07 décembre 2024

La Marque Jaune 

d’Edgar P. Jacobs 

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Ayant réalisé il y a peu que Jacobs et ses Blake & Mortimer n’étaient pas du tout représentés sur mon blog, j’ai entrepris d’en relire et commenter un pour combler cette lacune, et mon choix s’est porté, de façon assez prévisible j’en conviens, sur « La Marque jaune », l’album le plus connu et réputé le meilleur. C’est le sixième tome et la série avait dix ans à sa sortie. Le sixième tome, mais la troisième aventure seulement, car la première, « Le secret de l’Espadon » avait occupé trois tomes et la deuxième, « Le mystère de la grande pyramide », deux. Maintenant, les personnages sont bien rodés, graphisme et caractères.

Et voilà le capitaine Francis Blake et le professeur Philip Mortimer à nouveau réunis à Londres où le capitaine vient d’être chargé de la graaaande affaire du moment : mettre fin aux agissement de la mystérieuse Marque Jaune qui multiplie les vols les plus invraisemblables dans la capitale anglaise, au nez et à la barbe de la police impuissante. Scotland Yard reste sans la moindre espèce de piste. Ca commence comme ça :

Lisez ce texte ! On ne fait pas plus ringard ! Mais quel charme des histoires à l’ancienne ! Bref, on se lance, pour voir carrément les joyaux de la couronne disparaître de la Tour de Londres, et encore un point d’exclamation ! C’est qu’on retrouve son âme d’enfant, et c’est avec le plus grand sérieux qu’on découvre les invraisemblables aventures de nos deux compères. De son côté, la Marque jaune poursuit ses exploits, manifeste des talents vraiment surnaturels, et se met maintenant à enlever d’éminents savants, pile ceux que Blake vient de rencontrer. Ça tombe bien, on est en pays de connaissance.

L’enquête démarre. Le coupable n’est pas trop difficile à trouver, c’est un peu réac, les textes sont un peu longs et serrés, mais qu’importe ! C’est le charme de Londres, des Clubs et du Tea Time. C’est notre enfance et donc, forcément, il y a un peu de nostalgie.

Et puis il y a le dessin. Excellent. La ligne claire comme Hergé (lui et Edgar P. Jacobs se connaissaient bien), les décors soignés, le mouvement par l’envol du vêtement… en toute élégance.

C’est aussi un monde totalement sans femmes. On se demande d’où tous ces beaux messieurs ont bien pu sortir, ou plutôt non, on ne se le demande même pas parce que c’est comme ça. C’est bien connu, les femmes ne participent à aucune aventure, aucune décision, aucun pouvoir. D’ailleurs on ne les voit même pas. De tout l’album, on les aperçoit à peine à l’arrière plan dans une foule, ou brièvement en secrétaire ou servante, effacées -dans tous les sens du terme-, tandis que de beaux jeunes gens ou de fiers vieillards menaient des vies passionnantes. C’est ça aussi, qu’on a avalé avec nos lectures d’enfance. Il faut bien le dire.

978-2870971703


03 décembre 2024

L'appel du coucou

de Robert Galbraith - J.K. Rowling

****+


J’avais découvert les aventures de Cormoran Strike avec le deuxième volume, "Le ver à soie" et je l’avais bien apprécié, aussi j’ai tout de suite eu l’intention de les lire -ou audiolire- tous, mais de préférence dans l’ordre. Et me voici avec "L'appel du coucou ", le premier tome.

Donc, en tant que premier tome, nous découvrons le détective privé Cormoran Strike et sa nouvelle secrétaire, Robin. Ces deux-là ne se connaissent pas encore et sont en train de se découvrir tout autant que nous. Robin est une secrétaire haut de gamme, promise à une belle carrière pour laquelle elle est en train de proposer ses services et de choisir, mais Robin a un secret : depuis toujours, elle rêve d’être détective ! Aussi, quand le hasard la met à faire un remplacement dans l’agence déficitaire de Strike, elle y voit comme un signe et plus les jours passent, plus il lui est difficile de se résoudre à rejoindre la vie bien plus confortable mais aussi bien plus ennuyeuse que lui proposent plusieurs entreprises. Mais Strike est loin d’avoir les moyens de s’offrir une bonne secrétaire…

