End zone
de Don DeLillo
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"End zone" est le second roman de l’écrivain américain Don DeLillo. Il est paru en 1972 aux USA, mais il n'a été publié en France qu'en 2023. A mon sens, cet énorme retard à la traduction est dû au roman lui-même qui, encore plus inclassable que ce que l'auteur fait habituellement, est aussi bien qualifié de livre génial* que de début sans intérêt**. Une autre raison majeure tenant sans doute au fait que cela ne parle que de football américain auquel les Français ne comprennent généralement rien, moi la première... ajoutez-y pour ma part un désintérêt total.
Et pourtant, j'ai bien aimé ce livre.
Le roman est une narration faite par Gary Harkness, un jeune joueur de talent très prometteur, recruté par une équipe de football américain. Il est en formation, découvre ses congénères, et son temps se partage entre entraînements et cours, ainsi que quelques sorties et flirts. Il en fait le récit. "Simplicité, répétition, solitude, austérité, discipline et encore discipline. Il y avait des profits à en tirer, des choses qui pouvaient me servir à me fortifier; le petit moine fanatique qui s'accrochait à mon foie allait s'épanouir avec ces éléments d'ascétisme."
Le roman se divise en trois parties. Dans la première, nous rencontrons les personnages, les camarades, les entraîneurs, la petite amie... Gary se révèle être un garçon intelligent, un peu introverti, qui pratique la méditation, mais se faisant facilement des camarades. Il semble aimer la violence physique, aussi bien la pratiquer qu'y être confronté (ce qui est une vraie qualité dans sa partie). En tout cas, il ne la craint absolument pas. Mentalement, il est assez incontrôlable, ou au moins, imprévisible. Il m'a parfois fait penser à Holden Caulfield. Il s'observe beaucoup, ainsi que les autres. Il estime par exemple que les positions d’une personne dans une pièce en disent long sur son état d'esprit. Il essaie de s'adapter à la complexité du monde. "L'écoulement indifférent du temps et de toute chose m'inspirait de l'affection pour l'univers." Il réfléchit beaucoup à une éventuelle guerre mondiale, une sorte de fin du monde simplifiée. Il est comme fasciné par l'holocauste. "La culpabilité exerçait un attrait considérable sur moi."
Il y a des moments drôles, les membres de l'équipe peuvent se mettre à jouer comme des enfants. il aime bien donner brièvement des informations fausses à ses camarades pour les faire réagir. Gary apprend un mot nouveau par jour et, DeLillo m'en offrant l'occasion, j'en ai appris quelques uns aussi : callisthénie, autosome, oxycéphale etc.
La seconde partie du roman est strictement le récit d'un match (donc, du chinois pour moi) mais étonnamment, j'ai absolument tout lu -et ce n'est pas court- Là, c'est la magie de l'écriture de Don DeLillo, qui fait qu'on lit tout le détail d'actions de jeu qu'on ne comprend pas vraiment, sans même être tentée de sauter des lignes. Ne me demandez pas pourquoi. En tout cas, pour moi, c'est comme ça que ça s'est passé.
La troisième partie est la suite de la vie que Gary mène là-bas, mais qui commence à montrer des côtés plus erratiques qui auront finalement raison de lui puisqu'après être sorti dans la neige sans vêtement chaud et même y avoir disputé une partie avec des amis, le livre s'achève abruptement, laissant tout en plan :"Une forte fièvre brûla un petit sillon droit dans mon cerveau. A la fin on dut me conduire à l'infirmerie sur une civière et me nourrir au moyen de tuyaux en plastique."
C'est un livre complexe et difficile mais qui m'a saisie dès les premières phrases et que je n'aurais absolument pas pu quitter avant la fin. Un roman étrange sur un sujet qui m'ennuie, mais que j'ai aimé. Il y a de la magie là-dedans. Je ne vais pas pouvoir vous en dire plus.
* Le New York Times a déclaré que End Zone a confirmé DeLillo comme l'un des meilleurs jeunes écrivains de son temps
** Le Harvard Crimson a estimé que « même une bonne satire isolée ne peut pas tenir » ensemble un roman décevant et qui tourne court.
9782330177423