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12 novembre 2021

 Les frères Sisters 

de Patrick deWitt

*****


J'aime vraiment beaucoup les romans de Patrick deWitt (que j'ai hélas, maintenant tous lus. Vivement qu'il en publie un autre!) et celui-ci est mon préféré. Un chef-d’œuvre à mon sens. A l'instar de Céline Minard, tous ses romans sont très différents les uns des autres. Ici, nous avons un western, mais de qualité supérieure.

Les frères Sisters, Eli et Charlie, que nous allons suivre tout au long de ces 350 pages, sont des tueurs professionnels qui travaillent pour le Comodore (que l'on ne verra que fort peu). C'est Eli, le cadet, petit gros sentimental mais également très colérique et extrêmement dangereux, qui nous fera le récit des évènements. Charlie, l’aîné, moins sentimental mais un peu trop porté sur la boisson, a commencé très tôt sa carrière de tueur, ayant abattu son père trop violent quand il était enfant. Malgré leurs éventuels désaccords, chacun peut avoir en l'autre une confiance aveugle -et en personne d'autre. Bref, nous allons les suivre dans une nouvelle mission pour le Comodore, qui consiste à retrouver, faire parler et tuer un certain Hermann Warm, prospecteur et inventeur ; et ils sont en route pour ce faire.

Il faut bien avoir en tête que nous sommes dans une époque et une région sans loi. Nul shérif ne viendra jamais déranger les affaires de qui que ce soit et la loi du plus fort fait office de seul tribunal. Du moins dans ce récit. Le temps que les frères Sisters retrouvent Warm, ils auront croisé bien des routes et bon sang, quelle hécatombe ! Ils n'en sont pas toujours responsables (même si c'est souvent le cas), mais qu'est-ce que l'on meurt vite et facilement dans ce Far-west ! Jeunes ou vieux, hommes ou chevaux, demain n'est jamais certain. La vie ne vaut pas grand chose et vous vous régalerez de leurs dangereuses tribulations.

«- C'est la folie ici, non ? Dis-je à l'homme.

- La folie, oui. Et je crains que cette folie n'ait altéré mon être. En tout cas, elle en a sans aucun doute dénaturé plus d'un. Il hocha la tête, comme s'il se répondait à lui-même. « Oui, elle m'a corrompu.

- Comment ça, corrompu ?

- Comment pourrais-je ne pas l'être ? S'interrogea-t-il

- Ne pourriez-vous pas rentrer chez vous pour recommencer à zéro ?

(…)

- Je pourrais partir d'ici, rentrer chez moi, mais je ne serais plus celui que j'étais avant, expliqua-t-il. Je ne reconnaîtrais personne, et personne ne me reconnaîtrait. »


J'ai absolument adoré ce roman. Il ne faut surtout pas croire que l'écriture ou la finesse psychologique aient été négligées au profit de l'action, car ce n'est pas du tout le cas. D'autant que vous constaterez que tous, de nos tueurs au dernier des vagabonds, s'expriment dans un langage châtié, voire recherché. C'est un des charmes surprenant du livre. Tout est parfait. Si ce n'est pas encore fait, lisez « Les frères Sisters », vous ne le regretterez pas.

Pour conclure, une épitaphe, ce n'est pas si souvent que les frères Sisters se donnent la peine d'ensevelir: 

« Il est mort en homme libre, ce dont peu d'hommes peuvent se prévaloir. La plupart restent prisonniers de leur propre peur rt de leur stupidité, et ne savent pas regarder en face ce qui ne va pas dans leur vie. Ils poursuivent leur existence, insatisfaits, sans jamais chercher à comprendre pourquoi, ni comment ils pourraient améliorer leur quotidien, et meurent le cœur sec et anémié. Et leurs souvenirs ne valent pas un sou, vous verrez ce que je veux dire. La plupart des gens sont des imbéciles, en vérité, mais Morris n'était pas de ceux-là. Il aurait dû vivre plus longtemps. Il avait encore à donner. Et, si Dieu existe, c'est un fils de pute. »

978-2330113308



16 octobre 2021

 Ablutions 

de Patrick deWitt

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Cela fait vraiment longtemps que je n'avais pas lu un livre aussi déprimant ! Vraiment, c'est à se pendre. Je vous préviens pour que vous ne vous y lanciez pas si vous n'êtes pas dans une période particulièrement sereine et optimiste. Je ne m'attendais pas du tout à cela en attaquant ce roman de P. deWiit qui jusqu’alors m'avait toujours fait rêver (Heurs) ou sourire (French exit).

