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11 mai 2022

Géographie de la bêtise  

de Max Monnehay

*****


Un drame gai

Présentation de l'éditeur :

« Lorsque Pierrot décide de créer une communauté d’"imbéciles" dans laquelle lui et ses semblables pourront vivre en paix, sans plus avoir à souffrir d’ostracisme, lorsqu’il fonde, loin de tout, ce "village des idiots", il ignore qu’ils seront si nombreux à le rejoindre. Bastien, le narrateur, fait partie des dizaines d’appelés que Pierrot va réunir, au terme d’un tour de France ébouriffant.

Bastien a 22 ans. Vingt-deux années durant lesquelles sa mère, irascible, violente, lui a quotidiennement martelé que sa valeur n’atteignait pas celle d’un homme ordinaire. Le village lui offre une chance d’avoir enfin une vraie famille, d’obtenir un passeport pour le bonheur. Mais ce bonheur fait des envieux et, bientôt, ce paradis terrestre miniature finit par attirer des hommes et des femmes qui n’ont rien à y faire. Des malheureux, pour la plupart, qui tentent de s’y faire admettre en jouant les imbéciles. Face à cette menace, Pierrot impose désormais à chaque nouvel arrivant un examen très spécial, un test de QI inversé, diablement efficace, mais que Bastien trafiquera afin que puisse entrer au village et dans sa vie Elisa, une jeune femme dont il est tombé amoureux. Dans la chambre d’hôpital d’où il relate la grandeur et la décadence du village des idiots, Bastien reste obsédé par Elisa et, malgré un corps qui ne répond plus, malgré la douleur et la culpabilité qui le rongent, il fera tout pour la retrouver une ultime fois. »


Peut-être craignez-vous que l'auteur ne vous serve la thèse tellement démago des idiots qui, dans leur simplicité innocente sont tellement plus près que nous de la Vérité ? (J'avoue que cette crainte m'a retenue un moment au bord de ce livre) Eh bien, pas du tout ! Les idiots sont vraiment débiles et, s'ils sont heureux à leur manière, on n'en voudrait pas de ce bonheur-là et on ne les envie ni ne les admire, on les prend juste comme ils sont et ce n'est déjà pas mal par rapport à ce qui se passe le plus souvent dans la réalité, mais il faut dire qu'ils ne sont qu'entre eux donc, qui pourrait juger ?. L'histoire n'est pas rose, elle ne se termine pas bien (on le sait dès le départ) et elle ne véhicule guère de bons sentiments. Ouf ! On n'essaie pas de nous raconter que les crétins des Alpes sont de grands philosophes, c'est déjà ça.

Ceci posé, il reste une Grande Idée (la création de cet utopique village des idiots), un ton vif et même vigoureux, une histoire enlevée et un style magnifique, je pèse mes mots, qui donne une vie terrible à cette étrange histoire et qui habille tout le récit d'une poésie superbe, un peu à la Lautréamont. C'est splendide ! Divisé en courts chapitres intitulés soit « Anti-leçons n°.. », soit « Leçons de géographie n°.. », soit « La médecine pour les nuls n° », le récit ne laisse pas retomber l'attention. Les Anti-leçons racontent l'histoire de la création et de la vie du village. Affublés de sous-titres genre « L'exode rural et la crise du logement », les Leçons de géographie tendent à tirer une thèse de l'expérience (mais à la façon limitée du narrateur). Et tout au long, les chapitres « La médecine pour les nuls » racontent ce qui lui arrive à l'hôpital où l'on sait ainsi dès le début qu'il a fini. C'est bien construit et il y a de l'idée dans ce montage bien dosé. Et pour finir, cette histoire gaie est quand même un drame.

Je n'avais encore jamais lu Max Monnehay et quand je vois sur le Net des photos d'elle à cette époque, j'ai du mal à croire que c'est cette gamine qui a écrit cela. Mais bon... le talent s'impose là où il est et il n'y a qu'à s'incliner. 

Si ce livre a déçu certains de ses lecteurs, c'est peut-être qu'ils faisaient partie de ceux qui justement attendaient (et hélas espéraient) la thèse démago dont je parlais au départ, une fable humaniste, une belle histoire qui console de la médiocrité de la vie... de ces livres si réconfortants qui ont un tel succès depuis quelques années. Bref, le contraire de ce qu'ils y trouvent en fait. Et je pense qu'en effet, ce malentendu, nourri qui plus est par la quatrième de couverture, peut nuire à ce livre, attirant ceux qui seront déçus et repoussant ceux à qui il pourrait plaire. Alors pour ces derniers, je dis : allez-y, c'est à lire !


Extraits :

« Un homme grand, Pierrot, toujours rasé de frais et qui portait ses cheveux plaqués comme une sorte de petite marmotte qu'on aurait ouverte en deux et posée là, au sommet de la tête, en la caressant dans le sens du poil. »


« Ne pas songer au plan faisait partie du plan. »


« Mais Pap était une de ces loques mariées à son éthylisme pour le pire et le pire et le pire. Jusqu'à ce que la mort. Jusqu'à ce que le feu ou la terre. Jusqu'à ce que la cendre ou la poussière.»


(Paris) « Là-bas on offre à l'imbécile un qualificatif moins crasse et une vie d’hôpital dans des centres spécialisés dont l'activité principale consiste à jouer avec les mots.

Déficience mentale.

Handicap intellectuel.

De l'euphémisme bon ton pour une société qui s'aime aveugle.

'Scusez.

Malvoyante. »


"Il me dit que, parfois, les gens qui ne sont pas heureux, ne savent pas faire autre chose qu'interdire aux autres de l'être ».


"La réalité, cette bonne vieille pâte à modeler dont on peut faire tout ce qu'on veut. »

9782021090369