09 juin 2025

Vivre, Le compte à rebours

de Boualem Sansal

***

9782073044778


J'ai lu ce livre pour reparler un peu sur mon blog de Boualem Sansal car je trouve important de ne pas laisser tomber dans l'oubli les écrivains emprisonnés pour délit d'opinion, que cette opinion soit la mienne ou non. La place des écrivains n’est pas en prison.

Au plus profond de son sommeil, Paolo, agrégé de mathématiques, sent son cerveau "hacké" par une entité qui y installe certaines connaissances, très parcellaires mais dont la principale n'est pas anodine puisqu'il s'agit de l'annonce de la fin du monde dans 780 jours et la seconde, qu'il est chargé de regrouper des personnes de son choix qui seront sauvées au moment ultime. Comment, pourquoi, qu'est-ce? et qui parle??? De tout cela il n'a pas la moindre idée et c'est donc un Paolo plus que perplexe qui reprend le lendemain sa routine quotidienne sans trop savoir quoi faire de ce rêve ou de cette Révélation. J'avoue que je n'avais aucune chance de résister à un tel point de départ. Je m'imagine immédiatement à sa place, que faire ? que penser? Que croire? 780 jours, c'est court quand même et d'abord, est-il bien utile de retourner travailler?

Plongé dans ses pensées, notre héros découvre un jour une affichette "-780" collée à la fenêtre d'un appartement parisien. Stupéfait, il se dit que cela ne peut être une coïncidence sans signification et entre en contact avec l'auteur de l'avis, découvrant ainsi qu'il n'est pas le seul à avoir reçu cette révélation. Nos deux "Appelés" sympathisent et se mettent en tête de rechercher d'éventuels confrères de par le monde…

Ça aurait pu être génial, et pourtant, dans un premier temps, j'ai vraiment détesté ce roman; mais vraiment détesté, au point de l'abandonner... pendant une bonne dizaine de jours. Puis je me suis dit que c'était Sansal quand même, que je ne pouvais pas ne pas lui donner entièrement sa chance, et je l'ai repris.

Pourquoi je l'avais détesté? Parce que notre Paolo, se prend pour un trublion plein d'esprit et veut à tout prix nous faire profiter de sa verve et que pour moi, ça tombait à chaque fois à plat. Il multiplie les remarques annexes qui, non seulement diluent le récit mais de plus sont parfois douteuses voire ridicules. Comme par exemple page 64 quand il utilise l'expression "Fouette cocher" et fait ensuite semblant de craindre les attaques des défenseurs des animaux ce qui nous vaut une note de 6 lignes! 6 ! Pour cette blague vaseuse ? Et ce n'est pas le seul exemple. 

Au moment de choisir qui il va sauver ou non, il consulte des "Sages", ce qui nous vaut une galerie de portraits ni très clairs, ni très bien vus (à mon sens) et s'oriente vers un choix des Sauvés en reproduction du monde actuel. Ce qui m'a semble aussi peu clairvoyant que peu audacieux. Mais bon, notre Paolo libère ses détestations et comme toujours, la haine l'égare. Il lance des piques un peu dans tous les sens comme si son esprit pétillait mais hélas, je ne trouvais pas cela drôle, même pas amusant, des remarques qui ne tombaient pas justes ou des enfonçages de portes ouvertes, des simplifications, bref de la pacotille. C'était bavard, verbeux, il jacassait, Paolo. J’espère qu’il ne représente pas l’auteur. Je me suis tout de même fait la réflexion que Sansal devait être depuis trop longtemps entouré d'une cour de flatteurs trop empressés à s'esclaffer de ses moindres mots. Mais qu'en sais-je? Et qu'importe d'ailleurs, ce temps est loin hélas et je remettrais bien volontiers Sansal parmi ses admirateurs mais là, le livre au si bon sujet m'ennuyait au lieu de me passionner. Et c'est ainsi que j'avais abandonné ma lecture, plutôt agacée qu'autre chose par ce gâchis.

Mais j'ai déjà vendu la mèche, je suis revenue. Pas tant par attirance que par une sorte de "sens du devoir". Pennac a beau dire, il y a des lectures qu'on n'a pas vraiment le droit d'abandonner.

