Affichage des articles dont le libellé est Houellebecq Michel. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Houellebecq Michel. Afficher tous les articles

26 janvier 2022

 Anéantir  

de Michel Houellebecq

****


Pas le meilleur Houellebecq, mais un roman qui se lit bien, même si le démarrage façon thriller fait un flop. J'attendais beaucoup de cette incroyable organisation terroriste qui réalisait avec une efficacité extraordinaire des attentats inédits et inimaginables. Comment notre Michou allait-il bien pouvoir nous expliquer tout ça ??? Eh bien, il n'a pas pu, et après avoir un peu glissé sur une pente Dan Brownienne et pataugé dans un marais sataniste où je commençais à craindre l'arrivée des Illuminati d'un moment à l'autre, il fait un flop tel qu'on ne réalise même pas quand l'affaire est considérée comme terminée... Mais bon, ça a eu le mérite de mettre un peu de tension dans ce roman, de surprendre et de soutenir l’intérêt du lecteur friand d'histoires étonnantes, comme moi.

En dehors de cela, je n'ai pas non plus trouvé Houellebecq au plus brillant de sa forme de témoin, voire d'analyste du monde actuel. On l'a connu plus lucide et même acéré. Sa déification de Bruno Le Maire surprend, et laisse dubitatif. On avait évoqué une peinture des Ehpad dont j'espérais qu'elle serait plus fouillée, plus développée et plus précise. Et que l'auteur aurait vraiment mis le projecteur sur un vrai problème de notre époque. En fait, elle se réduit à peu de choses. Il est clair que les personnages ne sont pas vraiment concernés. Ils trouveront toujours un moyen de ne pas être le grabataire maltraité qui achève son existence dans son lit souillé. En fait ce n'est pas Houellebecq, mais "Les fossoyeurs" de Victor Castanet, paru 3 semaines après qui a fait le boulot. Pour ce qui est de l'analyse politique : les activistes d’extrême droite, sont de braves gars bien disciplinés bien que capables de violence, par contre les écolos sont de « dangereux imbéciles », l'économie française n'a jamais été aussi brillante, on ne croit en rien mais on ne boude ni une messe ni quelques cierges dans les périodes difficiles, les femmes font de bonnes infirmières, la syndicaliste qui exige que les maigres moyens de l'Ehpad soient équitablement répartis entre tous les résidents est une salope. D'ailleurs, les syndicalistes sont tous des vendus, ce dont on voit le narrateur se réjouir car « le quinquennat s'était déroulé dans une ambiance de paix sociale inédite, le nombre de jours de grève n'avait jamais été aussi bas depuis le début de la V° République, alors que pourtant les effectifs de la fonction publique baissaient lentement mais inexorablement au point que certains territoires ruraux, du point de vue services publics et couverture médicale, étaient à peu près tombés au niveau d'un pays africain. » Tout ça grâce à notre « meilleur ministre des finances depuis Colbert ». Mais pas de panique, ce sera en 2027.

 On s'égare aussi parfois dans des considérations brumeuses (par exemple trois pages sur des « expériences de mort imminente » avec lumière bleue au bout d'un tunnel etc.), il présente sa simple opinion comme un fait objectif en des jugements de valeurs catégoriques mais non argumentés, ou de fortes pensées qui seraient sans doute profondes si elles ne flirtaient pas si fort avec les lapalissades : « Ce moment s'était produit, il aurait pu ne pas le faire. Des moments ont lieu ou n'ont pas lieu, la vie des personnes s'en trouve modifiée et parfois détruite, et que peut-on en dire ? Que peut-on y faire ? De toute évidence, rien » (703) On se croirait à un coin de comptoir ou au marché.

 Ceci dit, il reste un livre qui sait capter l'attention de son lecteur sur plus de 700 pages. C'est plaisant à lire. Il n'y a pas une vraisemblance extraordinaire (et même pas du tout en ce qui concerne les attentats) mais le tout est assez vivant. Il y a du rythme, plusieurs histoires d'amour, les personnages peuvent intéresser et on se croirait presque parfois dans les coulisses du pouvoir même si bien sûr, ce qui est montré n'est encore que ce qu'on veut bien nous laisser voir et croire. Le thème de la fin de vie court tout au long du roman et pousse chacun à y réfléchir. Par contre, la douleur est minorée, voire ignorée (un personnage a la mâchoire mangée par une tumeur sans que cela semble insupportable) et l'euthanasie n'est vue que comme une façon de se débarrasser des vieux trop encombrants, mais on peut espérer que le lecteur lui, sera capable de l'envisager aussi comme un droit à faire cesser une ultime torture trop effroyable.


