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16 mai 2021

La séparation 

de Christopher Priest 

***+

SF

L'histoire débute ainsi : L'attention de l'historien et auteur à succès Stuart Gratton, spécialisé dans la seconde guerre mondiale, est attirée par l'évocation dans un texte de Churchill, d'un pilote de bombardier du nom de Sawyer, qui serait objecteur de conscience. La chose lui semble impossible et il entreprend de fouiller un peu cette piste pour en savoir plus sur ce Sawyer. Autant dire qu'en vous révélant d'entrée de jeu qu'il y a deux jumeaux Sawyer, la quatrième de couverture détruit tout de suite ce premier élément de surprise voulu par l'auteur.

Les recherches de l'historien se révèlent fructueuses puisqu'elles lui font découvrir que les frères Sawyer ont été médaillés olympiques britanniques aux jeux de 1936. Ils ont à cette occasion rencontré Rudolf Hess dont il va être beaucoup question tout au long du récit. En effet, dans la nuit du 10 au 11 mai, "décolle seul, secrètement, pour l'Écosse aux commandes d'un avion Messerschmitt, soi-disant sans en informer Hitler, afin de proposer un traité de paix séparée avec le Royaume-Uni, peu avant l’attaque-surprise allemande contre l’Union soviétique, violant le pacte de non-agression. En Allemagne, son départ imprévu est publiquement assimilé à une désertion. À son arrivée, en Écosse, sa démarche n'est pas prise au sérieux ; il est arrêté et maintenu en détention jusqu'à la fin de la guerre, puis il est transféré à Nuremberg pour y être jugé avec les principaux responsables nazis : reconnu coupable de complot et de crime contre la paix, il est condamné à la prison à vie" (Wikipedia). Cela, c'est la réalité, mais « La séparation » va imaginer les trois principales possibilités : Hess n'arrive pas en Angleterre car son avion est abattu, il y arrive mais n'est pas cru, il y arrive réellement mandaté et la guerre cesse sur le front ouest en 1941 au détriment des Russes. Cela offrait bien évidemment un sacré terrain de jeu à l'imagination. Je pense qu'il n'était pas du tout nécessaire de le compliquer, je dirais même de l'encombrer autant que l'auteur l'a fait. Pas un personnage principal mais deux, qui se ressemblent au point que ni les autres personnages, ni le lecteur ne les distingue. Les jumeaux ont même nom, mêmes initiales. Les chapitres sautent de l'un a l'autre sans qu'on le sache tout de suite. Quand on y ajoute des hallucinations... on peut dire que cela est compliqué au point d'en devenir franchement obscur. D'ailleurs, au bout du compte, je n'ai pas réussi à bien démêler l'étrange implication de l'historien (relevez son nom) dans tout cela...

Donné pour une uchronie, ce roman n'en est en fait pas vraiment une. Je ne veux pas livrer la chute mais ceux qui le liront le constateront. « La séparation » a reçu plusieurs prix, ce qui me met en porte-à-faux avec mes réserves sur ce roman d'un auteur que j'apprécie pourtant beaucoup habituellement.  C'est vrai qu'il a su avec maîtrise mener les grandes scènes et que je pense que c'était difficile à faire. On ne peut qu'admirer l'art de l'auteur confirmé (et doué), mais si j'ai lu sans peine les 450 et quelques pages de ce roman, je ne me suis cependant jamais laissée vraiment emporter par ce récit trop trompeur pour qu'on s'y fie. 

978-2070356980



23 avril 2021

 Le monde inverti 

de Christopher Priest 

*****


SF

Titre original : Inverted World

 Prix British Science Fiction du meilleur roman 1975.

 C'est pour ce roman, publié en 1974 et qui fut son deuxième, que Christopher Priest est principalement connu. Totalement différent du précédent (« Le rat blanc » ou « Notre île sombre »), le style de ce monde inverti fait penser à Asimov. C'est dire que c'est à la fois, très bien fait, original, basé sur des explications pseudo-scientifiques, et un peu démodé, mais pas trop, ça se lit encore tout à fait bien, comme Asimov d'ailleurs.

Nous allons suivre notre personnage principal Helward Mann de son entrée dans l'âge adulte à son âge mûr et découvrir le très étrange monde dans lequel il vit. Ce monde, considéré comme une cité indépendante, avec son gouvernement élu, est totalement clos, sans vue sur l'extérieur, et Helward  est sur le point de découvrir cet extérieur grâce à sa nouvelle fonction qui exige qu'il y accède. Il va découvrir que cette cité est beaucoup moins grande qu'il ne l'avait supposé, beaucoup plus vulnérable aussi, et qu'elle se déplace sur des rails pour se maintenir proche d'un point appelé Optimum et qui lui même se déplace. Tout autour ce sont des zones semi-désertiques cependant peuplées de quelques indigènes faméliques. Nous allons découvrir peu à peu les particularité physiques très étranges de ce monde où ni l'espace ni le temps ne se manifestent comme nous y sommes habitués. La fin nous donnera plus d'explications.

