31 octobre 2022

Ultramarins 

de Mariette Navarro

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Quatrième de couverture :

"A bord d'un cargo de marchandises qui traverse l'Atlantique, l'équipage décide un jour, d'un commun accord, de s'offrir une baignade en pleine mer, brèche clandestine dans le cours des choses. De cette baignade, à laquelle seule la commandante ne participe pas, naît un vertige qui contamine la suite du voyage. Le bateau n'est-il pas en train de prendre son indépendance ?"


Tout de suite, je me suis demandé combien il y avait de femmes commandantes de navires de commerce ? Etait-ce devenu courant ou toujours rare? J'ai trouvé cet article détaillé de Isemarqui évoque une féminisation lente des métiers de la mer et je n'ai pu m’empêcher de noter qu'en 2018 (date de l'article) on en était toujours à "inciter les entreprises à promouvoir l’égalité hommes/femmes au cours des différentes étapes de la vie professionnelle qu’il s’agisse du recrutement, de la rémunération ou du déroulement de carrière". Merci, c'est trop, aurais-je envie de dire (pour cacher que je croyais que c'était déjà une obligation légale).

Mais revenons à notre roman. J'ai été un peu longue à embarquer pour ce voyage-là, mais une fois partie, je dois dire que je l'ai bien apprécié. La commandante a une personnalité un peu étrange, mais on s'habitue et elle est loin d'être antipathique, et même si on ne la comprend pas vraiment, on la laisse faire et on la suit. Son équipage aussi est un peu étrange, surtout quand après avoir mis vingt hommes à la mer pour une pause-baignade, on en remonte vingt-et-un... Tout cela fait qu'on ne s'ennuie pas. On examine au passage la raison d'être de ce fret incessant de marchandises parfaitement non indispensables d'un bout à l'autre de la planète et qui fait tourner le monde en une ronde artificielle et inutile si ce n'est de maintenir sa survie et d'éviter que tout ne s'écroule puisque tout s'appuie sur ce principe de base. Comme dit Aurélien Barrau, il faudrait changer le principe de base.

C'est écrit en une belle prose poétique à laquelle j'ai adhéré et qui fait la part belle aux sentiments et aux sensations. Le subjectif prime. Le roman est court (145 pages) et je pense que c'est exactement le format qu'il lui fallait, plus long, on aurait tourné en rond et on se serait enlisé.


Extrait :

"Ils s'assoient côte à côte dans un des canots, parce que la question ne se pose plus de passer de l'idée à l'acte, maintenant qu'ils ont atteint cette parfaite région d'eau calme, celle qu'ils évoquaient ces derniers soirs sur le pont sous la lueur de la lune. Ils s'étonnent des promesses qu'ils se sont faites su légèrement, mais ils se laissent descendre jusqu'à l'eau, jusqu'à ce qu'un petit choc leur signale qu'ils y sont. A quelques centimètres de la surface, ils n'ont plus qu'à passer les jambes par-dessus bord. Tout, maintenant, peut commencer.

(...)

Alors, les deux pieds au milieu de rien, et tout le corps qui suit."



9782374912158


* Institut supérieur d'économie maritime Nantes-Saint Nazaire

Keisha l'a lu

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27 octobre 2022

Sardines

de Nuruddin Farah

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Littérature de la Corne d’Afrique

Second roman de la trilogie "Variations sur le thème d’une dictature africaine", ce roman peut tout à fait être lu indépendamment des autres mais on y retrouve certains personnages dont nous avons fait connaissance dans "Du lait aigre doux", ou du moins, ils sont évoqués. Les personnages actuels les connaissaient (à lire les romans de N. Farah, on a d’ailleurs l’impression que tout le monde se connait à Mogadiscio) et de plus, que tout le monde est assez proche du pouvoir. Nos personnages en tout cas le sont, comme dans le premier opus, puisque nous suivrons Samater que le dictateur a nommé ministre autant pour le neutraliser que pour ses services et son épouse Médina, rédactrice en chef qu’il a au contraire renvoyée et interdite de toute publication. 

Chez Samater et Médina vit également Idil, la mère de Samater, une véritable horreur! le terme n’est pas trop fort. Cette femme intégriste fanatique et mère abusive a un comportement totalement dictatorial que tout le monde condamne tout en lui reconnaissant le droit d’agir ainsi. Selon les règles du clan, elle est intouchable, Samater lui doit respect et hébergement, même si elle s’insinue dans toute sa vie privée pour y imposer ses vues obscurantistes. Samater et Médina ont une petite fille, Ubax. Le jour ou Ibil annonce que puisque Médina refuse que la petite soit excisée et infibulée, elle l’emmènera de force un jour pour faire pratiquée la mutilation*, la rupture est consommée. Médina prend sa fille et quitte la maison. 

