Sarek
de Ulf Kvensler
*****
979-1041415922
Prix du
meilleur Polar des lecteurs Points 2025
Je
ne suis ordinairement pas lectrice des « polars » du
froid tout simplement parce que leurs univers rudes ne m’attirent
pas, mais, la canicule aidant, et ce titre passant beaucoup sur les
blogs de lectrices/teurs, j’ai eu envie de tenter le coup, d’autant
que les lecteurs Points et l’Académie suédoise lui avaient
attribué le Prix du meilleur Polar ou premier polar 2025. La
quatrième de couverture promet « un drame psychologique
d’une puissance inouïe ». Comment résister ? Et,
comme vous le voyez avec mes cinq étoiles, je n’ai pas regretté
mon choix. La couverture représente une bouse (d’élan?), mais je
peux me tromper.
On
nous dit qu’il s’agit du premier roman d’ Ulf Kvensler, mais il
ne faut pas s’imaginer un jeune homme qui se lance dans la vie. Il
a 57 ans et déjà une belle carrière d’ acteur, scénariste et
réalisateur, ce qui signifie du savoir-faire et nous allons nous en
rendre compte ici.
Les
personnages ont la petite trentaine. Anna et Henrik forment un couple
installé mais qui bat un peu de l’aile en ce moment du fait
qu’Henrik, brillant prof de fac, est en perte de vitesse et
déprime. Tous les ans pour les vacances, ils font une randonnée
avec une amie, Milena qui elle, est célibataire. Mais cette année
au dernier moment, Milena demande que son nouveau compagnon, Jacob,
puisse les accompagner. Les deux premiers ne sont guère emballés de
s’adjoindre un inconnu pour une vie commune H24 d’une semaine,
mais refuser n’est pas facile non plus… Pourtant, quand elle le
voit, Anna qui travaille dans les tribunaux, a l’impression de
l’avoir déjà vu et qui plus est, dans le rôle du condamné, mais
elle ne retrouve pas le dossier. Henrik, de son côté qui a voulu
faire une petite vérification, s’est aperçu que Jacob ne
travaille pas là où il l’a dit. En route vers le point de départ
de leur randonnée, ils mettent Jacob face à ces contradictions mais
il trouve une réponse à cela. Convaincante ou non. Et propose dans
la foulée une plus belle rando en modifiant leur destination pour
une virée dans le très grandiose, prestigieux et sauvage Sarek qui,
comme vous ne l’ignorez pas, est un parc national situé en Laponie
suédoise, dans la région de Norrbotten, n’offrant ni sentier
balisé ni infrastructure touristique. « A mille miles de toute
terre habitée » pourrait-on presque dire. Encore une fois,
Anna et Henrick n’apprécient pas mais, comme ils viennent de
l’accuser gravement et semble-t-il injustement, ils se sentent
obligés d’accepter pour ne pas en rajouter. Et nous voilà
partis ! C‘est Anna qui fait le récit.
Comme
vous l’aurez deviné, tout cela va se passer de plus en plus mal
(c’est un thriller tout de même) et c’est tout à fait
captivant. On a l’impression que c’est une histoire bien simple
et qu’on voit venir de loin, et dans un sens, ça l’est. Mais en
même temps les surprises se succèdent, toutes désagréables bien
sûr et on a beau se demander ce qu’on aurait fait à la place de
tel ou tel et à quel moment ça n’a vraiment plus tourné rond…
On ne sait pas trop. Tout cela est tellement insidieux…
Ce qu
fait la force de ce thriller, hormis cette espèce de huis clos en
vaste milieu sauvage, c’est la finesse et la justesse de
l’observation des ressorts psychologiques qui affectent chacun. (Il
faudra se souvenir de cette finesse si on veut comprendre la fin.)
L’auteur sait comment ces choses-là se font et
fonctionnent.
« C’est ainsi que la violence
fonctionne comme moyen de pouvoir. Elle n’a même pas besoin d’être
exercée, sa menace suffit pour modifier les comportements. »
Et
plus loin,
« L’agressivité, physique ou verbale,
pousse les personnes à marcher sur la pointe des pieds et à faire
des détours, les fait s’aplatir pour ne pas s’exposer. »
Et peu à peu (celle-là est plus que jamais
d’actualité)
« Le doute s’immisce. C’est un des
attributs du pouvoir, comme le ver dans le fruit. La capacité à
rendre fluctuante la frontière entre mensonge et vérité. »
Bref,
c’est brillant. Jusqu’au bout, et pout tout arranger, porté par
une belle écriture qui fait la part belle aux paysages grandioses
dans lesquels les gesticulations humaines se ridiculisent et se
perdent.
Ou pas.
« Le froid nocturne s’approche
à pas de loups, rôde, affamé, autour de notre campement. »
...
Pavé
de l’été 2025
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