10 août 2024

Montée aux Enfers 

de Percival Everett

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Nous suivons Ogden Walker, bon fils d'une adorable vieille maman, shérif adjoint noir d'une petite ville du Nouveau Mexique en train d'essayer de démêler une succession de meurtres inexplicables dans cette bourgade où ce genre de chose n'arrive généralement pas. Comme dit le shérif, "J'ai pris ce boulot parce qu'il ne se passe jamais rien ici."

Nous démarrons avec la visite qu'Ogden rend à une vieille dame qui a tiré à travers la porte sur "quelqu'un" qu'elle a entendu dans sa véranda, mais qu'elle n'a pas vu. Il n'y a pas de victime et peut-être a-t-elle vraiment eu une visite nocturne indésirée, mais peut-être aussi perd-elle la boule et se met-elle à tirer à tort et à travers... Dubitatif, Ogden préfère lui retirer son arme mais, l'ayant par ailleurs trouvée trop nerveuse et comme inquiète, il préfère rester dans le coin et, après avoir interrogé les voisins, surveille la maison depuis sa voiture. Au bout d'un moment, il y retourne, mais personne ne lui répond et pour cause, quand il finira par rentrer, ce sera pour découvrir Mme Bickers étranglée. Lui, de sa voiture, n'a vu aucun suspect!

Mais ce meurtre étonnant sera suivi d'assez nombreux autres, sans liens apparents entre eux et tout aussi incompréhensibles. Ogden enquête sur le terrain, avec le shérif qui reste plutôt dans le bureau. En dehors d'eux deux, les représentants de la loi sont Warren et Felton, le premier sur le terrain, souvent avec Ogden et le second à l'accueil. Et tout ce petit monde ne va pas chômer! Ils enquêtent dans tous les sens, de façon plutôt efficace mais sans résultat probants. A un moment (quatre morts dans une camionnette quand même!), le FBI viendra se mêler de l'affaire et suspectera même Ogden!

Un auteur que je ne connaissais pas et qui m'a été conseillé par "Je lis je blogue" et dont je lirai d'autres titres parce que c'est très bien fait. Très bon polar, vif et intelligent et dont la fin ne vous décevra pas. Je n'ai commencé à comprendre que vraiment dans les dernières pages. Pourtant, j'avais noté assez tôt une petite incohérence (eh oui, je prends des notes, même pour les polars) mais, ne réussissant pas à lui donner sens, je m'en étais détournée. C’est très bien écrit, pas de baisse de rythme et l'auteur nous mène exactement de là où il veut à là où il veut, par le chemin qu'il veut. Chapeau !


978-2330030667

06 août 2024

Le Cimetière des Livres oubliés 

T1 - L'Ombre du vent

de Carlos Ruiz Zafón

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Le premier volume de la série «Le Cimetière des Livres oubliés» de C. Ruiz Zafón est paru en France en 2004 et c''est à ce moment-là que je l'ai lu, comme beaucoup d'entre vous, et cela ne nous rajeunit pas. L'eau a coulé sous les ponts depuis et je l'avais en très grande partie oublié tout en en ayant gardé un souvenir assez enchanté. Il y avait eu un effet de surprise. On ne s'attendait pas au plaisir d'un tel roman. Il y avait de la littérature, de l'amour des livres, de l'amour tout court, du suspens, du danger, de l'aventure, du mystère (énormément), de la culture (ou du moins son impression)... c’était absolument captivant. Je l'avais vraiment beaucoup aimé. J'étais assez tentée de retourner voir ce que j'en penserai plus de vingt ans après et c'est ce que j'ai fait, aidée des audiolivres gratuits de ma médiathèque et des longues heures de route que je fais en été.

« L'Ombre du vent», ce premier tome nous fait découvrir les personnages centraux (et vous le verrez, centraux chronologiquement aussi, mais je vais trop vite, nous en parlerons dans les tomes suivants si je poursuis mon écoute). Nous faisons la connaissance du très jeune et attachant Daniel Sempere dont le père est libraire, spécialiste des livres rares. Nous sommes à Barcelone et la cruelle guerre civile s'est achevée il y a peu. Le roman commence quand Daniel est amené par son père en un lieu étrange et secret nommé " Cimetière des Livres oublié". C'est qu'il a atteint l'âge où il doit pénétrer dans cette gigantesque bibliothèque et choisir (ou être choisi par) un livre oublié de tous et qu'il devra protéger, consacrant sa vie à ce qu'il ne disparaisse pas totalement. Il choisit "L'Ombre du Vent" de Julián Carax. Il en entame la lecture sitôt rentré chez lui et est tellement séduit qu'il le dévore d'un coup. Il a tellement aimé sa lecture qu'il ne pense ensuite qu'à en savoir plus sur cet auteur et à lire tout ce qu'il a écrit d'autre, et c'est là que les mystères commencent puisqu'il s'avère que non seulement Carax et son œuvre ont disparu de la surface du globe, mais encore, qu’un mystérieux ennemi ne songe lui aussi qu'à trouver toute trace de l'écrivain et de ses livres, mais lui, pour en effacer toute trace! Qui agit ainsi? Et pourquoi? Qui est Carax? Que s'est-il passé dans ces pas si lointaines années de guerre civile?

