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16 décembre 2020

Vernon Subutex - 1 

de Virginie Despentes

*****


« C'est le troisième millénaire, tout est permis! »
Je salue particulièrement dans ce roman le tableau de notre monde moderne. Certes, elle ne nous montre qu'une certaine société, tout ne se passe pas partout comme dans le monde des rockers, des hardeuses et de leurs fans, mais tout se passe partout avec ces outils-là, et le choix de ce microcosme excessif par ses pulsions exacerbées au lieu d'être tenues en laisse, permet un rendu bien plus spectaculaire de vérités universelles, ailleurs dissimulées. Ici, on sort la coke comme ailleurs on sort le whisky, qu'est-ce que ça change, fondamentalement?
  
   Virginie Despentes sait donner vie à son monde, à ses personnages. On les suit bien, on les sent, on les devine, aussi éloignés de nous qu'ils puissent être. Parmi ces personnages, nous retrouverons La Hyène, qui avait mis un peu d'animation dans "Apocalypse bébé" que j'avais aimé, mais je trouve "Vernon Subutex" encore mieux. On voit le personnage du rôle-titre partir à la dérive tout aussi bien que partirait n'importe quel cadre moyen viré à la fin de la quarantaine. Je vous l'ai dit : une différence de forme, pas de fond entre ce monde-là et le vôtre. L'âge d'or a passé, on fait le bilan, et il y en a des vies ratées! et donc, peut-être pas plus d'ailleurs que chez les gens qui ont choisi des parcours moins spectaculaires, mais justement ici, la lose se fait mieux voir (quoique j'aie quelques exemples en tête d'équivalence chez des pékins lambda) et peut-être surtout plus vite. Bref, quand vient l'heure des bilans...
   - On savait pas qu'on allait se planter à ce point, hein?
   - Si on avait su, qu'est-ce que ça aurait changé?"
  
   Pendant que les tenants de la pensée classique continuent à nous soutenir que l'internet ce n'est pas la "vraie vie", qu'il y aurait une "vie virtuelle", dénuée de sens, de fondement et même de réalité, et une "vraie vie" dont il serait très dangereux de s'éloigner, sans qu'ils se rendent compte que ce discours n'a même pas de sens : quand nous jouons, parlons, montrons, regardons, que ce soit autour d'une table ou d'un écran, comment peut-on soutenir qu'une des deux activité est réelle et l'autre non? Elles le sont forcément toutes les deux. C'est une évidence. Différentes, oui ; mais que l'une soit irréelle, impossible. Bref, je ne vais pas repartir sur ce que certains ne comprennent pas du tout à propos du Net, quand je démarre, il y en a pour des heures.
  
   Je disais donc : pendant que les tenants de la pensée classique continuent à ne pas voir ce qu'est internet, Virginie Despentes elle, comprend parfaitement tout cela. Elle sait ce que sont nos vies actuelles avec le web (son personnage La Hyène gagne même sa vie en y faisant et surtout défaisant des réputations – ce qui nous permet au passage à ses victimes de bien constater si on est dans le réel ou pas) et c'est un plaisir de lire un roman vraiment juste sur le monde actuel. J'ai hâte de lire la suite. Je me suis parié ce qu'il y avait sur les bandes enregistrées si recherchées... je verrai si j'ai raison.*
  
   Dommage qu'elle n'ait pas eu le Prix RTL-LIRE.
  
   PS : Petit rappel, le Subutex est un médicament qui sert de traitement substitutif aux drogues opiacées.
  
   Morceaux choisis :
   (parlant des jeunes filles) "A notre époque, si on aimait faire chier le monde, on faisait du X, mais aujourd'hui, porter le voile suffit."
  
   "Elle avait pour ambition d'écrire quelque chose de bien. C'est toujours un problème. Ce n'est pas parce qu'on se dit "je vais dessiner un pur-sang au galop" qu'on y parvient. Le plus probable est qu'on finisse par gribouiller un machin qui ressemble à peine à un rat écrasé. La gamine voulait un livre qui serait comme une cathédrale en plein ciel, elle ne réussirait probablement qu'à délivrer un cabanon en contreplaqué."
     
   "Mais Facebook est passé par là et cette génération de trentenaires est composée de psychopathes autocentrés, à la limite de la démence. Une ambition crue, débarrassée de tout souci de légitimité."
  
  
   * Non, j'avais tort


978-2253087663