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27 juillet 2022

Quand le dormeur s'éveillera 

d'Herbert George Wells

*****

Vive la littérature d'Aventure !

Pour bien profiter de Wells, il faut tout prendre au premier degré, retrouver son âme d'enfant, et se lancer dans l'aventure. Quand il vous raconte une guerre contre les Martiens, il faut vous imaginer tranquillement chez vous avec soudain, des Martiens qui attaquent. Que feriez-Vous ? Vous ne savez pas ? Eh bien, regardez ce que son héros a fait et vibrez avec lui. Utilisez la même méthode quelle que soit l'aventure et vous vivrez des moments passionnants, à diverses époques, avec divers monstres, face à de nombreux dangers et des plus variés. Abandonnez l'introspection nombriliste, jouez le jeu et impliquez vous, lancez-vous, prenez des risques, vivez les plus étranges aventures. Démonstration d'aujourd'hui : "Et si vous étiez le Maître du Monde".

Point d’extraterrestre ici, un homme, comme beaucoup d'hommes de cette fin du 19ème siècle. La trentaine, réduit au désespoir car il ne peut trouver le sommeil depuis six jours ! Une telle insomnie a de quoi rendre fou, et c'est ce qui arrive. Voilà notre homme épuisé envisageant sérieusement de se jeter dans un abîme de la montagne proche, où il est monté. Un peintre qui y faisait sa promenade, le trouve dans cet état et, comprenant le sérieux de la situation, refuse de le laisser seul et l'emmène chez lui. Là, il l'installe dans un fauteuil, lui sert un verre et le laisse un moment, et quand il revient, notre désespéré dort à poing fermé. Il apparaît bientôt qu'il dort même trop. Beaucoup trop, sans qu'il soit possible de le réveiller. Le corps médical s'intéresse à son cas, mais sans résultat, et finit par emporter notre Dormeur, qui ne rouvrira les yeux que... 200 ans plus tard.

Evidemment, le monde a bien changé, et il lui faudra découvrir toutes ces nouveautés, d'autant qu'il les voit avec des yeux d'homme du 19ème siècle. Cette situation permet à H.G. Wells de se livrer à un de ses jeux préférés : l'anticipation et la prospective. Il se passionnait pour ces extrapolations sur ce que le monde pouvait ou non devenir. Il adorait les mettre en situation, les faire jouer sous divers angles, pour voir se qui se passerait alors, les conséquences...

Ici, nous découvrons un monde où l'exploitation de l'homme par l'homme s'est encore accrue. Une classe dirigeante vit dans le luxe, sans contact avec le "peuple", qu'elle exploite de façon éhontée. Comme toujours, une sorte de religion ou de mythologie est bien utile dans ces cas-là, et c'est la légende du Dormeur qui, inconscient depuis deux cents ans, s'occupera (enfin!) du Peuple quand il s'éveillera. C'est bien pratique pour la classe dominante à qui l'on ne réclame rien jusque là. Et pourquoi ce Dormeur, parce que son cas médical est tout à fait exceptionnel d'une part et que, de l'autre, diverses circonstances font qu'il est devenu depuis le 19ème siècle, l'homme le plus riche du monde, le quasi propriétaire de la terre, pour tout dire. Wells montre, à cette occasion sa parfaite connaissance des leviers du pouvoir et des liens qui le lient aux puissances d'argent.

"D’un bout à l’autre de l’Empire britannique et de l’Amérique, le droit de propriété de Graham était à peine déguisé ; Congrès et Parlements étaient, en pratique, considérés comme des vestiges antiques, des curiosités. Même dans les deux empires de Russie et d’Allemagne, l’influence de sa richesse avait un poids énorme."

Dans bien d'autres domaines sociétaux également, la vue de Wells avait été particulièrement perspicace et clairvoyante : l'évolution des langues et du langage, les progrès techniques et leurs répercutions sociétales

"Après que le téléphone, le cinématographe et le phonographe eurent remplacé le journal, le livre, le maître d’école et l’alphabet, – vivre en dehors du champ des câbles électriques eût été vivre en sauvage isolé. À la campagne, il n’y avait ni ressources, ni moyens de se vêtir ou de se nourrir (selon les conceptions raffinées du temps), ni médecins capables dans un cas urgent, ni société, ni occupation utile d’aucune sorte. "

L'Education, également, autre passion de Wells, "– À quoi servirait de les gaver ? Cela ne fait que des malheureux et des mécontents. Nous les amusons. Et, même en l’état actuel… il y a du mécontentement, de l’agitation." La dictature favorise largement l'inculture.

