Affichage des articles dont le libellé est J'aurais dû épouser Marcel. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est J'aurais dû épouser Marcel. Afficher tous les articles

02 décembre 2025

J'aurais dû épouser Marcel

de Françoise Xenakis

****

978-2843374692

On ne lit plus guère Françoise Xenakis qui eut pourtant son époque, mais il me fallait absolument un X pour mon Challenge ABC avant la fin de l’année et on était déjà en novembre, alors j’ai scruté les rayons de la médiathèque en cherchant un livre pas trop épais (manque de temps) et ce fut celui-ci.

Il commence par une introduction de l’auteure elle-même : « Normalement, à l’âge que j’ai, après quelque vingt-trois romans et récits, il ne me reste plus qu’à écrire LE livre qui m’a fait me promettre à moi-même – j’avais alors neuf ans – que, plus tard, je deviendrais écrivain. La boucle sera alors bouclée et j’en aurai fini avec l’écriture ! (…) Ce récit, je vais avoir soixante-dix neuf ans et il n’est toujours pas écrit ! »

Eh bien, mauvaise nouvelle, ce ne sera encore pas pour cette fois. D’abord parce que ce roman est en fait constitué de nouvelles autour d’un thème commun, que F. Xenakis a à peine reliées d’une trame très légère. Ce genre de bricolage peut être plaisant à lire (et c’est le cas ici), mais ne donne pas de chefs-d’œuvre littéraires. Le thème commun évoqué ci-dessus, ce sont les « veuves blanches » solognotes. L’éditeur nous explique :

« C'étaient, pour la plupart, d'anciennes gamines de l'Assistance publique, débarquées un beau jour d'un car bringuebalant et placées dans les fermes. Les gars, eux, devenaient charretiers, les filles vachères, et, aussi perdus les uns que les autres, ils se mettaient le plus souvent à la colle". En 1914, les garçons furent mobilisés et il n'en revint pratiquement pas. On ne les déclara même pas morts au champ d'honneur, mais disparus. Que faire de ces jeunes femmes seules au village? On les logea dans un minuscule lotissement bâti pour l'occasion et la République leur octroya une modeste pension. En échange de quoi, une loi non dite exigeait d'elles une chasteté absolue, l'entretien de l'église et des tombes à l'abandon. Ces vieilles filles ne cessèrent de fantasmer sur le retour de leur homme. »

Françoise Xenakis a donc imaginé six ou sept récits dans lesquels les veuves en fin de vie font le bilan de leur existence de misère. Condamnées à la solitude, jamais vraiment intégrées au village, elles ont trimé toute une vie de servantes et de préposées aux gros travaux sans autre soutien que leurs fantasmes sur leurs «époux» partis si vite qu’elles n’ont pas eu d’enfant, et que le monde a bien mal traités eux aussi. Ces ruminations de plusieurs décennies qui les conduisent souvent le soir à aller attendre sur la route par laquelle ils arriveraient si c’était possible, ont fait d’elles des femmes pauvres, seules, mais aussi autonomes. F. Xenakis leur prête même cette auto-dérision et cette pointe d'humour qui est plutôt sa marque à elle. Et quand l’une d’elle, fait rare, se marie finalement quand même… c’est pour trouver quoi ? Ça dépend.

Je le disais, une lecture plaisante sur ce thème que je trouve intéressant et qui m’a appris des choses sur le monde paysan fermé de la Sologne du 20ème siècle. J’ai découvert « le ventre jaune solognot » sur lequel, curieuse comme je suis, je n’ai pu m’empêcher de faire des recherches et une vie rurale tout sauf tendre, solidaire et empathique. L'écriture est fluide, agréable et le livre se dévore aisément.