26 octobre 2021

Vie de Joseph Roulin 

de Pierre Michon

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Vous connaissez Joseph Roulin. Mais si. Van Gogh vous l'a présenté. Vous êtes comme moi, vous l’avez déjà vu et plusieurs fois sûrement. Peut-être même l’original, si vous faites partie des veinards… En tout cas, des reproductions, c’est sûr.


Et tout au long de votre lecture, vous aurez cette bouille sous votre regard mental et vous aussi vous serez familier de cet homme dont Pierre Michon vous parle, comme Van Gogh l’a été. Vous aurez l’impression que l’on vous parle de quelqu’un que vous connaissez, au moins de vue, et depuis longtemps. Cet artifice donne au texte une emprise notable sur le lecteur. Il se trouve de plain pied dans notre «familier» et cela modifie la réception,  change l’impact des mots lus.

Roulin fait partie des gens avec lesquels Van Gogh s’est lié à Arles, quand ça n’allait pas bien. Il travaillait à la poste, buvait trop, parlait trop, n’avait rien de particulièrement sympathique et pourtant, on retrouvait chez lui ce qui fait que l’humain mérite que l’on s’y intéresse et il était capable comme on le verra finalement, de fulgurances. Il avait cette soif d’étoiles qui nous fait. Et Vincent lui en offrit une part. Non par ou pour ce qu’il comprit de sa peinture car il y comprit peu de choses, mais par et pour ce qu’il comprit de l’homme. En récompense de quoi, au bout du compte, «Il devait à ce jeune homme d’avoir connu un grand peintre, d’avoir vu et touché une chose en quelque sorte invisible, pas seulement un misérable à qui on donne des confitures.» (p. 61)

Pierre Michon sait nous montrer cet homme, sait nous le faire sentir, nous offrir en quoi il est unique et en quoi le monde avait besoin qu’il existe. Le monde, Vincent, vous, moi.

Michon est nos yeux.

Et il est lui aussi portraitiste. Que fait-il d’autre dans toutes ces vies minuscules qui peuplent son œuvre? Ici, comme Van Gogh, il travaille la pâte -des couleurs ou des mots-  pour faire jaillir l’image approximative et exacte de son modèle. Nous le révéler dans toute la puissance de son évidence.

Et pour ce qui est du talent, du génie et de l’art: «Qui dira ce qui est beau et en raison de cela parmi les hommes vaut cher ou ne vaut rien? Est-ce que ce sont nos yeux, qui sont les mêmes, ceux de Vincent, du facteur et les miens? Est-ce que ce sont nos cœurs qu’un rien séduit, qu’un rien éloigne?» (p. 65)


Extraits :

- (…) on est devenu très fort depuis qu’on sait que tout le langage ment. On a appris le pire, on y est installé. (p. 14)

- Et il ne fut pas étonné davantage d’être promis à un tout petit métier, d’avoir à gagner sa vie et d’avoir à la perdre un jour, et de devoir moralement, gaillardement, affronter cela. (p. 19)

- Cette ombre longtemps l’épaula seule dans le refus d’être Roulin, c'est-à-dire dans l’acceptation de faire mine d’être Roulin; cela le revêtit chaque matin de la grande vareuse, sans ménagement le poussa avant le jour vers les sacs postaux et les engueulades, mais comme si ce n’était pas lui. Le prince batifolait ou massacrait dans un coin de facteur, qui faisait son devoir. Cela lui fit une vie intérieure (…) (p. 23)

978-2864320661

20 octobre 2021

 La Porte du voyage sans retour

de David Diop

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Le sous-titre "Les cahiers secrets de Michel Adanson", vous place exactement l'affaire : Un scientifique égoïste, sentant sa mort prochaine, se rapproche de sa fille négligée jusqu'alors et rédige à son intention des mémoires censées lui permettre de mieux le comprendre. Nous sommes en plein milieu du 18ème siècle, le siècle des Lumières, l'esprit scientifique s'éveille, pour Michel Adanson ce sera la botanique et la zoologie des terres africaines. Le Sénégal en l’occurrence. Il voyagera et séjournera dans les bagages du commerce triangulaire. Il ira prospecter, collecter, classer, étiqueter et reviendra riche de ses collections, se faire admirer et titrer. A l'heure de sa mort cependant, il est un peu déçu, son projet de relevé exhaustif des faunes et flores du Sénégal était déraisonnable et n'a bien sûr pas pu être mené à terme. Il n'intéressait d'ailleurs pas grand monde. Adanson n'a pas non plus été reconnu et doté à hauteur de ses ambitions. Aussi, n'est-ce pas à cela qu'il consacrera ses dernières réflexions et mémoires confiées aux "cahiers secrets", mais à la seule histoire d'amour qu'il connut, un coup de foudre d'autant plus marquant et sublimé, qu'il ne put se réaliser d'aucune façon. Cela se passa au Sénégal, alors qu'il avait vingt ans.


