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03 janvier 2024

Saules aveugles, femme endormie 

de Haruki Murakami

****


Un recueil de nouvelles, chose assez rare chez moi. Il aura fallu que ce soit un auteur qui m'attire vraiment, mais pour Murakami, je suis prête à surmonter ma réticence envers les récits courts. Vingt-trois nouvelles, quand même, c'est dire que certaines sont assez brèves mais le recueil compte quand même 510 pages... Certaines de ces nouvelles avaient déjà été publiées auparavant, mais pas toutes, d'autres ont été rédigées pour l'occasion. L'auteur dit parfois que la rédaction de nouvelles est comme une récréation pour lui au milieu de l'écriture de romans. J'ai eu à la lecture l’impression qu'elles avaient été écrites par un Murakami trentenaire ou à la limite quadragénaire, ce qui se confirme, même si certaines ont été rédigées plus tard. Elles le furent entre 1980 et 2005 selon Wikipédia (soit de 31 à 56 ans).  Dont acte. Elles ont été choisies par l'auteur lui-même pour composer ce recueil.

Les sujets sont très divers mais on trouve très souvent des histoires de jeunes couples en formation ou en voie de délitement. On retrouve les personnages de Murakami, propres, lisses et en même temps insondables. Plusieurs ressassent des histoires par lesquelles on sent que l'auteur est lui-même fasciné. Il les saisit, les anime, les fait tourner devant ses yeux pour en examiner les différentes facettes et les pousser un peu plus loin qu'elles ne sont allées, ou pourraient aller...  La nostalgie n'est pas exclue non plus car on se plonge plusieurs fois dans des souvenirs d'adolescence, les études, les amis, les filles,  les soucis de virginité, peu ou pas de famille ou juste à l'arrière plan, dans le décor (sauf pour la nouvelle éponyme, justement). Une vision poétique du monde qui frôle souvent le fantasme, où l'imaginaire flirte avec le réel, où le non-dit est à créer par le lecteur.

Si vous ne connaissez pas encore l’œuvre de cet auteur, premièrement, il faut rapidement faire quelque chose, deuxièmement, ce recueil peut être une base de départ. Il ne me semble pas exagéré de dire que selon que vous l'aimerez ou non, vous aimerez l'ensemble. Il y a "l'ambiance Murakami".

C'est un bon recueil. N'hésitez pas s'il passe à portée de votre main.

978-2264044747



04 décembre 2020

 Le Meurtre du Commandeur 

2 - La métaphore se déplace  

de Haruki Murakami

****+


Le tome 1 avait bien mis en place la situation et présenté les personnages. Situation et personnages sont à la fois "normaux" et singuliers, voire carrément étranges. Ils vont continuer dans cette tonalité. On s'était beaucoup demandé ce qu'étaient les vraies intentions de l'étrange voisin Menshiki, quel était le secret du peintre Tomohiko Amada, propriétaire de la maison, peintre ayant créé ce tableau dont est issu le Commandeur et ce que deviendrait ce personnage fantastique. Où se trouve le réalisme, où commence le fantastique, qu'est-ce qui est sain, qu'est-ce qui est trouble mental ? ...
   
   Ce second tome ne déçoit pas. Il est au moins au niveau du premier pour la puissance de la créativité. La jeune modèle du personnage principal disparaît, les recherches restent vaines. Et finalement, dans la chambre de la résidence où agonise le vieux peintre, tout bascule : "Une trappe s'ouvre dans un coin de la chambre. Un personnage étrange en surgit, qui l'invite à entrer dans le passage souterrain." (l' , le narrateur)
   Mais où Haruki Murakami nous a-t-il entraînés? Dans quel monde sommes-nous? "Quand je levai la tête, je constatai qu'il n'y avait pas de ciel."
   Qu'y a-t-il, quand il n'y a pas de ciel?
   
   Le monde des rêves peut-il avoir prise sur celui de l'éveil? Et quelles en sont les conséquences? "Moi aussi, j'avais dépassé les contraintes physiques de la réalité."
   
    Des personnages dépouillés, avec quasiment rien en dehors de ce qui touche à l'histoire qui fait l'objet du roman. Des personnages hygiénistes et méticuleux, froids et déterminés... et des objets. Des accessoires avec marques citées, modèle et marque, avec une précision importune, indiquant ainsi qu'ils sont partie importante du personnage. Chez Murakami, les objets sont peu nombreux, on évolue dans un décor dépouillé, mais ils sont traités comme des marqueurs importants. Cela me surprend toujours, moi qui ne vois habituellement en eux que des accessoires...
   
   Une petite fixation sur la croissance de la poitrine chez les adolescentes, et comme toujours avec Murakami, de la musique aussi; ici Le chevalier à la rose nous accompagne et nous emporte tout du long des deux tomes. 2.


