d'une justice sans morale. Je lirai sans doute d’autres titres de cet auteur, il y en aura bien un où il m’étonnera.


22 mai 2025

Dans les brumes de Capelans

d’Olivier Norek

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978-2266332132


Alors qu'on le voit partout, en librairie et sur les blogs littéraires, je n'avais encore jamais lu Olivier Norek, tout comme je n'ai encore jamais lu Franck Thilliez ou Maxime Chattam (on ne peut pas tout lire) et il en serait sans doute toujours ainsi si je ne l'avais pas trouvé sous la forme d'audiolivre à la médiathèque, mais médiathèque il y a, audiolivre il y eut et lacune je comblai.

Ca commençait plutôt mal, encore un serial killer, encore des filles violées et assassinées, encore un flic blessé qui se recycle etc. pour moi qui préfère les whodunit et les intrigues inattendues, clairement, si cela avait été un livre, si je n'avais pas été coincée longuement dans cette voiture avec cet audiolivre, je ne serais pas allée très loin dans ce bouquin. Mais les choses étant ce qu'elles étaient, j'ai avancé pas mal et d'abord, j'ai été agréablement surprise par le niveau d'écriture. Je m'attendais à bien plus pauvre et là, vraiment, ce n'est pas le cas. Pas mal non plus pour la psychologie des personnages, bien moins sommaire, voire invraisemblable que d'autres que j'ai pu avoir à lire, si bien que j'ai décidé d'aller au bout et de "laisser sa chance au produit", comme on dit. Et au final, je ne regrette pas parce que j'ai bien aimé ce bouquin. L'écriture, je l'ai dit, tient bien la route et les personnages acquièrent rapidement assez d’épaisseur et de relief pour s'arracher aux stéréotypes. Il parait qu'on "retrouve avec plaisir" le Capitaine Victor Coste rencontré auparavant dans des circonstances tragiques, ce qui n'a évidemment pas été le cas pour moi vu que c'était mon premier Norek, mais donc je vous l'annonce, si vous le cherchiez, il est là.

Je me suis aussi intéressée au décor, cette France lointaine au climat difficile, puisqu'une grande partie du récit se passe à Saint-Pierre (le Saint Pierre de Saint-Pierre et Miquelon, pas à la Réunion, ni au Vatican). Cette côte aride où, pendant les brumes de capelans, on ne voit plus sa main si on tend le bras (c'est pratique, pour chasser un tueur!). Et à ce propos, savez-vous ce que sont les brumes de capelans? Curieuse comme je suis, il a bien fallu que je me renseigne alors voilà ce que me dit Wikipedia : "une brume de printemps qui annoncerait l'arrivée de petits poissons (le capelan) sur le bord du rivage." Vous voilà renseignés, vous ne serez pas venus pour rien.

Au final, l’intrigue arrive quand même à surprendre et c’est vraiment bien raconté, alors oui, un autre Norek, plus tard, à l’occasion, pourquoi pas ?




13 mai 2025

La librairie des chats noirs

de Piergiorgio Pulixi

9782351783580

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L’ayant pas mal vu d'un œil distrait passer sur les blogs des lectrices, puis apparaître soudain en plein milieu de la table des nouveautés à la bibli, j'ai testé ce roman du nouvel auteur italien à la mode : Piergiorgio Pulixi.

Vous voulez écrire un polar à succès (et même éventuellement une série?) en mettant toutes les chances de votre coté, qu'est ce que vous faites?

Vous vous souvenez que la majorité des lecteurs sont des lectrices et qu’elles aiment les livres, les bibliothèques, les librairies, les clubs de lecture et les chats et sont généralement d'une grande indulgence envers les types un peu abîmés qui essaient de se reconstruire et cachent un cœur d'or derrière une apparence bourrue (pas moi, faut bien des exceptions). Il est bon qu'il ait quelques amis un peu originaux mais avec un excellent fond. Il n'est ni mauvais ni rare qu'il soit également très officieusement bien vu des services de police, c'est plus simple pour avoir de bons renseignements et échapper à toutes les tracasseries que vous font normalement les flics quand vous venez piétiner dans une enquête de police. Évidemment, la vraisemblance n'y gagne pas, mais on ne peut pas tout avoir. Vous placez le tout dans une belle région et saupoudrez d’un peu de tristesse amoureuse, et le tour est joué. Bref, Pulixi n'a pas été avare de ses efforts et il nous a mis TOUT ça dans ce roman. Résultat, nous avons un petit polar très agréable à lire, qui ne va certes pas révolutionner la littérature noire mais qui donnera à son lecteur ce qu'il vient en général chercher.