Alors bilan ? Je suis un peu moins enthousiaste qu’il y a 20 ans (ce que c’est que de vieillir!) mais j’ai tout de même passé un très bon moment dans ce cimetière des livres oubliés et je ne vais pas bouder mon plaisir. J’ai déjà pris le tome 2 « Le Jeu de l'ange » dont je vous parlerai dès que je l’aurai écouté. Les pavés de l’été c’est aussi l’occasion de ces gros romans-plaisir et pas prise de tête (même si j’aime bien aussi les prises de tête).


 Le Cimetière des Livres oubliés :

1 - L'Ombre du vent

2 - Le Jeu de l'ange

3 - Le prisonnier du ciel

4 - Le Labyrinthe des esprits

978-2330135614


02 août 2024

 Au loin 

de Hernan Diaz

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Le "loin" du titre, c'est l'horizon reculant sans cesse aux confins des plaines et des déserts qui vont être l’environnement de notre héros pendant pratiquement toute sa vie. Au loin, c'est aussi New York que Hakan cherche à atteindre quand il se met en route. Quand sommes-nous? Ce n'est pas précisé, sans doute milieu du 19ème siècle, d'après le contexte. Où sommes-nous? En Suède d'abord, où la famille de Hakan mène une vie de misère, que dis-je, de famine, isolés dans leur pauvre ferme et surexploités par leur propriétaire. Un beau jour, le père parvient à payer une traversée vers l'Amérique pour les deux fils qui lui restent. Ce ne sont encore que des enfants (quel âge? On ne sait pas) mais c'est leur seule chance de survie, alors, ils iront, et seuls car le pécule ne permet que deux passages. Hélas, dans la cohue du départ, les deux enfants sont séparés et, Hakan se trompe de bateau. Au terme d'une longue traversée, c'est en Californie qu'il débarquera, et non à New York. Erreur non négligeable, mais il n’était de toute façon pas plus attendu en un lieu qu’en l’autre. Quant à Linus, l’aîné, peut-être est-il monté dans le bon bateau... La traversée a duré plusieurs mois, Hakan est devenu un adolescent, grand et beau. Il est à San Francisco, seul et sans le sou et entreprend de gagner New York à pied car il n'a aucune notion des distances. D'aucune distance d'ailleurs. A un moment, ayant marché très longtemps et se retrouvant dans le même paysage, il se demandera s'il n'a pas fait le tour du monde et ne se retrouverait pas à son pont de départ. C'est dire. Il est totalement inculte et son éducation très parcellaire se fera seulement au gré de ses rencontres. Mais de ce coté d'ailleurs, il n'est pas trop à plaindre. Du moins dans un premier temps. Ensuite, des rencontres, il n’en fera plus du tout. Et le voilà parti.

Et nous voilà partis avec lui. Comme nous le savons, nous, le voyage sera long. Et voilà notre jeune Suédois qui se transforme peu à peu en un vrai géant, une force de la nature. Une fois atteint sa taille adulte, il ne peut aller nulle part sans qu'on se retourne sur lui avec surprise, admiration, ou crainte... Cette particularité anatomique va faire son malheur. Alors qu'il chemine dans le désert avec une caravane de colons rencontrés depuis peu, voilà qu'une péripétie dramatique (je ne vous dis pas laquelle) fait basculer sa vie du mauvais côté. Après cela, considéré par tous comme un monstre et facilement reconnaissable à sa morphologie, il lui faudra absolument éviter les contacts humains et contourner toutes les villes. Sa progression vers un New-York de plus en plus mythique et un Linus qu'il croit de moins en moins revoir un jour, ne sera plus qu'une longue traversée du désert, au sens propre comme au figuré.

Une belle histoire, originale et poignante qui nous parle d'une Amérique en formation sans nous en cacher les larges parts d'ombre. Hakan et tous ceux qui l'entourent sont des immigrants qui ont quitté une Europe où ils ne parvenaient pas à se faire une place pour cette Amérique toute neuve, son or, ses terres à prendre, son "rêve américain", dont ils ne mettent pas longtemps à percevoir les mirages et où tout est beaucoup plus difficile qu'ils n'avaient prévu, eux qui sont pourtant déjà habitués à des vies difficiles. A ce régime-là, les règles de la morale s’érodent rapidement et le courage ne suffit pas toujours. Le lecteur, quant à lui, révise fortement à la hausse l'idée qu'il se faisait du taux de mortalité dans ces vagues de population européenne débarquées de l'autre coté de l'Atlantique.

On pense forcément aux Frères Sister ou à Faillir être flingué, mais le ton ici m'a paru plus sérieux. la partie où Hakan qui ne peut se montrer, erre indéfiniment dans le désert est un peu longue. Pour lui sans doute, mais pour le lecteur aussi car il ne se passe pas grand chose si ce n'est le récit justement de cette errance.

 ‎ 978-2264074393

29 juillet 2024

Michelle Annabella Katz, Premiers combats

Agence 13

de Serge Brussolo

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Préquel de la série d'aventures policières de Serge Brussolo intitulée "Agence 13", ce titre, qui correspond à 30-40 pages, n'a pas été publié sur papier. On ne peut le trouver qu'en version numérique, mais en contrepartie, il est gratuit. Cela peut-être une bonne façon de découvrir celle qui va devenir le personnage récurrent des aventures de l'Agence 13 et de savoir tout de suite si ce qui va lui arriver vous intéresse ou non.

En lui même, ce récit saura vous happer et ne vous laissera pas souffler. Il est cependant assez bizarrement et abruptement scindé en deux : l'enfance (atypique, vous le verrez), puis les débuts assez chaotiques dans la vie adulte.