Etc. Les supputations sur l'avenir d'un homme comme H.G. Wells, très intelligent et particulièrement à l'écoute de son époque tant du point de vue scientifique que politique, ne pouvaient être que dignes d’intérêt. Il y a eu quelques couac, mais la plupart se sont révélées très justes, et bien vues.

On se doute que l'arrivée dans cette société inique et figée, d'un homme habité par les grands espoirs du début de l'ère industrielle, encore mu par le "sentimentalisme primitif, de l’antique foi dans la justice" va faire des vagues, et de très grosses même, compte tenu du fait qu'il n'est rien moins que le Maître du Monde...

"Car, dans les derniers jours de cette vie antérieure, si loin maintenant dans le passé, la conception d’une humanité libre et égale était devenue pour lui une hypothèse très réalisable. Avec une conviction téméraire, il avait espéré, comme en vérité toute l’époque à laquelle il avait appartenu l’espérait, que le sacrifice du grand nombre au petit nombre cesserait quelque jour ; que le moment était proche où tout enfant né d’une femme aurait une chance équitable et assurée de bonheur. Après deux cents ans, la même espérance, toujours trompée, faisait entendre, à travers la Cité, son cri passionné. Après deux cents ans, il le constatait, le paupérisme, le travail sans espoir, toutes les misères de jadis, plus grandes que jamais, avaient crû avec la Cité, et pris des proportions gigantesques."

Alors, seule tache sur ce très beau roman, le racisme de Wells qui y apparaît dans la deuxième moitié. Un de ses rares défauts. Il faut dire qu'il était quasi unanimement partagé dans l'Angleterre coloniale de l'époque. Raciste absolument, mais contradictoirement, le héros dit : "Mon siècle était un siècle de rêves… de commencements, un siècle de nobles aspirations. Dans le monde entier nous avions mis fin à l’esclavage ; dans le monde entier, nous avions répandu le désir de voir cesser la guerre, le désir que tous, hommes et femmes, pussent vivre noblement dans la paix et la liberté… c’est là ce que nous espérions jadis." On le voit donc mettre l'abolition de l'esclavage au premier rang des progrès humains. Tout espoir n'est donc pas perdu, Wells n'était peut-être pas loin de briser ce carcan victorien comme il a brisé les autres, et d'évoluer.

9791027801558




23 juillet 2022

L'Homme qui pouvait accomplir des miracles

de H.G. Wells

***

Cette nouvelle nous conte l'aventure d'un homme, qui, comme le titre l'indique dès l'abord, pouvait faire des miracles. Mais il ne le savait pas encore, d'ailleurs, pour tout dire, c'est en soutenant haut et ferme devant ses compagnons de comptoir que les miracles étaient impossibles, qu'il se prouva le contraire. Alors que ses amis de pub qui, l'instant d'avant soutenaient leur réalité, ne crurent pas un instant qu'il venait d'en accomplir un et lui reprochèrent fort son mauvais tour... Ainsi va le monde, et l'humour de Wells.

Chassé de la taverne, notre faiseur de miracles teste ses capacités en des expériences de plus en plus ambitieuses, mais sans jamais prendre le temps de réfléchir à ce qui se passe et moins encore aux possibles conséquences de ses actes. D'abord timoré dans ses expériences, il ne tardera pas à ne plus y mettre la moindre limite mais... où tout cela nous mène-t-il ?

Vous le saurez en lisant cette nouvelle plus distrayante que philosophique, qui date de 1898, période où H.G. Wells fournit beaucoup de nouvelles à divers magazines. Elles n'étaient pas toutes d'une profondeur révolutionnaire, tout en prêtant tout de même à réflexion. L'originalité est ici moins totale que souvent avec Wells. Les contes de vœux omnipotents sont vieux comme le monde, mais ils sont généralement limités à trois, ici, le pouvoir est illimité et on ne parle pas de magie, mais de miracle...

Et vous? Jusqu'où iriez-vous si vous pouviez faire tout ce que vous voulez? Moi, je


PS : Un film a été tiré de cette nouvelle en 1936 , Wells en rédigea les dialogues.

978-2956766254




19 juillet 2022

 

Au temps de la comète 

d'Herbert George Wells

****


Un monde meilleur

Un vieillard en haut d'une tour, est en train d'écrire. Surgit un jeune homme inconnu qui l'interroge et, pour lui répondre, le vieil homme raconte sa vie. Je dois à ma grande honte avouer que je ne suis pas parvenue à comprendre qui était ce jeune homme, d'où il venait etc. Est-il le pur fruit de l'imagination du vieillard ? Le lecteur fictif auquel il s'adresse... ? Ce n'est pas clair. Comme il fallait s'y attendre, on le retrouve à la fin du roman mais, et pour le coup, contrairement à ce que j'attendais, la situation n'est pas explicitée.