978-2714478399 

02 décembre 2020

 Le Meurtre du Commandeur 

1 - Une idée apparaît 

de Haruki Murakami

****+


L'éditeur nous promet avec ce nouveau roman d'Haruki Murakami "une œuvre exceptionnelle", comment résister? D'autre part, les romans de cet auteur ne le sont-ils pas toujours plus ou moins? Avec ou sans la quatrième de couverture dithyrambique, je me serais précipitée pour lire cette nouvelle fourniture, et j'aurais constaté qu'il y a en effet comme un nouveau concept: le thriller lent et l'histoire de fantôme non bienveillant qui ne fait pas peur.
   
 Vous l'aurez remarqué, les thrillers vont toujours à toute allure, pour ne pas vous laisser le temps de réfléchir, vous bousculer et vous déstabiliser. Celui-ci, non, il prend tout son temps et vous laisse réfléchir autant que vous le voulez, il vous y incite même, et pourtant, vous ne vous en sortez pas mieux. Vous êtes pris.
   
    Vous l'aurez remarqué également, les histoires de fantômes aux pouvoirs surnaturels, quand ils ne sont pas de bons gros marshmallows de la littérature pour enfants, déclenchent la peur, et pour commencer, celle des personnages du roman où ils apparaissent. Rien de semblable ici. Le narrateur voit apparaître ce spectre et l'accepte comme tel. Il ne se réjouit ni ne craint sa présence. Il la prend simplement comme un fait objectif et n'émet aucune conjecture sur ses intentions. Il n'était pas là avant, mais maintenant il y est. Il ne sait ni pourquoi, ni ce qu'il veut, mais il ne s'en préoccupe pas vraiment et ne se sent pas menacé (alors qu'il le pourrait). Cette peur des personnages est nécessaire pour déclencher celle du lecteur. Ici, le lecteur se captive pour ce qui arrive, mais adopte la position "wait and see" du narrateur.
    Mais que je vous en dise plus à son sujet.
   
   Cet homme jeune, peintre professionnel, vient de vivre six ans de bonheur sans nuage avec son épouse Yuzu quand un soir, elle lui annonce qu'elle ne "peut" plus vivre avec lui, sans lui donner la moindre explication. Elle reconnaît ensuite aimer un autre homme. Notre peintre, qui l'aime toujours autant et n'a perçu aucun signe avant-coureur, accepte là aussi les faits sans les discuter et part immédiatement, abandonnant tout ce qui faisait sa vie jusqu'à ce moment. Il achète une voiture d'occasion et part sur les routes, sans le moindre but, avalant les kilomètres, les paysages et les motels, sans destination ni projet. Quand sa voiture rend l'âme, il décide de cesser son errance et de se trouver un logement. Son meilleur ami a hérité de la demeure isolée en pleine montagne de son père, peintre célèbre et accepte de la lui laisser en location contre le gardiennage.
   
   Dans sa jeunesse, après avoir été un peintre attiré par l'art moderne, il avait renoncé à ses ambitions créatrices quand il avait eu à gagner l'argent du ménage, et qu'il s'était alors mis à peindre des portraits sur commande et par pur souci commercial, alors qu'il méprise cette activité. Cependant, la surprise est que ses portraits sont de plus en plus appréciés et qu'à son grand étonnement, beaucoup admirent énormément son talent en la matière. Lui, persiste à n'y voir qu'une forme mineure de peinture. Une fois installé dans la chalet de l'artiste, il compte se mettre au travail dans un nouveau registre, puisqu'il a cessé toute activité en quittant sa femme et sa vie antérieure. Mais rien, ne lui vient et il patiente. Il a par ailleurs découvert un tableau secret du peintre qui occupait les lieux avant lui: c'est le Commandeur du titre, et d'autre chose aussi, que vous découvrirez. Rapidement, son ex-agent lui apprend qu'il a reçu une demande de portrait si faramineuse qu'il lui est impossible de la refuser... Le narrateur, qui arrive au bout de ses économies est stupéfait de l'énormité de la somme promise et ne peut qu’accepter.
   
   Nous faisons alors la connaissance d'un nouveau personnage. L'étonnant Menshiki, n'est pas seulement immensément riche, c'est également un homme aussi étrange que mystérieux. Que veut-il exactement? Il apparaît bientôt que ses attentes ne se limitent pas à son portrait... Et quelle est cette histoire de fantôme, d'esprit, d'idée qui apparaît? Notre peintre perd-il la raison? Se fait-il manipuler? Ou faut-il accepter les évènements tels que, comme il le fait, sans les discuter?
   
   Derrière cette intrigue très captivante, le lecteur découvrira une vraie réflexion sur la création artistique en peinture et des considérations sur le bouddhisme, l'éveil, la mort, les liens du sang etc. Le personnage phare est bien conforme aux habitudes de Murakami, un homme posé et réfléchi, adepte des tâches ménagères, peu enclin aux emportements... Et pourtant. Ce premier tome se termine sur une ouverture inattendue, qui, je pense, vous surprendra. En tout cas, elle m'a surprise, moi. Et je plonge sur le tome 2.


978-2714478382