Littérairement plutôt minimaliste, ce n'est pas un grand moment de la littérature d'aventures, mais j'en conseillerais tout de même la lecture pour mieux comprendre le personnage de Micky lors des aventures qui suivront. Pour ma part, j'ai lu certains des épisodes de L'agence 13 sans connaître ce préquel et cela ne m'a pas empêchée de les apprécier, mais maintenant, je pense que je les aurais mieux compris si je l'avais connu.

Voici le personnage :

NOM : Katz

PRÉNOM : Michelle Annabella dite Mickie

NATIONALITÉ : franco-américaine

PARENTS : père américain guide de haute montagne et terroriste en fuite, mère française artiste déjantée

FORMATION : diplômée des Arts-Déco à Paris

PROFESSION : décoratrice d'intérieur au sein de l'Agence 13, en charge de l'embellissement des anciennes scènes de crime afin de faire oublier à d'éventuels acheteurs ou locataires les événements atroces qui s'y sont déroulés.

SIGNE PARTICULIER : experte en self-défense et en techniques de survie en milieu hostile


Le série Agence 13 comprend 4 livres en version papier chez Fleuve Noir puis H&O pour le dernier. Les voici dans l'ordre mais ils peuvent parfaitement se lire comme on les trouve, tout à fait indépendamment les uns des autres:

Dortoir interdit

Ceux d'en bas

Le Chat aux yeux jaunes

Le Jardin des guerriers

et une aventure en E édition : Le Manoir de l'écureuil (en 2 parties)


A vous de jouer, si le préquel vous met en appétit.


25 juillet 2024

Le train zéro 

de Iouri Bouïda 

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 "Le train zéro", titre original "Don Domino" (surnom du personnage principal), a été nommé au Prix Booker russe. Il était le premier roman édité de Iouri Bouïda qui avait alors quarante ans. Il est paru en 1994. L'URSS s'était écroulée en 1991.

C'est un roman court (120 pages en français) mais qui paradoxalement ne se lit pas très vite. Il est dense et puissant, non qu'il soit lourd, au contraire. Une page en entraîne une autre et le lecteur suit sans peine le récit qu'on déroule devant lui. Mais ce n'est pas un chemin commode. Par certains cotés, on n'est pas loin de la forme théâtrale. Il se prêtait particulièrement bien à une transposition sur scène, ce qui a été fait, d'ailleurs.

Présentation de l'éditeur: "Une gare perdue au fin fond de la Russie, dans la boue, le froid, les relents de chou et de vodka. Et toutes les nuits, un train qui passe... Nul ne sait d'où il vient, où il va, ni ce qu'il transporte. Dans ce no man's land isolé du reste du monde vivent des gens qui aiment, espèrent, tuent et meurent, empoisonnés par l'attente d'une réponse qui ne vient jamais, par un mystère qu'il leur est interdit de chercher à connaître sous peine de mort."

Un jour, Ivan, Groussia, Vassia, Fira, Micha et d'autres ont été débarqués là, à la Station Neuf, avec un rôle précis: entretenir la voie qui comprend un pont, afin qu'un train, le Train zéro, long convoi de wagons de marchandises ("Deux locomotives à l'avant, cent wagons et deux locomotives à l'arrière") passe chaque jour sans anicroche. 

"Ça doit toujours être comme ça! S'il le faut, mourez, étripez-vous, tuez _ mais ce train doit passer sans prendre une seconde de retard et sans la moindre anicroche."

Le train ne fait que passer, il ne s'arrête pas. La Station Neuf n'est pas une gare. et d'ailleurs, que transporte-t-il, ce train qui grâce à eux, passe tous les jours depuis des années? Nul ne le sait, même le colonel, responsable de la Station, l'ignore. Il dit, "des marchandises", d'autres songent aussi secrètement, peut-être des opposants, vivants ou morts?... des Juifs? ... Les familles mêmes de certains qui sont ici? Est-ce possible? Certains ont essayé de s'accrocher aux wagons et d'aller avec lui voir ce qu'il y avait au bout de la ligne, mais ils sont peu nombreux. L'un est mort, l'autre est revenu fou et incapable de raconter quoi que ce soit. En attendant, la vie impose ses lois à la Station Neuf comme ailleurs: naissances, vieillissement, amour, maladies, blessures, vies misérables et ternes, décès... Mais l'amour, quand même.

Et au fil des décennies, tout ça qui vieillit mal mais qui tient quand même, jusqu'à ce qu'un beau jour, sans qu'on sache trop pourquoi, ce soit fini. Que des trains, de voyageurs cette fois, rares, mais existants, se mettent à passer et à emmener où ils veulent (mais où?) ceux qui décident de partir. C’est à dire tous, sauf Don Domino.

Beaucoup  y ont vu la critique du régime soviétique qui venait de s'effondrer, et ils avaient raison, mais cela ne peut-il pas aussi s'élargir au passage de l'homme sur terre dans une existence sur le sens de laquelle il ne peut avoir aucune certitude, même pas la certitude qu'elle en ait un.


978-2070136797



21 juillet 2024

La vraie Vie 

d’Adeline Dieudonné

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Première remarque: ce roman vaut bien mieux que sa couverture en Livre de poche ne le laisse supposer. Ils lui ont fait une couverture genre "chick lit", je ne sais pas pourquoi, mais ce que je sais, c'est que si on me l’avait proposé dans cette version, je ne l'aurais pas pris, et j’aurais raté quelque chose. Heureusement, la couverture de la version brochée (ci-dessous) est bien meilleure. De toute façon, pour moi, ça a été la version audio, et on est dans le thriller ou roman noir, pas dans la chick lit. 

