29 novembre 2023


Le Studio de l'inutilité 

de Simon Leys

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Quatrième de couverture:

"Dans sa jeunesse, Simon Leys passa deux ans dans une cahute de Hong Kong en compagnie de trois amis, une période bénie où l'étude et la vie ne formaient plus qu'une seule et même entreprise .

C'est en souvenir de ce gîte régi par l'échange et l'émulation, surnommé Le Studio de l'inutilité , qu'il a baptisé ce recueil consacré à ses domaines de prédilection : la littérature, la Chine et la mer."

Cet ouvrage regroupe des articles ou essais publiés par le critique littéraire et sinologue Simon Leys. Il se divise en trois parties: Littérature, Chine, Mer

La première partie évoque huit écrivains et ont été pour moi d’intérêt inégal mais souvent grand, car si l'éloge éperdu du Prince de Ligne m'a laissée de marbre, il en est allé tout autrement des articles sur Michaux, Orwell et particulièrement du dernier : "Nabokov et la publication posthume de son roman inachevé". Conrad, Chesterton, Weil et Segalen seront également traités. C'est vraiment très instructif et intéressant.

La seconde partie est consacrée à la Chine dont Leys était spécialiste. Les textes qui y sont regroupés permettent à l'auteur, qui ne céda jamais aux sirènes de la Révolution culturelle, même à l'époque où c'était tellement à la mode, de rétablir les faits et de dire les choses comme il les voyait, L'Histoire allait lui donner le plus souvent raison.

La troisième partie est constituée de textes relatifs à la mer, autre passion de Simon Leys. Il est, rappelons-le, l’auteur d’une anthologie intitulée "La Mer dans la littérature française". Il traitera ici d’"écrivains et la mer", de l'histoire des périples de Magellan et des naufragés sur l'île Auckland. Tous les amateurs de récits marins se régaleront, je n'en fais pas spécialement partie mais j'ai tout de même lu tout cela avec intérêt. 

Ces trois parties sont suivies du texte du discours qu'il a prononcé en 2005 lors de la remise de son doctorat et portant sur son idée de l'université. Je vous laisse le découvrir.

Je crois que si je devais résumer cet ouvrage en deux mots, ce serait "intéressant" (tous les sujets traités ont su capter mon attention puis éveiller mon intérêt) et "instructif" (j'y ai appris vraiment beaucoup de choses). Je recommande donc vivement cette lecture à tous les esprits curieux. Il est venu à moi en version brochée gondolée (météo humide), par l'intermédiaire d'une boite à livres mais il existe en format poche et je pense qu'il peut aussi tout à fait faire office de cadeau. Je l'ai lu par fragments, un article après l'autre, à un moment ou à un autre et maintenant que j'ai tourné la dernière page, je me félicite d'avoir mené cette lecture à bien. Il m'a semblé décerner chez Leys une personnalité avec laquelle je serais moins en accord que je ne le pensais avant de commencer, mais il n'en reste pas moins un érudit qu'il est enrichissant de lire. 

Comme son nom l'indique, la culture générale, ça se cultive. Ne l’oubliez pas ! Bonne lecture à vous!

978-2081303287 



24 novembre 2023

L’aimant 

de Lucas Harari

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Le hasard d'une visite à la bibliothèque m'a mise en présence de ce grand album, le graphisme et les couleurs ont fait le reste et je suis repartie avec. Il ne s’agit pas d’une nouveauté, il a été publié en 2017, mais il mérite largement de rester dans les lectures actuelles. L'auteur avait envisagé l'architecture avant de se lancer dans les Arts Décoratifs section images imprimées (nous dit son éditeur), et on ne peut pas nier qu'il lui en reste quelque chose. Ici, les les thermes de Vals, en Suisse, sont un personnage à part entière du récit.