Au même moment, entre deux affaires sordides et banales, voilà que débarque le richissime John Bristow, frère de la mannequin-vedette Lula Landry qui vient de se défenestrer de son luxueux appartement londonien. Bristow, on l’a deviné, ne croit pas à la thèse du suicide (il est le seul) et il vient déverser pas mal d’argent sur le bureau de Strike pour lui faire entamer une enquête sérieuse sur cette mort, d’autant qu’il se trouve que le détective a autrefois été l’ami d’enfance de son frère mort accidentellement à cette époque-là. Aucun élément ne vient contredire la thèse du suicide adoptée par la police, mais la somme proposée est si importante que Strike quelque peu aux abois, financièrement, ne peut refuser. Bien sûr, il finira par découvrir qu’en effet… tout n’est pas clair dans ce suicide si évident et que, s’il y a eu crime, ce ne sont pas les suspects qui manquent.

Tout comme "Le ver à soie" nous emmenait mettre notre nez dans le monde littéraire, "l’appel du coucou" nous introduit dans celui de la mode qui n’est pas mal non plus. Le titre tient au fait que Lula et ses frères, sont des enfants adoptés. Comme le coucou, ils ont grandi dans un nid qui n’était pas celui de leurs parents biologiques.

Encore une fois j’ai passé un excellent moment, même si au début les explications sont un peu longues (mais faut dire que la situation est complexe et que les personnages sont nombreux). Encore une fois mon suspect numéro un était innocent. Caramba ! Encore raté !

Dès que je voudrai me payer une lecture récréative, je passerai au tome 3. Dans quel microcosme m’entraînera-t-il ? Vais-je enfin réussir à démasquer un assassin ? Nous le saurons au prochain épisode.


Série Les Enquêtes de Cormoran Strike

 L'Appel du Coucou ( The Cuckoo's Calling, 2013)

 Le Ver à soie (The Silkworm, 2014)

 La Carrière du mal (Career of Evil, 2015)

 Blanc mortel (Lethal White, 2018)

 Sang trouble (Troubled Blood, 2020)

 Sang d'encre (The Ink Black Heart, 2022)

 Pas encore traduit : The Running Grave, 2023

978-2253001713

29 novembre 2024

Olivia Sturgess 1914-2004 

de Floc'h & Rivière François 

**+


Je me suis terriblement ennuyée à la lecture de cet album de quand même 72 pages. (C’est long quand on s’ennuie.) Mais bon, je vais essayer d’en parler quand même et de votre côté vous allez essayer de vous souvenir que ce n’est qu’un avis subjectif. Je précise parce que je ne vais pas dire grand-chose de positif.

Tout d’abord, parus entre 1977 et 1984 dans Pilote Mensuel, soit la dernière période de Pilote et certes pas la meilleure, il y avait eu trois aventures, réunies ensuite en albums :

- Le Rendez-vous de Sevenoaks

- Le Dossier Harding

- À la recherche de Sir Malcolm

Dans un style revendiqué très british, ces aventures mettaient en scène deux personnages récurrents : l’écrivaine Olivia Sturgess et son ami, le critique littéraire Francis Albany. Cela se passait au milieu du 20ème siècle et on y parlait beaucoup d’Agatha Christie. Les énigmes étaient résolues par notre duo littéraire et l’intérêt résidait justement dans le décor social et les personnages littéraires réels qui étaient rencontrés et évoqués.