Nous sommes à une époque qui se situe "après le passage de la comète" et nous comprenons immédiatement que ce passage a totalement métamorphosé la vie sur terre, seulement, au début, nous ne savons pas de quelle façon, et nous ne le saurons pas avant la moitié du livre, je ne vous le dirai donc pas. Le monde décrit est directement inspiré de celui de Wells jeune en cette fin de 19ème siècle. Une vie dure pour les pauvres, dont il fait partie. Le jeune homme qu'il est alors se plie mal aux exigences de son emploi et ne tarde donc pas à le perdre (on est proche de la vie de l'auteur). Parallèlement, il est épris d'une jeune fille, mais celle-ci doit aller habiter une autre ville. Les lettres, surtout pleines de malentendus, ne comblent pas longtemps l'absence et ils s'éloignent l'un de l'autre, ce que le jeune homme refuse absolument, surtout si cela doit se faire au profit d'un autre.

De son côté, il vit avec sa mère, avec laquelle il est bien désagréable. Il la traite avec un mépris familier et exigeant qu'il donne pour une forme d'affection filiale.

Au même moment, une comète s'approche de la terre au point que les hommes, d'abord distraits, la scrutent avec de plus en plus d'inquiétude, car elle se rapproche tant qu'ils commencent à imaginer qu'elle pourrait percuter notre planète. Mais le peuple ne se préoccupe pas encore de ce phénomène.

Ainsi s'écoule la vie. Par égoïsme et intolérance, le narrateur perd son meilleur ami, son emploi, sa fiancée... ce qu'il refuse au point de se lancer à sa poursuite armé d'un pistolet, et avec des intentions de meurtre...

Cela prend toute la première moitié du roman et à mon avis, c'est bien trop long. On se lasse de l’égoïsme et des rages de notre narrateur. On n'a guère de sympathie pour lui, et quand il se lance après sa fiancée, on le déteste carrément... et on se demande si on va continuer à lire ce livre, d'autant que rien n'indique que l'auteur ne donne pas raison à ce désagréable personnage. Donc, le premier but de ma chronique, sera de vous conseiller de ne pas vous désintéresser de cette histoire, et de poursuivre... car le moment où il rattrapera sa fiancée coïncidera avec celui où la comète arrivera, et après cela, plus rien ne sera pareil. Tout sur terre sera entièrement modifié et la seconde moitié de l'ouvrage nous montrera un monde qui se rebâtit sur des bases entièrement nouvelles et différentes. Wells se passionnait pour l'utopie sociale, il en a imaginé plusieurs ; ici, il tente de nous montrer comment fonctionnerait un monde idéal.

Il envisage tous les domaines de la société : travail, éducation, gouvernement, économie et, vie amoureuse et familiale. Il rêve d'amour libre et ses adversaires se sont volontiers gaussés de ce sujet, d'autant qu'il avait en ce siècle plutôt verrouillé, une liberté de mœurs que beaucoup acceptaient mal. On disait qu'il imaginait un monde où l'amour serait libre uniquement pour satisfaire ses propres fantasmes, alors que le monde libre dans tous les domaines auquel il aspirait ne pouvait faire l'économie de cette liberté-là. D'ailleurs, aucun des grands utopistes n'a pu négliger ce domaine.

Ceci étant dit, j'ai trouvé quand même que cette seconde partie, après m'avoir ravie par sa richesse d'inspiration, devenait finalement trop sucrée car, elle aussi, trop longue... Ses nouvelles relations avec sa mère virent sirupeuses plutôt que satisfaisantes.

Bref, c'est un roman qui aurait gagné à faire 200 pages plutôt que 300 et dont le vrai bon morceau est dans la description du fonctionnement d'un monde idéal. C'est dommage car c'était vraiment une idée passionnante.

"J'avais vu, jadis, de la méchanceté et de la tragédie là où je ne voyais plus que les effets d'une extraordinaire sottise. Le côté ridicule du faste et de l'orgueil humain m'apparut, et ce nouvel aspect des choses révolues m'éclaira dans ces rayons d'aurore, et provoqua un rire inextinguible."

978-2714600158


15 juillet 2022

 Le Cambriolage d'Hammerpond Park 

et autres nouvelles extravagantes

de H.G. Wells

**+


Médiocre

Le recueil référencé 9782070466955 et dont la photo est ci-dessous, contient quatre nouvelles.