C'est le dessin épuré, géométrique, simplifié, aux perspectives saisissantes et aux rares couleurs froides qui avaient attiré mon œil d'abord, ma main ensuite. Je n'ai pas regretté. Cet album valait vraiment le détour.  J'ai évidemment demandé à Google de me montrer les vraies thermes de Vals de l’architecte Peter Zumthor et je me suis retrouvée à me promener dans le décor exact dans lequel Harari a laissé jouer son imagination. Bluffant d’exactitude et ce sentiment de connaître les lieux alors que bien sûr, je n'y ai jamais mis les pieds. C'est vraiment un bâtiment remarquable! et c'est un plaisir de constater que la BD lui rend hommage avec justesse et sans le réduire.  Si bien que je n'ai pas pu faire autrement que de me lancer dans une relecture. 

Pour la présentation, faites confiance à la quatrième de couverture:

"Pierre, jeune étudiant parisien en architecture, quitte tout pour la Susse, destination : les thermes de Vals, un magnifique édifice au cœur de la montagne. Sujet de sa thèse, le bâtiment aux lignes pures, le fascine et l'obsède. Ces murs recèlent un mystère, Pierre en est persuadé... Une porte dérobée qu'il doit absolument trouver."

On sait comme la rédaction d'une thèse peut phagocyter et déstabiliser un étudiant épuisé, perdu dans ses recherches et, souvent, un emploi alimentaire, Pierre le dit lui-même, il a "fait une bouffée délirante" mais "ça va mieux, maintenant". Est-ce bien sûr? En tout cas, la thèse est abandonnée et maintenant, il va séjourner dans ces fameux thermes et découvrir peut-être son secret, si der Mund des Berges ne le dévore pas avant...

Une vraie réussite, je souhaite une longue carrière florissante au jeune auteur de BD dont c'était la première publication. Depuis, il a publié "La dernière rose de l'été" que je vais m'empresser d'aller lire aussi.

Au passage, j'ai énormément admiré aussi sa façon de dessiner la montagne.

978-2848659862



19 novembre 2023

Mourir avant que d'apparaître

de Rémi David

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Quatrième de couverture:

"Lorsque Jean Genet rencontre Abdallah, qui sera un jour la figure centrale de son magnifique texte Le Funambule, le jeune homme a dix-huit ans à peine et vit à Paris. Genet, à quarante-quatre ans, est déjà un écrivain consacré. Il est aussitôt ébloui par le charme de cet acrobate, qui a travaillé plusieurs années au cirque Pinder. Il entreprend le projet fou de le hisser jusqu'à la gloire : son agilité, son expérience du cirque devraient lui permettre de devenir un artiste hors pair"

Nous avons là un "docu-roman" que pour ma part, j'ai trouvé passionnant car, si Rémi David a bien dû inventer un peu, imaginer, supposer, deviner... il s'est surtout appuyé sur une documentation extrêmement sérieuse et précise pour rédiger cet ouvrage.

« Si le texte met en scène des personnages ayant réellement existé, s’appuie sur des témoignages, s’inspire d’une histoire vraie, il offre de cette histoire une réécriture qui ne s’interdit ni de combler par la fiction les silences des biographies en inventant certaines scènes manquantes, ni de prendre des libertés avec les faits en faisant par exemple prononcer par Genet des paroles qu’il a en réalité écrites. C’est donc une interprétation qui est livrée ici et qui ne saurait prétendre au mieux qu’à la vérisimilitude. »

Dans la France des années cinquante, avec en arrière-plan envahissant la guerre d'Algérie, par le plus grand des hasards, Jean Genet rencontre Abdallah ; et Genet crée et tombe amoureux du jeune homme et de ce qu'il peut en faire. Les grands créateurs créent tout le temps et ne s'intéressent vraiment qu'à la création. Impossible pour Genet d'aimer Abdallah sans créer quelque chose avec lui. Impossible de l'aimer encore quand plus rien ne se crée. La relation est dangereuse pour Abdallah, mais formidablement enrichissante aussi. « Si vous pensez que l'aventure est dangereuse, essayez la routine, elle est mortelle. » disait Paulo Coelho. Je trouve que les remarques que je lis ici ou là sur la toxicité de Genet n'ont pas de sens. Il prend beaucoup et donne énormément. Imaginez la vie de l’analphabète Abdallah s'il n'avait pas rencontré Genet et dites-moi s'il a quelque chose à regretter. Une relation toxique est une relation qui vampirise, qui prend sans donner, qui enlève mais n'apporte rien. On en est bien loin. C'est d'autre chose qu'il s'agit ici et ce livre est d’une justesse remarquable et se garde bien de juger, surtout avec des critères de comportement moyen. Il n'y a rien à juger, juste à voir et essayer de comprendre. Et on sent la parfaite objectivité et excellente compréhension de la part de l'auteur.