Farah développe plusieurs idées sur le thème de la dictature. La première est qu’une attitude dictatoriale de l’homme envers la femme et des parents sur les enfants est le pendant indissociable qui prépare et maintient le gouvernement dictatorial d’un pays. Ainsi Médina accentue-t-elle au contraire la liberté d’Ubax. Ses amis et elle vont lutter contre le Général (jamais nommé, il s’agit du général Barre qu’un coup d’état porta au pouvoir en 1969 et un autre emporta plus de 20 ans plus tard sans que le pays s’en trouve vraiment mieux).

Ici encore, les problèmes des femmes sont largement évoqués et présentés pour ce qu’ils sont, la base même du fonctionnement fasciste de ce monde : mutilations sexuelles, viols où la femme doit s’estimer pleinement dédommagée si son violeur accepte après coup de l’épouser,  coexistent et même se mêlent (je veux dire que ce sont parfois les mêmes femmes) à un mode de vie plus libre où la femme peut travailler pour gagner sa vie, voyager, faire des études ou du sport.

On peut ne pas toujours prendre plaisir au style de Farah qui, surtout dans la première moitié de ce roman use et abuse de comparaisons et métaphores parfois osées, parfois franchement mal venues**, mais on doit lire ce qui est la principale manifestation d’une littérature de ces régions jusque là vouées à l’oral, et qui manifeste de plus une vive tentative de compréhension de ce qui s’y passe. D’autant qu’il y a également un vrai plaisir de lecture à trouver cette transcription d’une manière de dire africaine.


A noter : on retrouve ici Ebla, héroïne de "Née de la côte d’Adam" et l’on voit ce qu’est devenu l’enfant qu’elle attendait à la fin de ce roman. Notre trilogie est une tétralogie.


* Ne pas oublier au passage que, quasi systématiquement exécutées, ces pratiques monstrueuses ne sont toujours pas interdites en Somalie (et autres), sans qu’on en parle plus que ça en Occident.


** "Les hommes du général (et Samater en faisait partie) devaient servir d’oreillers pour la tête de la nation, de sages-femmes pour la douleur dont la nation n’avait pas encore accouché, de même que de suppositoires pour l’économie constipée de la nation."  p. 103


Trilogie "Variations sur le thème d’une dictature africaine"

1 - Du lait aigre-doux 

2 - Sardines

3 - Sésame ferme toi 

9782264033208






23 octobre 2022

Les abeilles grises

d'Andreï Kourkov

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Ecrit et publié avant le déclenchement de la guerre de Poutine en Ukraine, ce roman témoigne d'un long passé de "guerre" entre l'Ukraine et les séparatistes prorusses. Sergueïtch, le personnage principal, vit dans le Donetsk, dans un petit village sous les bombardements. Ils ne sont plus que deux solitaires dans ce village fantôme, lui et son ennemi d'enfance, Pachka. Ils ont les Ukrainiens d'un côté, les séparatistes de l'autre, avec les tirs qui passent au-dessus de leurs têtes, c'est ce qu'on appelle la zone grise. Ils sont restés parce que, sans famille, leur maison est tout ce qui leur reste. Ils se sont donc rapprochés un peu, d'autant que leur antipathie de bancs d'école n'est pas étayée par grand chose, mais chacun reste sur la réserve et refuse sa confiance. Pachka, à tendance indépendantiste, trafique avec les soldats; Sergueïtch à tendance ukrainienne a son miel et ses abeilles. C'est un apiculteur passionné et plus encore que sa maison, son monde, ce sont ses six ruches pour le moment en repos hivernal. Ils ont beau refuser de s'en mêler, la guerre est tout près, déposant parfois le cadavre d'un soldat devant leurs fenêtres ou pulvérisant à l'improviste une maison du village. Tous deux attendent que la paix revienne, et avec elle, les villageois...

"- Rien n'a changé, sauf qu'on se tire dessus plus souvent.

- Et sur qui on tire?

- Comment, sur qui? Les uns sur les autres. Chaque nuit. Parfois ça vole si bas qu'on peut voir les obus à l’œil nu. Ca devient effrayant! Et ensuite, "Bam" de l'autre côté!"