Et le temps avait passé. De -780, nous étions passés à -365, j'avais fait mon deuil du chef-d’œuvre de SF espéré et j'étais prête à me contenter de bien moins, peut-être aussi que je m'étais habituée, peut-être que de son coté, l'auteur avait usé le plus gros de son stock de traits d'esprit et commençait à se calmer, je ne sais, mais au final, la fin du livre s'est mieux passée. Bon, il a quand même éludé tout le socio-politique, il est resté dans le flou quant aux critères de choix et a fait abstraction de deux ou trois continents, bref, raté au niveau SF. Mais, il y a quand même eu des moments plus intéressants où j'ai retrouvé le Boualem Sansal que j'aime..

"... l'humanité est entrée dans un temps inversé dans lequel l'intelligence, les sciences et les arts, se développent dans les mémoires vives des ordinateurs pendant que l'ignorance et la bêtise s'agitent pompeusement dans les cerveaux stériles des hommes. Entre les deux, il y a encore des passeurs, des traducteurs, des défenseurs des droits humains, et plein d'invisibles agents de service chargés des utilités, mais arrive le jour, pas si loin, où les machines devenues quantiques n'auront plus besoin des hommes, pas même pour leur brosser les câbles, déboucher les grilles de ventilation, les épouiller, les débarrasser de leurs virus, les rafraîchir. Et, comme allant de soi, une fois abrités dans leurs blockhaus aseptisés, ils ne se laisseront plus approcher…"

L’IA m’intéresse et je me demande moi aussi si ça va se passer comme ça.

Bref, sûrement pas le meilleur Sansal, mais à lire quand même en espérant qu'il recouvre très bientôt la liberté, la sécurité et son stylo. Le monde a besoin d'écrivains.

05 juin 2025

L'affaire du voile

de Pétillon

*****


9782226132451

Comme ma précédente chronique le laissait deviner, j'ai bien vite retrouvé les fabuleux dessins de Pétillon et mon Palmer adoré qui cette fois officie à domicile : Paris et région parisienne. De plus, alertée par le titre de ce treizième opus, je brûlais de curiosité : Comment allait-il se dépatouiller d'un problème aussi délicat qu'une affaire de voile?

Comme l'époque le veut, les contacts avec les clients se font maintenant par internet. Réseaux sociaux, e-mails et documents virtuels... Vous l'aurez peut-être deviné, Jack Palmer ne maîtrise pas vraiment. On pourrait même dire que chez lui, tout ce qui passe par l'informatique peut être considéré comme perdu. Cela ne simplifie pas les choses quand il s'agit de faire tourner sa petite entreprise... Mais enfin, présentement, il a une enquête.

Jack a été chargé par une mère éplorée de retrouver sa fille qui a fugué. Il est sur une piste et il semblerait que cette fille de la grosse bourgeoisie (père chirurgien de renom, mère dentiste) se soit soudain convertie à l'islam le plus radical et qu'elle ne vive plus maintenant que strictement voilée. Les parents qui n'avaient rien vu venir ne l'entendent pas de cette oreille.


Comme à son habitude, Palmer fait simple. C'est un type sans complication. Il cherche une femme voilée, il fait donc le tour des magasins adéquats

Puis va tout bonnement poser la question dans les quartiers tout aussi adéquats. Il ne voit aucun problème à aller tout aussi simplement la poser aux lascars du coin.


Il rencontre un imam non intégriste qui le reçoit bien mais sait peu de choses, et qui a des soucis avec les intégristes qui lui font concurrence et ont envahi sa mosquée. Alors, Palmer les rencontre aussi. De voile en burqa, son enquête va le mener à la porte d'un pensionnat coranique pour femmes, aussi fermé qu'on pouvait le supposer. Aux grands maux, les grands remèdes, Palmer va passer à l'action. Autant dire que tout peut arriver... et on ne sera pas déçus.

Encore une brillante enquête de notre génial détective et je louche déjà sur la prochaine parce que Jack Palmer, c’est comme les cacahuètes, plus on en prend, plus on en a envie. Il n'aurait pas fallu recommencer, mais c'est trop tard...

