19 septembre 2022

La Vie exagérée de Martin Romaña 

Alfredo Bryce-Echenique

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Ce roman est le premier volume du diptyque "Cahiers de navigation dans un fauteuil Voltaire". Le second est "L'Homme qui parlait d'Octavia de Cadix"

C'est une histoire d'amour et de déraison. Une passion totale et très tendre, mais les histoires d'amour...

Installé "dans (m)on fauteuil Voltaire remémorateur", Martin Romaña, le narrateur rappelle les souvenirs de sa jeunesse, quand, jeune péruvien de bonne famille, il avait rejoint Paris dans les années soixante, pour voir si c'était bien une fête. Sa famille le voulait avocat, il se veut écrivain et bohème. A Lima, il était tombé fou amoureux d'Inès et par chance, elle le rejoint bientôt à Paris. Par chance? Au début oui, la passion amoureuse est parfaite entre eux. Ils logent dans un minuscule appartement sous les toits où leur propriétaire ("le monstre") sadique fait tout pour leur pourrir la vie sans même y parvenir tant ils flottent sur leur petit nuage. Il fréquentent à ce neuvième étage, un monde de pauvres pour qui Paris est trop cher mais qui y vivent quand même. C'est un peu comme une rue de village et on s'amuse des portraits esquissés avec talent. Ceux qui ont vécu dans ces "chambres de bonne" saisiront tout de suite l'ambiance et le décor. Ils sont bien rendus.

Le couple qu'il forme avec Inès est bâti sur des rapports quasi mère-enfant. Elle est la raisonnable, la forte, celle qui décide, et lui l'enfant tout fou, aux actes imprévisibles. Ils ont tous les deux accepté ces rôles parce qu'ils leur sont commodes et réellement proches. Martin Romaña est sujet aux lubies les plus inattendues et dont les conséquences ne le sont pas moins. 

Parallèlement, plutôt à l’instigation d'Inès, ils font tous les deux partie d'une cellule communiste qui impose comme elles l'ont fait partout dans le monde le corset de la ligne du Parti et, comme on peut s'y attendre, Martin a le plus grand mal à s'y intégrer. En attendant, puisqu'il est écrivain, la cellule l'a chargé d'écrire un livre sur les luttes syndicales des marins pêcheurs, sujet dont il ignore absolument tout et qui ne l'inspire absolument pas, mais, pour l'amour d’Inès, il obtempère comme il peut.

Je vous laisse découvrir le développement de l'histoire. Bientôt viendra Mai 68 qui ne sera qu'une exagération de plus dans la vie déjà bien exagérée de Martin Romaña. Mais ce que ce roman est surtout, c'est une énorme histoire d'amour. Martin est littéralement fou d'Inès et quand leur histoire tournera court, il en perdra la raison et la santé, et alors là, attention, pas une discrète "maladie de poitrine" qui vous permet d’abandonner quelques poignantes gouttelettes de sang sur un mouchoir de dentelle, non, comme on pouvait s'y attendre avec lui, il somatisera bien différemment. Ce sera... dantesque! Ou rabelaisien, plutôt.

Ce gros roman foisonnant est un roman picaresque ou Romaña, l'alter ego de Bryce-Echenique, nous entraîne dans les aventures les plus incroyables à travers l'Europe. Il y a plein de clins d’œil amusants, ainsi, le fait que Romaña connaisse bien Bryce-Echenique, et le fréquente, il se fera même mettre KO par lui. On oscille de la compassion au rire. C'est très drôle par moments, bien vu, plein de finesse, et émouvant toujours, mais ce qu'il y a par dessus tout, c'est le style, l'écriture! Une écriture pour amoureux de la littérature où, au fil des pages, l'auteur crée sa propre syntaxe et son propre vocabulaire. C'est admirable... mais pas à la portée de tous les lecteurs. Je préfère le signaler. Quand après cette lecture, j'ai enchaîné avec un gentil auteur français fort bien coté, ce dernier n'a pas supporté le choc de la comparaison. C'en était pathétique. Sommes-nous devenus trop peu exigeants littérairement? Pas exclu. 

978-2020132268

671p  



12 commentaires:

  1. Il est parfois préjudiciable pour certains auteurs de passer après d'autres. On se demande parfois pourquoi on se contente du médiocre quand on peut avoir le meilleur (qui n'est malheureusement pas toujus mis en avant).

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    1. Le piège étant que le niveau baisse insensiblement, porté par des gens plutôt sympathiques et universellement confirmés et qu'on oublie ce que cela pourrait/devrait être.

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    2. Je viens d'ajouter ton blog à ma liste (bas droite) des blogs que je visite

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  2. Hop hop hop, je note immédiatement ! Ton billet me fait vaguement penser à Bolano (et ça, c'est L'argument pour me convaincre)..

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    1. Rhoo, ses titres ne sont pas disponibles en librairie, même sur commande... je vais essayer de le trouver d'occasion.

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    2. Oui, moi je l'ai eu d'occasion, chez Momox, je crois ou recyclivres. Rapide, pas cher ;-)

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    3. Oui, il y a de ça. On pense aussi à Gabriel García Márquez et à Hemingway (référence du personnage) pour ces récits d'étrangers venus faire leurs Arts à Paris...

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  3. Eh bien le voilà, ce fameux roman-avec-un-fauteuil-sur-la-couverture ;) ! Second pavé (et pas des moindres, d'après ce que tu en dis) enregistré.

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  4. Eh bien il a l'air génial ton péruvien ! J'ai couru retrouver dans ma "PAL" L'amygdalite de Tarzan. C'est aussi une histoire d'amour. Le style jubilatoire fait effectivement penser à Garcia Marquez. Bien loin du dernier petit roman français de la rentrée que je viens de lire...

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    1. Eh oui... il y a une marche.
      "L'amygdalite de Tarzan", quel titre inspirant. Je l'ai aussi repéré, mais pas lu :-)

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