Cette période avec Abdallah  inspirera à Genet un très beau texte "Le funambule" que Rémi David utilise avec art dans ce roman.

J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre et je le recommande chaudement à ceux que la littérature, la prise de risque  et la création intéressent.

Extrait : 

"Quand un objet, un événement, un art ou une personne l'intéressait, Genet s'y engouffrait alors à corps perdu. Il écrivit des textes d'une très grande justesse sur la peinture, sur Rembrandt, sur la sculpture, sur Giacometti, sans rien connaître à la peinture, pas plus qu'à la sculpture avant de s'y jeter de tout son être. Il avait une curiosité qui se nourrissait du hasard et s'exprimait dans la rencontre. Tout pouvait se faire, pour lui, objet de curiosité.

Ce fut le cas du fil.

Genet, pour entraîner Abdallah, l'avait fait dévaler une montagne en skiant, puis pagayer en canoé avant de lui faire nager le crawl dans une piscine. Il devait éprouver des sensations de glisse pour comprendre réellement que l'air était solide et qu'il était possible de prendre appui sur lui. L'enseignement de Genet se faisait dans l'action. C'était un homme d'action; il bougeait tout le temps d'une ville à une autre, d'un hotel à un autre, d'un projet à un autre, d'un pays à un autre, il gigotait sans cesse. C'était donc par l'action qu'il formerait celui qu'il aimait à marcher sur le fil."

978-2072967108

14 novembre 2023

Et toujours les forêts  

de Sandrine Collette

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On rencontre assez souvent le nom de Sandrine Collette quand on se promène dans les bibliothèques, les librairies ou sur les blogs de lectrices/teurs. Plusieurs prix lui avaient été décernés, et il se trouvait que je n'avais encore jamais lu un seul de ses ouvrages. C'est qu'il me semblait qu'ils n'étaient pas dans le genre qui a le plus de chances de me plaire. Mais bon, il faut bien que je me tienne au courant, et donc que je tente une fois. Le dernier, avec son histoire de fin du monde était plus dans mon créneau. J'adore "La route" avec lequel certains ont comparé "Et toujours les Forêts" (bien abusivement, je n'allais pas tarder à m'en apercevoir) et "L'odyssée du vagabond".

Le plus simple, pour ce qui est du synopsis, est que je vous cite la quatrième de couverture : "Corentin, personne n’en voulait. De foyer en foyer, son enfance est une errance. Jusqu’au jour où sa mère l’abandonne à Augustine, l’une des vieilles du hameau. Au creux de la vallée des Forêts, ce territoire hostile où habite l’aïeule, une vie recommence.

À la grande ville où le propulsent ses études, Corentin plonge sans retenue dans les lumières et la fête permanente. Autour de lui, le monde brûle. La chaleur n’en finit pas d’assécher la terre. Les ruisseaux de son enfance ont tari depuis longtemps. Quelque chose se prépare.

La nuit où tout implose, Corentin survit miraculeusement, caché au fond des catacombes. Revenu à la surface dans un univers dévasté, il est seul. Guidé par l’espoir insensé de retrouver la vieille Augustine, Corentin prend le long chemin des Forêts. Une quête éperdue, arrachée à ses entrailles, avec pour obsession la renaissance d’un monde désert, et la certitude que rien ne s’arrête jamais complètement."