Paru vingt ans plus tard (quand même!) ce quatrième album entreprend de nous raconter la vie d’un des personnages, Olivia Sturgess (comment ça, vous aviez deviné?) à la façon d’un documentaire le plus réaliste possible… et cela est ennuyeux comme un documentaire, et encore, je suis injuste, on en fait maintenant de passionnants. Nous voyons Olivia grandir puis mener sa carrière d’écrivaine, vieillir… Les pages se tournent lentement et on se demande quand l’histoire va commencer, sans réaliser tout de suite qu’il n’y en aura pas d’autre que celle qu’on a déjà sous les yeux. La biographie fictive mais pas plus passionnante pour autant, est suivie de dossiers iconographiques évoquant des documents d’archive ou des photos… Voilà, voilà… soupir…

Je n’ai pas encore parlé du graphisme, alors allons-y, c’est le règne de la ligne claire à fond, mais une ligne claire raide. On pense plus à «Blake & Mortimer » qu’à Tintin, mais c’est moins bien que Blake et Morty. Beaucoup de cases se dispensent de tout décor. Pour tout arranger, la mise en scène est hyper statique, avec un texte plan-plan, comme le montre bien cette page. 

 C’est comme ça tout le temps. C’est d’un ennui ! (Mais je l’ai déjà dit, passons.)

Et le lecteur se demande pourquoi, mais pourquoi ! on lui a fait lire ça (et acheter, surtout!).

Je n’ai pas la réponse.

978-2205043471 



25 novembre 2024

Papa part maman ment mémé meurt

de Fabienne Yvert

****


Petit exercice de style en trois mouvements, très réussi. Ce tout petit livre abrite un jeu de prose poétique et une leçon de vie. Leçon non pas donnée doctement, mais que nous tirerons nous-mêmes de ce qui nous est exposé. La narratrice, la fille de la maison, que nous prenons d’abord pour une petite fille mais dont sa mère dit qu’elle se veut artiste, donc, au moins une étudiante. Il y a aussi un frère, mais juste à l’arrière-plan, flou.

Les phrases, brèves, imagées, à fort pouvoir évocateur, disent des faits -réels ou non- et n’engendrent que des émotions. (On sent que l'auteur a aimé jouer de cette dualité faits-émotions). Avalanche de mots chacun choisi avec soin, dès la couverture


(C'est moi qui ai souligné)

Phrases distribuées en très courts paragraphes que le lecteur avale sans souffler.

Paragraphes partagés en trois chapitres, Papa, Maman, Mémé qu’on n’avait pas vue jusqu’alors et qui n’apparaît que le temps de disparaître. Trois périodes de la vie à forte charge émotionnelle que la plupart traversent ou ont traversés, où les émotions s’enflent d’une telle violence qu’elles prennent le dessus, emportant prévisions et projets comme fétus de paille. On peut essayer de se protéger, mais rien n’y fait. Nous sommes avant tout des êtres sensibles. Et pas seulement dans les grands moments de la vie d’ailleurs, mais par exemple, rien qu’en lisant ce petit bouquin qui nous a remués comme il voulait.

Ça peut être joué au théâtre, et d’ailleurs, ça l’a été.

Fabienne Yvert a publié plusieurs autres livres (toujours courts, me semble-t-il), mais je ne la connaissais pas.

978-2913886070


21 novembre 2024

 Depuis le 16 Novembre, date de son arrestation à l'aéroport.


Partagez, diffusez, ça ne doit pas passer inaperçu. Merci


Nez-de-Cuir

de Jean de La Varende

Adaptation Jean Dufaux

Dessin Jacques Terpant

***


Voici une bande dessinée prise beaucoup par hasard à la bibliothèque parce que la voir m’avait remis en mémoire ce roman oublié de Jean de La Varende. Ayant réalisé que je ne me souvenais même plus exactement de l’histoire, j’ai voulu me rafraîchir la mémoire tout en découvrant ce que des auteurs de BD du 21ème siècle avaient pu en faire.

L’histoire, tout d’abord. Des gueules cassées, la Grande Guerre n’est pas la première à en avoir produit, elles ont été le vilain fruit de toutes les guerres, depuis la nuit des temps. Celle dont nous allons parler ici est le résultat d’une bataille napoléonienne où le sémillant officier Roger de Tainchebraye ferraillait héroïquement comme il se doit. Las, un coup de sabre fort malveillant emporta la totalité de son nez, tandis que plusieurs autres l’envoyaient frôler les portes de l’autre monde. Frôler, seulement et le Comte ayant survécu doit maintenant entamer une autre vie où nul ne pourrait supporter la vue de son visage. C’est un Comte dont l’amputation est « masquée » par un nez de cuir qui regagne ses terres en Pays d’Ouche et, persuadé de ne plus jamais pouvoir être aimé, comble sa solitude en multipliant à l’infini les conquêtes féminines sans lendemain, jusqu’à ce que bien sûr, sa route ne croise celle d’une toute jeune femme dont la fraîcheur et l’innocence lui feront rendre les armes. Mais comment tout cela peut-il se terminer ?