L'Histoire de feu M. Elvesham (1896)

Le cône (1894)

Le trésor de la forêt (1894)

Le Cambriolage d'Hammerpond Park (1894)


L'Histoire de feu M. Elvesham

Savez-vous qu'on peut se faire voler sa vie, au sens littéral ? Eh bien, si, c'est possible, au moins dans un des mondes fantastiques de Wells. Mais bien mal acquis...

A moins, au fond que tout cela ne puisse en fin de compte s'expliquer autrement....


Le cône (1894)

« Le cône » est une histoire affreuse qui m'a fait renoncer à donner ce recueil à ma petite fille comme j'en avais précédemment l'intention. Pas originale pour deux sous, mais terrible, bien que la disposition compliquée et inconnue des lieux rende très difficile la visualisation des faits. On ne comprend pas exactement, mais en même temps, c'est horrible. Bref, détesté.


Le trésor de la forêt (1894)

Carte au trésor. Petite histoire assez quelconque et de plus entachée du racisme des colons anglais de l'époque. Aucun fantastique dans le récit. Peut-être ce que j'ai lu de moins intéressant de la part de Wells depuis que je le lis.


Le Cambriolage d'Hammerpond Park

Ni Martiens, ni mondes parallèles, cette fois, mais le bref récit d'un cambriolage. Le ton est humoristique.


Seule l'écriture de Wells sauve un peu ce pâle recueil de nouvelles décevantes. Je ne saurais le conseiller, H.G. Wells a fait tellement mieux ! Je ne comprends pas que ce soit celles-là que Folio ait choisi de rééditer. Lisez-en plutôt un autre.


9782070466955




12 juillet 2022

 L’œuf de cristal

de H. G. Wells

****+


Un œuf, mais pas de poule en vue

Trouvée sur internet, je n'ai pas de photo de couverture pour illustrer cette histoire.

Nouvelle de science fiction, « L’œuf de cristal » nous fait entrer dans la petite boutique d'un antiquaire, Mr Cave, sur les pas d'un clergyman et d'une de ses connaissances. Il a vu en vitrine un bel œuf de cristal qui lui semble avoir toutes les qualités pour décorer son intérieur. Quand il interroge le vieil antiquaire sur le prix de l'objet, il a la surprise de s'entendre réclamer une forte somme, mais l'attrait de l’œuf est si grand, qu'il accepte. Il s'entend alors répondre qu'en fait, l'œuf de cristal ne peut lui être vendu car il a déjà été retenu.

Intervient alors l'énergique et peu agréable épouse de l'antiquaire qui exige la vente de l'objet. Le commerçant ne peut obtenir qu'un report de deux jours...

Derrière les scènes de ménage qui s'ensuivent, le lecteur le moins perspicace aura deviné que cet œuf doit avoir quelque chose de particulier, de très particulier même. Nous découvrirons quoi, sur les pas de Mr Cave et de Mr Wace, jeune aide-préparateur à St Catherine's Hospital, passionné de choses scientifiques, dont il s'est fait un allié.

Le lecteur plus averti remarquera beaucoup de similitudes entre ce Mr Wace et le jeune préparateur passionné de sciences que fut H.G. Wells, et pas seulement la proximité phonétique des noms.

C'est une nouvelle intéressante dont on peut imaginer que l'idée a été inspirée à Wells par les prémices d'une invention qui allait bouleverser le monde... mais bien plus tard. Ajoutez-y quelques Martiens, et la sauce prend très bien quand on mélange avec ce vieux monde victorien. Ça a même beaucoup de charme.



09 juillet 2022

L’Étoile 

de WELLS Herbert George 

***+


Neptune est heurtée par une énorme masse lumineuse venue des confins de l'espace. La collision est colossale.  Les deux astres se mêlent. Mais cet accident énorme a modifié les trajectoires d'autres étoiles et la foule qui observe les événements, d'abord avec une simple curiosité, puis avec un intérêt scientifique, puis avec crainte, constate que la lune a changé d'orbite et qu'elle se rapproche de la terre. D'autres astres voient également leurs trajectoires modifiées, avec les conséquences physiques que tout cela peut avoir...

Nous avons ici un récit catastrophe. L'auteur veut frapper son lecteur pour bien lui marteler que nous qui nous croyons si forts et omnipotents, et notre terre elle-même, sommes en fait fragiles et à la merci d'un simple hasard cosmique. 

HG Wells parsème le récit de ce qui se passe dans l’espace, de multiples scènes minuscules (une ligne parfois) mais très imagées, du quotidien terrien habituel. Il les montre tels des millions de fourmis très occupés à leurs minuscules affaires "importantes" sous l'infini des cieux et l'infinité de ses possibles. Comme il le dira un an plus tard  dans « La guerre des mondes », il ne faut pas se prendre pour les rois de l'univers, quelque chose d'inconnu peut tomber du ciel à tout instant et nous anéantir.

