L’épidémie
d’Octave Mirbeau
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Pièce en un acte
Injustement oublié, Octave Mirbeau est un homme littéraire qui mérite encore bien qu'on lui rende une petite visite. Contestataire effréné, critique acerbe des roueries sociales, des injustices, des hypocrisies et des abus, il n'en a pas moins connu le succès. Il a fort bien vécu de sa plume et a publié de nombreux articles, des pamphlets, des critiques, de la correspondance, des contes, des nouvelles, des romans, et du théâtre. Dans cette dernière catégorie, nous trouvons deux grandes comédies (triomphe mondial) et six pièces en un acte recueillies sous le titre de "Farces et moralités" (1904). C'est parmi ces dernières que nous trouvons "L'épidémie".
Le lever de rideau nous introduit dans la pompeuse salle des délibérations du Conseil municipal, dans une grande ville maritime. L'ambiance est donnée d'emblée:
LE MAIRE
Je crois, messieurs, que nous pouvons ouvrir la séance.
LE MEMBRE DE L’OPPOSITION, tirant sa montre.
Onze heures moins le quart !… Et je déjeune à onze heures et demie. Et nous étions convoqués pour neuf heures !… C’est dégoûtant.
On sent que l'ambiance est au travail. Une question importante est pourtant à l'ordre du jour: Une épidémie de fièvre typhoïde touche la ville, ou du moins, la garnison stationnée en ville. Ce qui relativise immédiatement la gravité de la chose, puisqu'il est bien connu que c'est le métier des soldats de mourir. Cette épidémie n'a d'ailleurs rien de bien étonnant compte tenu des conditions horrifiques de casernement. Mais que voulez-vous, on ne va tout de même pas dépenser de l'argent pour leur fournir de l'eau potable... et le conseil municipal s’apprête à classer l'affaire sans plus de manières quand survient une nouvelle qui fait l'effet d'une bombe: un bourgeois en est mort aussi!!! Ce qui change tout, le rôle du bourgeois étant comme chacun sait, de maintenir l'ordre social, pas de mourir.
Nouveau problème que ces Messieurs les Conseillers ne seront évidemment pas plus aptes à résoudre que le précédent. Mirbeau se lâche là en une attaque au bulldozer (léger anachronisme de ma part) d'une société inique, totalement et profondément corrompue où les gesticulations patriotiques font office de morale. C'est drôle et désespérant. C’est également peu nuancé mais ces piécettes visaient un public plus sensible à la peinture à gros traits et aux teintes violentes. Et nous, cent ans plus tard, on se dit que vraiment… rien ne change sous le soleil. Peut-être est-on plus discret, et encore… sans doute pas hors micros et caméras.
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