Après un départ qui capte bien l'attention et nous décide à voir plus loin, nous découvrons notre héros, un ex-prof de math défenseur d'enfant battu qui a dû se recycler et est devenu libraire. Un libraire qui coule doucement vers la faillite et se demande pourquoi les clients qu'il insulte ou engueule volontiers ont tellement tendance à ne pas revenir. Heureusement, la boutique est maintenue à flots par une vendeuse extrêmement aimable, elle, et qui fait tout le boulot bien qu'on la devine payée au lance-pierre. Dans la librairie se sont installés à demeure et sans le consulter deux chats noirs plutôt énigmatiques (pour l'ambiance féline). Dans le sous-sol de la librairie le club de lecture s'est réduit à quatre participants et s'est transformé en "club des enquêteurs du mardi". C'est à eux que la police, totalement démunie après l'entrée en matière très violente du roman, va demander un coup de main. (Oui, je vous avais prévenus pour la vraisemblance). Pour être honnête, le lecteur n’a aucune chance de découvrir le coupable avant la fin, le seul indice étant laissé trop flou pour être probant, mais il va essayer.

C’est facile à lire, plaisant, la psychologie des personnages est à la limite de la caricature mais c’est de la lecture récréative. L’IA va bientôt nous pondre des milliers de ces romans-là si ce n’est déjà fait, et vous l’aurez oublié en moins d’un mois, but who cares ?

Ceci étant, je ne pense pas en lire d’autre, mais ça va beaucoup plaire.

25 avril 2025

Les messieurs de Delft

de Charles Exbrayat

**+

978-2702418185


Dans les années 60 à 80, Charles Exbrayat était une célébrité dans le monde du polar. Il a publié une bonne centaines de romans policiers ou d’espionnage, qui plaisaient beaucoup en particulier grâce à leur ton plus ou moins humoristique. Plusieurs sont devenus des films. Certains sont excellents, d’autres un peu moins. Il écrivait au kilomètre. A une époque, j’en ai lu des quantités, puis Exbrayat est passé de mode, remplacé par des concurrents plus modernes, et voilà que l’autre jour, je tombe sur un de ses romans dans une boite à livres ! Il sentait un peu le moisi, ce que je fuis normalement, mais je l’ai pris quand même car j’avais envie de voir comment ce bon vieil Exbrayat avait vieilli. Et me voilà partie à Delft.

Dans cette ville très bourgeoise, le très riche et puissant directeur d’usine Karel Klundert a coutume de régaler régulièrement quelques amis, notables comme lui pour les faire bénéficier des talents de sa très excellente cuisinière. Ces repas sont de notoriété publique et nul ne doute à Delft que les sommets des plaisirs de la table y soient atteints. Mais ce soir-là ne sera pas comme les autres puisque Klundert y reçoit un coup de fil d’une inconnue qui se prétend sa maîtresse et le somme de tenir les engagements qu’il a pris envers elle. Klundert n’a rien d’un coureur et pensant avoir affaire soit à une mauvaise blague, soit à une tentative d’escroquerie, il répond sur le ton de la grosse plaisanterie quand elle menace d’aller se noyer. Le dîner avec ses amis se termine dans les éclats de rire. Seulement voilà, le lendemain, le corps d’une jeune femme est repêché dans le canal. Seulement voilà, voilà, il s’avère qu’il ne s’agit pas d’un suicide mais d’un meurtre. Notre Karel qui, pour bien faire est sorti seul marcher en ville après le départ de ses amis, est dans de beaux draps, d’autant qu’il s’estime lui même coupable en raison de sa réaction négligente lors de l’appel. Mais que se passe-t-il donc dans cette bonne ville de Delft ?