En attendant, il décrit amplement tous les catastrophiques effets terrestres de la moindre perturbation de l'univers proche, et en l’occurrence, du frôlement de la terre par Neptune et l'astre inconnus mêlés : déluges, raz de marée, changements extrêmes de températures, irruptions volcaniques, tremblements de terre etc. 

Pour enfoncer le clou, il imagine des Martiens observant la terre et ne voyant là qu'un intéressant phénomène sans grande importance, un peu comme quand nous voyons une explosion solaire. Ce qui cause des millions de morts sur terre peut sembler anodin vu de très loin. Simple question de point de vue...

978-2258074064






30 juin 2022

L'Île du docteur Moreau

de H.G. Wells

****

L'intégralité du récit nous est fait par Edward Prendick, depuis son naufrage dont il est le seul survivant, jusqu'à sa mort. Rescapé donc de ce naufrage, Pendrick dérive sur un canot et est presque mort lorsqu'un navire le recueille. Ce navire transporte une cargaison d'animaux sauvages qu'un médecin alcoolique, le Dr Montgomery, emmène sur une île où son employeur les attend. Le médecin soigne le naufragé et parvient à le sauver mais lorsqu'il peut enfin quitter sa cabine et rencontrer l'équipage, c'est pour découvrir qu'il s'agit d'un ignoble ramassis de crapules, capitaine inclus. Quand médecin et chargement quittent le navire, le capitaine décide qu'il ne veut plus de ce naufragé et le remet à la mer sur son canot. Montgomery, dont ce n'était pas l'intention première, n'a d'autre choix que de le prendre avec lui. Une fois sur l'île, Pendrick fait la connaissance du «patron», le Dr Moreau, homme fermé et mutique qui semble consacrer sa vie à des expériences "scientifiques" sur les animaux. On parle ici de vivisection à outrance et sans la moindre anesthésie. Mais nous sommes encore au 19ème siècle et nul ne songe se préoccuper le moins du monde de la souffrance animale. Même notre héros, «Je ne suis pas tellement vétilleux sur la souffrance» déclare-t-il sans rougir (il ne parle pas de la sienne, bien sûr). Néanmoins, les hurlements de douleur incessants finissent par lui limer les nerfs, et l'amènent à quitter sa chambre pour aller se promener dans l'île où il découvrira une faune inattendue de monstres, mi hommes- mi-bêtes. C'est à ces fabrications-là que joue le Dr Moreau et le monstre est clairement de l'autre côté du scalpel. "L'Île du docteur Moreau" est plutôt un roman de suspens et d'horreur, un thriller avant l'heure en quelque sorte, Il n'y a ni martiens, ni déplacement dans le temps, ni invisibilité. En fait, il n'y a rien d'impossible, mais le "possible" qui est développé ici amène le lecteur à réfléchir autant qu'à trembler. 

Il faut savoir que H.G. Wells a été journaliste vulgarisateur scientifique à ses débuts et ce roman a été écrit et publié à l'époque où les questions de la vivisection et de l’expérimentation animale commençaient à faire polémique.  Certains contestaient leur utilité mais je ne sais pas s'il y avait déjà prise en compte des souffrances inutiles et défense des animaux auxquels on était loin de supposer des droits. Les mutilations et vivisections sans la moindre anesthésie étaient très nombreuses, inutiles et pratiquées sans la moindre retenue. L'homme était tellement sûr d'être la seule chose intéressante sur terre ! Quand je dis l'homme, je parle du blanc, bien sûr, mâle de préférence et si possible, britannique, vous l'aurez compris. Bref, l'âge d'or pour les petits sadiques très satisfaits d'eux-mêmes. "Vous oubliez tout ce qu'un habile vivisection peut faire avec des êtres vivants , disait Moreau" (à qui j'aurais aimé faire avaler son scalpel avec sa suffisance si on n'avait pas été dans un roman.)

Voilà, c'est toutes ces questions, centrales, vous le savez peut-être, que soulève Wells dans ce roman dans lequel certains ne verront qu'un page-turner à la tension poignante. Chose qu'il est aussi car je ne vous ai pas dit ce que Moreau essaie de faire et comment tout cela va se terminer... mais je veux bien quand même vous dire que les dernières pages ajoutent une profondeur inattendue au récit.