Mais un jour, un bombardement trop proche affole les abeilles de Sergueïtch, chose qu'il ne peut accepter et il décide de partir avec ses ruches et son matériel de camping vers une zone plus pacifique en attendant que les choses se calment sur la zone grise. Son départ laisse Pachka seul au village. Sergueïtch part vers la Crimée, parce que c'est une belle région, qu'elle lui évoque les plages et les vacances. Il s'appuie sur le vague souvenir d'avoir sympathisé bien des années auparavant, à un congrès d'apiculture, avec un apiculteur Tatar et d'avoir son adresse, alors il ira là. Il charge les ruches sur son véhicule, et les voilà partis, se heurtant d'abord à toute une série de checkpoints tatillons, menaçants et imprévisibles, puis, une fois arrivés, au poids étouffant des forces russes et à l'oppression dont les Tatars sont spécialement victimes.

Je vous laisse découvrir par vous-mêmes.

C'est un bon roman, intéressant, qui s'est trouvé propulsé sur le devant des vitrines avec le déclenchement de la guerre peu après sa parution, mais à mon sens, c'est un roman qui peine à trouver son rythme. La mise en place des lieux et personnages prend la moitié de l'ouvrage, sans qu'il s'y passe grand chose ni même que le lecteur sente spécialement que l'histoire tend vers quelque chose. Puis, une fois que Sergueïtch a pris la route, c'est bien plus stressant mais avec quelque chose d'incertain dans la progression. Ca, c'est pour le côté tension romanesque, par contre la peinture de la vie des population civiles en temps de guerre semble extrêmement juste. Certains tentent de fuir, d'autres s'accrochent à leurs lieux et tentent à tout prix de mener la vie la plus normale possible, mais la violence et le drame peuvent surgir et frapper n'importe quand, tout comme de longues périodes peuvent s’écouler sans accroc; et les gens doivent s’adapter à ça faute d'y pouvoir quoi que ce soit, poursuivre leur vie, ne pas mourir, toujours tendre vers la "normale". Montrés dans leurs quotidien, on s'imagine très bien à leur place. Kourkov a su nous faire éprouver une vraie proximité avec ces populations C'est une des grosses qualités de ce roman. Si bien qu'en conclusion, je vous rapporte un rêve de Sergueïtch:

"- Qu'est-ce qui se passe? Lui demanda-t-il

- La victoire! dit l'autre radieux. La victoire!

- Mais qui est le vainqueur? (...)

- Je ne sais pas répondit Pachka, mais on s'en fout! L'important, c'est que c'est la victoire! La fin de la guerre!"


9791034905102



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19 octobre 2022

La conjuration des imbéciles 

de John Kennedy Toole

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 L’imbécile conjuration qui eut raison de lui.

Bon. J’avoue que pour mon titre, j’ai cédé au charme du jeu de mots et qu’il n’y a sans doute pas eu la moindre conjuration contre Toole. La force d’inertie, la malchance suffisent. Mais ce titre me plaisait bien. Pourquoi se priver?

John Kennedy Toole était enseignant, mais plus encore, du fond de son cœur et de tout temps, il était écrivain. Parce qu’il était le seul à le penser, avec sa mère, parce que tous les éditeurs refusaient son livre et qu’il avait fini par douter lui-même, bien que n’ayant rien d’autre à quoi se raccrocher, il s’est tué à 32 ans, en inhalant les gaz d’échappement de sa voiture.

Sa mère reprit le livre et sa quête d’éditeur et s’acharna tant qu’elle finit par parvenir à le faire éditer. Et l’on vit que ces messieurs de la Profession s’étaient bien mis le doigt dans l’œil car, tout de suite, le roman séduisit les foules et le monde littéraire aussi puisqu’il reçut le prix Pulitzer.

Plus tard, poussé par la demande du public, on publia même « la Bible de néon », un roman que J.K Toole avait écrit à l’âge de 16 ans, et dont je ne puis vous parler car je ne l’ai pas lu.

Parce qu’on avait dit et écrit partout et avec admiration que la conjuration des imbéciles était une œuvre majeure du 20ème siècle, certains ont compris que cela signifiait que c’était là ouvrage à prendre avec le plus grand sérieux et se sont quelque peu ridiculisés à soutenir que Ignatius J. Reilly était un homme admirable ou à s’étonner au contraire de ne le point trouver sympathique. Or, tout cela est absurde. Certes, ce livre est une œuvre majeure, mais cela ne l’empêche pas d’être tout autant une farce truculente et grand-guignolesque. Ou, pour être plus exact, une tragi-comédie.