 Sous-titré « Notes pour un roman », ce texte est censé être les notes que le barman de nuit prend en vue du livre qu'il voudrait écrire un jour, lui qui ne se voit bien sûr pas finir comme les épaves qu'il contemple quotidiennement. Ainsi les courts chapitres commencent-ils souvent par « Parler de ... » mais s'y intercalent aussi de plus en plus de notes sur lui-même. Ce bar de Los Angeles, est vraiment glauque. On y vient seul pour s'y saouler le plus rapidement et le plus radicalement possible. Toutes les drogues et «cachets» sont aussi de la partie. Comme on s'en doute, ceux qui sont là ne sont pas spécialement sur la voie ascendante. Ce sont bien au contraire des déçus de leurs vies qui viennent ici noyer leurs rêves qui ont sombré. Ils se racontent à l'envi -mais personne n'écoute personne-, exagérant leurs efforts, magnifiant leurs résultats, surévaluant leurs espoirs. Un seul, à la surprise générale, parviendra à la réussite, s'attirant malgré sa gentillesse, une haine unanime. Vous êtes prévenus, on n'est pas dans les beaux sentiments.

"Les habitués sont chaleureux les uns envers les autres, mais le plus souvent ils arrivent et repartent seuls, et d'après ce que tu sais, ils ne se fréquentent pas. Cela éveille en toi un sentiment de solitude, le cœur des hommes te semble froid et mesquin, et il te vient à l'esprit l'expression 'chacun pour soi', qui dans ton enfance te donnait envie de t'allonger et 'd'être tué' ."

Certains lecteurs prétendent avoir vu de l'humour dans cette succession de micro-récits mais franchement, bien qu'aimant l'humour noir, je l'ai rarement vu (sauf la scène de l'enterrement peut-être). Ici, il n'y a pas ce léger décalage ou recul qui fait qu'une scène passe du glauque à l'amusant. On a trop la tète dans le sordide et la misère, les deux tant matériels que psychologiques. Je pense que cela est dû au fait que le récit est fait par ce barman qui est en aussi mauvais état que les autres.

"Les gens sont partagés à ton sujet : certains te disent stupide, d'autres grossier."

Pourtant un beau roman que je conseille. Une belle écriture qui touche là où il faut. Une peinture percutante et qui semble juste. Selon son éditeur, l'auteur a été barman pendant six ans, c'est là qu'il a trouvé son matériel. J'espère pour lui que ce récit n'est cependant pas autobiographique, le pauvre ! Mais on y croit tellement !

Que me réservent Les frères Sister, le prochain deWitt de ma pile ?

Pour ceux qui vont me répondre que "mais non, c'est pas si triste, faut pas tout prendre au tragique." :

"La souffrance et la chaleur ne se calmant pas, tu avales difficilement quatre aspirines avant de te rallonger dans l'espoir de dormir, mais les brulures t'en empêchent et, tandis que les vagues de douleur s'intensifient, tu t'entends pleurer et gémir, jamais tu n'as entendu de son plus misérable et solitaire, et la tristesse s'abat sur toi comme une chape de plomb, et maintenant, sans alcool ni stupéfiant pour masquer une émotion dissimulée depuis longtemps, elle prend possession de ton corps."

978-2742789283

09 septembre 2021

 Heurs & malheurs du sous-majordome Minor  

de Patrick deWitt

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J'avais lu il y a quelque temps « French exit » de Patrick deWitt, qui avait retenu mon attention, mais sans déclencher mon enthousiasme. Suffisamment retenu mon attention tout de même pour que j'achète ce second roman dont le titre sibyllin et la quatrième de couverture m'avaient mise en appétit. Et cette fois, bingo ! Je suis conquise, et pleinement.

Il s'agit d'une sorte de conte pour adultes et il appartient donc au lecteur d'accepter de jouer le jeu et de se laisser emporter par l'histoire comme le font les enfants, sans souci de vraisemblance ou d’interprétation. L'interprétation se fera toute seule, de toute façon. Comme les enfants, il découvrira alors des choses et des idées qui elles, sont au cœur même de la réalité et échappent souvent aux plumes des narrateurs plus raisonnables. Et aussi, il découvrira des aventures extrêmement étranges, poétiques, drôles, effrayantes ou lugubres, en un mot passionnantes, qui l'embarqueront loin du train-train quotidien.

