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20 juillet 2023

Les bottes rouges 

de  Franz Bartelt

****+

Ce roman de Franz Bartelt est franchement orienté « rigolade », mais attention, dans un registre extrêmement cynique, qui ne va pas plaire à tous. Vous êtes avertis.

Le récit nous en est fait par notre correspondant local. Enfin, quand je dis « nôtre », c'est celui du journal régional, sous-produit d'un grand groupe de presse, et je peux vous dire que pour moi qui vis en province (non, je ne dis pas « en région », pourquoi ?), la peinture de mœurs est plus que très évocatrice. J'en ai vu à l'action, des échotiers comme celui-là ! Mais moins lucides sans doute, ou était-ce juste parce que je n'avais pas accès à leurs pensées réelles ? En tout cas, là, on y a accès, et c'est particulièrement éclairant (et si juste!). Je peux vous dire que ça percute, de l'article pré-écrit multi-publié où il ne reste qu'à changer quelques noms, lieux et dates, à la photo devant comporter le plus grand nombre de personnes car cela entraîne l'achat du journal par toute la famille de chacun, en passant par les buffets de vins d'honneur, tout est criant de vérité. Et drôle. Quant à ses peintures de personnages ! On a les mêmes ! Irrésistibles (cf le peintre local par exemple, puisque je parle de peinture).

Notre échotier est un homme modeste, solitaire et particulièrement allergique aux dépressifs, qui se satisfait au mieux de la vie la plus paisible possible. Il a développé un très bel alcoolisme « mondain » dit-il, « professionnel » dirais-je, qui lui suffit tout à fait comme compagnie. Ça et l'épluchage de pommes de terre, de préférence devant une fenêtre ouverte sur la pluie, qui est son enivrante pratique zen quotidienne. Il a renoncé aux femmes suite à des expériences malencontreuses et ne s'en porte pas plus mal. Surtout quand il regarde son voisin et seul « ami » qui a bien du souci avec la sienne. Ce sont d'ailleurs les mésaventures de ce pauvre voisin, magasinier de son état et fier de l'être, qui vont faire le corps de ce roman.

Basile, le magasinier, a eu une brève faiblesse pour une petite stagiaire (la promotion canapé est effleurée sans y penser, comme le sera plus tard le viol, j'avais prévenu qu'il ne faut pas prendre les choses au sérieux). Bref, son épouse, pourtant pas irréprochable non plus, l'a su et a entrepris une grande action dramatique qui va occuper les 200 pages suivantes avec beaucoup de rebondissements et de scènes tonitruantes, absurdes et comiques. Les raisonnements spécieux mais très argumentés y feront florès (comme celui démontrant que « personne n’apprécie à sa juste valeur le fait d'être trompé par son conjoint » par exemple). Drôle aussi, la philosophie strictement non interventionniste de notre narrateur, homme prudent et tenant à sa tranquillité, s'il en est.

« estimant que si Rose, percluse d'un insurmontable chagrin, en était venue à vouloir s'euthanasier, il n'entrait pas dans mes compétences de restreindre, par une hâte trop violemment salvatrice, ses chances d'atteindre son objectif. »

Drôle enfin l'incongru rencontré à chaque coin de page « En travaillant, il fredonne quelques chansons dans une langue qui mêle le breton et le maori, hommage à Gauguin. ».

Quant au style, on voudra bien excuser la crudité de certains propos « J'ouvre une parenthèse ici, non pour me justifier, mais parce que je pense que l'emploi insistant d'un langage brut et malgracieux peut apparaître comme une facilité et choquer les esprits nobles qui se seraient égarés dans cet ouvrage. Personnellement, je ne me priverais guère en censurant ces pages de tout ce qu'elles contiennent de minauderies alvines et de références rectales.(...) Seule la vérité des faits et des paroles me guide. » On le comprendra.

En conclusion, ne vous dispensez pas de cette récréation rabelaisienne qui n'a pas remporté pour rien le Grand Prix de l'Humour noir 2001.



978-2070759132