Affichage des articles dont le libellé est Le Meurtre du Commandeur 1. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Le Meurtre du Commandeur 1. Afficher tous les articles

02 décembre 2020

 Le Meurtre du Commandeur 

1 - Une idée apparaît 

de Haruki Murakami

****+


L'éditeur nous promet avec ce nouveau roman d'Haruki Murakami "une œuvre exceptionnelle", comment résister? D'autre part, les romans de cet auteur ne le sont-ils pas toujours plus ou moins? Avec ou sans la quatrième de couverture dithyrambique, je me serais précipitée pour lire cette nouvelle fourniture, et j'aurais constaté qu'il y a en effet comme un nouveau concept: le thriller lent et l'histoire de fantôme non bienveillant qui ne fait pas peur.
   
 Vous l'aurez remarqué, les thrillers vont toujours à toute allure, pour ne pas vous laisser le temps de réfléchir, vous bousculer et vous déstabiliser. Celui-ci, non, il prend tout son temps et vous laisse réfléchir autant que vous le voulez, il vous y incite même, et pourtant, vous ne vous en sortez pas mieux. Vous êtes pris.
   
    Vous l'aurez remarqué également, les histoires de fantômes aux pouvoirs surnaturels, quand ils ne sont pas de bons gros marshmallows de la littérature pour enfants, déclenchent la peur, et pour commencer, celle des personnages du roman où ils apparaissent. Rien de semblable ici. Le narrateur voit apparaître ce spectre et l'accepte comme tel. Il ne se réjouit ni ne craint sa présence. Il la prend simplement comme un fait objectif et n'émet aucune conjecture sur ses intentions. Il n'était pas là avant, mais maintenant il y est. Il ne sait ni pourquoi, ni ce qu'il veut, mais il ne s'en préoccupe pas vraiment et ne se sent pas menacé (alors qu'il le pourrait). Cette peur des personnages est nécessaire pour déclencher celle du lecteur. Ici, le lecteur se captive pour ce qui arrive, mais adopte la position "wait and see" du narrateur.
    Mais que je vous en dise plus à son sujet.
   
   Cet homme jeune, peintre professionnel, vient de vivre six ans de bonheur sans nuage avec son épouse Yuzu quand un soir, elle lui annonce qu'elle ne "peut" plus vivre avec lui, sans lui donner la moindre explication. Elle reconnaît ensuite aimer un autre homme. Notre peintre, qui l'aime toujours autant et n'a perçu aucun signe avant-coureur, accepte là aussi les faits sans les discuter et part immédiatement, abandonnant tout ce qui faisait sa vie jusqu'à ce moment. Il achète une voiture d'occasion et part sur les routes, sans le moindre but, avalant les kilomètres, les paysages et les motels, sans destination ni projet. Quand sa voiture rend l'âme, il décide de cesser son errance et de se trouver un logement. Son meilleur ami a hérité de la demeure isolée en pleine montagne de son père, peintre célèbre et accepte de la lui laisser en location contre le gardiennage.
   
   Dans sa jeunesse, après avoir été un peintre attiré par l'art moderne, il avait renoncé à ses ambitions créatrices quand il avait eu à gagner l'argent du ménage, et qu'il s'était alors mis à peindre des portraits sur commande et par pur souci commercial, alors qu'il méprise cette activité. Cependant, la surprise est que ses portraits sont de plus en plus appréciés et qu'à son grand étonnement, beaucoup admirent énormément son talent en la matière. Lui, persiste à n'y voir qu'une forme mineure de peinture. Une fois installé dans la chalet de l'artiste, il compte se mettre au travail dans un nouveau registre, puisqu'il a cessé toute activité en quittant sa femme et sa vie antérieure. Mais rien, ne lui vient et il patiente. Il a par ailleurs découvert un tableau secret du peintre qui occupait les lieux avant lui: c'est le Commandeur du titre, et d'autre chose aussi, que vous découvrirez. Rapidement, son ex-agent lui apprend qu'il a reçu une demande de portrait si faramineuse qu'il lui est impossible de la refuser... Le narrateur, qui arrive au bout de ses économies est stupéfait de l'énormité de la somme promise et ne peut qu’accepter.
   
   Nous faisons alors la connaissance d'un nouveau personnage. L'étonnant Menshiki, n'est pas seulement immensément riche, c'est également un homme aussi étrange que mystérieux. Que veut-il exactement? Il apparaît bientôt que ses attentes ne se limitent pas à son portrait... Et quelle est cette histoire de fantôme, d'esprit, d'idée qui apparaît? Notre peintre perd-il la raison? Se fait-il manipuler? Ou faut-il accepter les évènements tels que, comme il le fait, sans les discuter?
   
   Derrière cette intrigue très captivante, le lecteur découvrira une vraie réflexion sur la création artistique en peinture et des considérations sur le bouddhisme, l'éveil, la mort, les liens du sang etc. Le personnage phare est bien conforme aux habitudes de Murakami, un homme posé et réfléchi, adepte des tâches ménagères, peu enclin aux emportements... Et pourtant. Ce premier tome se termine sur une ouverture inattendue, qui, je pense, vous surprendra. En tout cas, elle m'a surprise, moi. Et je plonge sur le tome 2.


978-2714478382