Publié en 1936, ce roman censé rapporter l’histoire d’un grand-oncle de l’auteur est d’un romantisme tragique et débridé, comme on peut l’imaginer. Pour tout dire, le titre intégral est "Nez-de-Cuir, gentilhomme d'amour". Ça ne s’invente pas. Il connut le succès à sa parution où la résilience n’était pas encore de mode et où l’on aimait voir des héros nimbés ad æternam d’un drame douloureux (mais noble) et de belles histoires d’amour tragiques. Et, disons-le, ce n’est pas mal fait avec une analyse psychologique qui se tient (et même finesse des relations entre le Comte et le Marquis de Brives), mais une absence totale de vision sociétale. 

En ce qui concerne la bande dessinée, elle est hyper classique, bien dessinée bien que sans doute un peu figée, mais sans surprise, ni fantaisie sans même parler d’originalité. Vraiment, je ne vois pas ce que je pourrais en dire. Elle ne m’a pas plus choquée qu’enthousiasmée. Excusez ma tiédeur, je préfère les BD moins classiques.

9782754825337



 Depuis le 16 Novembre, date de son arrestation à l'aéroport.


17 novembre 2024

Ohan 

de Uno Chiyo

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C’est un plaisir de vous parler de ce court roman de 90 pages car c’est un petit bijou littéraire. L’éditeur nous le présente d’ailleurs comme le chef-d’œuvre d’Una Chiyo, écrivaine japonaise du début du vingtième siècle.

Le narrateur est un homme velléitaire au plus haut degré. Paresseux, il a coulé l’entreprise familiale et vivote actuellement d’une vague boutique de brocanteur peu achalandée où il passe ses journées à ne rien faire. En vérité, il est entretenu par sa maîtresse, une geisha qui elle, mène ses affaires avec maestria et a maintenant sa propre maison. C’est chez elle qu’il rentre tous les soirs. Elle s’est entichée de lui on ne sait trop pourquoi et il y est fort bien traité. Pour vivre avec elle, il a abandonné sa femme Ohan et l’enfant nouveau-né, il y a sept ans de cela. Mais voilà qu’un jour, il la rencontre par hasard et que l’envie le prend de renouer les liens.

« Mais que cherchais-je donc ? Moi-même, je n’en avais pas la moindre idée. »

Pourtant, il n’a guère pensé à elle depuis leur séparation. Il semble ne penser aux gens et aux situations que lorsqu’il les a sous les yeux. D’ailleurs en fait, il donne l’impression de ne pas penser à grand-chose, allant où le vent le pousse, suivant ses impulsions du moment sans jamais prendre en compte les conséquences. Il se contente de suivre ses désirs vagues et la pente de moindre résistance. Ensuite, il se dit « Mais qu’ai-je donc fait ? » et tremble en songeant à ce qui peut arriver. Mais il oublie bien vite et continue ainsi.

Il n’a aucun courage, ni aucune capacité de décision. Il sait qu’il fait des bêtises et que tout cela ne peut que mal tourner, mais il est incapable de réagir. Si bien qu’il va ainsi mener parallèlement des relations avec les deux femmes, alors qu’il est à peine capable de veiller à ce qu’elles ne se rencontrent pas. Évidemment, les liens s’affirment et tout cela va droit au fond de l’impasse, surtout quand il se retrouve avec deux domiciles faute d’avoir su dire non.

