Une vie de homard
d'Erik Fosnes Hansen
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J'ai choisi ce livre parce qu'il avait tout pour me plaire. J'aime bien les microcosmes. Les hôtels sont parfaits. J'aime bien les récits faits par une voix spéciale, un enfant, un vieillard, un témoin ignoré, voire un animal. Je n'ai donc pas hésité à me lancer dans ce roman un peu gros (450 pages) et j'ai été aussitôt emportée par le flux. C'est un courant puissant mais peu rapide qui nous emmène ici. Le rythme est posé. Rien d’hystérique, de hâtif ou d'irréfléchi. Pas de grands coups d'éclats, sauf le final, mais une foule de détails et l'imprégnation d'une ambiance terriblement fin de règne.
C'est Sedd, adolescent de 14 ans qui nous en fait le récit. Elevé par ses grands-parents, c'est un garçon sage, éduqué pour devenir un jour le maître du palace dans lequel il vit. Toute sa courte vie n'a été que préparation à ce rôle. Il sait tout de ce qui doit ou ne doit pas être fait, et comment. C'est une seconde nature chez lui. En même temps, c'est un garçon de 14 ans qui ignore tout de ses parents car ceux-ci sont partis et peut-être morts, et que les grands-parents refusent absolument d'en parler. C'est une situation douloureuse pour un jeune homme et il doit la supporter stoïquement. Pourtant, il cherche, dans la limite de ses faibles moyens, à percer tout ce non-dit mortifère.
Le non-dit, le déni, sont au cœur de cette histoire. Le palace de montagne norvégienne (qui m'a fait penser à ses semblables autrichiens ou suisses, plus représentés dans la littérature), est un anachronisme qui arrive en fin de course quoi qu'en disent les grands-parents. La mort du banquier ami de la famille qui ouvre le roman, amorcera le mouvement de bascule fatal, on le sent bien.
Mais de cela, on n'en dira pas plus à Sedd qu'on n'a parlé de ses parents. Face à tout problème grave, les grands-parents, donnés pour charmants et aimants, ne savent en fait qu'adopter la politique de l'autruche. Le garçon n'est pas conscient de ce vice de caractère, même s'il le découvre peu à peu. Il a vite fait d'en hériter lui aussi et de "ne pas comprendre" les indices qui s'accumulent sous ses yeux. Et quand viendra une adolescente et la possibilité de sentiments romantiques mais insécurisants, il s'empressera d'imiter le défaut familial...
Mais peu à peu, la parfaite harmonie onctueuse du palace se fendille, il y a des larcins, le personnel se réduit, les marchandises ne sont plus bien livrées, quand ce n'est pas l’électricité ou le téléphone qui viennent à manquer...
Et tout se dérègle sous les yeux incrédules de notre Sedd qui est si attaché à l'orthodoxie des choses.
Ces "accrocs" s'accompagnent de plus en plus en approchant de la fin, de scènes extravagantes, burlesques, puis terribles.
Un très beau roman, porté par une belle écriture. A lire.
978-2072732980
Ah voilà, on peut laisser des commentaires ! Je n'ai pas particulièrement remarqué ce roman, je le note.
RépondreSupprimerNon seulement on peut répondre, mais je reçois un avis! On n'arrête pas le progrès.
SupprimerAttention, ce n'est pas un livre de cette année, de l'an dernier je crois. J'avais beaucoup aimé. Je transfère quelques anciens commentaires de lecture vers ce blog quand j'ai du temps et sans trop enfouir les nouveaux, parce que lecture-ecriture disparaitra dans quelques mois.