Voilà pour l'histoire, une histoire qui nous immerge pendant 250 pages dans un monde raciste sans vergogne et où tant de choses reposent sur le trafic d'esclaves que nul ne songe à le contester.

"La religion catholique dont j'ai failli devenir un serviteur, enseigne que les Nègres sont naturellement esclaves. Toutefois, si les Nègres sont esclaves, je sais parfaitement qu'ils ne le sont pas par décret divin, mais bien parce qu'il convient de le penser pour continuer de les vendre sans remords."

Car avant même de trouver l'amour, Michel Anderson, assez jeune et libre d’intérêt pour ne pas être complètement aveuglé, a découvert les Africains et a reconnu leur humanité.

"J'ai fait ce voyage au Sénégal pour découvrir des plantes et j'y ai rencontré des hommes."


Un beau livre, qui résonne et raisonne avec pertinence sur divers sujets humains et nourrira votre réflexion. Par exemple : "L'homme qui avance sur le chemin de la vie tombe sur des embranchements, des carrefours fatals, qu'il ne reconnaît comme tels qu'après les avoir passés."


Bonne route à vous !


Extraits :

"Les palais, les châteaux, les cathédrales dont nous nous glorifions en Europe, sont le tribut payé aux riches par des centaines de générations de pauvres gens dont personne ne s'est soucié de conserver les masures. Les monuments historiques des Nègres du Sénégal se trouvent dans leurs récits, leurs bons mots, leurs contes, transmis d'une génération à l'autre par leurs historiens-chanteurs, les griots. Les paroles des griots qui peuvent être aussi ciselées que les plus belles pierres de nos palais, sont leurs monuments d'éternité monarchiques."


Mémoire :

"Parfois, lorsque nous nous retournons sur notre passé et sur nos croyances anciennes, nous tombons en présence d'un inconnu. Cet inconnu ne l'est pas vraiment, car il s'agit de nous-même. Même s'il est toujours là, dans notre esprit, il nous échappe souvent. Et quand nous le retrouvons au détour d'un souvenir, nous reconsidérons cet autre nous-même, tantôt avec indulgence, tantôt avec colère, parfois avec tendresse, parfois avec effroi, juste avant qu'il ne se volatilise à nouveau."


L'Art :

"Je compris alors que la peinture et la musique ont le pouvoir de nous révéler à nous-même notre humanité secrète. Grâce à l'art, nous arrivons parfois à entrouvrir une porte dérobée donnant sur la part la plus obscure de notre être, aussi noire que le fond d'un cachot. Et, une fois cette porte grande ouverte, les recoins de notre âme sont si bien éclairés par la lumière qu'elle laisse passer, qu'aucun mensonge sur nous-même ne trouve plus la moindre parcelle d'ombre où se réfugier, comme lorsue brille un soleil d'Afrique à son zénith."


978-2021487855


16 octobre 2021

 Ablutions 

de Patrick deWitt

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Cela fait vraiment longtemps que je n'avais pas lu un livre aussi déprimant ! Vraiment, c'est à se pendre. Je vous préviens pour que vous ne vous y lanciez pas si vous n'êtes pas dans une période particulièrement sereine et optimiste. Je ne m'attendais pas du tout à cela en attaquant ce roman de P. deWiit qui jusqu’alors m'avait toujours fait rêver (Heurs) ou sourire (French exit).

