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23 décembre 2025

Nouvelles orientales

de Marguerite Yourcenar

*****

978-2070299737


Ce recueil de nouvelles a été publié en 1938 mais souffre peu du vieillissement. Cela est dû à la forme proche du conte qui leur est donnée et aux thèmes éternels qui sont abordés. : le but de la vie, les relations amicales, amoureuses ou de pouvoir entre les hommes, l’art, la mort. Nous évoluons dans des mondes aux possibilités magiques où toute transformation st possible, bel accès à la poésie.

Le prétexte central d’une croisière d'Européens nantis sur la Méditerranée les unit de façon lâche. Sur le pont ou en escale, ces coreligionnaires d’occasion aiment se distraire les uns les autres en se racontant des histoires qu’ils ont eux-mêmes glanées au fil de leurs voyages. L’inspiration en est "orientale", mais au sens large d’un Orient qui va des Balkans aux confins de la Chine. Nous découvrirons ainsi dix courts récits. Mon préféré, s’il fallait en choisir un serait sans doute le premier "Comment Wang-Fô fut sauvé". Ce n’est sans doute pas par hasard qu’il est le premier à se présenter à nous, le lecteur harponné ne peut que se laisser ensuite emporter jusqu’à la fin du livre, dégustant l’une après l’autre ces dix friandises au style merveilleux, toujours étonné et toujours curieux de découvrir la surprise de la suivante. Mais n’allez pas imaginer un monde de contes de fées, bien au contraire ! Aucune de ces nouvelles n’est dénuée de violence et même, le plus souvent, de cruauté. On frémit souvent de l’extrême brutalité des événements. De même, le personnage principal survit rarement au point final. C’est dur, cruel, impitoyable, violent. Avec "Le sourire de Marko" par exemple, on atteint à une histoire atroce, ridicule et magnifique à la fois. C’est trop tout.

La morale cachée dans ces récits n’est pas une morale convenue et "sociale", c’est une réflexion individuelle, un pas dans la voie de la sagesse.

Mais ce qui frappe surtout, c’est la beauté de l’écriture de Marguerite Yourcenar et sa dimension poétique. Presque chaque phrase est une image,

"Je me représentais le monde, le pays de Han au milieu, pareil à la plaine monotone et creuse de l main que sillonnent les lignes fatales des cinq fleuves."

un dépassement de la simple réalité. Elle nous dit tant de choses à la fois ! Quelques mots lui suffisent.

"Ses mains ligotées souffraient, et Ling désespéré regardait son maître en souriant, ce qui était pour lui une façon plus tendre de pleurer."

J’ai déjà lu et aimé la plupart des romans de Marguerite Yourcenar, mais cela commence à dater un peu. Je m’aperçois qu’il est temps pour moi de la relire. Je vous parlerai à nouveau d’elle en 2026.

  168p