Ce qui frappe tout de suite, et je vois maintenant que c’est visible dès cette quatrième de couverture, c'est le problème de cadrage. Que devons-nous lire? Un récit post-apocalyptique ou l’histoire d’un enfant mal-aimé ? Il aurait fallu choisir et non nous livrer les deux à la suite l’un de l’autre, et ne s’emboîtant pas particulièrement.  La problématique n'est même pas "comment tout à pété?" question à laquelle l'auteur ne tente même pas de répondre, mais donc "que se passe-t-il après?" et pas seulement pour notre héros, mais bien pour le genre humain qui a quasiment disparu, alors les dizaines de pages du début nous racontant en détail la petite enfance de Corentin, ne nous apportent rien, ne nous éclairent même pas sur son caractère qui ne sera d'ailleurs pas un élément moteur du récit parce que son rôle va surtout être de subir, et si c'est pour lui donner une certaine profondeur psychologique, il n'en fera jamais preuve. C'est quand même un homme simple, pour ne pas dire primaire, et pas spécialement attachant malgré son enfance difficile. Une fois le livre terminé, on a vraiment du mal à rattacher ce début à la Dickens, qui raconte même la jeunesse de la mère indigne, avec la suite du roman; et bien plus de mal encore à en voir l’intérêt. Au contraire, cela nuit à la cohésion et à la densité du récit qui aurait dû être un bloc dense et percutant filant vers son but, ce dont on est loin.

Donc, après cette longue première partie, survient la cataclysme, aucune idée duquel d'ailleurs. On ne sait même pas avec certitude si c'est une guerre mondiale, un phénomène naturel (on sait que l'écologie allait mal, mais est-ce cela qui a tué tout le monde et tout détruit? Comment ?) ou un accident mais ce qui est clair, c'est que le monde est détruit. Clair, pas tant que cela, car commencent alors les invraisemblances: un monde ou tout est détruit mais où on va trouver des maisons et des magasins intacts, par exemple. Il faut imaginer des bâtiments rasés ou non? Brûlés ou non? Encore des rues ou seulement des décombres? Un monde où le soleil ne brille plus, caché derrière une pollution non précisée,  mais où Corentin, qui décide de retrouver sa grand-mère dans les forêts du titre, va parvenir à s'orienter, à trouver sa route (y a-t-il des panneaux?) et à marc/her pendant des centaines de kilomètres sans se perdre, pour rejoindre une grand-mère, déjà bien vieille quand il l'avait quittée et qui elle aussi aura survécu (comment?) parmi les millions de morts, comme aura survécu et sera retrouvée la seule femme que Corentin ait aimée. Toutes les deux indemnes avec aucun autre survivant aux alentours. Mouif... Bonjour la vraisemblance. Quant à la vie animale, seule sera évoquée celle pouvant jouer un rôle pour l'homme (quelques chiens et loups...) malgré l'évidence des insectes et animaux souterrains (puisque les survivants étaient en sous sol lors du cataclysme).

Quant à notre gentil héros, n'être plus que deux loin de toute autre vie humaine et que l'un ne trouve rien de mieux à faire que de violer l'autre à répétition! Ça, pour ajouter de la profondeur psychologique, ça en ajoute. Par contre, ça tue quelque peu l’empathie du lecteur.

Bien sûr, il y aura encore quelques autres survivants et, comme Corentin vient de le démontrer, ils n'auront pas tardé à devenir voleurs, violeurs, tueurs et sadiques. Mais pour moi, arrivée là, tout le monde pouvait bien mourir, cela m'était égal.

Je ne m'explique pas le Grand Prix RTL-Lire 2020 et le  Prix du livre France Bleu-Page des libraires. A quel titre? Et pour quelles qualités? Cela m'a échappé. Pour moi, c'est un roman très moyen, sans trouvailles (tout ce qui est dans ce livre a déjà été vu ailleurs), plein d’invraisemblances, et de construction bancale. Lisible, mais sans que ce soit indispensable.

978-2253241928 

Violette et Enna l'ont lu 



09 novembre 2023



L'ange noir 

d'Antonio Tabucchi

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C'est un petit volume que j'ai cueilli dans une boite à livres. Ils me tendait ses pages, pas trop nombreuses (160) et moi, j'avais besoin d'un nom de couleur pour le Petit Bac de Enna, il n'en a pas fallu davantage pour que nous fassions connaissance. Je n'avais même pas remarqué qu'il s'agissait de nouvelles et non d'un roman, et ce n'est pas plus mal car, n'aimant guère les nouvelles, je l'aurais peut-être laissé là.