« Tiraillé comme je l’étais entre deux femmes, je prenais une résolution un jour, une autre le lendemain, je ne cessais de balancer, et ce flottement pitoyable dû à la faiblesse de mon caractère, personne n’était censé le connaître. »

Il a parfaitement conscience de mettre tout le monde dans une situation impossible mais à chaque fois il choisit d’esquiver et de reporter si bien que « Du train où nous allions, je ne voyais d’autre issue, pour l’un de nous trois que la noyade ou la pendaison, comme on voit presque chaque jour à la rubrique des faits divers. »

Le récit qui court vers le drame, nous est fait sur un ton paradoxalement assez léger. Le narrateur nous parle comme à des familiers.

«Comme vous le savez, pour venir de cette école jusqu’au quartier de (…) Et vous voyez le grand orme qui se trouve entre la pharmacie et le magasin de céramique ?»  

et plusieurs passages ne sont pas sans évoquer les ressorts du vaudeville avec les personnages qui entrent et sortent, manquant de peu de se rencontrer.

Il ne cesse de se rabaisser plus bas que terre et s’accuser de tous les pêchés, se reconnaissant responsable de tout, ce qui, avouons-le, est une façon commode et connue de s’éviter les reproches d’autrui. Mais au fond, ne disant jamais non, il est facile à vivre et du coup, tout le monde l’aime bien, d’autant que personne ne sait tout.

Tout cela ne peut que très mal finir, il le sait bien, mais il continue à se laisser porter, surtout parce qu’il est incapable de faire quoi que ce soit d’autre, et il va, « flottant dans le flou sans jamais pouvoir se fixer ».

9782809710052



13 novembre 2024

L’intelligence artificielle en 5 minutes par jour

de Stéphane d' Ascoli

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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’IA sans jamais oser le demander, déjà parce qu’on ne sait pas au juste quelles questions poser et pour ne pas avoir l’air bête et à qui demander.

Ca m’intéresse, moi, l’Intelligence Artificielle. D’abord qu’est-ce que c’est ? Comment ça marche ? Et qu’est-ce qu’on peut en faire ? Le problème, c’est que je ne suis pas du tout scientifique. Donc, quand je dis que je n’y connais rien, c’est vraiment rien, et même pas vraiment ce que c’est. Où ça commence ? Où ça se trouve ? A quoi ça sert ? Qu’est-ce que ça peut faire ? Qu’est-ce que ça ne peut pas faire ? Est-ce qu’on sait quand on s’en sert ? Et quand les autres s’en servent ? Comment le sait-on ? Est-ce que je m’en suis déjà servie ? Ma curiosité était bien titillée par cet OINI (objet immatériel non identifié), alors quand je suis tombée par hasard sur cette promesse alléchante « en 5mn par jour » !! qui plus est pour un prix dérisoire (2€ en liseuse, 3,50€ en papier), j’ai tenté le coup. Comment résister ? Je trouverai toujours bien 5 minutes par jour à consacrer à cette exploration de monde inconnu.

Et je ne l’ai pas regretté. Est-ce que cet opuscule (160 pages) tient ses promesses ? Eh bien non, parce qu’il ne m’a jamais été possible de m’arrêter au bout des 5 minutes et que j’ai le plus souvent enchaîné plusieurs chapitres pour des lectures de 15 à 20 minutes. Et encore, je m’obligeais à m’arrêter, me disant que si j’absorbais trop de notions d’un coup, je les retiendrais mal. Mais pour le reste, oui. Il s’adresse aux complets néophytes sans connaissances particulières et leur permet de ne plus se sentir complètement perdus face à se monde qui s’installe autour de nous.

L’IA peut-elle écrire, faire de la musique, peindre ? Peut-elle rêver ? Comment Siri peut-elle nous répondre et nous obéir (ou nous surveiller)? Comment Netflix peut-il nous conseiller des programmes qu’on va aimer ? (Avant, je n’évaluais jamais mes visionnages, maintenant je le fais. Alors bien sûr, L’IA va ficher mes goûts dans la big data, mais quel est l’inconvénient pour moi ? Il y a des choses que je ne lui confierais pas, mais mes goûts en matière de séries télé, je veux bien, si j’y ai un vrai avantage).