03 juin 2025

 CHALLENGE PAVÉS DE L’ÉTÉ 2025

Bonjour aux anciens comme aux nouveaux , je suis plus qu'heureuse de vous (re)trouver cette année 🙂

Si vous voulez participer aux Pavés de l'été 2025, il est temps de vous inscrire. Je rappelle les règles du jeu, peu nombreuses mais ne souffrant aucune exception 😇: 

1) Lire au moins un livre D’AU MOINS 500 PAGES (tolérance zéro pour le nombre de pages) pouvant être un roman, une (auto)biographie, un récit - témoignage ou encore un essai (mais pas de roman graphique car la perception du nombre de pages est différente). C’est un volume unique (on ne peut pas additionner les pages des volumes d’une série pour arriver au total requis, à moins qu’un éditeur ne les ait rassemblés dans une intégrale papier).

2) Ce livre, vous pouvez le lire dans sa version papier ou numérique ou l’écouter en version audio, mais IL DOIT EXISTER DANS UNE VERSION PAPIER D’AU MOINS 500 PAGES en français (je me réfèrerai au nombre de pages annoncé sur les sites Fnac ou Amazon puisque c'est un renseignement qu'ils donnent toujours)

3) A la fin de votre billet, vous mettez  un lien vers la Page récapitulative (obligatoire) elle fonctionnera le 21.

https://la-petite-liste.blogspot.com/search/label/PAGE%20RECAPITULATIVE%20PAVES%20DE%20L%27ETE%202025

et si possible, le logo du Challenge (ci-dessous). En échange vous mettrez votre propre lien sur les pages du challenge.


4) Durée du Challenge : du 21 juin au 22 septembre inclus
Modalités de participation :

  • inscriptions dans les commentaires du présent billet dès à présent 
  • publication des billets (ou critiques sur n'importe quel réseau social pour les non blogueurs) à partir du 21 juin (et pas avant). Ces billets doivent obligatoirement faire au moins une quinzaine de lignes (éventuelle 4ème de couverture non comprise).
  • dépôt des liens vers vos billets via les commentaires de la Page Récapitulative qui ouvrira sur La petite LISTE le 21 juin. Une fois homologués (très rapidement si les 3 premiers points du règlement sont ok), ils iront dans la page récapitulative elle-même.

N’hésitez pas à poser vos questions éventuelles dans les commentaires. Faites de la pub, plus on est nombreux, plus c'est intéressant.

ALORS, PRÊT(E)S A RELEVER LE DÉFI 🙂 ?

Inscrivez-vous dans les commentaires



PARTICIPANTS  par ordre d''inscription: 

31 mai 2025

Une canaille et demie

de Iain Levison

***+

979-1034906642

J'ai emprunté ce livre à la bibliothèque car je n'avais encore lu aucun roman de Iain Levison alors que je le vois régulièrement commenté sur les blogs. C'est un roman policier.

Dixon, qui se préoccupe pourtant de son karma, se joint à une bande de malfrats pour tenter le braquage d'une banque. Il le fait car il sort juste de prison et n'a pas un radis et pas davantage de situation. Or, il rêve d'acheter une petite ferme dans l'Alberta et d'y couler des jours paisibles. Comme il n'a pas une trop haute opinion des capacités de ses complices (mais pas de leur dangerosité), il s'est discrètement préparé sa propre voie de sortie. Il a bien fait. Le braquage a lieu, il tourne mal comme on pouvait s'y attendre, mais Dixon parvient à s'enfuir avec un sac plein de dollars.

A des kilomètres de là, dans le New-Hampshire, l'ambitieux Elias White mène son existence de frustré. Prof d'Histoire aux dents qui rayent le parquet il trouve bien long le temps que les autres mettent à reconnaître sa valeur exceptionnelle et à lui offrir les postes correspondants. En attendant, il travaille sur une grande recherche visant à faire comprendre à tous comment/pourquoi, le nazisme a séduit les foules. En attendant encore, c'est lui qui ne comprend pas le coté scabreux de son travail et pourquoi les gens ont plus tendance à s'en détourner qu'à s'y intéresser. Bref, gloire et reconnaissance ne semblent guère approcher et en attendant, il se console avec ses élèves les plus délurées.

Vous aurez deviné que Dixon va atterrir chez Elias, poursuivi par toutes les polices, incarnée ici par Denise Lupo, excellente inspectrice mais qui se heurte de façon irrémédiable au plafond de verre et qui commence à s'en lasser.