Reprenons donc en essayant de respecter la place des choses.

Ignatius, bien que ni son passé, ni son caractère, ni ses compétences, ni ses souhaits ne l’y prédisposent, doit, à 30 ans, exercer une occupation salariée. C’est tout au long de cette aventure que nous le suivons avec un intérêt et une jubilation qui ne se démentent pas un instant, dans des péripéties totalement imprévues, grotesques et invraisemblables.

Cette lecture est un régal et, l’ouvrage a beau être copieux (480 pages), je ne me suis pas lassée une seconde de cette histoire délirante et fine. J’en conseille absolument la lecture, sans doute pas dans l’espoir de grands éclats de rire (quoique…), mais pour la jubilation réelle qu’elle est susceptible de causer à son lecteur.

9782221100172



14 octobre 2022

La nuit de l'indigo 

de Satyajit Ray

***


L'auteur, Satyajit Ray était vraiment un homme aux multiples talents, réalisateur de cinéma, il a fait trois films aux mérites reconnus, mais cet indien bengali de Calcutta était également compositeur et écrivain. Je n'ai jamais vu ses films mais il semble qu'on peut les voir sur le site d'Arte. Le hasard d'une boite à livres à mis ces nouvelles entre mes mains. Je ne suis généralement pas attirée par les nouvelles (j'aime m'installer plus confortablement dans les fictions) mais je n'avais pas vu que cela en était. Une fois emporté, il ne me restait plus qu'à le lire avant de le redéposer ailleurs.


D'abord, les nouvelles :

1) Deux voyageurs vont voir un sage ermite retiré dans une forêt et l'un d'eux, par bêtise et méchanceté, tue son python royal. Peut-être pas une bonne idée...

2) A Calcutta, Patol Babu, la cinquantaine rondouillarde a toujours rêvé d'être acteur sans y parvenir. Jusqu'à ce jour...

3) Tulsil Babu s'intéresse aux plantes médicinales, comme son père, et c'est en allant en cueillir qu'il découvre un drôle d’œuf...

4) Quel plaisir d'avoir un gentil petit chien! Mais celui d'Ashamanja est spécial, il sait rire.

5) Ratanbabu, célibataire solitaire a toujours préféré voyager seul.... jusqu'à ce qu'il rencontre son sosie et alter ego.

6) Nouvelle éponyme . Encore un voyage . Aniruddha Bose part seul en voiture pour 320km. hôtel où il se rêve en Blanc 100 ans plus tôt

7° L'oncle Tarini a toujours des histoires passionnantes à raconter. Ici la fois où il a pu assister à un duel qui avait eu lieu 100 ans plus tôt.

8) Le narrateur est un savant qui a inventé une machine à instruire les oiseaux

9) Des savants ont inventé "Dis-moi", c'est le nom de cette boule d'électronique capable de répondre à toutes les questions relevant des connaissances humaines. Mais qui a dit qu'elle aimerait le faire? Et si elle découvrait le mystère ultime?

10) Les expériences scientifiques ne sont pas sans danger. Nous allons encore le vérifier ici. Cette manie des savants de fiction de se prendre pour cobaye...

11) A force d’arpenter le Tibet et de visiter de sages moines, ne peut-on pas découvrir des licornes? ... La question est posée, et il y est répondu.


Au début, on lit ces nouvelles avec une certaine indifférence, il n'y a rien de vraiment surprenant, malgré le parti-pris un peu fantastique, mais on finit par se laisser séduire par l'exotisme et le charme vieillot de ces histoires désuètes et somme toute, simples. J'en lisais une le soir pour m’endormir. C'était parfait. Le suspense est parfaitement soutenable. La fin est toujours morale, il n'y a que des personnages masculins (je ne sais d'où nous est parachutée la demoiselle de la couverture, même si je vois assez bien à quoi elle sert), souvent quelque voyage, l'intervention d'un animal, des savants, des expériences, sont des éléments que l'on retrouve. Le recueil est homogène. J'ai trouvé que l'ensemble avait un net aspect 19ème siècle, mais l'ouvrage a été publié en 1989, il aurait donc cent ans de retard au niveau des idées...