Compétent, Stéphane d’Ascoli, doctorant au sein du Laboratoire de Physique de l'École Normale Supérieure et ayant déjà publié plusieurs ouvrages de vulgarisation, l’est à n’en pas douter, et il est aussi très habile à tout expliquer très simplement. J’ai l’impression d’avoir compris tout ce qu’il a dit. C’est une preuve. En 44 courts chapitres, il vous expliquera d’abord que oui, vous utilisez déjà l’IA. Il vous expliquera ce que les algorithmes font (et d’abord ce qu’est un algorithme) ce que les algorithmes donc, peuvent faire ou pas, comment ils fonctionnent et comment on les fabrique. Et ça, ça m’a vraiment éclairée. Dès qu’on aura fait une IA capable de discuter avec moi de tout sujet qu’on lui aura inculqué, j’en prends une ! Mon rêve ! (clin d’œil à l’excellent origine des larmes ) . Seule chose, cet ouvrage a déjà quatre ans et les choses vont vite en ce domaine, je me demande si l’auteur ne reverrait pas aujourd’hui un peu à la baisse (de durée) ses prévisions de développement. Juste une idée de quelqu’un qui n’y connaît rien, notez bien. En tout cas cet ouvrage vous apprendra bien des choses sur l'intelligence artificielle, étant bien entendu qu'il s'adresse à des lecteurs totalement débutants et qu'il reste au niveau 1 de la vulgarisation sur ce sujet.

Je suis contente d’avoir éclairé ma lanterne aussi simplement. Maintenant, j’ai les bases pour comprendre un peu ce que je vis en ce domaine, parce que de toute façon, on n’y échappera pas. Se demander si on est pour ou contre, c’est être complètement à côté de la plaque. La question n’a pas de sens, de toute façon, ça se fera. Il faut donc essayer de ne pas se laisser dépasser et profiter au contraire des avantages, parce que les inconvénients, eux, ils ne nous rateront pas..

978-2412059845



09 novembre 2024

L'épine dans la chair

de  D.H. Lawrence

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Petit Folio 2€ pour ce recueil de trois nouvelles de  D.H. Lawrence que je ne connaissais jusqu'à présent que pour son brûlant plaidoyer en faveur des amours ancillaires*, mais je lirai sans doute un jour "Le serpent à plumes" dont on dit du bien. Bref! pour le moment nous n'avons que  ‎ 128 pages et   trois nouvelles de longueurs à peu près égales. Leur thème commun est une observation et une analyse du sentiment amoureux chez de jeunes couples. A cet égard, on pourrait considérer que les nouvelles sont rangées par ordre croissant de l’âge des protagonistes. Savoir si c’est une coïncidence est une autre affaire.

La première nouvelle, éponyme, nous raconte l’histoire d’un tout jeune soldat qui, s’affolant à la suite d’un accident grave dont il pourrait être tenu pour responsable, déserte et ne trouve rien mieux à faire que de se réfugier chez sa fiancée qui est servante dans un domaine. Elle accepte de le cacher et doit pour ce faire, l’accueillir dans sa chambre alors qu’ils ne sont que promis… La nouvelle montre une sensualité qui s’impose quoi qu’en aient nos deux tourtereaux.

La deuxième, "Couleur du printemps" est le récit d’un retour avec les beaux jours d’un homme jeune qui, insatisfait de sa vie, revient voir ce qu’est devenue l’amoureuse de son adolescence, mais elle aussi a poursuivi sa vie, chacun a changé et il y a un autre homme dans le décor. Même si les souvenirs sont vifs, est-ce que tout recommence vraiment avec le printemps ? La nouvelle examine la difficulté d’un amour éternel entre des êtres qui, chacun de son côté, évoluent et changent. Cette problématique est d’ailleurs reprise dans

la troisième nouvelle, "L'odeur des chrysanthèmes", est bien moins champêtre que les autres puisque c’est dans les mine de charbon que les personnages évoluent. Tranche de vie d’un couple marié pauvre. L’homme est mineur de fond et mène donc une existence très rude. Il devient à la fois alcoolique et mauvais pour sa femme et ses enfants. Cependant, le couple est encore jeune et la femme n’a pas encore perdu toutes ses illusions. Elle l’attend donc et ce soir, il est plus en retard encore que d’habitude. Sans doute ses camarades devront-ils ramener chez lui un homme qui ne tient plus debout… La suite de cette soirée amènera la femme à considérer qu’elle ne connaît pas l’homme qu’il est devenu et sans doute, ne l’a-t-elle jamais vraiment connu tout comme la réciproque est vraie.