Pour l'histoire, la narratrice est une petite fille qui a 10 ans au début de l’histoire, 15 à la fin. Elle vit avec ses parents et son petit frère qui a 4 ans de moins qu'elle, dans une cité pavillonnaire (moche, mais comme elle s’en aperçoit déjà, cela dépend beaucoup de ce que chaque famille met dans son foyer) . Elle l'adore Son frère et passe son temps avec lui. Le père, un maniaque de la chasse, est toxique et fait régner dans la maison une tension de violence sous-jacente permanente qui devient de moins en moins sous-jacente et de moins en moins maîtrisée. La mère est dépassée. Elle s'occupe peu de ses enfants qui le lui rendent et ne s'intéresse qu'à ses animaux domestiques pour compenser. Elle est en train d’évoluer peu à peu de femme soumise à punching ball.

Quand les enfants avaient 6 et 10 ans, il est arrivé un accident épouvantable qui les a irrémédiablement traumatisés, et ce d'autant plus qu’aucune aide psychologique ne leur a été apportée, ni même aucun réconfort de leurs parents qui ont minimisé la chose à l’extrême. Cependant, ils ne s'en sont jamais remis. A partir de ce moment-là, Gilles a été détruit et la narratrice a décidé que ce qu'elle vivait ne pouvait pas être la" vraie" vie, que ce n'était bien sûr qu'un brouillon qu'elle allait s'empresser de jeter et de remplacer par une seconde chance. Elle se tourne d'abord vers la magie (c'est une enfant) puis, lourdement désillusionnée, vers la science. Elle inventera la machine à remonter le temps et ramènera Gilles et elle-même au moment qui a précédé le drame, pour tout recommencer. Cette décision lui fera se lancer à corps perdu dans les études scientifiques et, sans arrêt aiguillonnée par le désastre sans cesse croissant qu'est la vie de Gilles depuis, elle pulvérisera tous les niveaux d’étude qu'on lui présentera. Parallèlement, à la maison, tout va de mal en pis : la violence malade de son père, l'état psychologique de son frère, le danger qui menace en permanence sa mère et bientôt elle aussi. Par ailleurs, elle passe d'un corps de 10 ans à un corps de 15, aussi gourmand de vie que de connaissances scientifiques.

Un thriller où la tension monte lentement mais inexorablement, ne vous laissant pas une minute de répit jusqu'au final sur lequel je ne vous donnerai aucun indice. Je vous conseille d'ailleurs de ne lire aucun autre billet sur ce livre avant de l'avoir vous-même dévoré car je vois trop bien comment un mot malheureux pourrait vous gâcher la moitié du plaisir.

"La vraie vie" est le premier roman d'Adeline Dieudonné et, d'après la critique, son meilleur, mais en ce qui me concerne, je ne puis me prononcer car c'est le seul que j'aie lu d'elle. 

Pour info:   Grand Prix des Lectrices Elle, "La vraie vie" remporte aussi le Prix Première Plume 2018, le prix du roman Fnac 2018, le prix Renaudot des lycéens 2018, le prix Filigranes, le prix Goncourt choix de la Belgique, le prix Goncourt choix de l'Italie, le prix du Premier Roman de Chambéry et le prix Victor Rossel 2018. En 2020, dans la quarantième édition de son guide annuel du thriller influent, le magazine néerlandais Vrij Nederland proclame la traduction néerlandaise de "La Vraie Vie" (Het echte leven) « Thriller de l'année ». (Wikipedia)

A vous de jouer!

Inganmic l'a lu aussi.

‎‎ 978-2378800239



17 juillet 2024

Le Couteau 

Réflexions suite à une tentative d'assassinat

de Salman Rushdie 

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Il y a presque 40 ans, des illuminés à la recherche de boucs émissaires et ayant mal lu un roman, ont décidé de condamner un écrivain à mort. On est restés sans voix. Ça avait l'air d'une histoire de fou, ou d'une blague. Mais ce n'en était pas une et ces gens qui croient qu'ils peuvent massacrer tous ceux qui disent un mot qui leur déplaît avaient bel et bien l'intention de passer à l'action. La vie de l'écrivain en a été changée, mais notre vie à nous tous, également. On était passés dans une ère où l'obscurantisme le plus opaque et le plus criminel pouvait sévir jusque dans les pays occidentaux. Et tout ce que certains (même des écrivains, Rushdie nous rappelle leurs noms) ont trouvé à dire, c'est que l'on n'aurait pas dû les contrarier! et qu'il fallait respecter leur sensibilité (!). Apparemment plus que la vie des athées. Heureusement, d'autres ont tenté de rappeler que nous étions au 21ème siècle, et leurs noms sont aussi cités*. J'ai décidé de lire et commenter ici un des romans de chacun d’eux, même si j'ai en même temps constaté que c'étaient des gens que j'avais déjà lus et aimés, et plus aucun livre de ceux du premier groupe.

Je rappelle cela pour le contexte historique car le 12 août 2022, un fanatique est finalement parvenu à poignarder Salman Rushdie, 75 ans, qui a frôlé la mort et qui après des mois de soins, gardera des séquelles de la lâche agression. Je considère que ce livre fait partie des soins. Pour dépasser ce traumatisme, il a fallu à l'écrivain, le déposer en ces pages et c'est ce qu'il a fait. Et fort bien fait.