Si cette petite présentation vous met en appétit, n'hésitez pas car c'est un polar bien écrit et très bien mené. Vous en aurez pour votre argent. Par contre, si vous cherchez quelque chose d'un peu plus original , plus captivant ou qui pique un peu plus la curiosité... allez plutôt lire Billy Summers. Pourtant, j’ai bien aimé l'énorme cynisme désabusé de ce polar qui nous montre une élite intellectuelle des universités ne valant pas mieux que les malfrats officiels, sous les yeux d’une police et d'une justice sans morale. Je lirai sans doute d’autres titres de cet auteur, il y en aura bien un où il m’étonnera.

 

27 mai 2025

Palmer en Bretagne

de René Petillon

*****


Pas revu Jack Palmer depuis des décennies! C'est dire. Et voilà que le hasard me met celui-ci entre les mains, c'est le 15ème de la série, il date de 2013. On dirait que ca a été le dernier.

Nous retrouvons notre vaillant détective, toujours aussi vif et bien habillé. Cette fois, il a été engagé comme garde du corps par un milliardaire trois fois plus grand, gros et fort que lui, et bien plus méchant. D'ailleurs, Palmer semble le plus inoffensif de toute la bande qui se trouve réunie là pour un week-end de repos entre gens riches. Erreur de casting sans doute car on ne voit pas ce qu'il pourrait faire pour protéger son milliardaire.

Nous sommes sur une île bretonne, ce qui simplifie la surveillance contre les intrusions. Seuls y ont accès, les invités de Solange Pommeraie et les quelques locaux qui font vivre les lieux. Tout ce beau monde bien bling-bling se surveille et se jalouse comme des hyènes. Aux divers désagréments du séjour s'ajoute une très envahissante et très puante algue verte dont le locaux s'épuisent à nier les méfaits quand ce n'est pas la présence même. Décors et personnages étant en place, Palmer se met au travail

Malheureusement, ayant choisi de se "poster" sur un rocher où personne n'avait jamais songé à se mettre et qui est bientôt entouré par les flots, c'est là que notre détective commencera et finira toute cette aventure tandis que sur l'ile, il y aura destruction d’œuvre d'art, meurtre, visite préfectorale en hélicoptère, poursuites de gendarmerie sur terre, sur mer et dans les airs, des scènes torrides et même un naufrage! C'est pourtant lui qui donnera finalement la clé du mystère. Sacré Palmer !

Les dessins sont vraiment remarquables. Quel talent, ce Petillon! Les expressions sont irrésistibles. L'histoire est bonne, les relations sociales sont un régal de férocité et l'humour est partout, parfois un peu caché. L'auriez-vous vu, celui-là? :

... ce qui, si je compte bien, nous fait une marche tous les... 😂 Mais tous les patelins qui ont un phare ou une tour aiment bien majorer un peu le nombre de marches. C'est humain. Ça fait ça aussi pour la hauteur des falaises, mais là, il n'y en a pas.

Je pense que je vais me faire une petite cure de Jack Palmer, tiens, c'est bon pour ce que j'ai.


Série Jack Palmer:

1- Gourous, derviches et co. en 1979 sous le titre Une sacrée salade en 1981

2- Mister Palmer et Docteur Supermarketstein

3- La Dent creuse

4- Les Disparus d'Apostrophes !

5- Le chanteur de Mexico

6- Le Prince de la BD

7- Le Pékinois

8- Un détective dans le Yucca

9- Narco-dollars

10- Un privé dans la nuit

11- Le Top-model 1995. Renommé L'Affaire du top-model en 2001 ;

12- L'Enquête corse

13- L'Affaire du voile

14- Enquête au paradis

15- Palmer en Bretagne


Hors-série : Le Meilleur et le pire de Jack Palmer

978-2205070576


22 mai 2025

Dans les brumes de Capelans

d’Olivier Norek

****

978-2266332132


Alors qu'on le voit partout, en librairie et sur les blogs littéraires, je n'avais encore jamais lu Olivier Norek, tout comme je n'ai encore jamais lu Franck Thilliez ou Maxime Chattam (on ne peut pas tout lire) et il en serait sans doute toujours ainsi si je ne l'avais pas trouvé sous la forme d'audiolivre à la médiathèque, mais médiathèque il y a, audiolivre il y eut et lacune je comblai.

