Le voyage de l’éléphant
de José
Saramago
****
Bavard et
plaisant
Roman historique
Comme
l’auteur l’explique lui-même en épilogue, sa rencontre avec une
lectrice de portugais à l’université de Salzbourg a donné
naissance à ce livre. Elle lui raconta l’aventure historique de
cet éléphant qui fit "à patte", au XVIème
siècle, le voyage de Lisbonne à Vienne et il se sentit inspiré par
ce récit. Il la chargea de la documentation et se lança dans
l’écriture de ce qui allait devenir "Le voyage de
l’éléphant".
Salomon
est un éléphant d’Asie qui réside à Lisbonne au moment où nous
faisons sa connaissance car il est la propriété de roi du Portugal
Dom João III. Devant un cadeau à Maximilien d’Autriche et
désirant que celui-ci soit marquant, Dom João décide de lui offrir
son éléphant, animal si rare en ces contrées que nombreux seront,
en cours de route, ceux qui ne soupçonnaient même pas qu’une
telle bête pût exister. (C’était ça ou une custode et
apparemment le critère d’encombrement n’a pas joué). Maximilien
accepte le cadeau et Salomon quittera donc Lisbonne pour rejoindre
d’abord l’archiduc à Valladolid, puis Vienne en sa compagnie. Il
sera accompagné de son cornac -qui sera le personnage que nous
suivrons plus particulièrement tout au long de ce périple- et aura
ainsi l’occasion de vivre quelques aventures
et de rencontrer plusieurs formes de vies humaines et modes de pensée
que nous observerons avec lui.
Nous
retrouvons ici l’écriture de José Saramago, sa ponctuation
particulière et l’absence des majuscules aux noms propres, sans
que cela pose de réel problème de lecture, même au début.
L’auteur a choisi de nous conter cette histoire sur le mode du
bavardage prolixe. Le ton est léger, facile, il accroche bien son
lecteur-auditeur (car on a plutôt l’impression d’écouter
quelqu’un nous raconter une histoire) et surtout, tout le récit
baigne dans un humour bon enfant tout à fait plaisant.
C’est
pourquoi j’ai lu ce roman historique –car je le rappelle toute la
documentation est réelle et l’auteur ne s’est pas permis de
fioritures- avec facilité et sans bouder la tâche. Cependant, je
dois dire, arrivée au terme de cette lecture, que l’histoire n’est
pas vraiment passionnante. La fidélité à la vérité historique
nous a privés sans aucun doute de mille aventures plus palpitantes.
C’est bien, agréable à lire, intelligent et intéressant, mais je
n’irai pas jusqu’à "passionnant".
C’est
à vous de voir si vous vous sentez tentés.
Extraits
pour vous donner un avant-goût de cet humour qui fonctionne par le
regard que cela implique, posé sur les choses:
"La
saleté qui l’avait recouvert auparavant et qui empêchait presque
de voir sa peau avait disparu sous l’assaut conjugué de l’eau et
du balai, et salomon s’exhibait maintenant aux regards dans toute
sa splendeur. Assez relative, tout bien considéré. La peau de
l’éléphant asiatique, et celui-ci en était un, est grossière,
moitié grise moitié couleur café, parsemée de mouchetures et de
poils, une déception permanent pour lui-même, malgré les conseils
de résignation sempiternellement répétés selon lesquels il devait
se contenter de ce qu’il avait et en rendre grâce à vishnou. Il
s’était laissé laver comme s’il attendait un miracle, une sorte
de baptême, et le résultat était là, mouchetures et poils." (p.
19-20)
" …
encore qu’il fut plus qu’évident que la panse de la statue ne
serait pas assez spacieuse pour contenir fût-ce une escadre
d’infants, sauf s’ils étaient lilliputiens, chose impossible
puisque ce mot n’existait pas encore. " (p.172)
"Il
est difficile de comprendre que dans une région aussi accidentée,
où abondent de vertigineuses chaînes de montagnes se chevauchant
les unes les autres, il ait encore été nécessaire de découper les
cicatrices profondes le l’isarco et du brenner* au lieu d’aller
les placer dans d’autres endroits de la planète, moins richement
pourvus en biens de la nature, où le caractère de ce stupéfiant
phénomène géologique serait susceptible, grâce à l’industrie
du tourisme, d’améliorer matériellement la vie modeste et
résignée des habitants." (p.201)
*
cols des Alpes
978-2757819562