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24 novembre 2025


Tovaangar

de Céline Minard

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978-2743667917


La civilisation humaine n’est plus. Céline Minard nous projette dans un monde futur qui s’est reconstruit sur ses ruines. Ici ou là, apparaissent encore des vestiges, "le betume", "le concrète", "le barraj"… en voie de disparition et qui plongent les nouveaux habitants de la terre dans la perplexité quant à leur raison d’être et dans le dégoût quant à leur composition. Nous sommes peut-être à l’ancien emplacement de Los Angeles, bien que dire cela n’ait plus aucun sens. Le monde est maintenant habité par des êtres (appelés "corps") dans lesquels on retrouve certaines caractéristiques animales ou humaines connues actuellement, mais tout cela s’est combiné différemment et rien n’est semblable à ce que nous connaissons. Aucune espèce n’est dominante ou alors pas au-delà d’un petit territoire très délimité. Les espèces cohabitent plus ou moins harmonieusement car la loi commune est que chacune est en droit de jouir du monde. De toute façon, aucune n’aurait l’idée de consommer, détruire ou exploiter plus qu’il ne lui est strictement nécessaire. Chacune reconnaît instinctivement aux autres le droit d’exister et de veiller à ses propres intérêts. Les langages ont suffisamment de socle commun pour qu’un minimum de compréhension soit possible et généralement, bien plus. Mais tous ces langages ne sont pas oraux. Certains par exemple, comme notre héroïne, captent aussi le langage des plantes qui s’expriment par émanations. Il y a également quelques robots. Devenus autonomes, ceux qui se contentaient de l'énergie solaires continuent leurs tâches (souvent observer, archiver) et se mêlent plus ou moins aisément aux espèces biologiques. Vestiges anachroniques d’un monde haï, ils ont parfois du mal à se faire accepter. Une mémoire ancestrale les classe du côté de l'ennemi maintenant disparu.

De très anciennes légendes, dont il ne reste plus guère que des rumeurs incertaines, parlent d’un monde qui les aurait précédés, peuplé par ce que l’on appelle "les Extracts" car ils avaient basé toute leur existence sur l’extraction et la captation forcenée des ressources naturelles. Cette façon de faire méprisable et brutale portait à l’évidence en elle sa propre condamnation. Ce qui advint. On appelle cette époque "la Sauvagerie", ce qui resitue bénéfiquement ce que nous appelons aujourd’hui "sauvage". C'est dans ce nouveau monde que nous allons suivre notre personnage principal et ses amis/es. Ah oui, j'oubliais, personne n'est strictement genré, ni même spéciste.

Suivez Céline Minard qui vous emmène visiter ce nouveau monde et qui vous y introduira, vous faisant assister à des scènes et vivre des aventures qui ne peuvent que nous paraître inouïes mais dont globalement, la douceur naturelle malgré les dangers, vous étonnera et vous séduira. Vous découvrirez un monde où même les mots ne sont plus exactement les mêmes, mais surtout, c’est la relation au monde et à l’autre qui a complètement changé. Nous découvrons qu’il y a au moins une mais forcément plusieurs, façons viables d’être au monde.

Brillant, original, riche, puissant, captivant, humoristique, aventureux, expérimental, innovant, portée par une belle écriture, nécessitant un bon niveau de vocabulaire (pas de pensée riche avec un vocabulaire pauvre)… Alors qu’il figurait dans la première sélection du Prix Médicis, "Tovaangar" a été évincée de la seconde au profit d’œuvres bien moins originales et créatives. Je ne cite personne. On sait ce que valent les prix littéraires.