"Ce sont des récits qui m'ont accompagné durant une certaine période de ma vie" A titre de souvenirs? De fantasme? de créations? On ne sait et l'auteur ne nous en dira pas plus puisqu'il choisit, à l’heure de les publier, de les quitter sans les accompagner : « Qu’ils s’en aillent ainsi, comme ils sont venus. Que rien ne les justifie, que rien ne les protège, et moins que tout une note en bas de page tissée de paroles de circonstances. » (Moi, personnellement, je n’aurais pas été contre).

Quand j’ai commencé ma lecture, je pensais encore entamer un roman et je me réjouissais car la belle écriture imagée et poétique me promettait des heures satisfaites. Le récit en lui même, est étrange (mais séduisant) mêlant strict réalisme et passages surréalistes : le narrateur, écrivain, se nourrit de bribes de phrases saisies au vol lors de promenades dans Naples, les souvenirs s’y mêlent « Tu (lui-même) étais une autre personne, comme c’est drôle, mais la mémoire est restée dans la personne que tu es aujourd’hui. » Puis survient un orage, et tout devient moins clair. et le peu que l’on en comprend de certain tient dans son titre.

Le deuxième récit raconte une étrange et stressante scène survenue alors qu’une bande de jeunes gens, poètes, repart après avoir passé la soirée chez Tardeus, le plus prestigieux d’entre eux, plus âgé également. Un aperçu du Portugal de Salazar, je suppose. Le surréalisme survient sous la forme d’un mérou.

Le troisième est le récit d’une femme qui trahit tout le monde et sans doute elle-même.

Le quatrième est l’interrogatoire stressant et kafkaïen d’un suspect, meurtrier ou simple magouilleur?

Le cinquième nous parle d’un vieil ex poète à succès, impotent et oublié de tous, qui vit reclus avec sa gouvernante (réelle?) en imaginant des dialogues avec des personnages de son passé. Il reçoit une poétesse jeune et belle à laquelle il ment, mais qui est la dupe?

On termine sur un sixième récit de jour de l’an ou encore une fois rêves et rêveries se mêlent en souvenirs d’enfance plus ou moins incertains (qui se rapprochent peut-être de celle de l’auteur) . Ici, le jeune garçon fils d’un criminel de guerre fasciste apprécie son oncle (peintre homo) et admire le capitaine Nemo.

C'est ce dernier récit qui a ma préférence, mais je les ai tous appréciés. Ils sont beaux, étranges et fascinants. Poétiques aussi, portés par une très belle écriture. Je pensais remettre bientôt ce recueil dans une boite à livres mais en fait non, je vais le garder et le feuilleter parfois, je finirai peut-être par comprendre ce qu’il y a dans les allusions, les esquives et les non-dits, mais j’en doute.


Liste des titres:

1. Voix portées par quelque chose, impossible de dire quoi

2. Nuit, mer ou distance

3. Bateau sur l’eau

4. Un papillon qui bat des ailes à New-York peut-il provoquer un typhon à Pékin

5. La truite qui se faufile entre les pierres me rappelle ta vie

6. Premier de l’an

978-2264018250



08 novembre 2023

 Pour le courant du mois de décembre 2023, je propose une lecture commune:

Un roman au choix (fantastique, SF ou policier) de Serge Brussolo, écrivain français captivant et très sous-estimé.
A poster n'importe quel jour de décembre


Qui joue? :

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04 novembre 2023

Beyrouth-sur-Seine

de Sabyl Ghoussoub

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Prix Goncourt des Lycéens 2022