Au bilan, je ne suis pas sûre de ce qu'était la position de Wells sur la vivisection et cela me met mal à l'aise avec ce récit. Malaise encore avec toutes ces expériences inutiles et monstrueuses. Si je ne m'étais pas engagée à lire ce roman, je l'aurais sans doute interrompu dès mon arrivée sur l’île tant les évocations, bien qu'imprécises, sont pénibles et révoltantes. C'est pour ces raisons que je ne comprends pas ce que ce roman fait dans des éditions pour enfants. Y aurait-il encore tant de gens pour qui la souffrance animale n'est pas grave ? Moi, je crois qu'on connaît la valeur d'un humain à la façon dont il traite les animaux.


978-2070401789



10 juin 2022

L'homme invisible

H.G. Wells

*****

Lutte à mort

« L'homme invisible » a été le troisième roman de science-fiction qu'H.G. Wells a écrit, après « La machine à explorer le temps » et « L'ile du Dr Moreau ». Et là encore, comme dans La Machine, il a mis le doigt sur un vieux rêve de l’humanité : l'invisibilité – et mieux, il l'a comblé. Un rêve que tous les hommes partagent. Combien de fois avons-nous dit ou songé « J'aimerais être une petite souris (ou invisible) pour savoir ce q... », Etre là où on peut voir, entendre, faire tout ce que l'on veut, sans que personne ne le sache. Dès l'antiquité, l'homme en a rêvé, et en cette fin de 19ème siècle, Wells allait arriver à faire presque croire à ses contemporains que les foudroyants progrès de la science que leur époque connaissait, allaient permettre de le réaliser, voire, l'avaient déjà permis à certains génies... C'est que notre auteur, journaliste de vulgarisation scientifique à cette époque, maîtrise assez bien son sujet pour lui faire prendre au maximum les apparences d'une possibilité scientifique réaliste. Il s'appuie sur de vraies recherches, et glisse juste, le petit bémol fictionnel qui leur permettrait d'avoir pour conséquence l'invisibilité. C'est la base de la science-fiction (comme son nom l'indique) et le lecteur n'en demande pas plus. Cela lui suffit pour embarquer dans la grande aventure et suivre Griffin, l'homme invisible.

Ce qui, à mes yeux, fait l’intérêt du livre, en dehors de cette mine de possibilités qu'est l'invisibilité, c'est la psychologie des personnages. Griffin, notre homme invisible, est un cas ! Si Wells s'était contenté de nous montrer, par l’entremise d'un gentil héros, toutes les aventures qu'un homme invisible pouvait connaître, cela aurait encore été amusant, mais son roman aurait été bien inférieur. Loin de là, il s'est choisi un personnage principal dont le moins qu'on puisse dire est qu'il a une forte personnalité, atypique et malcommode, et il l'a laissé l'exprimer. Du coup, la tension est tout de suite très forte, et loin du ronron d'un conte, on se trouve dans une histoire où tout est possible et où l'on se demande toujours jusqu'où cela ira.

C'est vrai que Griffin est peu sympathique, malhonnête, voire criminel... Il a dès le départ, le chic pour se faire détester de tous, même des chiens. C'est qu'il déteste tout le monde, lui aussi. Le monde l'agace, il ne supporte personne et il est blessant avec tous. Mais la société en a tout autant à son égard. Pour ma part, je vois aussi Griffin comme un surdoué caractériel qui a toujours pâti de sa non conformité à la norme et qui maintenant, entend tirer tout le parti possible (jusqu'à la pire mégalomanie) de sa trouvaille. Du moins, au départ. La situation difficile dans laquelle il se trouve lui met les nerfs à vif, ce qui n'arrange pas sa patience. Son état physique n'est pas fameux et se détériore. Evidemment, à un moment, d'excès en excès, il dérape dans la folie... (D'ailleurs, n'en fallait-il pas dès le début pour expérimenter sur lui-même son produit ?) Mais, comme on le verra, là encore, le monde ne lui fera pas de cadeau. Il s'estime au dessus des lois, mais de toute façon, il n’avait plus sa place dans le monde (à part comme bête de foire). Il vole, on le trahit, il tue, on le poursuit comme du gibier... Il y a beaucoup de violence dans ce roman, de pression, d'injustice, d'abus. De part et d'autre. Tout le monde abuse de son pouvoir dès qu'il en a un et la vox populi n'est pas plus tendre que lui. Griffin, s'y prend mal, il ne maîtrise rien. Il a un gros QI, mais un petit QE*, on sait maintenant que c'est un mauvais mélange...

Ceux qui croient que Wells est un auteur pour enfant se trompent lourdement et font preuve d'ignorance.


