La transparence du temps
de Leonardo Padura
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Mario Condé nous la joue au "vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire" dans ce tome qui le voit arriver à ses soixante ans. Il est bien désabusé, notre enquêteur. Voilà qu'il vieillit ! Que ses articulations ne sont plus ce qu'elles étaient, et même son estomac et sa tète tiennent moins bien l'alcool ! Oubliant donc qu'il y a plus triste que de vieillir (à savoir, ne pas avoir l'occasion de le faire), Mario interdit qu'on lui fasse une fête d'anniversaire et remâche ses désillusions. Mais les amis ne sont pas faits pour tenir compte de ce genre d'interdiction et les désillusions, si elles blessent, ont tout de même l'immense chance de ne toucher ni ses amours, ni ses amitiés. Mario devrait se considérer comme heureux. Pourtant, c'est vrai qu'il n'est pas riche. En temps normal du moins, parce que justement là, un riche client va asperger de beurre les épinards du quotidien.
Le riche client se trouve être un ex-camarade de lycée (quelle surprise!), Boby. Un gamin qui avait beaucoup souffert à l'époque de son homosexualité cachée mais devinée par ses congénères, mais qui a su se rattraper depuis, assumer et faire fortune dans le monde de l’achat et la vente d’œuvres d'art. S'il fait aujourd'hui appel à Mario, c'est que son dernier amant a profité d'une de ses absences pour dépouiller toute la maison de ses valeurs En plus de la perte financière, il y a une statue de vierge noire à laquelle Boby tient énormément car elle est dans sa famille depuis toujours, et qu'en plus de sa valeur marchande, elle "a des dons", au point qu'il lui attribue la guérison de son récent cancer. Boby préférerait que la police ne vienne pas mettre son nez dans ses affaires de cœur et d'argent, et que ce soit Mario qui se charge de tout retrouver, ou au moins, la vierge noire.
Mais cependant, la police (dans laquelle Condé a toujours ses entrées) ne va pas tarder à s'en mêler, car les morts vont pleuvoir, la vierge n'étant semble-t-il pas salvatrice pour tout le monde.
Voilà donc une nouvelle enquête réunissant tous les ingrédients d'un nouveau tome des aventures du grand Mario. Nous voyons toujours en décor et quasi personnage, la Havane et sa vie quotidienne, et elle a évolué au fil du temps. Le carcan s'est relâché, tant côté blocus que côté administratif, mais l'embellie n'est toujours pas là et force est de constater que les décennies de privations endurées pour la bonne cause n'ont pas porté les fruits espérés. Mario promène son regard sur les quartiers les plus contrastés, nous les faisant découvrir, et c'est intéressant. Cependant, ce volume des aventures de Mario Condé ne fera pas partie de ceux que je conseillerai en premier lieu.
Pourquoi a-t-il fallu que L. Padura se lance dans toute cette partie historique ?! Il va entreprendre d’entrelarder l’enquête de Mario de longs chapitres historiques aux dates mêlées du 12ème au 20ème siècle et qu'on a quand même beaucoup de mal à réorganiser et à suivre, sans parler de reconnaître les protagonistes. Cela a le charme d'attirer le lecteur qui aime toujours les histoires de Templiers, mais ce sont de longs chapitres qui coupent la lecture et désarçonnent le lecteur qui finit par retomber dans l'enquête de Mario au moment où il l'avait quelque peu oubliée. Cela nous fait un gros livre (420 pages), lourd dans les deux sens du terme, et sans rythme malgré les assez nombreuses scènes d'action. Il m'a semblé que Leonardo Padura avait été trop ambitieux sur ce coup-là. Il avait voulu que son roman dépasse le statut de polar pour devenir un roman à ampleur historique, affichant une documentation et une connaissance etc. mais la vérité est que tout ce passé historique ne change rien à l’enquête en cours et n'y apporte pas davantage. Mon avis est qu'en voulant enrichir son roman, il en a réduit l'impact et la qualité générale. Quand je lis Mario Condé, c'est pour l’enquête et l'ambiance cubaine réaliste, pas pour l'histoire de France ou d'Espagne. Qui trop embrasse, mal étreint.
Série Mario Conde :
Cycle Les Quatre Saisons :
Passé parfait - Pasado perfecto (1991) - Prix des Amériques insulaires 2002
Vents de carême - Vientos de cuaresma (1994)
Électre à La Havane - Máscaras (1997) - Prix Hammet 1998
L'Automne à Cuba - Paisaje de otoño (1998) - Prix Hammet 1999
Mort d'un chinois à La Havane - La cola de la serpiente (2000)
Adiós Hemingway - Adiós Hemingway (2001)
Les Brumes du passé - La neblina del ayer (2005)
Hérétiques - Herejes (2013)
La Transparence du temps - La transparencia del tiempo (2018)
979-1022608329
Tout à fait d'accord, ce n'est pas son meilleur!
RépondreSupprimerJe constate que je n'ai pas tout lu de lui, d’ailleurs je viens d'emprunter un recueil de nouvelles, on verra!(ce qui désirait arriver)
Je ne pense pas avoir lu ces nouvelles. Tu nous diras
SupprimerJe n’ai pas lu ce roman mais j’ai constaté les mêmes longueurs historiques dans « L’Automne à Cuba »…. Ceci-dit, j’aime quand même beaucoup cet écrivain pour la langueur distillée par son écriture.
RépondreSupprimerOui c'est vrai. Il y a toujours ce "défaut" et particulièrement ici, mais on aime quand même Mario Condé, le bibliophile.
SupprimerAh mince !
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