J'ai adoré cette liberté imaginative et Patrick deWitt dont je ne vais pas tarder à lire un autre titre, rejoint le club de mes auteurs bien-aimés. A tester absolument si vous aimez cette liberté de récit.

« Ils l'examinèrent, mais en songeant à leur propre vie, non à la sienne. »

Faites-en de même avec Lucien Minor, dit Lucy, dont le nom seul prête déjà à réfléchir, avant le moindre début d'aventure.


Quatrième de couverture :

« Mal-aimé, méprisé, mais bien décidé à forcer son destin, le jeune et délicat Lucien Minor, dit Lucy, quitte sans regret sa bourgade natale pour aller prendre l'improbable poste de sous-majordome au château von Aux, lugubre forteresse sise au coeur d'un massif alpin. Avec pour tout bagage son costume râpé et une pipe nouvellement acquise dont il ne sait se servir sans provoquer l'hilarité générale, le voilà qui fait son entrée au château sous la houlette de l'énigmatique M. Olderglough.

Très peu sollicité, Lucy a tout le loisir de découvrir que ces lieux inquiétants, en apparence inhabités, recèlent les plus noirs secrets, et de faire la connaissance d'une population locale haute en couleur : voleurs invétérés, fous à lier, aristocrates dépravés, mais surtout Klara, dont il tombe éperdument amoureux, se plaçant ainsi en périlleuse concurrence avec le bel Adolphus.

Commence alors un conte grinçant dont les protagonistes incarnent une étrange humanité toute pétrie de mensonges, de désirs malins et d'une perversité parfois érotique qui sidèrent Lucy quand il n'en est pas lui-même l'agent. Après le succès des Frères Sisters, le talentueux Patrick deWitt nous offre une comédie de mœurs des plus noires, une aventure électrisante entre dérision, fantaisie et cruauté. »

 

 Extrait:

« Je n'ai aucune estime pour quelqu'un si pressé de donner sa vie pour une idée », répliqua Mémel, et il cracha par terre pour affirmer son indignation. Lucy, pour qui la guerre demeurait un mystère, déclara : « Oui, et de quelle idée s'agit-il au fait ?

-  Tout est là, répondit Mémel (...) »


978-2330075958

13 août 2021

 

French exit 

de Patrick deWitt

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Réservé à ceux qui aiment les récits déjantés, ce roman est à aborder comme un conte. Ne pas rechercher la vraisemblance, ne pas achopper sur les étrangetés psychologiques ou autres, ne même pas réfuter le fantastique, tel est le mot d'ordre. J'ai choisi ce livre à la bibliothèque parce que

1° la couverture attire l’œil

2° je n'avais encore jamais lu Patrick deWitt

3° j'ai un a priori de confiance vis à vis des productions Actes Sud.

Bilan, je n'ai pas été percutée par une révélation, mais j'ai néanmoins passé un très bon moment de détente, d'où mes quatre étoiles.

Voici de quoi il s'agit : Frances Price, veuve richissime, incroyablement égoïste et iconoclaste, vit à New York avec son fils - petit gros velléitaire et néanmoins, parce qu'on le plaint, un peu sympathique-, et son chat noir baptisé Small Frank parce qu'il est la réincarnation de son mari Franck Price, avocat véreux mais excessivement efficace et en conséquence, devenu très riche. A l'instant où nous faisons leur connaissance, il ne reste plus rien de la fortune qui leur permettait un mode de vie ahurissant. Frances a réussi l'exploit de tout claquer. Elle se retrouve même carrément à la rue et c'est pourquoi sa seule amie, Joan, lui prête un appartement qu'elle a à Paris. Mère, fils et chat embarquent sur un paquebot pour la France, et nous avec eux. Tout au long de ce voyage et de leur séjour à Paris, ils seront amenés à rencontrer des gens bizarres qui, aimantés par leur mode de vie encore plus bizarre, s'adjoindront à la cellule initiale. Tout cela finira mal, ou bien, selon l'angle sous lequel on regarde les choses, mais pas sans avoir surpris et amusé ceux qui auront accepté d'être du voyage et de jouer le jeu.


(Le médecin de bord sur le paquebot) :

"Un corps par jour. C'est la moyenne quand on traverse l'Atlantique. J'ai une théorie: ils s'embarquent pour une croisière parce qu'ils savent inconsciemment qu'ils sont en train de mourir. Un instinct antique nordique, peut-être."


978-2330137113