* Quotient émotionnel

978-2253004851



15 mai 2022

 MOIS H. G. WELLS 

*

Bon, alors voilà j'ai fait cet après-midi un petit dessin qui pourrait servir de logo pour nos mois Wells. (Faut pas être difficile dans la vie)



Vous n'aurez plus qu'à le copier et lui adjoindre le lien  

Qui peut participer? Tout le monde. Si vous n'avez pas de blog, je vous ferai une place sur la Petite LISTE.

Qu'est-ce qu'on gagne? Rien.

Quelles sont les règles? A partir de tout de suite et jusqu'à fin juillet, si vous voulez bien participer, il faudra lire et chroniquer sur votre blog  avec un lien vers ici, un roman ou une nouvelle d'H. G. Wells. Vous venez me mettre le lien ici dans les commentaires et je vous ajouterai sur la fiche récapitulative en espérant que cela vous vaudra de nouveaux visiteurs.

On peut trouver les textes de Wells en ebooks gratuits sur internet. On peut même les avoir en audio gratuit ici: Littératureaudio.com

Je prends aussi les biographies de Wells, comme celles de Laura El Makki, par exemple ou de Joseph Altairac

Tadloiducine qui habite sur le blog de Dasola, fera de même avec les films et les BD inspirés de romans de Wells, 

C'est parti !



05 janvier 2022

La guerre des mondes

de H. G. Wells

*****

Passionnant ! 

Et comme ce roman a bien vieilli ! Sauf si vous êtes allergique à l'écriture classique vous allez passer un excellent moment avec cette "Guerre des Mondes" que tout le monde croit connaître, mais que peu ont vraiment lu. Eh bien, vous avez tort. Même si vous pensez connaître l'histoire (c'était mon cas) , cela vaut vraiment la peine d'être lu, et, comme le souligne J. Altairac dans son ouvrage "Il semble bien qu'avant Wells, il n’existe qu'un seul texte décrivant l'invasion de la terre par des extraterrestres . (...) Et revoilà Wells dans le rôle de créateur de thèmes de science-fiction. L'invasion extraterrestre va devenir, comme le voyage dans le temps, un des motifs les plus exploités du genre."

Et à propos, pourquoi "Martiens" et non "Marsiens", puisqu'ils viennent de Mars ? Eh bien, je vous le dirai vers la fin de ce commentaire, vous aurez au moins appris quelque chose.

Revenons à notre histoire. Nous sommes à Londres et sa proche banlieue, à la toute fin du 19ème siècle. Les Martiens, donc, débarquent près de Londres, dans des fusées (pas de soucoupe) qui atterrissent au rythme de une par jour. Les Anglais, déjà amplement persuadés de leur supériorité sur le reste du monde, ne doutent pas non plus beaucoup de l'élargir à cette nouvelle engeance. Pour l'instant, on observe, sans que cela déclenche un grand émoi dans la capitale toute proche et en répétant abondamment que la gravité bien plus forte sur Terre que sur Mars, les condamnera à une pénible et lente reptation...

 Et ce n'est pas faux, sauf que les Martiens n'ont jamais eu l'intention de se déplacer sur Terre, ils ont des machines, pour s'occuper de cela. Machines qui correspondent bien à ce qui est dessiné sur la couverture de l'édition Folio montrée ici. Après un temps de récupération, les machines se mettent en marche pour vaquer à leurs affaires. Les Terriens s'interposent, les Martiens les écrasent. On envoie l'armée, les canons, de plus en plus gros, d’autant que c'est vers Londres qu'ils vont. Il n'y a même pas vraiment de bataille, les envahisseurs s'en débarrassent comme nous nous débarrasserions  d'insectes envahissants... et poursuivent sans y prêter plus d'attention. Les populations fuient dans la plus grande pagaille. Le pays tout entier cesse bien vite de fonctionner. Pour tout arranger, on ne tarde pas à s'apercevoir que les Martiens se nourrissent du sang des humains, et les fusées continuent d'arriver : une par jour...

Le récit nous en est fait par un narrateur (ressemblant énormément à Wells lui-même) qui se trouvait non loin du lieu de la chute de la première fusée et qui, d'une curiosité insatiable, tient beaucoup à observer tout ce qui se passe. A un moment, son récit est complété par celui de son frère qui se trouvait à Londres même.

Par ailleurs, "Il est à mon avis absolument admissible que les Martiens puissent descendre d'êtres assez semblables à nous"... mais qui seraient beaucoup plus avancés dans l'évolution et auraient atteint un niveau qui nous réduit en comparaison, au rang d'animaux. A ce propos, Wells esquisse une prise de conscience de la réalité animale et de la nécessité qu'il y aurait à respecter en eux l'être vivant, au stade d'évolution où il est, même s'il est bien inférieur au nôtre. C'est assez avancé pour l'époque. "A coup sur, si nous ne retenons rien d'autre de cette guerre, elle nous aura cependant appris la pitié, la pitié pour ces âmes dépourvues de raison qui subissent notre domination."