 Sous-titré « Notes pour un roman », ce texte est censé être les notes que le barman de nuit prend en vue du livre qu'il voudrait écrire un jour, lui qui ne se voit bien sûr pas finir comme les épaves qu'il contemple quotidiennement. Ainsi les courts chapitres commencent-ils souvent par « Parler de ... » mais s'y intercalent aussi de plus en plus de notes sur lui-même. Ce bar de Los Angeles, est vraiment glauque. On y vient seul pour s'y saouler le plus rapidement et le plus radicalement possible. Toutes les drogues et «cachets» sont aussi de la partie. Comme on s'en doute, ceux qui sont là ne sont pas spécialement sur la voie ascendante. Ce sont bien au contraire des déçus de leurs vies qui viennent ici noyer leurs rêves qui ont sombré. Ils se racontent à l'envi -mais personne n'écoute personne-, exagérant leurs efforts, magnifiant leurs résultats, surévaluant leurs espoirs. Un seul, à la surprise générale, parviendra à la réussite, s'attirant malgré sa gentillesse, une haine unanime. Vous êtes prévenus, on n'est pas dans les beaux sentiments.

"Les habitués sont chaleureux les uns envers les autres, mais le plus souvent ils arrivent et repartent seuls, et d'après ce que tu sais, ils ne se fréquentent pas. Cela éveille en toi un sentiment de solitude, le cœur des hommes te semble froid et mesquin, et il te vient à l'esprit l'expression 'chacun pour soi', qui dans ton enfance te donnait envie de t'allonger et 'd'être tué' ."

Certains lecteurs prétendent avoir vu de l'humour dans cette succession de micro-récits mais franchement, bien qu'aimant l'humour noir, je l'ai rarement vu (sauf la scène de l'enterrement peut-être). Ici, il n'y a pas ce léger décalage ou recul qui fait qu'une scène passe du glauque à l'amusant. On a trop la tète dans le sordide et la misère, les deux tant matériels que psychologiques. Je pense que cela est dû au fait que le récit est fait par ce barman qui est en aussi mauvais état que les autres.

"Les gens sont partagés à ton sujet : certains te disent stupide, d'autres grossier."

Pourtant un beau roman que je conseille. Une belle écriture qui touche là où il faut. Une peinture percutante et qui semble juste. Selon son éditeur, l'auteur a été barman pendant six ans, c'est là qu'il a trouvé son matériel. J'espère pour lui que ce récit n'est cependant pas autobiographique, le pauvre ! Mais on y croit tellement !

Que me réservent Les frères Sister, le prochain deWitt de ma pile ?

Pour ceux qui vont me répondre que "mais non, c'est pas si triste, faut pas tout prendre au tragique." :

"La souffrance et la chaleur ne se calmant pas, tu avales difficilement quatre aspirines avant de te rallonger dans l'espoir de dormir, mais les brulures t'en empêchent et, tandis que les vagues de douleur s'intensifient, tu t'entends pleurer et gémir, jamais tu n'as entendu de son plus misérable et solitaire, et la tristesse s'abat sur toi comme une chape de plomb, et maintenant, sans alcool ni stupéfiant pour masquer une émotion dissimulée depuis longtemps, elle prend possession de ton corps."

978-2742789283

12 octobre 2021

 Née de la côte d’Adam  

de Nuruddin Farah

****+


Notre trilogie est une tétralogie

Peut-être plus léger, moins pesé que les suivants, ce premier roman de notre auteur somalien, m’a beaucoup plu. Vif et intéressant, il est facile et agréable à lire tout en nous éclairant sur cette société qui nous est si étrangère : le monde somalien, tant celui des nomades, auquel l’héroïne appartient et où elle se trouve au début du livre, que celui des citadins qu’elle rejoint, gagnant une petite ville d’abord, puis Mogadiscio.

Notre héroïne, c’est Ebla, elle n’a pas encore 19 ans et toute la famille qui lui reste se résume à une jeune frère et à un grand père quasi impotent. Mais même âgé, impotent et dépendant, le

grand-père a encore un pouvoir de nuisance puisqu’il lui annonce un jour qu’il l’a vendue contre deux chameaux. Ebla ne veut pas de ce vieux mari qu’on lui impose et, chose inouïe dans son monde, s’enfuit. Elle veut abandonner l’existence nomade pour vivre en ville où elle pense avoir une meilleure existence. Ce qui frappe, c’est qu’Ebla est plutôt solitaire, elle ne cherche pas l’amitié d’autres femmes, n’éprouve pas le besoin de s’épancher ou d‘être soutenue ou sécurisée. Elle est jeune et pleine de vigueur, pas encore décidée à se résigner au sort désespérant qui traditionnellement lui échoit. Plus tard, nous verrons qu’elle n’est pas non plus particulièrement tendre et altruiste. On pouvait se douter qu’elle ne trouverait pas en elle cet esprit de sacrifice que tout le monde s’attend à lui voir manifester. Et c’est ce qui fait le sel de ce roman.

