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19 avril 2024

Midnight Examiner

de William Kotzwinkle

****+


C'est pour rire !

Ne prenez surtout rien au sérieux dans ce polar surréaliste mettant aux prises la bande de journalistes déjantés d'un groupe de tabloïds sans vergogne et la pègre locale. Non pour des questions de morale, de justice ou de vérité, qu'allez-vous imaginer là ! Mais disons, suite à un conflit d’intérêt qui pouvait d'ailleurs être réglé à l'amiable.

Nous suivons le sympathique mais peu brillant rédacteur en chef du groupe qui édite des revues sur les thèmes les plus divers : sexe, mode, armes à feu, religion, paranormal et tout autre sujet aussi prometteur... en des articles tous plus improbables les uns que les autres, ne se souciant ni de vraisemblance ni de déontologie, le but étant surtout de véhiculer des publicités qui ne font pas que frôler l’escroquerie. Nous verrons d'ailleurs que même quand la réalité pourrait dépasser la fiction, ils la méprisent pour lui préférer une version correspondant à leur créneau éditorial. Par exemple:

« Deux clochards firent leur apparition dans le parc. Ils se battaient à coup de fourchette, comme des escrimeurs, avec feintes et moulinets. L'un d'eux finit par s'écrouler sur la gazon et l'autre reprit son chemin en trottinant, brandissant sa fourchette en signe de victoire, les dents pointées vers le ciel, les pointes étincelantes. Hip sortit son calepin : "Il Descend De Son Ovni Et Blesse Un Passant Avec Une Épée De Lumière". Il prit note, referma soigneusement son calepin et le rempocha. "On rentre?" »

Vous vous doutez bien que les gens susceptibles de travailler là-dedans (en évitant au mieux les fléchettes que le propriétaire, fan inconditionnel de la sarbacane, tire à longueur de journée sur tout ce qui passe à sa portée) ne peuvent qu'être un peu hors normes, ce livre vous le confirmera. 

La narration ira parfois si loin dans l'approximation et la prise de risque que le seul recours de l'auteur sera de faire appel à la magie noire pour tirer ses personnages de la situation inextricable où il les aura mis. Mais ça tombe bien, ils ont aussi cela en réserve dans leurs publications.

On s'amuse bien en lisant ce titre d'un William Kotzwinkle toujours aussi habile, efficace, et atteignant une sorte de perfection dans ce qu'il produit que cela soit sérieux ou comique. Amateurs de plaisanterie, dénichez-vous vite ce titre !

978-2869304963

23 novembre 2020

 Le nageur dans la mer secrète 

de William Kotzwinkle

*****


A lire absolument

 Bon, moi, c'est ça que j'appelle un «livre pour adultes» 
 
 Un livre exceptionnel, et je pèse mes mots, tout comme est exceptionnel cet écrivain qui vous «pond» E.T, une quarantaine d'autres romans de genres divers mais plutôt proches du polar, ou de la comédie et puis ça, ce nageur dans la mer secrète. Un livre unique. Un livre à vous couper le souffle. 
 
 D'abord, c'est un petit bouquin qui n'a l'air de rien. Pas très épais, pas très tape à l’œil. 
Quand on a compris le sujet, quatrième de couverture aidant, « accouchement dramatique », on se dit « Je ne vais pas lire ça ». Et on le pose. Puis on le reprend, juste pour voir le début. Et on est happé par le ton et le style et la personnalité si proche du narrateur, son extraordinaire honnêteté. La vérité de son récit et on comprend qu'on peut le lire, qu'on n'en sera pas blessé mais enrichi. Et on le lit, et on ne l'oublie jamais. 
 
 On se dit. On sait : «La vie, c'est ça» La vie et la mort. La joie et la peine, profiter et souffrir. Etre un humain. 
 
 Ce sont ces hasards, ces détails, ces chances et ces malchances, ces riens. Pas une fausse note dans les sentiments, pas une hypocrisie, pas une concession qui trahit. Ni grandiloquence, ni haine, ni reproches, ni accusations qui rendent l'autre seul responsable. «La vie, c'est ça.» C'est tout. 
 