En cours de route, nous verrons exposée par un autre personnage, une philosophie élitiste, eugéniste et dictatoriale dont on voit à son développement que, sur ces bases qui peuvent paraître défendables, ne peut s'installer qu'une épouvantable dictature stérile. Par ailleurs, un développement nous fera la surprise de rejoindre une idée développée dans "La machine à explorer le temps", nous aidant à mieux la comprendre.

Et alors, les Martiens ont-il gagné ? Eh bien, regardez autour de vous, vous aurez la réponse. Mais alors comment ??? Pour le savoir, il vous faudra le lire. N'hésitez pas.

En fin de roman, le narrateur tire la morale de la terrible leçon que les Terriens viennent de recevoir, elle tient en deux règles :

Ne pas se prendre pour les rois de l'univers, quelque chose d'inconnu peut tomber du ciel à tout instant et nous anéantir.

Inversement, puisqu’ils peuvent venir chez nos, nous pourrons aussi bientôt aller sur d'autres planètes et il faut y réfléchir.

J'adore Wells.

Néanmoins, je ne peux résister à vous présenter la terrible cuisine anglaise (surtout à l'époque) "Nous réparâmes nos forces en absorbant le contenu d'une boite de tête de veau à la tortue et une bouteille de vin." Ça fait envie.

Hum, et donc, nos marTiens... Le nom de la planète Mars vient du latin (Mars, Martem, Martis, Marti, Marte). L'adjectif martial par exemple a la même racine. Il semble que les deux écritures (martien et marsien) aient coexisté un moment en français. Mais c'est "martien" qui s'est imposé.


978-2070308552 



07 août 2021

  Une tentative d'autobiographie 

Découvertes et conclusions d'un cerveau très ordinaire

de Herbert George Wells

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Ecrit entre 1932 et 1934, alors que l'auteur a de 66 à 68 ans, et donc, 12 ans avant sa mort, cet ouvrage n'a pas été réédité en français depuis 1936 ce qui, disons-le, est une honte. On le trouve encore chez les soldeurs.

Sa carrière est faite et c'est avec une grande et simple franchise, qu'il raconte ce que fut sa vie. Wells a choisi de s'y exprimer dans un style particulièrement naturel, ce qui fait que pénétrer dans ce livre, c'est comme avoir une très longue discussion avec un vieil ami qui vous raconterait son passé. Je m'y suis immergée des heures sans le moindre ennui, et toujours avec cette impression de vraie rencontre amicale. Bien évidemment, il ne se contente pas de dévider platement une succession d'évènements avec leurs dates, ni même d'ailleurs de vous faire connaître son état d'esprit à ce moment-là. Bien souvent son discours dévie (je ne dirais pas s'égare, car ce serait faux) vers d'autres sujets. L'occasion amènera à développer ses idées sur les thèmes les plus divers.

Or, par chance, H.G. Wells est un homme très intelligent et à l'esprit original et libre. C'est ce qui fait accessoirement que je l’apprécie tant, mais c'est surtout ce qui fait ici que cet ouvrage soit si intéressant et agréable à lire. Il a choisi de faire la part belle à ses rencontres féminines – ce qui est à l'image de sa vie. Mais évoque également la genèse de sa pensée et de sa philosophie de la vie. Ce qui a toujours rendu les romans de science-fiction de Wells si passionnants, c'est qu'ils prenaient racine dans une vision sociale et politique du monde et de son évolution ; et cette vision était toujours portée vers le futur. L'imagination envisageant sans cesse les diverses possibilités d'évolution, et ce, pas seulement pour ses romans, mais parce que c'était ainsi qu'elle fonctionnait toujours. Il développe ses idées à ce sujet, d'autant qu'il a consacré une bonne part de son énergie à les faire entendre. Il avait une vision, et, pourrait-on dire, un projet de monde meilleur et même une idée assez nette de la façon dont on pourrait l’atteindre. Et même s'il s'était irrémédiablement égaré dans la gestion des exclus de ses sociétés idéales, il y croyait encore au moment où il a écrit ces pages. Ce n'est qu'avec la seconde guerre mondiale qu'il a perdu son optimisme à ce sujet...

Lisez-le, vous ne serez pas déçu. Quant à son sous-titre de "cerveau très ordinaire", n'y voyez que coquetterie, ce n'est pas ce qu'il pensait vraiment, ne serait-ce déjà que pour sa mémoire

9782070266500