Alors pour avoir vieilli, certes oui, ça a vieilli, et sérieusement. Des patrons comme Klundert ne feraient pas long feu aujourd’hui, du moins en Europe, mais également toutes les relations sociales, le machisme radical, etc. Le mystère n’est pas très surprenant et l’enquête pas passionnante non plus, si on peut appeler ça une enquête. Bref, un médiocre Exbrayat. Je suis mal tombée et il va vite retourner dans une boîte à livres, mais je ne regrette pas ma visite à Delft, ni ce petit voyage dans le passé qui rappelle tout de même que certaines choses ont évolué. Je retenterai Exbrayat, mais avec un titre plus connu. Peut-être « Une ravissante idiote » qui a donné un film bof bof avec Bardot et Perkins, mais un meilleur roman, ou un opus de la série Imogène car j’en ai gardé un lointain mais plaisant souvenir. Oui, un Imogène, tiens !




07 avril 2025

Cadres noirs

de Pierre Lemaitre

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Ce que j'admire toujours chez Pierre Lemaitre, c'est sa maîtrise et son savoir faire. Une fois encore, je n'ai pas été déçue, et pourtant, Lemaitre débutait presque avec ce roman, mais il connaissait déjà son métier et il le faisait fort bien. Voyons de quoi il est question

Quatrième de couverture:

"Alain Delambre est un cadre de cinquante-sept ans complètement usé par quatre années de chômage. Ancien DRH, il accepte des petits jobs qui le démoralisent. Au sentiment d’échec s'ajoute bientôt l'humiliation de se faire botter les fesses pour cinq cents euros par mois... Aussi quand un employeur, divine surprise, accepte enfin d'étudier sa candidature, Alain Delambre est prêt à tout, à emprunter de l'argent, à se disqualifier aux yeux de sa femme et de ses filles, et même à participer à l'ultime épreuve de recrutement : un jeu de rôle sous la forme d'une prise d'otages. Il s'engage corps et âme dans cette lutte pour retrouver sa dignité. S'il se rendait compte que les dés sont pipés, sa fureur serait sans limite. Et le jeu de rôle pourrait alors tourner au jeu de massacre… "

Vous avez saisi la problématique et le potentiel? Eh bien je peux vous dire que P. Lemaitre va en tirer le maximum. Il ne nous épargnera aucun rebondissement inattendu, aucune surprise, aucune angoisse, aucun succès enivrant, aucune défaite cuisante. Les règles du management qui sont les bases de la formation de Delambre, vont être implacablement mises à l'épreuve du réel, car c'est vers elles que se tournera notre héros à chaque fois qu'il sera en danger de perdre pied.

On part d'un chômeur désespéré que l'on voit accomplir les derniers mètres de descente au 36ème dessous en entraînant toute sa famille et qui réalise que son ultime espoir n'était en fait qu'un mirage, pire, une cruelle et impitoyable manipulation des nantis sur sa misère. A partir de là, comme on dit "le cave se rebiffe" et ça va faire TRES mal, à tout le monde.

Évidemment, on est là pour l'aventure, le suspens, le danger et les surprises. Il serait stupide de lire ça comme un documentaire sur le chômage ou même sur la banditisme (en col blanc ou survet'), la vie carcérale etc. N'allez pas bloquer sur les
invraisemblances, elles sont nombreuses et, je pense, assumées. Quand vous lisez James Bond, vous ne protestez pas que ce n'est pas possible. Laissez-vous mener en bateau. Prenez votre plaisir là où il est. Ca commence un peu lentement pour la mise en place et le lancement (trop longs à mon avis) intéressants mais manquant de rythme, mais je peux vous rassurer, ça va bien bien durcir et accélérer par la suite. Vous ne serez pas déçus. Et au moins, on ne peut pas accuser Lemaitre de manichéisme, car son héros qui manipule et utilise tout le monde, même ses alliés, n'est pas vraiment sympathique non plus. Notre chômeur acculé est vraiment prêt à tout, et il le montre. Et il se trouve qu'il a des dons et de la ressource.

Ca ne sera peut-être pas votre Lemaitre préféré, mais si vous passez le cap du démarrage façon diesel, vous en aurez pour votre lecture.



978-2253157212



29 mars 2025

Oscar Wilde et le nid de vipères

de Gyles Brandreth

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Mais ce pauvre Oscar a-t-il bien mérité cela???

Je résiste à tout, sauf à la tentation, disait Wilde (le vrai), fidèle à son exemple, je n’ai pas résisté à l’appel du quatrième volume de la série que Gyles Brandreth a lancée et dans laquelle il imagine Oscar Wilde en détective.