 100 pages qui ne vous blesseront pas, qui vous rendront plus humain, un petit livre qu'on n'oublie jamais. 


978-2742737321 

05 novembre 2020

   Fan Man  

de William Kotzwinkle
*****

  

D'abord, il faut placer ce roman dans son temps (1ère publication en 1974) et se replonger mentalement dans ce monde de hippies cool et qui, grâce à l'inhalation constante d'un tas d'herbes médicinales*, vivent dans un monde parallèle, tendre et optimiste où tout est possible. Notre narrateur et personnage principal, s'appelle Horse Badorties, il vit dans le New York’s Lower East Side, dans des appartements qu'il squatte de façon éhontée et transforme très rapidement en dépotoirs. Comme il l'expliquera, c'est une performance artistique destinée à modifier la vie du propriétaire, du concierge, de l'homme de ménage qui la verront, mais c'est aussi, il faut bien le dire, son environnement préféré. Quand il sort de chez lui, il doit, comme beaucoup de clochards, qu'ils soient célestes ou non, emporter un tas de matériel malheureusement encombrant, ventilateur, parapluie géant, besace géante itou, une allumette perpétuelle japonaise** etc. Et c'est ainsi équipé qu'il sillonne la ville, tout occupé à sa grande entreprise qui est d'embaucher un maximum de "poulettes fugueuses de quinze piges", pour sa Chorale de l'Amour qui répète tous les soirs dans l'église St Nancy, sur Bowery, où un prêtre bienveillant laisse Bardoties, équipé d'un petit ventilo en plastique en guise de diapason, mener son entreprise.
   
   Digne produit de son époque, Horse Badorties ne peut résister à l'attrait des gadgets les plus farfelus qu'il achète sans hésiter et en quantité, car il n'a aucun problème d'argent, ne s'étant jamais soucié d'approvisionner les comptes plus ou moins fictifs avec lesquels il paie ses dépenses. Il ira même jusqu'à acheter un vieux bus pour transporter sa chorale... mais c'est une histoire que vous découvrirez en lisant ce roman. En tout cas, Horse Badorties, c'est la mort de la société marchande.
   
   Vous l'aurez compris, il s'agit d'un roman totalement déjanté, raconté sous influences... Tout est toujours inattendu et drôle et cette virée iconoclaste à travers les rues de New York (et son métro, ne pas oublier le métro !) vous vaudra bien des sourires et plus, du côté des zygomatiques. Elle vous fera entrer dans ce "monde parallèle" dont je vous parlais plus haut et vous ouvrira à de nouveaux horizons. C'est drôle et intelligent, subversif et non violent, poétique et trivial, pas crédible et pourtant efficace car ça ne tient compte d'aucun obstacle. Et le pire, vous verrez en refermant l'ouvrage, c'est que c'est un peu contagieux.
   
    L'éditeur évoque l'Ignatius de Kennedy Toole et le Big Lebowski des frères Coen, et pour une fois, les références ne sont pas abusives.
   
   Extrait:
   "Quelle est cette musique que j'entends, mec, qui se déverse dans la cinquième rue? Quel jeu de saxophone fantastique, mec! Quelque part dans l'un de ces immeubles, mec, je dois trouver la source de cette musique pour faire entrer le saxophoniste dans la Chorale de l'Amour.
   D'où est-ce que ça vient exactement, mec? De ce bâtiment de briques qui s'écroule, on dirait. Clébard crasseux à moitié affamé à l'entrée, qui grogne avec son os de poulet.
   - Dégage, mec.
   C'est sûr, mec, la musique de saxophone vient d'ici, du haut de ces escaliers. La musique d'un artiste fini, mec, comme moi-même. Fini et fichu. Je me demande de quelle école de musique il s'est fait jeter."
   
   
   * sont ici recommandées : feuilles de figues soigneusement raffinées, écorce de mangues péruviennes, flocon de banane séchée, herbes d'asperge sauvage, varech salé portugais séché etc. Si ce n'est pas de la poésie !...
   ** Les moins de 30 ans ne peuvent pas comprendre...




978-2916589220