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30 octobre 2020

   Sous le ciel des hommes  

de Diane Meur
****+

 
  L'action se passe dans le Grand Duché d'Eponne, pays imaginaire qui ne peut que nous en évoquer deux ou trois autres plus réels. C'est un pays européen confortable, bourgeois, clos sur son confort et sa neutralité. Accessoirement (version officielle) ou de façon centrale (réalité), c'est un paradis fiscal. Comme tous les pays d'Europe, c'est aussi une terre où des réfugiés ayant tout perdu sauf des souvenirs insoutenables, rêvent de trouver asile. Nous rencontrerons trois d'entre eux au cours de ce récit aux nombreux personnages. Parlons d'eux.

D'abord, il y aura Jean-Marc Féron, écrivain assez célèbre, mais nettement en bout de course et d'inspiration. Son éditeur a, pour trouver un thème au prochain livre qu'il ne parvient pas à pondre, l'idée de lui faire héberger un sans-papiers en attente de régularisation ou de renvoi. Cela ferait un beau document vécu et donnerait une belle épaisseur humaine au livre, n'est-ce pas?  Et c'est ainsi que nous rencontrerons deux de ces migrants, un joyeux d'abord, puis un triste.  Et puis, comme Jean-Marc Féron n'est vraiment pas en forme, l'éditeur, qui voudrait tout de même bien amortir son à-valoir, lui colle aussi une "rewriteuse". Bref, il lui fournit le sujet, et il le lui écrit. Mais malgré cela... Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Et puisque nous parlons de création littéraire, il y a  aussi cet atelier d'écriture dont nous allons rencontrer différents membres, tous habités du désir de créer œuvre. 

On se demande où on va, mais on goûte le voyage, et puis, dans le dernier tiers, tout prend place et on a un monde. Très bien vu et bien rendu.
Cela m'a fait penser à quelque chose que j'avais noté dans "La découverte des corps" de P. Ducrozet: l'art "doit adopter le modèle du rhizome, non pour imiter la réalité, il a d'autres choses à faire, mais pour l'anticiper (...) Mais le roman, pour ne prendre qu'un exemple, devrait se plonger dans le réseau/rhizome (...) L'art n'a ni début ni fin, il n'a pas de thèmes ou de personnages fixes, de point A et de point B, il se développe librement, comme un chancre, un tentacule, une herbe folle, et il ira où il voudra bien aller." Je trouve que ce roman, complexe et en même temps évident, a cette structure en rhizome, qu'elle est naturelle et efficace, et qu'elle nous dit bien la vie.

Voilà, c'est gai, c'est triste, réaliste sous des airs détachés, ça nous parle de notre monde européen actuel. Je vous le conseille vivement.





978-2848053615