Les choses
de Georges Perec
****+
Société spectaculaire marchande
«Les choses» est le premier roman publié par Georges Perec et il obtint le Prix Renaudot en 1965. Pour un premier livre c’était un bon départ, il était fait pour cette époque et trouva tout de suite son public. Les ventes ne furent pas décevantes.
Ces «choses», ou «histoire des années soixante» arrivaient fort bien et aidaient tout un chacun à réfléchir et faire le point sur ce qu’il sentait bien, au moins confusément : les modifications dues à l’avènement de la société de consommation. Nous n’en étions encore qu’à la société «marchande», mais la société «spectaculaire» n’est pas loin et certains l’avaient bien vue approcher.
Ce roman suit un couple jeune et bien uni, tant par des goûts et convictions communs que par les sentiments. Ce sont Jérôme et Sylvie, ce sont «ils». Leur histoire est contée au passé sans beaucoup de commentaires, tendant parfois vers le simple compte-rendu quand ce n’est pas la liste (mais c’est un procédé bien sûr et le style est en réalité incisif, net et précis). Et leur histoire donc, semble se limiter à un insatiable besoin de consommer, une inextinguible soif de possessions luxueuses. Leurs pensées ne sont que listes, mais leur avidité les consume sans leur apporter quoi que ce soit : «Leur vie n’avait été qu’une espèce de danse incessante sur une corde tendue, qui ne débouchait sur rien : une fringale vide, un désir nu, sans limites et sans appuis. Ils se sentaient épuisés.»
Plus tard, tout à coup, pour l’épilogue, on gardera le «ils», mais on passera au futur et les phrases se feront plus courtes. Comme si ce futur était déjà joué, bien que non encore advenu, ou alors advenu, mais si prévisible qu’il ne mérite pas plus que d’être expédié de cette façon laconique et brève. Pourtant, «Les choses» se terminent sur une ouverture. Leur vie change et elle se déplace à nouveau. Cette fois ce sera Bordeaux.
L’ouvrage était d’inspiration autobiographique. Georges Perec ressentait en lui-même le problème que posaient l’abondance de ces biens offerts et le désir insatiable artificiellement créé par cette situation. Ce problème, c’était bien l’histoire des années soixante et en lui donnant corps et voix, Perec se fit l’écho de ce que bon nombre ressentaient. Il fut donc leur voix à un moment où il était justement grand temps de s’exprimer là-dessus et je pense qu’il est inutile d’aller chercher plus loin, c’est à cela, comme toujours dans ces cas-là, qu’il dut son succès. Il avait su dire. Ce qui n’est pas rien.
On retrouve encore une autre part d’autobiographie dans le séjour à Sfax où Pérec passa lui-même un an comme ses héros qui s’y sentirent si déracinés qu’ils y perdirent même leurs pulsions d’achat.
PS: L'écrivain Alain Rémond s’est aventuré à imaginer une suite aux Choses. Il a cueilli Sylvie et Jérôme à leur arrivée à Bordeaux et les a accompagnés pendant encore un bon bout de chemin. ( «Les images»)
978-2266170123
J'ai lu ce roman très jeune et il m'a marquée. Je l'ai précieusement dans ma bibliothèque et parfois je regarde juste la couverture...
RépondreSupprimerBon week end !
Ca vaut le coup de le relire. C'est ce que j'ai fait. Il n'est pas gros et il a très bien vieilli
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