"Ce que recherchait Ratanbabu était une petite localité située à peu de distance d'une gare. Chaque année quand arrivaient les congés, il ouvrait l'indicateur des chemins de fer, choisissait au hasard une telle destination et faisait ses bagages. Nul ne lui demandait où il se rendait, et il ne le disait à personne. En fait, il lui était arrivé d'aller dans des endroits dont il n'avait même jamais entendu parler pour chaque fois y découvrir des choses qui l'avaient enchanté, des choses qui eussent semblé dérisoires à d'autres que lui."

978-2264014436




09 octobre 2022


 Samouraï 

de Fabrice Caro

***+


Quatrième de couverture :

""Tu veux pas écrire un roman sérieux ?" a conseillé Lisa à Alan, avant de le quitter pour un universitaire spécialiste de Ronsard. Depuis, Alan cherche un sujet de "roman sérieux". Il veut profiter de l'été qui commence pour se plonger avec la discipline d'un guerrier samouraï dans l'écriture d'un livre profond et poignant. Ça et aussi s'occuper de la piscine des voisins partis en vacances. Or bientôt l'eau du bassin se met à verdir, de drôles d'insectes appelés notonectes se multiplient à la surface...Il y a chez Fabrice Caro une grâce douce-amère, une façon unique et désopilante de raconter l'absurde de nos vies. "


Roman fantaisiste, roman pour s'amuser, se détendre, roman léger pour passer un moment agréable le sourire aux lèvres.

Et c'est exactement ce qui se passe, on s'intéresse à l'action et on n'a pas trop de mal à suivre notre loser jusqu'au bout. Beaucoup de choses touchent juste, même les plus improbables (je me suis par exemple retrouvée dans sa phobie des salles de spectacle) et sa perplexité gênée face aux intempestifs "je t'aime" à l’américaine. Bien que certaines soient un peu trop sans surprise et déjà beaucoup vues (le théâtre actuel, les "installations" etc.).

Quant à y voir une satire de notre société... il y a loin, à mon avis. On est dans le récréatif et on y reste.

Par ailleurs, j'ai trouvé dommage de prendre un écrivain comme personnage principal. Des écrivains qui racontent les (més)aventures d'un écrivain, j'en ai un peu trop lus. J'ai comme une lassitude. D'autant qu'il a des préoccupations de showman, pas de littérateur. C'est ma seconde réserve après l'originalité modérée.

Voilà. Amusant oui, mais pas surprenant. C'était une récréation plaisante mais je crains de ne pas m'en souvenir longtemps.


Luocine l'a lu aussi.

978-2072988110


04 octobre 2022

 Tananarive

Scenario : Mark Eacersall

Dessin : Sylvain Vallée

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Roman graphique 12O pages.

Notre héros, notaire à la retraite vieillit paisiblement dans son pavillon confortable auprès d'une épouse bienveillante. Mais il s'ennuie. Heureusement il a fait de son voisin son meilleur ami. Tous les soirs il va chez lui boire un dernier verre et celui-ci, ancien baroudeur ayant vécu des aventures incroyables dans le monde entier, le régale de ses souvenirs exotiques. Hélas, un jour, l'ami meurt. Son seul héritier serait un fils inconnu qu'il aurait peut-être eu dans sa prime jeunesse... Mais personne ne sait rien de ce fils alors, moitié pour tromper son ennui, moitié pour apaiser son deuil, notre notaire va quitter son havre de paix et se lancer sur les traces- de son aventureux voisin.

Dès le début, des divergences apparaissent entre ce qu'il trouve et la version dont le voisin a nourri ses soirées et des aventures, lui aussi va en vivre, moins africaines, mais tout de même pas sans danger.

J'ai beaucoup aimé ce road movie de vieux avec une grosse charge humaniste.

Sur un scenario bien sympathique de Mark Eacersall, nous nous attachons vite à ses héros du troisième âge et nous intéressons vraiment tant à leur passé qu'à ce qui va arriver. Les surprises sont suffisamment nombreuses et touchent suffisamment juste pour garder le lecteur en laisse jusqu'à la fin.

Le dessin, clair harmonieux, dans de jolies teintes douces mais jamais mièvres, arrive à instiller une bonne part d'humanité dans chaque personnages, même tous les secondaires que l'on rencontrera en cours de route, sans pour autant les idéaliser graphiquement. Chacun est émouvant à sa manière.

Les baby boomers ont passé 70 ans et comme ils sont toujours actifs (drôle de génération!), qu'ils sont aussi en train de mourir et d'enterrer les copains, ce genre de livres, films, récits se multiplie. L'art est le reflet de la vie.


978-2344038390