Ca commençait plutôt mal, encore un serial killer, encore des filles violées et assassinées, encore un flic blessé qui se recycle etc. pour moi qui préfère les whodunit et les intrigues inattendues, clairement, si cela avait été un livre, si je n'avais pas été coincée longuement dans cette voiture avec cet audiolivre, je ne serais pas allée très loin dans ce bouquin. Mais les choses étant ce qu'elles étaient, j'ai avancé pas mal et d'abord, j'ai été agréablement surprise par le niveau d'écriture. Je m'attendais à bien plus pauvre et là, vraiment, ce n'est pas le cas. Pas mal non plus pour la psychologie des personnages, bien moins sommaire, voire invraisemblable que d'autres que j'ai pu avoir à lire, si bien que j'ai décidé d'aller au bout et de "laisser sa chance au produit", comme on dit. Et au final, je ne regrette pas parce que j'ai bien aimé ce bouquin. L'écriture, je l'ai dit, tient bien la route et les personnages acquièrent rapidement assez d’épaisseur et de relief pour s'arracher aux stéréotypes. Il parait qu'on "retrouve avec plaisir" le Capitaine Victor Coste rencontré auparavant dans des circonstances tragiques, ce qui n'a évidemment pas été le cas pour moi vu que c'était mon premier Norek, mais donc je vous l'annonce, si vous le cherchiez, il est là.

Je me suis aussi intéressée au décor, cette France lointaine au climat difficile, puisqu'une grande partie du récit se passe à Saint-Pierre (le Saint Pierre de Saint-Pierre et Miquelon, pas à la Réunion, ni au Vatican). Cette côte aride où, pendant les brumes de capelans, on ne voit plus sa main si on tend le bras (c'est pratique, pour chasser un tueur!). Et à ce propos, savez-vous ce que sont les brumes de capelans? Curieuse comme je suis, il a bien fallu que je me renseigne alors voilà ce que me dit Wikipedia : "une brume de printemps qui annoncerait l'arrivée de petits poissons (le capelan) sur le bord du rivage." Vous voilà renseignés, vous ne serez pas venus pour rien.

Au final, l’intrigue arrive quand même à surprendre et c’est vraiment bien raconté, alors oui, un autre Norek, plus tard, à l’occasion, pourquoi pas ?


18 mai 2025

VilleVermine, Le tombeau du géant

Julien Lambert

*****

978-2377317783

Ceux qui suivent le savent déjà, j’ai découvert Julien Lambert et sa VilleVermine il n’y a pas si longtemps de cela avec les deux premiers volumes des aventures de Jacques Peuplier et j’avais été largement convaincue. Je me suis donc empressée de lire le troisième volume et deuxième aventure (les deux premiers tomes n’étant qu’une seule enquête). Cette fois, nous avons la totalité de l’histoire dans le même volume, ce que je préfère.

Tous les ans à VilleVermine, est célébrée la Fête de la mort du Géant. Cette fête est organisée par la petite-fille de Boris Tassard, le héros qui, d’un coup de sa hache, baptisée Fendeur, étendit raide le monstre qui faisait subir de cruels sévices à la population. Ce monstre était un horrible géant dont personne n'avait pu venir à bout. Boris fut donc traité en héros et bénéficia de la reconnaissance de la population. Cette fête annuelle, qui tient beaucoup du carnaval, maintient vif ce souvenir mais cette année, l'héritière des Tassard voudrait donner plus d'éclat à la fête en présentant à la foule le Fendeur qui a disparu après les faits. C'est bien naturellement à notre Retrouveur d'objet préféré qu'elle s'adresse pour ce faire. L’enquêteur mènera ses recherches malgré la fâcheuse manie qu'ont les témoins d'être déjà morts à son arrivée. Cette aventure va faire découvrir à Jacques (et à ses lecteurs) ce qu'il y a sous VilleVermine, une ville souterraine... pas plus propre que celle du dessus, et habitée par une population constituée de sorte de moines guerriers pas très sympathiques, Mais c'est là que se trouve le Fendeur... et un autre géant. Le Fendeur se révèle être encore plus redoutable que dans la légende, quant au géant... je vous laisse découvrir, mais sachez que Jacques ne déteste toujours pas la baston.

