05 novembre 2024

Berlin pour elles

de Benjamin de Laforcade

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Impossible de lire "Berlin pour elles" de Benjamin de Laforcade sans penser au film "La Vie des autres" et aussi, en ce qui me concerne du moins, à Herta Müller. Ce n’est pas le même pays, mais c’est le même type de dictature grise, les mêmes méthodes de la police, plus ou moins officielles.

Nous sommes à Berlin Est en 1967. La Stasi est reine et en son sein, Peter Moehn, jeune fonctionnaire complètement habité par la ligne du parti, ne songe qu’à l’appliquer au mieux et à faire la plus belle carrière possible à son service. Pour ce faire, il peaufine les techniques les plus sournoises de l’intolérance totale de tout écart ou désobéissance. Pour lui, le monde se divise en deux catégories : ceux qui soutiennent corps et âme la RDA et ceux qui méritent à peine de vivre, et encore… On pense au Gerd Wiesler du début du film cité plus haut.

Ce sinistre cafard a une gentille femme, Inge, laborantine proprette, une fillette de 6 ans, Judith et un fils plus jeune Michael. A l’école, Judith rencontre Hannah, du même âge et c’est le coup de foudre amical total entre elles deux. Pourtant, Hannah provient d’un tout autre environnement, sa mère Rita, "la force, l’humour, la tendresse et le courage", ouvrière mécanicienne en usine et grande gueule, ayant fait un bébé toute seule.

"Elle avait décidé de l’avoir seule Rita n’aurait pas eu la force de s’occuper d’un mari en plus d’un enfant."

Au contraire du petit confort orthodoxe des Moehn, chez elle, c’est la misère et la crasse. Qu’importe ! Les deux gamines s’adorent et sont inséparables. Et voilà que se rencontrant, les deux mères s’apprécient tout autant ! Mais Inge doit tenir compte de Peter pour qui Rita est typiquement infréquentable. Tout le monde grandit mais leur amitié ne se dément pas. Il y a un autre enfant dans le décor, c’est Karl, le fils mal aimé et orphelin de mère, du pasteur. Il s’est entiché de Judith dès son plus jeune âge, mais élevé à coups de ceinturon, il n’est pas spécialement bien entraîné pour l’amour… Les années passent et comment voulez-vous que les choses tournent bien dans un pays pareil ?

"Un bruit, un froissement, une année de plus. Vingt-sept ans sans prévenir. Tout est encore à faire. Tout est déjà trop tard."

Une écriture splendide, et derrière ces histoires fortes d’amitié et d’amour, le portrait très réussi d’un monde totalitaire où tout étouffe et s’étouffe.

"Honecker et Mielke, les deux Erich qui de leurs quatre mains façonnent un pays dont personne ne veut."

Encore un roman magnifique de B. de Laforcade dont j’avais adoré le premier : "Rouge nu" que je vous recommande vivement si vous aimez celui-ci, et surtout si vous vous intéressez à l’art. Un auteur qui confirme haut la main et dont j’attends la troisième publication avec les plus grand intérêt. Pourvu que le showbiz littéraire ne nous le gâche pas !

978-2073030108

2 commentaires:

  1. Je ne connais absolument pas cet auteur, qui pourtant semble valoir le détour ! Et puis, la référence à "La vie des autres", c'est tentant, évidemment...
    Et le lien est récupéré !

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