PS: Bruno nous récite quand même son petit Corneille avec deux erreurs en deux vers, ça fait tache.

"Rome, unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui ton bras vient d'immoler mon amant !"

au lieu de...  demandez à votre mémoire (ou à Google si elle vous fait défaut)

978-2080271532

15 janvier 2021

    H. P. Lovecraft - Contre le monde, contre la vie 

de Michel Houellebecq

****+


Biographie
    "Cet essai flamboyant et franchement partisan." (Stephen King)
   
   Avant de publier son premier roman, Michel Houellebecq avait produit cet essai consacré à H.P. Lovecraft. Il y raconte le charme qu'a depuis son jeune âge, exercé sur lui ce personnage aussi étonnant que ses œuvres. Il retrouve aussi en lui, un poète, comme il l'est lui-même.
   
   Je dis "essai", je pourrais dire "biographie", ou alors, ni l'un ni l'autre. Car il y a bien une forte part de biographie, mais assez survolée. On y apprend les points les plus importants de la drôle de vie, un peu décalée et pleine de contradictions de cet homme à la fois si poli et si totalement asocial. Raciste jusqu'au nazisme, phobique mais passant son temps à imaginer les horreurs les plus effrayantes, très pauvre et ne se souciant pourtant jamais de rentabiliser son talent, insolvable et totalement désintéressé, petit blanc miteux mais élitiste, marié mais néanmoins peu sexué...
   
   Ce dernier point est d'ailleurs l'objet d'une polémique avec Stephen King qui a apporté une excellente préface à la réédition. Pour résumer, Houellebecq soutient que rien n'est sexuel chez Lovecraft ainsi qu'il le semble bien à la lecture qu'il nous offre d'un monde sans femmes ou presque, et en tout cas, sans libido ; tandis que King lui répond qu'au contraire, tout est sexuel chez cet auteur, ainsi que le montre l'examen au plus élémentaire second degré de ses créations et créatures. Quant à son homosexualité refoulée, Houellebecq se gausse, tandis que King... vous vous ferez votre idée, la mienne étant que Lovecraft était tellement "coincé" que les deux ont sans doute raison. Cette préface apporte un vrai plus au livre de Houellebecq, et n'hésite pas à aller à l'encontre de ce que soutient ce dernier, tout en l'assurant de son estime. Ces deux points : vrai plus et contradiction, sont quand même rares dans le monde de la préface en France... Ceci dit, ce pour quoi cette PRÉface reste classique, c'est qu'il vaut mieux la lire après, en POSTface.
   
   Ainsi que le titre l'indique d'entrée de jeu sans ambiguïté, dans cet ouvrage, l'auteur a choisi d'examiner la vie et l’œuvre de Lovecraft sous l'angle de sa profonde incapacité à vivre, à s’adapter à son monde et en même temps, sans doute tout autant à d'autres mondes. Il est dans un sens un être non viable, socialement, mais aussi au sens strict, il mourra jeune, d'un cancer des intestins. Il ne digérait pas les aliments, le monde, la vie...
   
   En ce qui me concerne, la biographie donnée ici était suffisante, elle me fournissait ce que j'avais besoin de savoir. Si vous désirez entrer dans les détails, mieux vaut sans doute un autre ouvrage, si vous en trouvez car ce n'est pas si courant. Et les réflexions de M. Houellebecq, que je les fasse miennes ou non, m'ont beaucoup intéressée. Donc, oui, je conseille vraiment ce court ouvrage car il permet de tout de même mieux comprendre ce qu'a fait ce drôle d'auteur autour duquel s'est créé un vrai mythe et dont on ne peut lire la production sans être curieux du personnage qui se cache derrière.
   
   « De ses voyages dans les terres douteuses de l'indicible, Lovecraft n'est pas venu nous rapporter de bonnes nouvelles »...



978-2290028537