Huit millions de façons de mourir
de Lawrence Block
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Nous nous trouvons là face à un de mes polars préférés et, pour moi, le meilleur Lawrence Block.
Il est de facture tout à fait classique dans la forme et même, sans doute dans l'intrigue, et il a cependant une totale originalité dans la façon « psychologique », j'avais envie de dire humaine, dont l'histoire est traitée.
Voici la recette. On prend une bonne vieille histoire de privé new-yorkais qui descend les bourbons, quelques flics, quelques truands fort antipathiques et d'autres qui le sont moins, une mégapole, des bars, des putes qui se font assassiner... Cette recette-là a été utilisée 100 fois ou plus. Elle marche ou non selon le talent du cuisinier, pas de problème.
A partir de là, Block nous concocte un roman à au moins quatre étages : une intrigue policière, une vision d'un problème social, l'histoire d'un alcoolisme et une réflexion sur la mort.
J'avais acheté ce livre pour son titre. J'ai été bien inspirée. Ce qui fait la différence, avec « huit millions de façons de mourir », apparaît, me semble-t-il dès le titre. Ce titre, qui n'a pas de rapport avec l'enquête comme c'est la règle générale, mais avec tout autre chose, nous alerte dès la couverture sur l'autre dimension du roman. (Je précise tout de suite que c'est la traduction littérale du titre original.) Qui sont les huit millions de morts ? Les New-yorkais, comme cela pourrait être la population mondiale, avec un autre nombre.
Lawrence Block ne s'est pas contenté de nous livrer un détective qui boit, il a admis que cette attitude, si commune aux détectives de romans, posait problème, était un problème ; et il a entrepris de nous décrire le mal-être qui fait qu'il boit.
Les multiples façons, souvent pathétiques, indignes, grotesques, absurdes dont les gens meurent en font partie. Comme en fait partie le fait qu'on ne puisse plus croire dans la justice (lois, juges, etc.), ni dans la capacité de la police à vous protéger. Block nous décrit une jungle en deçà des lois, qui devient notre lot quotidien. Le « On ne peut rien faire » est la constatation que Scudder, notre privé, ne peut accepter, celle qui le fait boire; mais cette enquête le prend au moment où, s'apercevant qu'il n'est plus que l'objet de sa dépendance, il ne peut plus l'accepter non plus.
« Mes mains avaient une volonté indépendante de la mienne et elles avaient décidé de trembler.» Il y a des descriptions cliniques de l'alcoolisme que le privé fait sur lui-même et, avec les réflexions sur la vie et la mort, cela donne au livre un sens profondément humain que n'ont généralement pas les polars. On sent que tout est faux dans cette histoire? sauf ce combat là.
PS: Il y a eu une édition sous le titre "Huit millions de morts en sursis". Il y a également eu un film avec Jeff Bridges, Alexandra Paul, Rosanna Arquette et Andy Garcia, mais je ne vous en parlerai pas, je ne l'ai pas vu. A-t-il, lui aussi dépassé le stade du simple polar? ...
Série Matt Scudder
1. Les Péchés des pères - The Sins of the Fathers (1976)
2. Tuons et créons, c'est l'heure - Time to Murder and Create (1977)
3. Au cœur de la mort - In the Midst of Death (1977)
4. Le Coup du hasard - A Stab in the Dark (1981)
5. Huit millions de façons de mourir - Eight Million Ways to Die (1982)
6. Le Blues des alcoolos - When the Sacred Ginmill Closes (1986)
7. Drôles de coups de canif - Out on the Cutting Edge (1989)
8. Un ticket pour la morgue - A Ticket to the Boneyard (1990)
9. Une danse aux abattoirs - A Dance at the Slaughterhouse (1991)
10. La Balade entre les tombes - A Walk Among the Tombstones (1992)
11. Le diable t'attend - The Devil Knows You're Dead (1993)
12. Tous les hommes morts - A Long Line of Dead Men (1994)
13. Même les scélérats... - Even the Wicked (1997)
14. Ils y passeront tous - Everybody Dies (1998)
15. Trompe la mort - Hope to Die (2001)
16. Les fleurs meurent aussi - All the Flowers Are Dying (2005)
17. Entre deux verres - A Drop of the Hard Stuff (2011)
978-2070793600
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