Trois nouvelles où les complexes relations de couple sont particulièrement bien saisies et montrées. L’analyse est très fine. Lawrence est un écrivain du début du vingtième siècle, l’écriture est classique mais belle et sans lourdeur (bien que dans "Couleur du printemps" j’aie trouvé abusives les listes d’oiseaux et de fleurs ). L’analyse psychologique, elle, n’a pas pris une ride. Des gens simples dans les problématiques de la vie de couple… Folio n’a pas volé ses 2€ et je l’ai lu sur liseuse car je commence à utiliser ce support pour les lectures pas trop longues.


* L'Amant de Lady Chatterley

 ‎978-2070349548



05 novembre 2024

Berlin pour elles

de Benjamin de Laforcade

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Impossible de lire "Berlin pour elles" de Benjamin de Laforcade sans penser au film "La Vie des autres" et aussi, en ce qui me concerne du moins, à Herta Müller. Ce n’est pas le même pays, mais c’est le même type de dictature grise, les mêmes méthodes de la police, plus ou moins officielles.

Nous sommes à Berlin Est en 1967. La Stasi est reine et en son sein, Peter Moehn, jeune fonctionnaire complètement habité par la ligne du parti, ne songe qu’à l’appliquer au mieux et à faire la plus belle carrière possible à son service. Pour ce faire, il peaufine les techniques les plus sournoises de l’intolérance totale de tout écart ou désobéissance. Pour lui, le monde se divise en deux catégories : ceux qui soutiennent corps et âme la RDA et ceux qui méritent à peine de vivre, et encore… On pense au Gerd Wiesler du début du film cité plus haut.

Ce sinistre cafard a une gentille femme, Inge, laborantine proprette, une fillette de 6 ans, Judith et un fils plus jeune Michael. A l’école, Judith rencontre Hannah, du même âge et c’est le coup de foudre amical total entre elles deux. Pourtant, Hannah provient d’un tout autre environnement, sa mère Rita, "la force, l’humour, la tendresse et le courage", ouvrière mécanicienne en usine et grande gueule, ayant fait un bébé toute seule.

"Elle avait décidé de l’avoir seule Rita n’aurait pas eu la force de s’occuper d’un mari en plus d’un enfant."

Au contraire du petit confort orthodoxe des Moehn, chez elle, c’est la misère et la crasse. Qu’importe ! Les deux gamines s’adorent et sont inséparables. Et voilà que se rencontrant, les deux mères s’apprécient tout autant ! Mais Inge doit tenir compte de Peter pour qui Rita est typiquement infréquentable. Tout le monde grandit mais leur amitié ne se dément pas. Il y a un autre enfant dans le décor, c’est Karl, le fils mal aimé et orphelin de mère, du pasteur. Il s’est entiché de Judith dès son plus jeune âge, mais élevé à coups de ceinturon, il n’est pas spécialement bien entraîné pour l’amour… Les années passent et comment voulez-vous que les choses tournent bien dans un pays pareil ?

"Un bruit, un froissement, une année de plus. Vingt-sept ans sans prévenir. Tout est encore à faire. Tout est déjà trop tard."

Une écriture splendide, et derrière ces histoires fortes d’amitié et d’amour, le portrait très réussi d’un monde totalitaire où tout étouffe et s’étouffe.

"Honecker et Mielke, les deux Erich qui de leurs quatre mains façonnent un pays dont personne ne veut."

Encore un roman magnifique de B. de Laforcade dont j’avais adoré le premier : "Rouge nu" que je vous recommande vivement si vous aimez celui-ci, et surtout si vous vous intéressez à l’art. Un auteur qui confirme haut la main et dont j’attends la troisième publication avec les plus grand intérêt. Pourvu que le showbiz littéraire ne nous le gâche pas !

978-2073030108