« Je compris qu’il fallait que j’écrive ce livre que vous etes en train de lire avant de pouvoir passer à autre chose. Ecrire serait pour moi une façon de m’approprier cette histoire, de la prendre en charge, de la faire mienne, refusant d’être une simple victime. J’allais répondre à la violence par l’art. »

Nous n'avons donc pas là un roman, ni même une des ces horribles "autofiction", mais bel et bien un témoignage et un bilan de ce qui s'est passé. Cela prend 268 pages, c'est précis, humain, émouvant et intelligent. C'est profond et juste, comme l'est Rushdie, pour ce qui est de la réflexion et de l'analyse. C'est détaillé pour ce qui est des évènement et des soins.

C'est également, et de façon inattendue, une très belle histoire d'amour. Car Salman a sur le tard enfin rencontré la femme de sa vie! et cette terrible épreuve a projeté leur relation à un autre niveau, lui faisant atteindre ce qui normalement met des années, voire des décennies, à se construire. Ces écrivains, tout de même, semblent tous finir par trouver leur alter-ego!

De toute façon, que vous le lisiez ou non, il faut acheter ce livre et l’avoir dans votre bibliothèque, pour montrer qu’on ne se laissera pas museler. Et rappelons-le :

« Selon moi, la croyance privée de quelqu’un ne regarde personne d’autre que l’individu concerné. Je n’ai aucun problème avec la religion dès lors qu’elle occupe la sphère privée et ne cherche pas à imposer ses valeurs aux autres. Mais lorsque la religion devient politique, quand elle devient une arme, c’est l’affaire de tous en raison de son pouvoir de nuisance. (…) Quand les croyants estiment que leurs croyances doivent être imposées à ceux qui ne les partagent pas, ou quand ils pensent qu’il faut empêcher les non-croyants d’exprimer avec vigueur ou avec humour leur incroyance, il y a un problème. (…) Dans la vie privée, croyez ce que vous voulez. Mais dans le monde tumultueux de la politique et de la vie publique, aucune idée ne saurait être protégée et soustraite à la critique. »


* Paul Auster, Colum Mccann, Hanif Kureichi, Martin AmisOrhan Pamuk, Ian McEwan et j’en oublie peut-être. Dites-le moi.

978-2073033987



13 juillet 2024

 

"L 'eau et la terre" 

"Lendemains de cendres"

Séra

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Cette bande dessinée n'est pas de la fiction (malheureusement). Elle raconte les terribles années meurtrières que le Cambodge a connues et les massacres gigantesques qui y ont été perpétrés et que la justice a ensuite choisi d'ignorer, faute peut-être de pouvoir faire autrement, mais en tout cas, c'est ce qu'elle a fait.

Le premier volume, "L 'eau et la terre" commence le 17 Avril 1975, date à laquelle les Khmers Rouges ont décidé de vider toutes les villes du pays de leur population pour jeter celle-ci sur les routes, vers des campagnes utopiques où ils seront censés se rééduquer et participer aux travaux agricoles. Tous n'étaient bien sûr pas en état de quitter leur maison, on n'en tint pas compte. Toute rébellion -réelle ou incapacité d’obéir- était massacrée. Une espèce de folie meurtrière incompréhensible s'est emparée des Khmers Rouges soutenue par des discours idéologiques extrémistes et dénués de toute base. De plus en plus abstraits, de plus en plus meurtriers: servir le pays, écraser les ennemis du progrès, les rééduquer férocement, les faire taire, leur faire avouer leurs crimes, leur infliger des souffrances, les punir, les contraindre, les tuer... Un cauchemar sans limite. Sans espoir. Une horrible page de l'Histoire humaine. Quelque chose que je suis incapable de comprendre, qui m'oppresse et me fait peur car il rappelle qu'il n'y a pas de limite à ce que l'homme peut faire, dans le pire plus encore que dans le meilleur.



Le deuxième volume, "Lendemains de cendres" commence en 1979, et suit un jeune homme qui tente de fuir vers la Thaïlande. Au Cambodge la situation n'a fait qu'empirer. Le pays est dévasté. Les Khmers rouges ont tué tant de monde qu'ils en sont à se dévorer entre eux car leur folie meurtrière n'est pas assouvie et ne le sera clairement jamais, vu qu'elle ne mène à rien. Routes, déplacements de populations, camps, misère, famine, massacres, emprisonnements, torture, survie etc.


Quelle tristesse! Quel désespoir! Deux bandes dessinées documentaires pour dire ce qui est arrivé au Cambodge ces années-là. Pour témoigner. De très beaux dessins sombres pour montrer l'indicible et ne pas laisser le rond dans l'eau disparaître sans aucune trace dans le silence de l'Histoire. Ces vagues exterminatrices sont la marque des régimes totalitaires. Cela a existé, cela peut recommencer, ici ou ailleurs. Parfois des peuples entiers sont pris d'une folie meurtrière et sadique, généralement parée de grandes justifications théoriques et alors, l'Enfer est vraiment sur terre et il n'est que l’œuvre des Hommes.

Il y a un troisième album qui traite de cette page d’Histoire : « Impasse et rouge », mais je ne l’ai pas lu.

Des documents terribles, que Séra (de son vrai nom Phoussera Ing), Cambodgien né en 1961 et qui a quitté son pays pour la France en cette funeste année 1975, a bien fait de maintenir à la lumière, car il faut dire ces choses.

Un choc pour le lecteur. Une dévastation.