Une Bande dessinée dont j'adore le graphisme et qui, derrière une histoire très originale et captivante, traite comme en passant de domination patriarcale, de gestion sociale des différences, de ce que cachent et à quoi servent les légendes, de pulsions de violence et de boucs émissaires. Et au passage, Jacques en vient à se dire qu'il devrait peut-être enrichir un peu sa vie sentimentale. Captivant, je vous dis.


Direct 5 étoiles. Vivement une troisième aventure !


13 mai 2025

La librairie des chats noirs

de Piergiorgio Pulixi

9782351783580

***

L’ayant pas mal vu d'un œil distrait passer sur les blogs des lectrices, puis apparaître soudain en plein milieu de la table des nouveautés à la bibli, j'ai testé ce roman du nouvel auteur italien à la mode : Piergiorgio Pulixi.

Vous voulez écrire un polar à succès (et même éventuellement une série?) en mettant toutes les chances de votre coté, qu'est ce que vous faites?

Vous vous souvenez que la majorité des lecteurs sont des lectrices et qu’elles aiment les livres, les bibliothèques, les librairies, les clubs de lecture et les chats et sont généralement d'une grande indulgence envers les types un peu abîmés qui essaient de se reconstruire et cachent un cœur d'or derrière une apparence bourrue (pas moi, faut bien des exceptions). Il est bon qu'il ait quelques amis un peu originaux mais avec un excellent fond. Il n'est ni mauvais ni rare qu'il soit également très officieusement bien vu des services de police, c'est plus simple pour avoir de bons renseignements et échapper à toutes les tracasseries que vous font normalement les flics quand vous venez piétiner dans une enquête de police. Évidemment, la vraisemblance n'y gagne pas, mais on ne peut pas tout avoir. Vous placez le tout dans une belle région et saupoudrez d’un peu de tristesse amoureuse, et le tour est joué. Bref, Pulixi n'a pas été avare de ses efforts et il nous a mis TOUT ça dans ce roman. Résultat, nous avons un petit polar très agréable à lire, qui ne va certes pas révolutionner la littérature noire mais qui donnera à son lecteur ce qu'il vient en général chercher.

Après un départ qui capte bien l'attention et nous décide à voir plus loin, nous découvrons notre héros, un ex-prof de math défenseur d'enfant battu qui a dû se recycler et est devenu libraire. Un libraire qui coule doucement vers la faillite et se demande pourquoi les clients qu'il insulte ou engueule volontiers ont tellement tendance à ne pas revenir. Heureusement, la boutique est maintenue à flots par une vendeuse extrêmement aimable, elle, et qui fait tout le boulot bien qu'on la devine payée au lance-pierre. Dans la librairie se sont installés à demeure et sans le consulter deux chats noirs plutôt énigmatiques (pour l'ambiance féline). Dans le sous-sol de la librairie le club de lecture s'est réduit à quatre participants et s'est transformé en "club des enquêteurs du mardi". C'est à eux que la police, totalement démunie après l'entrée en matière très violente du roman, va demander un coup de main. (Oui, je vous avais prévenus pour la vraisemblance). Pour être honnête, le lecteur n’a aucune chance de découvrir le coupable avant la fin, le seul indice étant laissé trop flou pour être probant, mais il va essayer.

C’est facile à lire, plaisant, la psychologie des personnages est à la limite de la caricature mais c’est de la lecture récréative. L’IA va bientôt nous pondre des milliers de ces romans-là si ce n’est déjà fait, et vous l’aurez oublié en moins d’un mois, but who cares ?

Ceci étant, je ne pense pas en lire d’autre, mais ça va beaucoup plaire.

09 mai 2025


L'anniversaire de Kim Jong-il

Scenario d'Aurélien Ducoudray

Dessins de Mélanie Allag

****


9782756051543

Epoque actuelle, Corée du Nord de Kim Jong-il. Le récit est fait du point de vue de Jun Sang, petit garçon de 8 ans qui a la particularité d'être né le même jour que le bien-aimé dictateur, et c'est une chance car dans son pays, il est interdit de fêter les anniversaire, sauf celui du chef suprême. Mais lui, petit Chef des Jeunesses Patriotiques de son quartier, a ainsi un peu l'impression d'être honoré. "Il vit comme on lui apprend à l'école : le grand leader veille sur lui, lui désigne ce qu'il doit faire et ceux qu'il doit haïr de toutes ses forces" et ça, de la haine, il y en a. de la haine, de la surveillance, de la délation, de la maltraitance et de l'abus de pouvoir qui n'en est même plus tant tout pouvoir est pratiquement illimité dans sa sphère.


