Fatherland
de Robert Harris
****+
Initialement traduit sous le titre "Le Sous-marin noir"
On ne peut pas lire ce roman de Robert Harris sans penser à Philip Kerr, sauf que Bernie Gunther, le héros de Kerr est censé évoluer dans le troisième Reich alors que Xavier March, celui de Harris, évolue en 1964 car nous avons ici une uchronie basée sur le postulat qu'Hitler a gagné la guerre et que toute l'Europe est maintenant à lui. Le régime nazi est installé partout, avec toutes les joyeusetés qui le caractérisent. Il contrôle bien sûr jusqu'à l'intimité des gens. On ne sait pas ce que sont devenus les Juifs d'Europe. On ne les voit plus. Ils ont dû être déplacés vers l'Est...
March est un policier qui croit encore à son rôle. Il a fait la guerre dans un sous-marin, il a risqué sa vie mais sous les flots. Il a peu vu ce qui se passait à l’extérieur, puis il a repris la vie civile dans la Kripo. Il est là pour protéger. Dans son uniforme noir d'officier SS il voit bien qu'il effraie tout le monde et il utilise cette crainte pour mener à bien ses enquêtes sans trop se poser de questions. Sur le plan personnel, il est divorcé et a un jeune fils qui se détourne de plus en plus de lui car le gamin est maintenant entré dans les Jeunesses Hitlériennes où il est de bon ton de surveiller et dénoncer ses parents. Il ne trouve pas son père assez nazi. Il n'a sans doute pas complètement tort et dans l'entourage de March, d'autres le soupçonnent aussi.
Ce matin-là, March est appelé par erreur bien qu'il ne soit pas de service, pour un corps découvert dans le fleuve. N'ayant pas de vie privée, il accepte d'y aller pour laisser son collègue et ami en famille. Il découvrira ensuite que loin d'être n'importe qui, cet homme était un ponte nazi de la première heure. Il a participé à la Conférence de Wannsee. Rappelons que cette réunion s'était tenue en 1942 dans le but d'organiser et mettre en œuvre la "solution finale de la question juive". Tout cela était dirigé par Heydrich. Or Heydrich est toujours aux manettes en 64, alors qu'un rapprochement s'opère avec les USA. Ayant obtenu les victoires militaires, le Reich désire maintenant nettoyer un peu son image. On tente de mettre un terme à la guerre froide (qui cette fois oppose le Reich aux USA) et la visite officielle de J. Kennedy est imminente. Heydrich voudrait bien qu'on ne remette pas les projecteurs sur cet épisode de son action. On tente donc de dessaisir March de son enquête mais comme vous vous en doutez bien, celui-ci, qui n'a aucune idée de ce dans quoi il a mis le pied, ne veut rien entendre et il va de découverte nauséabonde en découverte plus puante encore.
"Imaginez une vie consacrée à démasquer des criminels et insensiblement vous découvrez que les vrais assassins sont ceux pour qui vous travailler. Vous faites quoi?"
(Ceci dit, on est déjà un peu incrédules devant ceux qui disaient en 45 qu'on n'était pas au courant, alors en 64... Mais là, c'est une fiction.)
Pour qu'une uchronie soit bonne, il faut à la fois qu'elle s'enracine dans un socle réel solide et qu'elle ouvre des développements plausibles. Ce roman est une vraie réussite. Le thriller est haletant et tordu à souhait. Il y a des assassins et des meurtres (plusieurs millions en fait), de la haine et de l'amour, des amis et des traîtres, des rebondissements vraiment inattendus... C'est la première fois que je lis Robert Harris et c'est pour admirer sa maîtrise et son savoir-faire
Ce roman est aussi à rapprocher du "Maître du haut château" de P.K. Dick, la grande originalité étant que le héros soit un officier SS en activité.
Je ne suis pas fan des uchronies ... Mais ce que tu dis de ce titre m'intrigue pourtant ... Je retiens pour un moment tranquille où les intrigues tordues pourraient me convenir.
RépondreSupprimerCelle-ci est exceptionnelle. Un roman à ne pas rater, à mon avis.
SupprimerJe partage ton avis : un roman très réussi !
RépondreSupprimerEnchantée de voir qu'on est d'accord.
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