01 octobre 2024

Shadow Life

Scenario : Hiromi Goto

Dessin : Ann Xu 

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Présentation de l'éditeur:

"Kumiko est placée à Pâturages Verts, une maison de retraite prisée. Ses filles étaient certes bien intentionnées en choisissant cet endroit pour elle, mais la veuve de soixante-seize ans s’enfuit au bout de quelques jours. Rebelle et indépendante, elle refuse qu’on lui dicte sa condition et emménage seule dans un appartement, gardant le lieu secret. Kumiko se délecte des petits plaisirs quotidiens : décorer à sa guise, manger ce qu'elle veut et aller nager à la piscine. Sauf que quelque chose l'a suivie dans ses bagages : l'ombre de la mort… "


Noir, blanc et quelques nuances de gris (seule la couverture est colorée) pour ce roman graphique de 368 pages extrêmement émouvant, grave, mais pas triste à mon avis. Un graphisme simple et tout à fait adapté. Cela commence quand Kumiko quitte discrètement et nuitamment la maison de retraite où ses filles l'ont installée pour être rassurées à son sujet. Elle avait accepté d'y aller, mais maintenant, elle se rend compte qu'elle ne veut pas de cette vie où les autres décident tout pour elle jusqu’à l’heure de ses repas, même si c’est avec un soin permanent de sa sécurité. Alors elle part et, pour couper court à toute discussion, elle se loue un petit appartement dont elle ne révèle l'adresse à personne. Elle a le sentiment réconfortant de reprendre en main les rênes de sa vie (ce qui est l'exacte réalité d'ailleurs). Kumiko a trois filles. La cadette, immature et exigeante, ne cesse de la harceler par téléphone pour être rassurée. Elle n'accepte pas ce que la vieille dame a fait, elle exige d'être rassurée (au moins, quand elle était dans la maison de retraite, elle n'avait plus à s'inquiéter). Kumiko essaie de lui expliquer que ce n'est pas ainsi que les choses se font et lui demande de respecter ses choix comme elle même a respecté les siens quand elle était jeune. Bien sûr, c'est peine perdue, mais Kumiko ne cède pas et poursuit sa nouvelle vie. Sont nouvel appartement lui plaît. Elle occupe ses journées en allant à la piscine et à la bibliothèque.


Il y a cependant une ombre au tableau, et c'est bien d'ombre qu'il s'agit. Sans jamais parvenir à la voir en face, Kumiko aperçoit du coin de l’œil une ombre qui la suit en permanence et marque même sa peau, prenant des formes diverses et ne la quittant pas. C’est l'ombre de la mort. Kumiko a 76 ans, quand même, son corps faiblit. Il est normal qu'elle commence à y penser... Mais pas tout de suite! Aussi décide-t-elle d'acheter un aspirateur pour faire le ménage chez elle et profiter de sa nouvelle vie dans un logement propre. Et voilà qu'elle parvient à aspirer l'intruse! L'ombre de la mort est prisonnière du sac de l'aspirateur que Kumiko s'empresse de cadenasser autant qu'elle le peut. Kumiko perd-elle un peu la boule? Cela changerait la donne et il faudrait alors voir cette histoire autrement... Mais une fois l'ombre enfermée, elle reprend ses activités avec un meilleur moral, même si sa santé semble se dégrader un peu. Quand l’ombre de la mort rôde autour de vous, ce n’est pas pour rien. Et voilà bientôt qu'elle tombe et se blesse! Elle qui est seule, là où personne ne la connaît.

Voilà, je vous en ai assez dit sur l'histoire, vous découvrirez la suite si vous le voulez. Ce que j'ai le plus admiré, c'est la justesse du récit. Comment l'auteure a-t-elle pu savoir avec autant d'exactitude ce qui se passe dans la tête d'une vieille dame? Les jeunes n'en ont généralement aucune idée. Un coup d’œil à Wikipédia m'a appris qu'elle était née fin 1966. Elle a donc vingt ans de moins que son personnage et cependant, tout est juste dans ce qu'elle montre. Juste et délicat. J'ai beaucoup apprécié ce roman graphique qui éclaire une problématique que nous connaissons ou connaîtrons tous, pour nous même ou des proches. Elle rappelle aux jeunes que ce n'est pas parce que les plus anciens se mettent à avoir besoin d'aide qu'ils perdent pour autant leur droit à l'égalité et à la liberté. Elle rappelle aux vieux qu'il arrive un moment où on ne peut plus se débrouiller complètement tout seul.

C'est ainsi.

Bonne lecture!

9791033513414

7 commentaires:

  1. La forme (Roman graphique) est peut-être une manière plus douce d'aborder les thèmes de la vieillesse et de la mort.

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    1. C'est vrai, et un petit dessin remplace une phrase délicate où tous les mots sont difficiles à choisir

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  2. J'avaois "loupé" la parution en 2022 chez Ankara de ce "one-shot". Merci pour la piqure de rappel!
    L'histoire me fait un peu songer au film "Plan 75", un film de fiction sur les "senior" au Japon et la "solution finale" qui leur est proposée... (Chie Hayakawa, 2022 - aussi. Décidément!).
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

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  3. Je trouve formidable qu'une BD aborde le sujet en longueur (plus de 300 pages, c'est un gros morceau) et j'aime beaucoup la bouille de Kimiko. Ca me rappelle la légende de Mère misère qui avait piégé la Mort dans son poirier ;-D

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    1. Oui, de plus, c'est vraiment bien vu, sans excès ni simplifications exagérées

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  4. Une BD que je m'empresse de noter ce thème de la vieillesse, du droit au respect de ses libertés même quand on est âgé mais aussi l'importance de reconnaître ses limites étant intéressant et peu abordé.

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    1. Une BD qui mérite d'être lue. Les choses sont montrées avec finesse et justesse.

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