Arrivée à la première ville, Ebla rejoint la maison d’un lointain cousin et s’y fait accueillir comme parente-servante. Elle fait aussi la connaissance d’une voisine "la veuve" qui lui fera profiter de son expérience et lui apprendra un peu ce qu’est la vie. Bien sûr, assez rapidement, le cousin lui aussi la vend à un prétendant. Mais notre Ebla a toutes les audaces et après avoir franchi autrefois le pas de l’évasion, elle n’hésite pas cette fois à se faire enlever par un autre homme qui l’emmène aussitôt à Mogadiscio. Là elle connaîtra la vie d’une citadine et d’une femme mariée (même trop d’ailleurs car à un moment il y aura deux maris simultanément…)

 "Dorénavant, je serai moi-même, je m’appartiendrai à moi-même et mes actions m’appartiendront. Et moi, à mon tour, je leur appartiendrai."

Nous verrons autour de ce personnage solaire les positions abusives et faibles des hommes (le grand-père même pas autonome, le frère incapable lui, de s’insérer à un monde moderne et affectant de se replier dans un mode de vie rétrograde, les cousins, maris etc.)

 "Je me demande si c’est vrai que dieu a dit que pour une femme, le prophète, celui qui vient au deuxième rang après dieu, c’est son mari. Si c’est vrai, alors, la vie ne vaut pas la peine d’être vécue."

Les héroïnes de Nuruddin Farah sont grandes, grâce lui en soit rendue, tout particulièrement dans ce monde qui vit sur l’écrasement des femmes.


PS : A noter que nous retrouverons Ebla bien plus tard dans le deuxième roman de la trilogie "Variations sur le thème d’une dictature africaine". Je ne comprends donc pas pourquoi ce premier roman n’est pas lié aux trois suivants, faisant de cette trilogie une tétralogie. Peut-être de simples raisons éditoriales…


978-2218075391

08 octobre 2021

 Le Petit Joueur d'échecs  

de Yôko Ogawa

****+


Un roman original et très beau. C'est vraiment l'aspect esthétique qui m'a le plus marquée ici. Nous avons un conte dont le thème serait le danger qu'il y a à grandir ou grossir. Physiquement d'abord mais aussi mentalement à l'image de ce "petit joueur d'échecs". (Notez "petit", pas jeune). 

C'est parce qu'elle avait trop grossi que l'éléphante Indira n'a jamais pu repartir de sa terrasse d'immeuble où elle faisait un séjour publicitaire. C'est parce qu'elle avait trop grandi que la petite Miira est restée coincée entre les deux maisons. C'est parce qu'il était trop gros que le maître d'échecs n'a pas pu être secouru ni même sorti de son logement lors de sa crise cardiaque. Et enfin, le petit joueur d'échecs ne pourrait plus actionner l'automate s'il devenait plus grand... Sa crainte est telle que son corps cesse sa croissance et qu'il restera petit, à son grand soulagement. 

Orphelin élevé par des grands-parents simples et aimants, il restera aussi une sorte de petit garçon, sage, silencieux, ignorant du monde, sans curiosité de l'extérieur, sans éveil sexuel. Il vivra toujours dans un univers volontairement restreint au maximum, tant matériellement que mentalement. Seuls l'intéressent les échecs, découverts dans son jeune âge et aimés à jamais. Il deviendra un champion sans titre, ne pouvant supporter la présence réelle d'une autre personne en face de lui. (Mais à ce propos, précisons qu'on peut tout à fait apprécier le roman même si on ne connaît pas les échecs.)

Un conte silencieux et lent. Beau. Je vois sur les commentaires que certains ont moins aimé la dernière partie (quand il est "adulte") mais ça n'a pas été mon cas. D'abord parce que j'adore les microcosmes et que j'ai trouvé celui-là parfaitement à la hauteur de l'originalité du reste du récit, et parce qu'il fallait bien qu'il quitte le cocon familial (même si c'est pour en retrouver un autre).