Jun San et tous les gamins sont complètement embrigadés et vouent un amour sans bornes à leur "cher dirigeant" qu'ils imaginent comme une bienveillante figure paternelle infaillible. Le conditionnement est total. Entre l'école et les rudes travaux obligatoires dans les champs, il y a les "jeux" mettant tous en scène des luttes glorieuses de soldats coréens contre le reste du monde, tous de cruels tyrans réduisant leurs peuples à la misère. Les gamins se rêvent en héros donnant leur vie pour sauver la Corée du Nord et son "leader bien aimé" et, tout comme les adultes sont perpétuellement en chasse du moindre signe de "déviation" pour le dénoncer. La réalité, qu'ils ne voient pas bien qu'ils soient en plein dedans, c'est que la corruption règne en maîtresse et que c'est eux qui vivent dans la misère et mènent une existence extrêmement difficile. Mais peu à peu, de restriction en collecte pour le pays, on passe de la misère à fla amine et cela devient vraiment intenable. A la mort de son père, Kim Jong-il succède à Kim-il Sung et les choses ne font qu'empirer.


La famille de Jun Sang, qui a des origines sud coréenne finit par envisager de passer la frontière, mais le voyage est très dangereux. Trahi et dépouillés par les passeurs, l'aventure se terminera dans un camp. La suite, je vous laisse la découvrir.


Cette bande dessinée dresse un portait très évocateur de la vie dans une dictature et la façon dont la réalité y est niée et où chacun est à la fois bourreau et victime dans un grand élan d'aveuglement général. Je pense que c'est une constante de toutes les dictatures, et c'est très bien montré ici, de l'intérieur. Le récit court sur 8 ans et c'est un jeune homme de 16 ans que nous quitterons en tournant la dernière page. Les dessins, en couleur, puis en noir et blanc pour les périodes les plus sombres, sont à la hauteur de l'entreprise exigeante qu'était ce récit. Adolescents et adultes seront intéressés. Il y a à voir et à apprendre.  



04 mai 2025

L'autodidacte, le boxeur et la reine du printemps

de Hernan Rivera Letelier

****


979-1022613071


Je découvre cet auteur chilien avec ce court roman d’inspiration fortement autobiographique. Une histoire somme toute banale, comme la vie, si ce n’est qu’elle aboutira à la naissance d’un écrivain.

Le récit est fait par l’autodidacte du titre qui vient d’arriver dans le village minier au bord du désert et de la pampa. Il a 20 ans, il sait tout juste lire et a découvert dans le même temps que "Depuis que j’avais appris à déchiffrer les premières lettres, j’éprouvais le besoin quasi physiologique de lire, lire tout ce qui était à portée de main. Lire. Lire comme un drogué. Puis, en commençant à écrire, ce besoin s’intensifia jusqu’à prendre l’habitude d’un nécessiteux qui ramasse et lit, assis par terre, le moindre bout de papier imprimé emporté par le vent."

Il n’a même jamais eu de livre jusqu’à sa très récente découverte de la bibliothèque. Pour vivre, il se fait embaucher dans la mine de salpêtre. C’est un travail très pénible et mal payé, mais il n’y a pas de choix. Pendant le transport, les maigres pauses et ses jours de congé, il lit. Il dort dans les baraquements des ouvriers, il mange dans une cantina. C’est là qu’il va rencontrer "la Reine du printemps" et en tomber fou amoureux, ce qui pour lui se traduit par une avalanche de poèmes et même finalement son chef-d’œuvre poétique. Evidemment il y aura une tierce personne, le boxeur du titre et tout cela finira mal ainsi que le veut la règle. Donc, comme je vous le disais, pas très original mais une très belle prose, une vie et un réalisme remarquables dus au fait que la vie de Hernan Rivera Letelier a beaucoup ressemblé à ce qu’il est en train de nous raconter. Remarquable également, un décor rare de ville minière de désert, de travail trop rude qui n’a de défouloir que dans l’alcool et les sports qui sont le seul espoir pour les plus doués de voir un jour leur vie s’améliorer au lieu de se détériorer rapidement dans cette vie trop dure qui détruit les êtres.