9782847897289          9782756006239

            


09 juillet 2024

 Mamie Luger

de Benoît Philippon

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J'ai entrepris cette lecture dans un but récréatif et elle a parfaitement rempli son rôle. C'est un polar aussi. Il n'y a pas d’enquête à mener, coupable et victimes vous sont servies sur un plateau, mais il y a bel et bien un nombre conséquent de meurtres et assassinats.

Ça commence fort. Le GIGN est en action, une forcenée armée retranchée dans sa maison a tiré sur son voisin, le blessant et annonce son intention de faire d'autres victimes. Complication: la forcenée a 102 ans, ce qui fait qu'une simple balle dans la tête par un tireur d'élite risque d'être mal perçue par l'opinion publique, surtout avec tous les médias autour. Fort heureusement, elle finit par se rendre et nous ferons alors connaissance de l'inspecteur Ventura, chargé d'interroger la dame et de rédiger le procès-verbal.

Pendant que la grand-mère, au commissariat, commence à expliquer pourquoi elle a tiré sur son voisin, les différents services d'investigation visitent sa maison et font à la cave de bien étranges découvertes... et je ne parle ni de l'alambic, ni de la réserve de gnôle. Ils s'intéressent plutôt à ce qui se trouve dessous... à savoir un, puis plusieurs cadavres (je vous laisse découvrir combien), non décédés de mort naturelle. La mamie ne nie rien et raconte même volontiers cette longue (eh oui, 102 ans, ce n'est pas rien) histoire compliquée (et plutôt violente) qu'a été sa vie. Je ne vous en dis pas plus pour l'histoire, je ne voudrais pas vous gâcher le plaisir de la découverte.

Pour le récit et l’écriture, je lis ici ou là que le style est contesté, eh bien moi, curieusement, je l'ai trouvé très fluide et plutôt agréable, plus par exemple que celui de Jacky Schwartzmann lu peu auparavant. Bien sûr, ce n'est pas du Simenon, mais de ce côté, rien ne m'a trop gênée. Un petit exemple de savoir-faire? Il n’y a qu’à demander :

"- Je disais donc que vous voir pratiquer un travail d'homme était fascinant.

- Vous savez, dans cette maison, y a que des femmes, alors le travail d'homme, c'est pas une nuance qu'on se permet. Y a du travail, et faut le faire, c'est tout.

Et Berthe a ponctué son raisonnement philosophique d'un coup de marteau sec sur un clou récalcitrant, faisant bondir un bout de sein hors de son corsage. Son mamelon rose est apparu brièvement, le temps pour Lucien de s'empourprer comme une tomate un jour de canicule."

Ca n’est pas comme si vous y étiez ?

 Il y a des scènes d'anthologie qu'on visualise particulièrement bien, drôles (comme la demande en mariage du dit Lucien sur un toit) ou violentes. Comme dit l'inspecteur, "Vous êtes un peu soupe au lait quand même."

 Pour la vraisemblance, toi qui entres dans ce livre, abandonne tout espoir. Bien sûr que c'est plein de raccourcis, d'exagérations et d'invraisemblances, mais personnellement, dans les polars, j'aime autant. Les récits détaillés, précis, bien sordides et bien glauques, très peu pour moi. Ca ne m'intéresse pas, j'ai déjà la réalité tout autour. Donc pas tracassée non plus de savoir si une femme de plus en plus âgée au fil du temps et des meurtres peut transporter et enterrer ses victimes dans la caves, s'il est bien normal que les disparus soient si peu recherchés ou toute autre invraisemblance. Le livre fait quand même 450 pages d"'exécutions", alors bien sûr que ça tourne au systématique et grand guignol, que c'est exagéré et que la mamie règle de plus en plus facilement tous ses problèmes à coup de fusil, mais arrivé là, le lecteur est embarqué er ricane sans plus se poser de questions.

Donc, un bon moment de détente pour qui est décidé à ne rien prendre au sérieux et pour tout dire, un joli final, assez inattendu (pour moi du moins).

978-2253241485

04 juillet 2024

La Cité des nuages et des oiseaux

d’ Anthony Doerr

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J’ai été désarçonnée au début par ce gros roman (plus de 800 pages) aux chapitres disparates qui avait l’air d’un gros fouillis incompréhensible ; et c’est ce qu’il est tant qu’on n’en a pas trouvé le personnage principal, alors je vous le dis tout de suite, le personnage principal est un livre : "La Cité des nuages et des oiseaux" d’un certain Antoine Diogène, supposé auteur grec de l’antiquité. Ou plutôt non, ce livre n’est pas le vrai personnage principal, il n’en est que l’incarnation. Le personnage principal est la Littérature. Si vous avez bien cela en tête, tout va se mettre en place avec le plus grand naturel au fur et à mesure que vous tournerez les pages.

 Il y a six personnages principaux (et même sept si on compte Diogène, l’auteur du conte), vivants dans des lieux et des époques très différents et sans rapport entre eux. Sans rapport ? Pas tout à fait, bien sûr. Ils ont tous un lien fort avec le livre dont je vous parlais qui est l’histoire d’un berger un peu benêt, racontée par lui-même. Il rapporte les mésaventures qu’il a vécues quand il a décidé de quitter son village natal pour courir le monde à la recherche d’une sorcière capable de le transformer en oiseau "de préférence un aigle farouche ou une splendide chouette" afin de pénétrer dans un monde idéal, une sorte de paradis où seuls les oiseaux peuvent aller. Nos autres héros, que nous ne rencontrerons pas non plus par ordre chronologique sont Konstance, jeune adolescente, seule à bord d’un vaisseau spatial où tout est géré par le robot Sybil. Il y a aussi Anna petite fille apprentie brodeuse surexploitée dans la Constantinople du Moyen-Age où elle obtiendra le livre ; puis Omeir, paysan bulgare de la même époque, enrôlé de force dans le siège de Constantinople, justement. Viennent enfin Zéno, immigré grec ostracisé du milieu du 20ème siècle aux USA, puis Seymour, jeune autiste du 21ème siècle qui ne supporte pas les atteintes à la nature qu’il voit autour de lui et qui n’a qu’une mère très pauvre pour l’aider...

