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16 avril 2023

L'homme qui vivait sous terre

 de Richard Wright

****+


A savoir sur l'Amérique du 20ème siècle

Folio a extrait cette nouvelle du recueil « Huit hommes » pour nous la livrer seule ici dans sa collection Folio 2€, comme il l'a fait dans un autre opus avec « L'homme qui a vu l'inondation ». Le but est atteint, je suis assez décidée maintenant à lire tout le recueil.

Nous découvrons ici un homme noir, fugitif affolé, poursuivi en ville pour meurtre, par la police. Il est innocent, mais le traitement qu'il a subi au commissariat l'a obligé à signer des aveux. Il pense que les flics savent qu'il n'a pas tué, mais a bien compris que cela ne changera rien. Il leur faut un coupable, de préférence noir. Il est parfait. Acculé, épuisé, il parvient à leur échapper de façon inespérée en se jetant dans un égout et en y découvrant un accès aux sous-sols du quartier. Une fois sous terre, il explorera l'une après l'autre les caves à sa portée, les pillant comme un gamin pillerait un magasin de jouets ou une pâtisserie, c'est à dire sans même se soucier de la valeur marchande des choses. Il considère par exemple, qu'il n'a aucun besoin d'argent, et utilise un magot qu'il a dérobé pour décorer les murs et le sol de son refuge.

De sa cachette, il lui arrive aussi d'observer les humains et est ainsi témoin de certaines choses qu'il n'aurait pas dû voir... dont un meurtre.

Parallèlement, comme nous le suivons tout au long de ce récit, nous assistons à l'écroulement mental de cet homme. On peut supposer qu'il a toujours été inculte et même ignorant, nous en venons peu à peu à penser qu'il est également psychologiquement fragile et sans doute au moins un peu intellectuellement débile. Et que ce qu'il a vécu depuis son arrestation, lu a fait perdre ses repères et son équilibre. Vraiment, un coupable idéal. Mais maintenant, un fugitif bien peu armé pour se sortir de cette situation. Si bien qu'alors qu'il avait des atouts dans son jeu, il finit par décider de retourner voir la police pour leur expliquer... vous découvrirez les conséquences.

Richard Wright nous décrit une jungle urbaine où l'homme noir est gibier et chair à canon. Il y a quelque chose de dramatique au sens antique du terme dans ces destins d'hommes noirs que cet auteur nous présente avec tant de réalisme et de relief, quelque chose de l'ordre du fatum. L'homme blanc, violent ou simplement indifférent à l'injustice qui le frappe, est l'environnement hostile. La situation qu'il nous dépeint ne pouvait qu'aboutir aux mouvements de révolte noirs. Il fallait qu'ils adviennent ; et certains faits divers récents nous amènent à nous demander si le travail est terminé. On en doute, malgré le paradoxe d'un président noir.


9782072941252



04 octobre 2021

Black Boy  

de Richard Wright

****+


Autobiographie T1

J'ai intitulé ma chronique « Autobiographie Tome 1 » car il faut savoir que ces souvenirs d'enfance vont de la naissance jusqu'à un peu plus de 20 ans quand il quitte le Sud pour Chicago, et qu'il était dès le départ prévu qu'il serait suivi d'un tome 2, même si de nombreuses années devaient séparer les deux parutions. Le second tome s'intitulait « American Hunger » traduit en français pas « Une faim d'égalité ».

L'enfance de Richard Wright a été placée sous le signe de la pire misère. Il a pratiquement tout le temps souffert de la faim, parfois au pont de s'évanouir. Plus tard, quand il a commencé à  gagner quelques sous, cela a continué car d'une part, il était très peu payé, et de l'autre, il voulait à tout prix économiser pour ses projets d'une vie meilleure et, considérant qu'il était bien entraîné pour jeûner, il a continué à se priver et là encore, souvent trop. Je pense que cette malnutrition permanente de toutes sa jeunesse a pu jouer un rôle dans sa mort prématurée par « crise cardiaque ». Mais je ne suis pas médecin. 

Cet ouvrage nous ouvre donc un monde comme on voudrait tant qu'il n'en existe pas. Un père qui, bien sûr décide bien vite qu'il serait mieux loti à garder sa maigre paie pour lui seul et laisse femme et enfants (deux frères) survivre seuls comme ils peuvent. Une mère qui elle, ne songe jamais à les abandonner mais qui a bien du mal à élever seule deux fils turbulents et qui ne se rendront compte que plus tard de son mérite. Mais cette mère pratique aussi les châtiments corporels extrêmes, comme elle l'a toujours vu faire... Une maison où l'on a froid et faim, heureux encore quand on a un toit. Voilà la vie qu'a connue l'auteur. La famille aide parfois mais en échange d'une soumission complète à leurs convictions d'une bigoterie absolue, le fanatisme religieux ordinaire rajoutant encore des chaînes à celles déjà portées par tout Noir. 

« Chaque fois que je rencontrais la religion dans ma vie, je trouvais le désaccord, la lutte, la tentative d'un individu ou d'un groupe de gouverner l'autre au nom de dieu. La convoitise du pouvoir semblait toujours marcher dans le sillage d'un cantique. »

Mais Richard est fort réfractaire à tout cela. Il est la brebis galeuse d'un troupeau misérable.

Et puis il y a l'incroyable découverte de la lecture et toute une vision du monde qui bascule.

« Les intrigues et l'action des romans m’intéressaient moins que le point de vue qu’ils révélaient. Je me donnais sans réserve à chaque roman, sans chercher à le critiquer. La lecture était comme une drogue, un stupéfiant. Les romans créaient en moi des états d'âme qui persistaient durant des semaines. »

Entraînant la soif d'études.

Bientôt suivi de la découverte du monde des Blancs, dont il avait été jusqu'alors séparé et de leur incroyable racisme qui vaut à tout Noir d'être perpétuellement en danger de mort.

« Il fallait dire "oui Monsieur, non Monsieur" , et me comporter de façon que les Blancs ne pensent pas que le m'imaginais être leur égal. »

 Il est même obligé de faire semblant de ne pas savoir lire et d'emprunter des livres à la bibliothèque comme commissionnaire avec la carte d'un Blanc (les bibliothèques ne prêtent pas aux Noirs et malheur à celui qui donnerait l'impression de vouloir s'instruire!). On comprendra que son départ vers le Nord sera tout simplement une fuite. Nous le quittons au moment où il part pour Chicago.

Un récit poignant de bout en bout mais aussi, plein d'espoir. Dans les pires conditions, on trouve des hommes qui redressent la tête et même parviennent à surmonter tous les obstacle car on sait déjà que Richard Wright connut tout de suite un grand succès. Il fut le premier noir américain à publier des best sellers. Quand on songe d'où il est parti...

978-2070369652