Sabyl Ghoussoub est né en 1988 à Paris dans une famille libanaise. Il souligne que l'émigration libanaise à Paris a été importante, d'où le titre en forme de boutade mais qui, dit-il, circulait vraiment dans son quartier : Dans cet ouvrage, il entreprend de faire raconter à ses parents leurs souvenirs de leur vie au Liban. Cela s’avérera être une entreprise ardue puisqu'il procède sans vraie méthode, parce que ses parents rechignent à s'y prêter et parce qu'il apparaît immédiatement que leurs souvenirs divergent au point qu'on ne peut plus être sûr de rien. On devine qu’il y a d’énormes non-dits. Ajoutez à cela que les faits évoqués ne suivent aucun ordre et que l'on fait des bonds avant et arrière dans le temps. Il faut dire que là, rien n’est simple : 

« La vie de mes parents, c’est comme la guerre du Liban. Plus je m’y plonge, moins j’y comprends quelque chose. J’arrive à situer les protagonistes, quelques moments marquants me restent, puis, ensuite, je me perds. Trop de dates, d’événements, de trous, de silences, de contradictions. Parfois, je me demande si cela m’intéresse vraiment d’y comprendre quelque chose. Finalement, à quoi bon ? Qu’est-ce que cela m’apporterait de plus de tout savoir, tout comprendre, tout analyser ? Rien, je crois fondamentalement que je n’y gagnerai rien, à la limite je perdrais mon temps. »

Vous comprendrez que si vous espérez saisir un peu la situation historique et politique au Liban, il vaudrait mieux chercher un autre livre. On est plutôt ici sur le plan sentimental et anecdotique. 

 Les parents parlent donc de leur vie à Beyrouth et de leurs familles. On est stupéfait d'entendre parler des cousins qui ont massacré des familles, enfants compris pour des idées (nébuleuses). Elles doivent donc être bien  importantes pour eux, ces idées, au point de leur faire perdre la raison, se dit-on. Eh bien non, parce qu'ils sont également prêts dans le même temps à accorder tous les passe-droit à des proches. Donc en fait, ils massacrent parce que la vie de gens qui ne sont pas des leurs n'a aucune valeur à leurs yeux. Ils sont incapables d'empathie un peu élargie. La définition même du sociopathe à mon avis, mais sociopathes, ils sont nombreux à l'être. Et ce que je vous dis-là, ce sont les réflexions que je me suis faites, car l'auteur, lui, n'approfondit jamais rien, ne fait pas de recherches, accepte sans difficulté d'abandonner tout sujet délicat sans interroger davantage ses parents. Il se cantonne strictement au relevé d'anecdotes, de souvenirs mais n’interprète jamais, ne commente pratiquement pas, même s’il est quand même choqué par le cousin. De même pour ce qui est des exilés et du fossé qui s’élargit avec le pays natal. C’est évoqué, mais pas creusé. L’ensemble n'a donc pas une grande valeur documentaire.

C'est une chronique familiale plutôt qu'un livre sur le Liban. Si ce n'est qu'on sent bien que la paix ne progresse pas d'un pas. J’ai écouté ce livre en livre-audio, lu par l’auteur, ce qui me permet de connaître maintenant le son de sa voix. Il apparaît ici comme un homme jeune, gentil, bon fils, bien élevé et ne heurtant personne. Tout le monde doit bien l'aimer. Il ne prête pas à polémique. On peut comprendre que des lycéens se soient laissé séduire car cette vision sentimentale, familiale et anecdotique correspond bien à leur âge. Le lecteur plus âgé risque cependant de ne pas y trouver son compte.


4ème de couverture :

« La vie de mes parents, c'est comme la guerre du Liban. Plus je m'y plonge, moins j'y comprends quelque chose. J'arrive à situer les protagonistes, quelques moments marquants me restent, puis, ensuite, je me perds. Trop de dates, d'événements, de trous, de silences, de contradictions. »

Sabyl a la trentaine. Il est né à Paris de parents libanais, tenus éloignés de leur pays par la guerre. Pourtant, à Paris, Beyrouth est partout. La famille élargie est restée là-bas. Seuls quelques allers-retours et WhatsApp les relient. Une part manque. Sabyl veut la combler. Micro en main, il leur demande de raconter.

979-1041410996