A chaque fois, dans les situations les plus critiques voire désespérées et désespérantes qu’ils vivaient, le livre était là et la littérature les a sauvés, au moins partiellement.

 C’est énorme, protéiforme, luxuriant. Ça part dans tous les sens semble-t-il mais tout est en fait millimétré avec une maîtrise parfaite par Anthony Doerr qui avait obtenu le Prix Pulitzer pour son précédent roman "Toute la lumière que nous ne pouvons voir" et a reçu le Grand prix de littérature américaine pour celui-ci. Un roman extrêmement bien écrit que je conseille vivement si vous vous sentez capable de vous lancer dans un voyage au long cours plein de rebondissements et de surprises et plein tout autant de l’éternel humain dont nous sommes tous et porteurs et témoins.


 978-2253249030

 816 pages 

29 juin 2024

Americana 

(ou comment j'ai renoncé à mon rêve américain)

de Luke Healy

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Luke Healy, Irlandais, a toujours voulu vivre aux États Unis. Il a obtenu ou pas, selon les années des visas pour y passer des périodes d'études et son projet initial était de s'y installer et rejoindre la cohorte des Irlandais partis se faire une nouvelle vie "en Amérique". Mais Luke est un artiste. Plus précisément, il travaille dans la bande dessinée et on dirait que les USA ne recherchent pas particulièrement des immigrants dans cette branche, si bien qu'après plusieurs déceptions, il commence à envisager de renoncer à son projet, mais auparavant, il voudrait accomplir un dernier exploit: réussir le Pacific Crest Trail qui va du Mexique au Canada « en traversant 25 parc nationaux ».

"Le Pacific Trail traverse des déserts arides, des sommets enneigés, des forêts quasi tropicales et sillonne les Etats de Californie, d'Oregon et de Washington.   


Exploit sportif considérable alors que Luke n'est pas spécialement sportif, exploit humain personnel car il s'y engage seul et que c'est seul qu'il devra affronter ces heures, jours et semaines de marche difficile, ces nuits sous la tente, ces bivouacs sous la pluie et les éventuels coups durs (comme la visite d’un ours). Luke n'est même pas un campeur expérimenté. Il finit de nombreuses nuits sous une tente effondrée car nous sommes avant l'invention des tentes-parapluies et il s'avère que notre randonneur ne sait même pas fixer une tente correctement. Au début, il n'est même pas un très bon marcheur. En clair, notre héros manque d’entraînement, "Il n'y a pas de déserts en Irlande".

Sur le chemin du trail, on rencontre assez souvent d'autres randonneurs avec lesquels on discute, on échange des informations, des conseils, d'autant que certains n'en sont pas à leur premier passage, on se lie d'amitié. Des groupes se forment mais ils sont éphémères car c'est une marche que chacun doit faire à son rythme. Luke est lent, de toute façon, il ne peut rester longtemps avec aucun groupe. Tous échangent néanmoins camaraderie, solidarité, partage et soutien mutuel bien que chacun se doive d'être autonome. Ils se retrouveront plus loin ou non. Peut-être à l'occasion d'une halte dans une bourgade, McDo, motel... Beaucoup abandonneront à un moment où à un autre du parcours, que cela soit prévu ou non. Pour Luke, je vous laisse le découvrir vous même.

Voici le départ: "Une centaine de personnes seulement parviennent chaque année à boucler le PCT*. Entre le kilométrage monstrueux et la fenêtre météo extrêmement réduite, ce trek est impitoyable. Je triture encore mon sac à dos comme si je n'avais pas passé les deux derniers jours à vérifier son contenu. Au nord, je devine l'étendue du désert derrière les collines environnantes. Cette langue de terre américaine sera mon foyer pour les cinq prochains mois. Le compte à rebours a déjà commencé, mieux vaut ne pas y penser." D'autant que dans cinq mois, son visa aussi arrivera à expiration et que, parcours terminé ou non, réussi ou non, il devra quitter les USA sans aucune prolongation possible.

Mi-pages de lecture, mi-bande dessinée comme on le voit ici :

avec un dessin et un choix graphique parfaitement adaptés et un personnage (l'auteur) que j'ai trouvé particulièrement attachant, « Americana » est toujours agréable à lire et constitue un vraiment excellent récit de trail, une expérience de vie, l’occasion d’un bilan et un tournant dans la vie du narrateur tant il est vrai que la marche y est propice, alors 4000 km, vous pensez !