Je recommande ce roman de Yoko Ogawa


 978-2330053277

04 octobre 2021

Black Boy  

de Richard Wright

****+


Autobiographie T1

J'ai intitulé ma chronique « Autobiographie Tome 1 » car il faut savoir que ces souvenirs d'enfance vont de la naissance jusqu'à un peu plus de 20 ans quand il quitte le Sud pour Chicago, et qu'il était dès le départ prévu qu'il serait suivi d'un tome 2, même si de nombreuses années devaient séparer les deux parutions. Le second tome s'intitulait « American Hunger » traduit en français pas « Une faim d'égalité ».

L'enfance de Richard Wright a été placée sous le signe de la pire misère. Il a pratiquement tout le temps souffert de la faim, parfois au pont de s'évanouir. Plus tard, quand il a commencé à  gagner quelques sous, cela a continué car d'une part, il était très peu payé, et de l'autre, il voulait à tout prix économiser pour ses projets d'une vie meilleure et, considérant qu'il était bien entraîné pour jeûner, il a continué à se priver et là encore, souvent trop. Je pense que cette malnutrition permanente de toutes sa jeunesse a pu jouer un rôle dans sa mort prématurée par « crise cardiaque ». Mais je ne suis pas médecin. 

Cet ouvrage nous ouvre donc un monde comme on voudrait tant qu'il n'en existe pas. Un père qui, bien sûr décide bien vite qu'il serait mieux loti à garder sa maigre paie pour lui seul et laisse femme et enfants (deux frères) survivre seuls comme ils peuvent. Une mère qui elle, ne songe jamais à les abandonner mais qui a bien du mal à élever seule deux fils turbulents et qui ne se rendront compte que plus tard de son mérite. Mais cette mère pratique aussi les châtiments corporels extrêmes, comme elle l'a toujours vu faire... Une maison où l'on a froid et faim, heureux encore quand on a un toit. Voilà la vie qu'a connue l'auteur. La famille aide parfois mais en échange d'une soumission complète à leurs convictions d'une bigoterie absolue, le fanatisme religieux ordinaire rajoutant encore des chaînes à celles déjà portées par tout Noir. 

« Chaque fois que je rencontrais la religion dans ma vie, je trouvais le désaccord, la lutte, la tentative d'un individu ou d'un groupe de gouverner l'autre au nom de dieu. La convoitise du pouvoir semblait toujours marcher dans le sillage d'un cantique. »

Mais Richard est fort réfractaire à tout cela. Il est la brebis galeuse d'un troupeau misérable.

Et puis il y a l'incroyable découverte de la lecture et toute une vision du monde qui bascule.

« Les intrigues et l'action des romans m’intéressaient moins que le point de vue qu’ils révélaient. Je me donnais sans réserve à chaque roman, sans chercher à le critiquer. La lecture était comme une drogue, un stupéfiant. Les romans créaient en moi des états d'âme qui persistaient durant des semaines. »

Entraînant la soif d'études.

Bientôt suivi de la découverte du monde des Blancs, dont il avait été jusqu'alors séparé et de leur incroyable racisme qui vaut à tout Noir d'être perpétuellement en danger de mort.

« Il fallait dire "oui Monsieur, non Monsieur" , et me comporter de façon que les Blancs ne pensent pas que le m'imaginais être leur égal. »

 Il est même obligé de faire semblant de ne pas savoir lire et d'emprunter des livres à la bibliothèque comme commissionnaire avec la carte d'un Blanc (les bibliothèques ne prêtent pas aux Noirs et malheur à celui qui donnerait l'impression de vouloir s'instruire!). On comprendra que son départ vers le Nord sera tout simplement une fuite. Nous le quittons au moment où il part pour Chicago.

Un récit poignant de bout en bout mais aussi, plein d'espoir. Dans les pires conditions, on trouve des hommes qui redressent la tête et même parviennent à surmonter tous les obstacle car on sait déjà que Richard Wright connut tout de suite un grand succès. Il fut le premier noir américain à publier des best sellers. Quand on songe d'où il est parti...

978-2070369652