A la fin du livre, l’autodidacte, qui ne connaît que la poésie, découvre par hasard un roman* et son incroyable magie, le lit et le relit sans pouvoir s’en rassasier et acquiert

"… la conviction absolue que, si un livre déniché sur l’étagère la plus inaccessible d’une bibliothèque perdue dans le désert était capable de bouleverser -sauver- la vie d’un homme -un seul- rien que pour ça il valait la peine d’avoir été écrit. Et qu’il valait la peine d’écrire n’importe quel livre."

et le roman se termine sur sa décision :

"par dessus tout, je sentis dans mes tripes la certitude absolue que j’allais moi aussi écrire un roman. Mon sujet serait bien évidemment, le désert d’Acatama. (…) mon roman débuterait par la mort de la Reine Isabel".

Le premier roman de Hernan Rivera Letelier s’intitula «La Reine Isabel chantait des chansons d'amour" et évidemment, maintenant, j’ai envie de le lire. Le goût de la lecture, c’est une histoire sans fin. Et tant qu’à faire, je l’ai commandé en espagnol, histoire de voir si j’arrive à le lire. La V.O, c’est mieux pour goûter vraiment au style d’un écrivain.


* "Adan Buenosayres" de Leopoldo Marechal.

** Choup l'a lu aussi



30 avril 2025

Moi, Fadi, le frère volé - T1 (1986-1994)

de Riad Sattouf

****

978-2959133725


Les 6 tomes de L'Arabe du futur se terminaient par les retrouvailles entre Riad et son frère Fadi et le dernier laissait voir une légère incompréhension entre eux. Chose bien naturelle puisque élevés séparés dans des cultures différentes et, pour Fadi, dans des mensonges quant aux autres membres de sa famille. C'est sans doute pour dissiper cette incompréhension et réduire la distance entre eux que Riad a amené Fadi à se raconter et a traduit ce récit en bande dessinée. Du moins, c’est ce que j’imagine. Quoi qu’il en soit, on comprend dans ces conditions qu'il serait peu judicieux de lire cette BD sans avoir auparavant lu les 6 tomes de "L'Arabe du futur".

Ce pauvre Fadi brusquement arraché à sa mère et à tout ce qui faisait son monde, pas du tout comme le montre une couverture que je ne comprends pas, mais au prix d'un vrai enlèvement par tromperie alors qu'il n'avait que 4 ans, a vraiment vécu dans son enfance un traumatisme affreux qui émeut le lecteur.


On le suit dans le village paternel et on retrouve ce qui fut le monde de la petite enfance de Riad, comme nous l’avait montré « L’arabe du futur ». Le père, sans devenir ce qu'il espérait, a cependant amélioré sa situation sociale là-bas. Il a pris la prévalence sur son frère parce qu'il a gagné de l'argent. On ne sait pas comment. Sa fameuse villa, en construction depuis toujours, n'est toujours pas sortie de terre, mais il persiste à y croire. Il est mieux considéré, mais tout de même pas incontesté et, dans sa famille, tout le monde semble penser qu'il a eu tort de ramener Fadi. Le pauvre gamin, qui au début, pense que cette séparation ne sera que temporaire, ne cesse de réclamer sa mère alors que son père au contraire lui répète qu'elle ne veut pas le rejoindre. 

Fadi va à son tour connaître l'école syrienne, mais là aussi au moins, à défaut d'enseignement de qualité, le père se montre plus capable de protéger son fils. Les années passent, Fadi oublie un peu et le père se remarie avec une femme qu'il rend aussi malheureuse que la première.

Comme indiqué, nous n'avons là que le tome 1, il nous faudra un second volume pour suivre Fadi jusqu'à son retour en France. Comme L’arabe du futur, c'est une histoire très intéressante. Peut-être un peu moins chargée d'émotion directe - ce qui est peut-être dû au fait que Riad Sattouf n'a pas vécu lui-même cette histoire - mais tellement émouvante! Et puis, on voulait tous savoir ce qui était arrivé à ce petit frère dont la disparition avait détruit la vie de sa mère.

L’auteur explique dans les interviews : "J’ai d’abord voulu avoir des réponses aux questions que je me posais : qu’a fait mon frère pendant toutes ces années ?" et comme on partage sa curiosité, on le suit volontiers dans cette voie.