978-2203211933



24 juin 2024

Le problème à trois corps

de Cixin Liu

***+


Je me suis lancée dans la lecture de ce roman de science fiction parce que la série était sur Netflix et je ne veux pas regarder la vidéo avant d’avoir lu le roman dont elle est inspirée. Ce "problème" est le premier volume d’une trilogie* mais je peux dire dès maintenant que je n’irai pas plus loin et voici pourquoi :

Tout d’abord une quatrième de couverture bien intrigante, qui vous donne envie d’aller voir tout cela de plus près : En pleine Révolution Culturelle, le pouvoir chinois construit une base militaire secrète destinée à abriter un programme de recherches de potentielles civilisations extra-terrestres. Ye Wenjie, une jeune astrophysicienne en cours de «rééducation» parvient à envoyer dans l’espace un message contenant des informations sur la civilisation humaine. Le signal est intercepté par les Trisolariens qui s’apprêtent à abandonner leur planète mère, située à quatre années lumières de la terre et menacée d’un effondrement gravitationnel provoqué par les mouvements chaotiques des trois soleils de son système. En raison de la distance, Ye Wenjie met près de huit ans à recevoir la réponse des Trisolariens. Elle tient désormais entre ses mains rien de moins que le destin des l’espèce humaine.

Trente-huit ans plus tard, alors qu’une étrange vague de suicides frappe la communauté scientifique internationale, l’éminent chercheur en nanotechnologies Wang Miao est témoin de phénomènes paranormaux qui bouleversent ses convictions d’homme rationnel. Parmi eux, une inexplicable suite de nombres qui défile sur sa rétine, tel un angoissant compte à rebours…

Avouez qu’il y a de quoi avoir envie d’y jeter un œil. Malheureusement, j’ai assez rapidement déchanté. Après un démarrage tonitruant avec une scène très violente de la Révolution Culturelle, les choses s’embrouillent quelque peu. D’abord, le style n’est ni beau, ni habile. Impossible pour moi de savoir si cela tient à l’art de Liu Cixin ou à la traduction, mais disons que c’est une écriture fonctionnelle. Le problème majeur qui se pose très rapidement au lecteur, c’est celui des personnages : une avalanche de noms chinois pas évidents à reconnaître pour nous, a tenté de me submerger et y serait parvenue sans aucun doute si je ne m’étais pas rapidement mise à prendre des notes : nom, prénom, fonction. J’en ai bientôt eu une assez longue liste vers laquelle je me suis souvent tournée pour savoir de qui on me parlait. Ensuite vient le problème des ambitions scientifiques. L’action est sans cesse ralentie par de grandes tartines d’explications physiques, astronomiques, mathématiques etc. longues de plusieurs pages, vraiment. Ces explications ne riment à rien. Elle lassent le lecteur, coupent toute action et ne prouvent rien au final parce justement, ce n’est pas réel. Et puis bon, les ambitions scientifiques ont intérêt à être modestes quand sur la même ligne, on parle d’une ligne infinie et qu’on donne sa longueur (fin p. 393).

En ce qui concerne la valeur psychologique, ce n’est pas mieux. Les relations de Ye Wenjie avec sa fille me plongent dans un abîme de perplexité (je verrai que la série a essayé de rattraper le coup sans vraiment y parvenir). Je ne développe pas pour ne pas divulgâcher mais quand même, on n’y comprend rien. Par ailleurs, la plupart des personnages, même importants comme Wang Miao n’ont aucune vie en dehors du déroulé de l’histoire. Ce qui explique sans doute que la version filmée n’ait tenu aucun compte du roman dans ce domaine et ait joyeusement redistribué les rôles, n’hésitant pas à supprimer et créer. La pointilleuse parité qui règne maintenant sur les productions nous vaut aussi une éventail scrupuleux des genres et couleurs de peau parmi les protagonistes alors que les personnages d’origines sont tous chinois et majoritairement mâles.

Vous l’avez sans doute senti venir, tout cela se termine un peu dans le flou, d’autant qu’il y a une suite pour dans quelques siècles mais même cette première partie reste en suspens. J’ai vraiment dû m’entêter pour aller au bout, au point qu’à 5 ou 6 pages de la fin, j’ai failli refermer le livre pour ne jamais le rouvrir. Mais comme il y avait quand même eu une scène surprenante et inventive (« la cithare de mort »), je lui devais ça. Ce passage sur le Canal de Panama est un vrai morceau de bravoure et pourrait justifier la lecture du roman. Le problème de ce roman, c’est vraiment l’écriture, la lourdeur, le manque de rythme, les longueurs… cependant l’histoire en elle-même n’est pas mauvaise et aurait pu être mieux servie pour nous offrir un livre captivant. Je me demande si les versions en série vidéo ou en bande dessinées sauront corriger les défauts.

Je me demande comment la série de Netflix a géré tout cela. Pour l’instant je n’ai regardé que 3 épisodes sur 8 ce qui correspond environ à la page 300 et quelques du livre qui en comporte 512 (quand je vous disais que le début s’enlise dans les longueurs. La vidéo à dégraissé). Il reste donc 5 épisodes de la série pour les 200 et quelques dernières pages, à moins qu’ils n’aient regroupé les 3 volumes de la trilogie sous le titre du premier... Je reviendrai peut-être compléter ici quand je les aurai vus (si je vais jusqu’au bout parce que ce n’est pas enthousiasmant non plus).

Je suis revenue, donc bilan: Ce n'est pas emballant non plus en vidéo mais tout de même, ça prend un peu de rythme sur la fin. Cependant, je pense que s'il y a d'autres saisons, je ne m'y intéresserai tout de même pas. Juste noté une péripétie qui m'a fortement rappelé "Mars attacks", résultat: j'ai failli rire à un moment dramatique...


Trilogie:

Le Problème à trois corps

La Forêt sombre

La Mort immortelle



978-2330181055

‎ 512 pages