Ce roman captive son lecteur en lui donnant à découvrir progressivement un monde tellement étrange mais cohérent, ayant ses lois physiques naturelles, mais différentes des nôtres ; avec son organisation sociale aussi, également différente. On dévore le livre poussé par la curiosité et le désir d'en savoir plus, de comprendre comment cela marche et également de voir comment tout cela se terminera car il est visible que la cité ne pourra pas avancer ainsi éternellement et même que l'on n'est pas loin de ses limites. Mais pas loin... entendons nous, le temps lui aussi ne se déroule pas là-bas comme ici. Vous verrez.

 Si vous vous intéressez un peu à la Science-fiction, ce Monde inverti est un indispensable qui, pour son originalité, sa complexité et sa maîtrise n'est pas prêt d'être détrôné.

978-2070421497 

20 avril 2021

 Notre île sombre 

ou

Le rat blanc 

de Christopher Priest 

****+

Titre original : Fugue for a darkening island

 Paru en 1972 et traduit d'abord en français sous le titre Le rat blanc, le roman a été salué au départ comme particulièrement antiraciste puis, au 21ème siècle, comme raciste. Il me semble que cette dernière accusation tienne pour beaucoup au fait que le mot « nègre » y était couramment employé, mais c'est oublier qu'à l'époque il était couramment employé partout et n'avait pas de connotation spécialement raciste, du moins le "negro" anglais. Par exemple, on parlait sans problème d'"Art nègre". Aujourd'hui le mot est tabou. Compte tenu de ce malentendu, Priest a révisé son roman avant sa dernière réédition et la version française que je viens de lire n'avait rien de raciste. Je pense que ce genre de discussion n'a pas lieu d'être. Il y avait bien les britanniques d'un côté et les envahisseurs africains de l'autre, mais on comprend bien que le problème, c'est l'invasion, pas la couleur de leur peau. Ils auraient été vikings, cela aurait été pareil. On comprend bien aussi le bien fondé des motivations des deux camps. D'ailleurs au départ, le héros fait partie des Britanniques qui voudraient accueillir les immigrés mais la situation est telle qu’ils n'en sont bientôt plus là. Voilà l'histoire :

 Les pays riches ayant sur-exploité les richesses naturelles de l'Afrique au-delà de toute mesure sans s'y investir du tout et en laissant les pires situations sociales, spoliations, guerres, massacres etc. s'y développer aussi bien que la destruction de la nature, les incendies, désertification etc. tant que cela ne gênait pas trop leurs affaires, le continent est devenu totalement non viable au sens strict du terme et les survivants réfugiés n'ont d'autre choix que de s'emparer de n'importe quel navire et de tenter de gagner d'autres parties du monde. Le phénomène est mondial. Ils débarquent n'importe où et en particulier chez les anciens colonisateurs dont ils parlent la langue. C. Priest, d'une façon assez typiquement british ne considère que la Grande Bretagne, négligeant les autres pays traversés avant d'arriver chez eux. Pas de vision mondiale, ni même européenne. Mais bon... Au prix de milliers (ou bien plus) de morts, des réfugiés parviennent à atteindre Londres dans des paquebots pleins, des cales aux ponts, de milliers de personnes dont beaucoup n'ont pas survécu au voyage. Pour les autres, à peine touché terre, ils s'enfuient en tous sens et se répandent dans la ville. Ces débarquements sauvages se poursuivant constamment (les Africains n'ont pas d'autre choix) les «envahisseurs» sont bientôt assez nombreux pour se regrouper et s'organiser d'autant que les businessmen qui ont réduit leur monde en cendres sont tout prêts à leur vendre toutes les armes qu'ils veulent. Les affaires sont les affaires. Nous suivons le personnage principal qui en quelques mois va basculer d'une vie bourgeoise et moralement médiocre de professeur peu inspiré, avec épouse, fille, maîtresses etc. à une existence de desperado dépourvue de tout et prêt à tout. Le roman vous raconte comment.

Le début m'a fait penser à «La guerre des mondes», de H.G. Wells, quand les deux héros se rendent sur les lieux où les deux vaisseaux (maritime et spatial) ont touché terre et observent l'arrivée des intrus. Il y a vraiment un parallèle entre ces deux scènes. Ici, le héros n'a rien de particulièrement sympathique. C'est plutôt un «homme moyen», le sujet c'est plutôt la situation et la façon dont elle survient et se développe. Comme souvent en science fiction, l'auteur a voulu explorer un danger en le poussant à son extrême. C. Priest dit qu'il a voulu faire un roman-catastrophe moderne et il y a parfaitement réussi puisque cette fiction de 1972 a l'air d'avoir été écrite hier. Par contre, peut-être parce qu'il a également des ambitions littéraires, la structure choisie (récit éclaté dans le temps en passages brefs, sans avertissement) rend la compréhension un peu difficile au début. C'est néanmoins passionnant.

Moralité, veillons bien à ce que l'Afrique (ou toute autre partie du monde) soit un continent où il fait bon vivre car, "Il apparut bientôt qu'on ne pouvait échapper nulle part à la chute de l'Afrique."

978-2070469031