Hommage à la Catalogne
de George Orwell
****+
Témoignage essentiel
Il s'agit ici d'un texte extrêmement vivant. On est loin des
dissertations et des études historiques fruits de l'étude des documents
ou de la récolte de témoignages. Nous avons ici le récit, à chaud, par
un témoin honnête et intelligent, d'une de ces périodes qui ont fait
tourner l'Histoire.
George Orwell, digne anglais, de bonne famille quoiqu'un peu
désargentée, devait tout de même être un type extraordinaire! Un
co-internaute m'a parlé de son romantisme. Romantique, sûrement, il
l'était. Je dirais même plutôt idéaliste...et courageux, car il fallait
l'être pour braver les dictats de son monde, de sa société, dans sa vie
en Angleterre. Il fallait l'être plus encore pour aller s'engager en
Espagne.
Ce n'est pas tout le monde qui a dans sa vie l'occasion, puis le
courage de risquer son existence par pur idéalisme; puis, l'ayant fait,
d'avoir survécu (de justesse) et de disposer des mots et du talent qu'il
faut pour le raconter quelques mois après. Mais c'est peut-être tout le
monde qui en aurait rêvé, comme à une sorte de point d'orgue.
Un petit rappel historique: Nous sommes en 1936. En Espagne, un
gouvernement républicain est au pouvoir légalement. Les Fascistes
tentent un coup d'état pour le renverser et établir leur dictature. Dans
un premier temps, ils sont vaincus et font appel à leurs alliés
internationaux : Hitler et Mussolini qui leur envoient un soutien
logistique conséquent qui leur permet de renverser la situation. Les
Républicains font à leur tour appel à l'aide des gouvernements
démocratiques, mais ceux-ci préfèrent regarder en l'air en sifflotant
d'un air dégagé. Pourtant, dans tous ces pays, des hommes se lèveront
pour rejoindre les forces républicaines et tenter d'empêcher les
Fascistes de mettre fin à la République en Espagne. Orwell était de
ceux-là. On les a appelés les Brigades Internationales. Nous savons
qu'ils ont échoué, mais Orwell, au moment où il rédige «Hommage à la
Catalogne», revenu en Angleterre depuis sept mois, à cause d'une
sérieuse blessure, ne le sait pas encore. Quand il écrit ce livre, il
croit que tout n'est pas encore joué. Pourtant, il a perdu à Barcelone
une partie de ses illusions. «Je pense qu'il est impossible que
personne ait pu passer plus de quelques semaines en Espagne sans être
désillusionné. (...) La vérité, c'est que toute guerre subit de mois en
mois une sorte de dégradation progressive, parce que tout simplement des
choses telles que la liberté individuelle et une presse véridique ne
sont pas compatibles avec le rendement, l'efficacité militaire.»
Arrivé plein de conviction, prêt à donner sa vie pour défendre son
idéal de liberté, il s'enfuira, gravement blessé, poursuivi par ses
propres compagnons (les communistes) qui se sont mis à exterminer les
anarchistes pour s'assurer plus fermement d'un pouvoir qu'il ne
garderont d'ailleurs pas.
C'est ainsi qu'Orwell quittera l'Espagne et rédigera en Angleterre
cet «Hommage à la Catalogne» alors même que tout n'est pas encore joué
là-bas, en Espagne.
Cependant je retiens surtout ce final: "Quand on a eu un aperçu
d'un désastre tel que celui-ci (...) il n'en résulte pas forcément de la
désillusion et du cynisme Il est assez curieux que dans son ensemble
cette expérience m'ait laissé une foi, pas seulement non diminuée, mais
accrue, dans la dignité des êtres humains."
Ce qui m'a frappée à la lecture de ce texte, c'est le point d'honneur
qu'Orwell met à relater avec toute la sincérité et la vérité possible,
tout ce qu'il a vu. Ainsi n'hésite-t-il pas à parler du gaspillage et
des pertes dues à l'inorganisation de son propre camp, quand ce n'était
pas la victoire manquée, ni même des blessés morts d'avoir été mal
soignés par les siens. Cela ne l'empêchera pas, en fin d'ouvrage,
d'exhorter encore ses lecteurs à ne pas oublier qu'un récit n'est jamais
totalement objectif. C'est pour toute cette honnêteté que j'adore
Orwell.
978-2264030382
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