Sous l’aile du bizarre
de Kate Atkinson
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La narratrice habite avec son étrange mère dans une ile déserte au large de l'Ecosse. Elles entreprennent de se raconter. C'est la fille, la narratrice, qui a lancé ce thème de discussion alors qu'elles sont toutes les deux isolées sur cette île. C'est qu'elle ignore à peu près tout de sa mère, Nora, de sa propre conception, de son père et du reste de la famille. Elle espère, en lui contant sa vie à l'université, l'inciter à se livrer elle aussi. Elle utilise un ton d'humour pince sans rire que j'apprécie particulièrement et se sent d'autant moins tenue à une exacte vérité qu'elle ne pense pas que sa mère sera elle même très exacte dans ses récits par ailleurs très parcellaires et difficiles à obtenir.
Ce qui m'a le plus emballée dans ce roman, c'est le ton, l'humour, les réparties. On a l'esprit toujours en éveil et le sourire aux lèvres. Exemple, entre Chick chauffeur de taxi et Terry, étudiante et passagère :
"- On dit que tout le monde a un roman en soi, n'est-ce pas? fit alors Chick que l'idée paraissait soudain séduire.
- Ouais, grogna Terry, et peut-être que c'est là qu'il devrait rester.
Chick riposta par quelques mots bien sentis sur les étudiants, soulignant en particulier qu'il payait des impôts pour que nous puissions nous prélasser toute la journée, en nous vautrant dans le sexe et la drogue.
- Ne croyez pas que je ne vous en sois pas reconnaissante, fit suavement Terry."
Et, cerise sur la gâteau, cet humour est parfois bien noir: "Sur quelque remarque innocente de ma part, la mère d'Archie entreprit de me raconter l'histoire de sa vie, banale, je suppose: un cœur brisé, un enfant perdu, la mort, l'abandon, la solitude, la peur. C'était, bien sûr, la version condensée, autrement,, nous en aurions eu pour soixante-dix ans et quelques années."
Les longs passages durant lesquelles c'est notre narratrice qui raconte sa vie, ont un petit côté David Lodge déjanté, car ils nous font entrer dans la vie d'une université anglaise dans une classe de création littéraire. Les profs hyper susceptibles se jalousent âprement et se méprisent mutuellement. Parmi les élèves, personne ne veut travailler, tout le monde se prend pour un génie, prend les autres pour des nuls, et vogue la galère vers la gloire qui ne peut qu'être au bout. Plusieurs sont colocataires, amis, amants, bref, se fréquentent en dehors des cours (où ils vont les moins possible d'ailleurs, car qu'ont-ils besoin de cours?!) et nous les suivons donc hors des murs académiques.
Du côté de la mère, il est vraiment difficile d'obtenir un renseignement à peu près fiable, mais peu à peu, sur leur île cinglée (elle aussi) par les vents, et parmi un tas de mensonges, certaines choses se disent... et ce ne sont pas forcément les plus vraisemblables.
J'ai adoré ce bouquin déjà ancien mais que je n'avais pas encore lu. Si bien que j'ai immédiatement enchainé avec un autre du même auteur.
978-2877063821
Ce n'est pas mon préféré de l'auteur, mais comme c'est Atkinson, on ne va pas rechigner. J'en ai trois sur mes étagères, le confinement ne me fait pas peur!
RépondreSupprimerC'est lequel, ton préféré?
RépondreSupprimerJe ne sais plus. je sens que je les aime tous, et là je vais les relire (un jour?) avec une préférence pour les Jackson Brodie. Mais j'ai aimé Une vie après l'autre aussi...
RépondreSupprimerJe pourrais réponse, comme pour les Austen : mon préféré, c'est celui que je viens juste de lire!