A chaque fois je me demande: "Mais ce pauvre Oscar a-t-il bien mérité cela??" et je ne peux pas honnêtement l'affirmer, mais chaque fois aussi, je finis par céder au charme de l'énigme et de l’enquête que je m'efforce de résoudre et mener à bien. Car je crois que c'est cela qui sauve ces romans policiers à l'audace (utiliser un écrivain réel) peut-être exagérée. Ce sont des "whodunit" à l'ancienne dans lesquels le lecteur peut vraiment essayer de trouver la solution. Ici, pas de deus ex machina ou d'information de dernière minute qui change toute la donne, mais un raisonnement logique que l'on peut tenter de mener à son terme. C'est amusant.

Bien que Gyles Brandreth soit un spécialiste de Wilde et qu'il puisse en parler en toute connaissance de cause, ce Wilde qu'il nous met en scène n'est évidemment pas le vrai Wilde, c'est un personnage mythique c'est à dire né d'un mythe autour de la personnalité de l'écrivain irlandais. On imagine que sa vivacité d'esprit puisse servir à résoudre des énigmes particulièrement complexes, on imagine que l'élégance et l'anticonformisme de son mode de vie puisse s’accommoder de fréquentations étranges, voire dangereuses et côtoyer des crimes... Et, pour enrichir le tout, Brandreth recycle avec savoir-faire les aphorismes et sentences wildiens pour notre plus grande jubilation.

Oscar n'est d'ailleurs pas le seul personnage réel utilisé dans cette série puisque nous y retrouvons entre autres Conan Doyle (qui allie une rigueur -voire raideur- morale et une naïveté qui le portera bientôt à croire aux fées) et Bram Stoker. Le narrateur de toutes ces aventures lui-même, Robert Sherard est un vrai écrivain, réellement ami d'Oscar Wilde et même son premier biographe. En fait, Brandreth, sans chercher plus loin, nous a mis Oscar dans le rôle de Sherlock Holmes et Shérard dans celui de Watson. Le pauvre Sherard n'est d'ailleurs pas épargné, on le dit "falot", terne etc. mais après tout, la neutralité de ton ne fait-elle pas le bon témoin?

Pour cette quatrième aventure, Wilde a vieilli. C'est assez pathétique, surtout au début du roman, ensuite l'action le ragaillardit un peu. D'autre part Brandreth est moins précautionneux sur la nature de sa vie sexuelle et il cesse de ne voir des jeunes gens que pour leur donner des cours. Ecoutons l'un d'eux:

"Je suis venu m'asseoir à côté de lui sur le lit, et j'ai tourné la tête de façon qu'il puisse mieux admirer mon profil.

-Qui êtes-vous Rex? Qu'êtes-vous? Me raconterez-vous l'histoire de votre vie?

Comme il (Wilde) posait sa main sur ma cuisse, je me tournais vers lui et lui souris. Mes lèvres, en s'entrouvrant, lui révélèrent combien mes dents sont blanches et mes canines acérées. Il a éclaté de rire et, jetant sa cigarette, il s'est penché pour m'embrasser."

En dehors de ce coming out auquel nous devons peut-être tout le rose -quelque peu excessif lui aussi- de la couverture, il est cette fois-ci question de vampires (d'où les canines acérées bien que plus loin Stoker parle des prémolaires mais on se demande ce qu'elles viennent faire là-dedans, passons, fin de la parenthèse), Charcot est nettement mis en cause et les frontières entre hypnotisme et charlatanisme se brouillent.

Un épisode donc bien intéressant de ces improbables aventures d'Oscar Wilde, peut-être le meilleur jusqu'à présent, je n'ai pas boudé mon amusement mais en revanche, j'ai tout oublié presque immédiatement. Mémoire sélective.


1. Oscar Wilde and the Candlelight Murders (2007) Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles

 2. Oscar Wilde and the Ring of Death (2008) Oscar Wilde et le jeu de la mort

3. Oscar Wilde and the Dead Man's Smile (2009)  Oscar Wilde et le cadavre souriant

4. Oscar Wilde and the Nest of Vipers (2010) Oscar Wilde et le nid de vipères

 5. Oscar Wilde and the Vatican Murders (2011) Oscar Wilde et les Crimes du Vatican 

6. Oscar Wilde and the Murders at Reading Gaol (2012)  Oscar Wilde et le Mystère de Reading

978-2264051240