Chien 51
de Laurent Gaudé
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Quatrième de couverture :
"C’est dans une salle sombre, au troisième étage d’une boîte de nuit fréquentée du quartier RedQ, que Zem Sparak passe la plupart de ses nuits. Là, grâce aux visions que lui procure la technologie Okios, aussi addictive que l’opium, il peut enfin retrouver l’Athènes de sa jeunesse. Mais il y a bien longtemps que son pays n’existe plus. Désormais expatrié, Zem n’est plus qu’un vulgaire “chien”, un policier déclassé fouillant la zone 3 de Magnapole sous les pluies acides et la chaleur écrasante.
Un matin, dans ce quartier abandonné à sa misère, un corps retrouvé ouvert le long du sternum va rompre le renoncement dans lequel Zem s’est depuis longtemps retranché. Placé sous la tutelle d’une ambitieuse inspectrice de la zone 2, il se lance dans une longue investigation. Quelque part, il le sait, une vérité subsiste. Mais partout, chez GoldTex, puissant consortium qui assujettit les pays en faillite, règnent le cynisme et la violence. Pourtant, bien avant que tout ne meure, Zem a connu en Grèce l’urgence de la révolte et l’espérance d’un avenir sans compromis. Il a aimé. Et trahi.
Sous les ciels en furie d’une mégalopole privatisée, “Chien 51” se fait l’écho de notre monde inquiétant, à la fois menaçant et menacé. Mais ce roman abrite aussi le souvenir ardent de ce qui fut, à transmettre pour demain, comme un dernier rempart à notre postmodernité."
Nous sommes dans un futur de quelques décennies. Zem Sparak, notre personnage principal, la cinquantaine, est né en Grèce. Il a connu la Grèce telle que nous la connaissons actuellement ou presque. Le presque, c'est que les consortiums internationaux sont devenus tellement puissants qu'ils n'ont plus besoin de se cacher pour dicter leur loi aux états. Goldtex a racheté donc la Grèce ruinée, "le territoire, mais aussi ses habitants". Mi-citoyens mi-salariés, ils sont devenus les cilariés de Goldtex et vivent "un monde privatisé où il n'y a plus de nationalités". Ils sont de moins en moins nombreux, comme Zem, à avoir connu et à se souvenir des pays d'autrefois, et ces souvenirs sont tous traumatisants car, comme on s'en doute, le passage, le rachat, ne s'est pas fait sans beaucoup de violence.
Zem, homme dur, à demi détruit, se ressourçant dans les paradis artificiels, est une sorte d'inspecteur de la criminelle affecté à la zone 3, terrains vagues où la pluie est jaune et huileuse et que les tempêtes ravagent régulièrement, la zone la plus misérable et dangereuse. Mais Sparak aussi est dangereux. Il a ses parts d'ombre qu'il essaie de racheter en se consacrant à la traque des assassins de pauvres.
"Chien 51" est de la science-fiction, mais c'est aussi un roman policier sur fond de campagne électorale. On a retrouvé dans la zone 3, le cadavre d'un homme éventré et aux organes arrachés. Cela ne serait pas absolument remarquable dans cette zone si la victime n'était pas un habitant de la zone 2 bien plus bourgeoise et qui est protégée par un dôme. Or, comme on s'en doute, il n'est pas dans les habitudes des habitants de la zone 2 d'aller se promener en zone 3. Que faisait-il là? Voilà de plus que l'autopsie révèle que c'était un "greffé", or les greffes d'organes, grosses valeurs de ce monde qui vise l'immortalité de quelques-uns et la très grandes mortalité de beaucoup d'autres, ne sont distribuées qu'à une rare élite. Un registre des heureux récipiendaires est strictement et très officiellement tenu, or cet homme n'y figure pas, ce qui est absolument impossible. Qui est cet homme ?
Un roman captivant et profond aussi, qui parle de la dérive de notre monde, de ce qui le meut vraiment et de ce qui, finalement, a de la valeur pour l'homme. Qui montre a contrario, comment il se détruit en permanence et détruit son univers. Notre univers. Comment, dans la logique folle qui s'emballe, logique de l'argent, le malheur est aussi universel qu'individuel.
978-2330168339