12 juillet 2025

Sarek
de Ulf Kvensler
*****


979-1041415922

Prix du meilleur Polar des lecteurs Points 2025

Je ne suis ordinairement pas lectrice des « polars » du froid tout simplement parce que leurs univers rudes ne m’attirent pas, mais, la canicule aidant, et ce titre passant beaucoup sur les blogs de lectrices/teurs, j’ai eu envie de tenter le coup, d’autant que les lecteurs Points et l’Académie suédoise lui avaient attribué le Prix du meilleur Polar ou premier polar 2025. La quatrième de couverture promet « un drame psychologique d’une puissance inouïe ». Comment résister ? Et, comme vous le voyez avec mes cinq étoiles, je n’ai pas regretté mon choix. La couverture représente une bouse (d’élan?), mais je peux me tromper.

On nous dit qu’il s’agit du premier roman d’ Ulf Kvensler, mais il ne faut pas s’imaginer un jeune homme qui se lance dans la vie. Il a 57 ans et déjà une belle carrière d’ acteur, scénariste et réalisateur, ce qui signifie du savoir-faire et nous allons nous en rendre compte ici.

Les personnages ont la petite trentaine. Anna et Henrik forment un couple installé mais qui bat un peu de l’aile en ce moment du fait qu’Henrik, brillant prof de fac, est en perte de vitesse et déprime. Tous les ans pour les vacances, ils font une randonnée avec une amie, Milena qui elle, est célibataire. Mais cette année au dernier moment, Milena demande que son nouveau compagnon, Jacob, puisse les accompagner. Les deux premiers ne sont guère emballés de s’adjoindre un inconnu pour une vie commune H24 d’une semaine, mais refuser n’est pas facile non plus… Pourtant, quand elle le voit, Anna qui travaille dans les tribunaux, a l’impression de l’avoir déjà vu et qui plus est, dans le rôle du condamné, mais elle ne retrouve pas le dossier. Henrik, de son côté qui a voulu faire une petite vérification, s’est aperçu que Jacob ne travaille pas là où il l’a dit. En route vers le point de départ de leur randonnée, ils mettent Jacob face à ces contradictions mais il trouve une réponse à cela. Convaincante ou non. Et propose dans la foulée une plus belle rando en modifiant leur destination pour une virée dans le très grandiose, prestigieux et sauvage Sarek qui, comme vous ne l’ignorez pas, est un parc national situé en Laponie suédoise, dans la région de Norrbotten, n’offrant ni sentier balisé ni infrastructure touristique. « A mille miles de toute terre habitée » pourrait-on presque dire. Encore une fois, Anna et Henrick n’apprécient pas mais, comme ils viennent de l’accuser gravement et semble-t-il injustement, ils se sentent obligés d’accepter pour ne pas en rajouter. Et nous voilà partis ! C‘est Anna qui fait le récit.

 Comme vous l’aurez deviné, tout cela va se passer de plus en plus mal (c’est un thriller tout de même) et c’est tout à fait captivant. On a l’impression que c’est une histoire bien simple et qu’on voit venir de loin, et dans un sens, ça l’est. Mais en même temps les surprises se succèdent, toutes désagréables bien sûr et on a beau se demander ce qu’on aurait fait à la place de tel ou tel et à quel moment ça n’a vraiment plus tourné rond… On ne sait pas trop. Tout cela est tellement insidieux…
Ce qu fait la force de ce thriller, hormis cette espèce de huis clos en vaste milieu sauvage, c’est la finesse et la justesse de l’observation des ressorts psychologiques qui affectent chacun. (Il faudra se souvenir de cette finesse si on veut comprendre la fin.)  L’auteur sait comment ces choses-là se font et fonctionnent.
« C’est ainsi que la violence fonctionne comme moyen de pouvoir. Elle n’a même pas besoin d’être exercée, sa menace suffit pour modifier les comportements. »
Et plus loin,
« L’agressivité, physique ou verbale, pousse les personnes à marcher sur la pointe des pieds et à faire des détours, les fait s’aplatir pour ne pas s’exposer. »
Et peu à peu (celle-là est plus que jamais d’actualité)
« Le doute s’immisce. C’est un des attributs du pouvoir, comme le ver dans le fruit. La capacité à rendre fluctuante la frontière entre mensonge et vérité. »
Bref, c’est brillant. Jusqu’au bout, et pout tout arranger, porté par une belle écriture qui fait la part belle aux paysages grandioses dans lesquels les gesticulations humaines se ridiculisent et se perdent.
Ou pas.
« Le froid nocturne s’approche à pas de loups, rôde, affamé, autour de notre campement. »
...

Pavé de l’été 2025

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